Marcia Reale — Wikipédia

Marcia Reale (it)
Marche royale
Hymne du Royaume d'Italie
Image illustrative de l’article Marcia Reale
Page de garde d'une édition du XIXe siècle de la partition.

Hymne national et royal de Royaume d'Italie
Autre(s) nom(s) Fanfara e Marcia Reale d'Ordinanza (it)
Fanfare et marche royale d'ordonnance
Musique Giuseppe Gabetti (it)
1831 ou 1834
Adopté en 1861
Utilisé jusqu'en 1946
Remplacé par Fratelli d'Italia
Fichier audio
Fanfara e Marcia Reale d'Ordinanza
noicon

La Fanfara e Marcia Reale d'Ordinanza (Fanfare et marche royales d'ordonnance), connue plus simplement sous le nom de Marcia Reale, est l'hymne national du royaume d'Italie depuis l'unification du pays, en 1861, jusqu'à l'armistice du [1].

Elle comporte deux mouvements, la Fanfare Royale, d'auteur inconnu, et la Marche Royale proprement dite, qui a été composée comme marche de parade en 1831 ou en 1834[2] par le Turinois Giuseppe Gabetti (it)[3].

Histoire[modifier | modifier le code]

Composition[modifier | modifier le code]

Buste de Giuseppe Gabetti à La Morra dans le Piémont.

La genèse de cette œuvre n'est pas claire. Selon certaines sources, le roi de Sardaigne Charles-Albert, peu après son accession au trône en 1831, aurait manifesté le désir de disposer d'une nouvelle marche qui accompagnerait ses apparitions publiques, en remplacement d'un vieil hymne qui était exécuté par un petit groupe de fifres. Le général De Sonnaz, à l'époque colonel de la brigade de Savoie, aurait alors proposé à Giuseppe Gabetti (it), chef d'orchestre de ce même régiment, de réaliser une nouvelle marche pour le souverain. Giuseppe Gabetti aurait alors composé deux airs et les aurait faits exécuter en présence de Charles-Albert[4]. Le premier était une œuvre de laquelle il était pleinement satisfait, tandis que le second le convainquait moins. Le roi aurait justement choisi le second[5], à la suite de quoi l'auteur aurait lui-même détruit la partition de la marche écartée[6].

Selon d'autres sources, Giuseppe Gabetti et d'autres compositeurs auraient au contraire participé à un véritable concours pour le choix d'une nouvelle marche. Ce concours aurait été lancé en 1834 par le premier secrétaire d'État à la Guerre, Emanuele Pes di Villamarina (it) et Giuseppe Gabetti l'aurait gagné[5].

Quoi qu'il en soit, dans les deux cas, l'auteur aurait refusé le prix de 50 lires qui lui aurait été accordé[5],[7].

Adoption[modifier | modifier le code]

La Marche Royale est introduite dans une circulaire du du général Pes di Villamarina comme une marche spéciale des grenadiers de Sardaigne et plus généralement comme une marche pour les neuf autres brigades du royaume de Sardaigne[6],[8]. La nouvelle composition devient donc marche d'ordonnance pour les troupes du royaume et accompagne chaque apparition publique du roi[7].

Le morceau est exécuté pour la première fois en public en , quand le roi Charles-Albert passe en revue quelques troupes rassemblées à San Maurizio Canavese pour une instruction[6]. En 1848, l'Hymne sarde le rejoint en tant que musique officielle de la maison de Savoie. Ce dernier a été réalisé en 1844 par Giovanni Gonella (it) sur un texte de Vittorio Angius (it) comme un hommage de la population sarde à Charles-Albert[4]. Mais avec le Risorgimento, c'est la Marche Royale qui devient en 1861 l'hymne officiel du nouvel État[7].

Critiques[modifier | modifier le code]

Bien qu'elle soit associée à la Maison de Savoie, qui avait contribué de façon déterminante à l'unification du pays, dans certains milieux libertaires, la Marche Royale n'était pas appréciée à cause de la musique, jugée rhétorique et ampoulée[9] et du texte (non officiel) qui l'accompagne. En effet, celui-ci est plus centré sur la figure du souverain et de l'institution monarchique que sur l'histoire de l'Italie et sur les batailles pour l'affranchissement des puissances étrangères, qui, à chaque époque, avaient fait de la péninsule un lieu de conquête[1].

Parmi ceux qui ne s'identifient pas pleinement à la Marche Royale, il y a Giuseppe Verdi, qui, dans son Hymne des nations, une cantate profane composée à l'occasion de l'Exposition universelle de 1862 à Londres, utilise une citation de Fratelli d'Italia, et non de la Marche Royale, pour représenter l'Italie[10].

Malgré ces critiques, personne ne songea jamais sérieusement à remplacer la Marche Royale, qui ne se trouvait que renforcée par les succès de l'Italie dans la Première Guerre mondiale[2].

Cohabitation avec l'hymne fasciste[modifier | modifier le code]

À partir de 1925[11] et jusqu'à la chute du régime mussolinien, la Marche Royale était immédiatement suivie, en toute occasion publique, de Giovinezza, l'hymne officiel du Parti national fasciste. On a même pensé à fusionner les deux hymnes : c'est Umberto Giordano qui est sollicité, mais il refuse l'invitation et la proposition se perd[12].

En 1931, au Teatro Comunale de Bologne, Arturo Toscanini refuse d'exécuter la Marcia Reale ainsi que Giovinezza avant un concert en mémoire de Giuseppe Martucci. Cela le conduit à une altercation avec un militant fasciste, ce qui le contribue à le décider à abandonner l'Italie[13].

Remplacement[modifier | modifier le code]

Après l'armistice de Cassibile du , le gouvernement Badoglio I, en signe de discontinuité avec la monarchie[1], adopte provisoirement la Canzone del Piave comme hymne national[14]. Cet hymne est remplacé à son tour le quand Cipriano Facchinetti, ministre du gouvernement De Gasperi II, fait savoir que le qui suit, à l'occasion de la prestation de serment des forces armées, Fratelli d’Italia serait adopté[15]. Néanmoins, à cause de cette situation compliquée, il est arrivé après la chute de la monarchie que lors de certaines manifestations sportives ou institutionnelles organisées à l'étranger, les musiciens des nations invitantes ont continué par erreur, au grand embarras des autorités républicaines, à jouer la Marcia Reale[16].

De nos jours[modifier | modifier le code]

L'air de Giuseppe Gabetti reste la musique officielle d'associations et de partis monarchistes. Jusqu'à la fin des années 1970, c'est aussi un symbole identitaire des Italiens conservateurs émigrés en Amérique[17], en opposition avec ceux qui s'identifient à la République, attachés au contraire à l'Hymne de Garibaldi de Luigi Mercantini[17].

La Marcia Reale, en tant qu'élément du patrimoine historique, est encore exécutée officiellement en public pendant les célébrations populaires traditionnelles, comme les célébrations de San Gennaro, de Saint Antoine ou à l'occasion du Jour de Christophe Colomb des communautés italo-américaines de nombreuses villes des États-Unis[18],[19].

La musique[modifier | modifier le code]

La Marche Royale est une marche militaire en ré majeur. Elle est exécutée par un orchestre d'instruments à vent et de percussions. Elle dure environ 3 minutes. Elle a une allure martiale d'environ 120 battements à la minute. Officiellement, il n'était pas prévu de texte[2].

La composition est habituellement précédée de trois sonneries de trompette et d'une brève fanfare d'auteur inconnu, qui remonte peut-être au XVIIIe siècle et qui était probablement au départ un air de chasse[20].

L'originalité de la musique a été remise en question[21]. En effet, le thème de Giuseppe Gabetti ressemble quelque peu à l'ouverture de La Cenerentola et à une marche de Mosè in Egitto, deux opéras de Gioachino Rossini[5]. Néanmoins, la mélodie facilement reconnaissable et le rythme enjoué en ont assuré le succès au point qu'il a été transcrit pour les instruments les plus divers, de l'orchestre d'harmonie à l'orchestre symphonique, au piano ou à l'orgue[2].

Le texte[modifier | modifier le code]

La Marcia Reale étant une composition purement instrumentale, il n'y a pas de texte officiel. Après l'unité italienne, quand le morceau est devenu hymne national, on a cherché à lui ajouter des paroles, mais la structure de la musique est peu adaptée au chant, et pendant des décennies il a été difficile de lui appliquer un texte[22]. Néanmoins, il existe quelques paroles non officielles, souvent d'attribution incertaine, qui ont accompagné l'exécution de l'hymne en de nombreuses occasions. Une des plus répandues est la suivante[23] :

Fanfare
Paroles en italien Sens des paroles en français

Evviva il Re!
Evviva il Re! Evviva il Re!
Chinate, oh reggimenti, le Bandiere al nostro Re,
la gloria e la fortuna dell'Italia con Lui è.
Chinate, oh reggimenti, le Bandiere al nostro Re,
bei fanti di Savoia gridate «Evviva il Re!».

Vive le Roi !
Vive le Roi ! Vive le Roi !
Abaissez, oh régiments, les drapeaux devant notre Roi,
la gloire et la chance de l'Italie est avec lui.
Abaissez, oh régiments, les drapeaux devant notre Roi,
beaux enfants de Savoie criez « Vive le Roi ! ».

Marche
Paroles en italien Sens des paroles en français

Viva il Re! Viva il Re! Viva il Re!
Le trombe liete squillano.
Viva il Re! Viva il Re! Viva il Re!
Con esse i canti echeggiano.
Rullano i tamburi e le trombe squillano, squillano.
Cantici di gloria eleviamo con gioia e fervor.
Tutta l'Italia spera in te,
l'Italia crede in te,
segnal di nostra stirpe e libertà, e libertà!

Quando i nemici agognino
i nostri campi floridi
dove gli eroi pugnarono
nella trascorsa età
finché duri l'amor di Patria fervido
finché regni la nostra civiltà.

L'Alpe d'Italia libera
del bel parlare angelico
piede d'odiato barbaro
giammai calpesterà
finché duri l'amor di Patria fervido
finché regni la nostra civiltà.

Come falange unanime
i figli della Patria
si copriran di gloria
gridando «Viva il Re!»
Viva il Re!

Vive le Roi ! Vive le Roi ! Vive le Roi !
Les trompettes joyeuses sonnent.
Vive le Roi ! Vive le Roi ! Vive le Roi !
Avec elles les chants résonnent.
Roulent les tambours et les trompettes résonnent, résonnent.
Nous élevons avec joie et ferveur des cantiques de gloire.
Toute l'Italie espère en toi,
l'Italie croit en toi,
emblème de notre lignage et liberté, et liberté !

Quand les ennemis convoitent
nos champs en fleur
où les héros luttèrent
pendant les âges passés
tant que dure l'amour fervent de la Patrie
tant que règne notre civilisation.

Le pied du barbare haï
ne foulera jamais
les montagnes de l'Italie libre
au beau parler angélique
tant que dure l'amour fervent de la Patrie
tant que règne notre civilisation.

Comme des phalanges unanimes
les fils de la Patrie
se couvriront de gloire
en criant « Vive le Roi ! »
Vive le Roi !

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c (it) Maurizio Ridolfi, Almanacco della Repubblica : storia d'Italia attraverso le tradizioni, le istituzioni e le simbologie repubblicane, Turin, Pearson Paravia Bruno Mondadori, , 409 p. (ISBN 88-424-9499-2), p. 146 à 152
  2. a b c et d (it) Cesare Caravaglios, « Il centenario della Marcia Reale (1834-1934) », Bollettino dell'Ufficio Storico del comando del Corpo di Stato Maggiore, Rome, Tipografia del Senato G. Bardi,‎ , p. 892 à 907
  3. (it) Marco Grondona, Lezioni di musica : un'introduzione alla storia della musica, Rome, Armando Editore, , 269 p. (ISBN 88-7144-970-3, lire en ligne), p. 51
  4. a et b (it) Aldo Alessandro Mola, Storia della monarchia in Italia, Milan, Bompiani, , 910 p. (ISBN 88-452-5294-9), p. 340 et 364
  5. a b c et d (it) « Gabetti Giuseppe », sur encyclopédie Treccani
  6. a b et c (it) « Ricordo di Gabetti », La Stampa, Turin,‎ (lire en ligne)
  7. a b et c (it) « Marcia Reale », Eufonia
  8. (it) Alessandro Vessella, La banda dalle origini fino ai nostri giorni, Rome, Istituto editoriale nazionale, , p. 170
  9. (it) « La Marcia Reale »
  10. (it) « I simboli della Repubblica - L'inno nazionale », sur Présidence de la République italienne
  11. (it) « La storia di quel fascista dimenticato che scrisse "Giovinezza, giovinezza" »
  12. (it) Antonio Spinosa, Vittorio Emanuele III, l'astuzia di un re, Rome, Arnoldo Mondadori, , 464 p. (ISBN 88-04-33276-X), p. 314
  13. (it) Marco Lucchetti, 101 storie su Mussolini che non ti hanno mai raccontato, Rome, Newton Compton, , 363 p. (ISBN 978-88-541-4699-0 et 88-541-4699-4, lire en ligne), p. 92
  14. (it) « E il ministro lodò il campano Giovanni Gaeta », Corriere della Sera, Milan,‎ (lire en ligne)
  15. (it) « Inno nazionale », Présidence du conseil des ministres
  16. (it) Michele Calabrese, « Il Canto degli Italiani: genesi e peripezie di un inno », Quaderni del Bobbio, no 3,‎ , p. 110
  17. a et b (it) Piero Bevilacqua, Andreina De Clementi et Emilio Franzina, Storia dell'emigrazione italiana : Arrivi, Rome, Donzelli, , 847 p. (ISBN 88-7989-719-5, lire en ligne), p. 32
  18. (en) Ciro Paoletti, A military history of Italy, Santa Barbara, Greenwood Publishing Group, , 269 p. (ISBN 978-0-275-98505-9, lire en ligne), p. 220
  19. (en) Augusto Ferraiuolo, Religious Festive Practices in Boston's North End. Ephemeral Identities in an Italian American Community, Albany, State University of New York Press, , 307 p. (ISBN 978-1-4384-2814-7, lire en ligne), p. 116
  20. (it) Francesco Protonotari, Nuova Antologia, vol. 2, , p. 307 et 308
  21. (it) Giuseppe Colli, Storia di Torino, Saluces, Edizioni Vitalità, , p. 107
  22. (it) Francesco Sanvitale, Giuseppe Garibaldi, due secoli di interpretazioni, Rome, Gangemi, (ISBN 978-88-492-6974-1), « Arturo Toscanini », p. 401
  23. « Marcia Reale d'Ordinanza »

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Crédit d'auteurs[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]