Marx Dormoy — Wikipédia

Marx Dormoy
Illustration.
Marx Dormoy en 1932.
Fonctions
Sénateur français

(2 ans, 6 mois et 16 jours)
Élection 23 octobre 1938
Circonscription Allier
Groupe politique SFIO
Ministre de l'Intérieur

(28 jours)
Président Albert Lebrun
Gouvernement Léon Blum II
Prédécesseur Albert Sarraut
Successeur Albert Sarraut

(1 an, 1 mois et 25 jours)
Président Albert Lebrun
Gouvernement Léon Blum I
Camille Chautemps III
Prédécesseur Roger Salengro
Successeur Albert Sarraut
Sous-secrétaire d'État
à la présidence du Conseil

(5 mois et 20 jours)
Président Albert Lebrun
Gouvernement Léon Blum I
Prédécesseur Jean Zay
Successeur François de Tessan
Député français

(6 ans, 11 mois et 1 jour)
Élection
Réélection 1er mai 1932
26 avril 1936
Circonscription Allier
Législature XIVe, XVe et XVIe (Troisième République)
Groupe politique SOC
Président du conseil général de l'Allier

(1 an, 11 mois et 20 jours)
Élection
Prédécesseur Paul Constans
Successeur Isidore Thivrier
Conseiller général de l'Allier

(15 ans, 11 mois et 23 jours)
Élection
Réélection
Circonscription Canton de Montluçon-Est
Président Marcel Régnier
Paul Constans
Lui-même
Isidore Thivrier
Armand Chaulier
Groupe politique SFIO
Prédécesseur Ernest Montusès
Successeur Charles Migraine
Maire de Montluçon

(15 ans, 4 mois et 16 jours)
Élection
Réélection 12 mai 1929
12 mai 1935
Prédécesseur Paul Constans
Successeur Henri Cléret
Biographie
Nom de naissance René Marx Dormoy
Date de naissance
Lieu de naissance Montluçon (Allier, France)
Date de décès (à 52 ans)
Lieu de décès Montélimar (Drôme, France)
Nationalité Française
Parti politique Section française de l'Internationale ouvrière

Signature de Marx Dormoy

Marx Dormoy
Maires de Montluçon

Marx Dormoy, né le à Montluçon et mort assassiné le à Montélimar, est un homme politique socialiste français.

Membre de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO), il est notamment président du conseil général de l'Allier de 1931 à 1933, sous-secrétaire d'État à la présidence du Conseil en 1936 et ministre de l'Intérieur de 1936 à 1938, puis à nouveau en 1938.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Selon son acte de naissance[a], René Marx Dormoy est né rue de la Paix à Montluçon, un quartier populaire. Il est le cadet des enfants de Jean Dormoy, alors cordonnier, en outre militant socialiste, qui sera maire de Montluçon de 1892 à 1898, et Marie Joséphine Gavignon. Son prénom est une référence à Karl Marx[1]. Lui et sa sœur aînée Jeanne, née le à Montluçon, connaissent une enfance défavorisée. René Marx a seulement onze ans lorsque son père meurt.

Pendant son service militaire, René Marx Dormoy est affecté en Algérie, où il fonde un groupe de Jeunesses socialistes. À son retour, il est employé de mairie à Montluçon puis devient représentant de commerce. Il a 25 ans lorsqu'éclate la Première Guerre mondiale, pendant laquelle il s'illustre au combat. Rendu à la vie civile, il réintègre son poste de représentant de commerce, puis devient négociant en charbons.

Élu socialiste[modifier | modifier le code]

En novembre 1919, il mène la liste SFIO aux élections législatives, qui n'obtient aucun élu malgré un nombre élevé de voix (37 443 sur 88 972 suffrages exprimés). Un mois plus tard, il devient conseiller d'arrondissement. En 1920, il choisit le camp de Léon Blum, contre l'adhésion à la IIIe Internationale.

Quatre ans plus tard, il devient secrétaire général de la fédération de l’Allier et parvient à maintenir une bonne implantation de celle-ci chez les ouvriers, malgré la concurrence du Parti communiste et la tentation de se tourner vers les ruraux, très majoritaires dans le département. Il entre ensuite à la Commission administrative permanente. En 1925, il est élu conseiller municipal et conseiller général du canton de Montluçon-Est, puis maire de la commune. En , il est élu président du conseil général de l'Allier, à la suite de la mort de Paul Constans, à qui il a succédé à la mairie six ans plus tôt, dont il récupère aussi le siège de député un mois plus tard. Georges Rougeron sera son secrétaire à partir d'.

Favorable à une participation de la SFIO dans un gouvernement à direction radicale, il refuse de suivre Marcel Déat, dont il juge les idées « aberrantes » et mène la manifestation du dans sa commune, où les communistes sont présents. Il est dès lors partisan d'une solution de Front populaire et d'une unité de candidature avec les communistes dès le premier tour, sans oublier pour autant les critiques qu'il formule contre ce mouvement avant 1934.

Ministre du Front populaire[modifier | modifier le code]

Marx Dormoy, nouveau ministre de l'Intérieur (1936).
Le ministre entouré de ses collaborateurs. De gauche à droite : Sansimon Graziani, chef de cabinet, chargé des services politiques ; Roger Verlomme (1890-1950), préfet hors classe, directeur du personnel et de l'administration générale au ministère de l'Intérieur, secrétaire général du ministère de l'Intérieur ; Dormoy ; Pierre Delcourt, chargé de mission ; Raoul Évrard, chef de cabinet, chargé des questions administratives.

Réélu député lors des élections législatives de 1936, il est sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil au côté de François de Tessan et participe à la négociation des accords de Matignon. Après le suicide de Roger Salengro, il devient ministre de l’Intérieur, poste qu'il conserve dans le troisième cabinet de Camille Chautemps de à et dans le second cabinet de Léon Blum, de mars à .

Comme l'indique André Touret dans sa biographie : « Il est certain que le passage de Marx Dormoy au ministère de l'Intérieur, entre novembre 1936 et janvier 1938, a, pour les étrangers, marqué un « climat nouveau de confiance et de bienveillance » selon l'expression d'Ilan Greilsammer. Par les réfugiés allemands avec lesquels il était en contact, Marx Dormoy était renseigné sur ce qui se passait en Allemagne nazie et il connaissait l'existence des camps de concentration que beaucoup de Français ignoraient ou feignaient d'ignorer[2]. » Cette politique de compréhension et de bienveillance à l'égard des réfugiés étrangers en France lui vaut des attaques virulentes.

Toutefois, le , il écrit aux préfets :« Il est vraisemblable que nous aurons affaire, non seulement à une masse mouvante plus ou moins indésirable de sans-travail et d'émigrants, en quête d'un pays susceptible de les accueillir en leur procurant des moyens d'existence, mais encore à des individus franchement douteux, à la moralité suspecte[3]. »

Il ordonne alors de « refouler impitoyablement tout étranger qui cherchera à s'introduire sans passeport ou titre de voyage valable ou qui n'aura pas obtenu de visa consulaire s'il est soumis à cette formalité[4] ». Il renouvelle cet ordre par une directive similaire le  : « Je suis informé de divers côtés que les mouvements d'immigration clandestine se poursuivent et que de nombreux Polonais, surtout, parviennent à pénétrer en France sans visa, sans passeport, ou même sans pièces d'identité d'aucune sorte[5],[6]. » Cette période coïncide aussi avec l'arrivée de 250 000 réfugiés de la guerre d'Espagne. Dans une circulaire de [7], il demande à la police de redoubler de vigilance en interdisant les franchissements de la frontière espagnole, et décide de mettre en demeure les 50 000 Espagnols présents en France, de quitter le territoire[8],[9].

Les immigrants espagnols, principalement des familles de républicains, sont toutefois parqués dans des camps du Midi de la France, parfois créés à cette intention : camp de concentration d'Argelès-sur-Mer, camp de Gurs, camp du Vernet[8]. Après l'assassinat de Marx Dormoy, Hans Vogel, président du Parti social-démocrate d'Allemagne réfugié à Londres, écrira le  :

« Il avait pratiqué à l'égard des réfugiés une politique intelligente et humaine, digne des plus belles traditions de la République française. »

Marx Dormoy à l'hôtel de Matignon après la fusillade de Clichy, mars 1937.

Lors de la fusillade de Clichy du (réunion privée d'un parti de droite issu des Croix-de-feu, le Parti social français, et contre-manifestation de socialistes et communistes locaux avec intervention des forces de l'ordre), il est personnellement incriminé par les communistes qui mettent en cause la réaction des forces de l'ordre[10].

Il consacre principalement ses activités à la lutte contre la Cagoule, laquelle est démantelée à la fin de . Il n’a pas le temps de détruire complètement ses ramifications dans les milieux économiques, en particulier dans les grandes entreprises, comme L'Oréal, qui, selon les renseignements généraux et la police judiciaire, financent le mouvement terroriste.

Passation des pouvoirs entre Marx Dormoy et Albert Sarraut au ministère de l'Intérieur, .

Il démet Jacques Doriot de ses fonctions de maire PPF de Saint-Denis à la suite d'irrégularités dans la gestion municipale. Le , lors d'une séance particulièrement houleuse qui dégénère en bagarre — et alors que les cris « À bas les Juifs ! » se font entendre à la Chambre des députés — il rétorque à un député breton antisémite : « Bande de salauds. Et d'abord un Juif vaut bien un Breton[11] ! »

Après ses passages au gouvernement, il est élu au Sénat en 1939.

La guerre et assassinat[modifier | modifier le code]

En , Dormoy fait partie des 80 parlementaires refusant de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Le , il est suspendu de ses fonctions de maire de Montluçon, puis emprisonné cinq jours plus tard. Il est déjà démis de son mandat de conseiller général le . Il est incarcéré à Pellevoisin, puis à Vals-les-Bains, avant d'être mis en résidence surveillée à Montélimar dans l'hôtel Le Relais de l'Empereur.

Dans la nuit du au , il est assassiné : une bombe à retardement avait été placée sous son lit par Maurice Marbach, Yves Moynier et Horace Vaillant, anciens cagoulards (extrême droite), avec la complicité d'une comédienne, Annie Mourraille (d)[12], qui sert d'« appât ». La mort de Vaillant à Nice avec deux complices, dans la nuit du au , par l'explosion d'une autre bombe destinée à un attentat antisémite, met les enquêteurs sur la piste[13].

Ludovic Guichard, Yves Moynier et Annie Mourraille sont arrêtés et emprisonnés, mais le débat reste ouvert sur l'identité des commanditaires : les cagoulards pour se venger du démantèlement de leur organisation, Jacques Doriot qui voue une haine tenace à l'égard de Dormoy ou les Allemands pour faire pression sur le maréchal Pétain[b][14]. Les prévenus ne seront jamais jugés et libérés de la prison de Largentière, le , par des militaires allemands.

Inhumé discrètement à Montélimar, Marx Dormoy aura droit à des funérailles solennelles à Montluçon[15], le , sera cité à l'ordre de la Nation en 1946 et médaillé de la Résistance française avec rosette en 1947. Il est inhumé au cimetière Saint-Paul (cimetière de l'Ouest) de Montluçon dans la même tombe que son père. Comme son frère, sa sœur est restée célibataire[c][16].

Le peintre Lucien Pénat, dont il était un ami intime, a fait plusieurs portraits de lui.

Hommages et postérité[modifier | modifier le code]

Monument à Marx Dormoy à Montluçon.

De nombreux établissements scolaires et de nombreuses voies portent son nom. Sans être exhaustif, on peut indiquer notamment (villes citées par ordre alphabétique) :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Extrait du registre d'état civil de Montluçon (1888) : « L'an mil huit cent quatre-vingt huit, le deux août à quatre heures du soir. Par devant nous, Julien François Victor Lougnon, adjoint délégué remplissant les fonctions d'Officier de l’État civil de la ville de Montluçon, chef-lieu d'arrondissement, département de l'Allier, a comparu Jean Dormois, cordonnier, âgé de trente-six ans, demeurant à Montluçon, rue de la Paix. Lequel nous a présenté un enfant du sexe masculin, né hier à onze heures du soir, de lui déclarant en son domicile et de Marie Joséphine Gavignon, son épouse, sans profession, âgée de trente-six ans, demeurant avec lui, et auquel il a donné les prénoms de René Marx. Les dites déclarations et présentations faites en présence de Stéphane Gilbert Létang, cordonnier, âgé de vingt-neuf ans, ami du déclarant, et de Alexandre Dormois, oncle de l'enfant, journalier, âgé de vingt-neuf ans, domiciliés en cette ville. Lesquels témoins ainsi que le père de l'enfant ont signé avec nous le présent acte, après lecture faite. Signé Lougnon, J. Dormoy, Létang, Dormoy A. (Archives départementales de l'Allier, lire en ligne) »
  2. Tel est l’avis du magazine Valeurs actuelles.
  3. Jeanne, institutrice puis directrice de l’orphelinat et de la crèche municipale de Montluçon, perdra ses postes après la destitution de son frère et les retrouvera à la Libération. Elle meurt le 5 août 1975 dans sa ville natale, après avoir veillé fidèlement sur la mémoire de son frère.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Notice DORMOY Marx par Justinien Raymond, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 15 juillet 2021, sur Le Maitron.
  2. Marx Dormoy (1888-1941) : maire de Montluçon, ministre du Front populaire, André Touret, 1988.
  3. Sarah Knafo, « Jaurès, Dormoy ou Jean Moulin auraient-ils leur brevet de républicanisme aujourd'hui ? », Le Figaro,‎ (lire en ligne).
  4. Emmanuel Debono, « Réfugiés : petit retour sur Marx Dormoy, le Front populaire et les flux migratoires des années 30 », Atlantico,‎ (lire en ligne).
  5. DORMOY (Marx) Assemblée Nationale.
  6. Jean Sévillia, Historiquement correct, Perrin, 2003 (ISBN 2-262-01772-7).
  7. « Espagnols (réfugiés républicains) : mythe de la solidarité républicaine », sur contreculture.org, [s.d.].
  8. a et b Geneviève Dreyfus-Armand, « L’Accueil des républicains espagnols en France : entre exclusion et utilisation, 1936-1940 », Matériaux pour l'histoire de notre temps, Paris, Association des amis de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) et du musée, no 44 « Exilés et réfugiés politiques dans la France du XXe siècle »,‎ , p. 37 (lire en ligne).
  9. « De « l’hospitalité » à l’internement », sur Le camp de concentration du Vernet d'Ariège 1939-1944 (consulté le ).
  10. Selon Philippe Bourdrel, la Cagoule aurait peut-être été impliquée dans le déclenchement de cette fusillade.
  11. Laurent Joly, « Antisémites et antisémitisme à la Chambre des députés sous la IIIe République », Revue d'histoire moderne et contemporaine, Paris, Belin, nos 54-3,‎ , p. 85-86 (ISBN 978-2-70114-571-6, ISSN 0048-8003, DOI 10.3917/rhmc.543.0063, lire en ligne).
  12. Sous le pseudonyme de Anie Morène, elle a joué dans des pièces de Cocteau, de Coward, et fréquenté les milieux d'extrême droite nationalistes.
  13. Voir l'article précis et circonstancié : Jean-Paul Perrin et Maurice Sarazin, « Destin d'actrice : Annie Mourraille, comédienne et complice de l'assassinat de Marx Dormoy », 11 juillet 2017.
  14. Christian Brosio, « Qui commandita l’assassinat de Marx Dormoy ? », Valeurs Actuelles, Paris,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  15. Jean-Paul Perrin, « Pages d'histoire : Marx Dormoy (1888-1941). III – Du temps de l'histoire au temps de la mémoire (de 1945 à nos jours) », Vu du Bourbonnais, 9 juillet 2021.
  16. Jean-Paul Perrin, « Deux universitaires américaines se penchent sur l'assassinat de Marx Dormoy », sur Vu du Bourbonnais…, (consulté le ).

Liens externes[modifier | modifier le code]

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