Livret d'ouvrier — Wikipédia

Le livret d'ouvrier est un document officiel français mis en service par le Consulat le , généralisé par Napoléon Ier, dont l'usage décline à partir de 1860 sous Napoléon III pour s'éteindre le 2 juillet 1890[1],[2]. Il permet le contrôle des déplacements des ouvriers par les autorités auxquelles il doit être présenté à de multiples occasions.

En France[modifier | modifier le code]

Réglementation antérieure[modifier | modifier le code]

Le livret d'ouvrier a des racines anciennes. Le , une lettre patente généralise le « billet de congé ». C'est une vieille règlementation qui impose aux compagnons des métiers de se munir d'un congé écrit lorsqu'ils quittent un maître pour être embauchés ailleurs.

Un moyen administratif de contrôle social[modifier | modifier le code]

Livret d'ouvrier (1883).

Le livret d'ouvrier fait sa première apparition le 17 août 1781, sous la pression des corporations et de la police. C'est un petit cahier qui identifie l'ouvrier, enregistre ses sorties et ses entrées chez ses maîtres successifs lors de son tour de France. À l'époque, ce livret doit être paraphé selon les villes par un commissaire de police ou par le maire ou l’un de ses adjoints. Le premier feuillet porte le sceau de la municipalité, et contient le nom et le prénom de l’ouvrier, son âge, le lieu de sa naissance, son signalement, la désignation de sa profession et le nom du maître chez lequel il travaille.

L’ouvrier est tenu de faire viser son dernier congé par le maire ou son adjoint, et de faire indiquer le lieu où il propose de se rendre. Tout ouvrier qui voyage sans être muni d’un livret ainsi visé est réputé vagabond, et peut être arrêté et puni comme tel[réf. nécessaire]. Le livret est supprimé sous la Révolution et rétabli par le Premier consul en 1803 (loi du 22 germinal an XI — et arrêté du 9 frimaire an XII) afin de « domestiquer le nomadisme des ouvriers[3] ».

Le livret d'ouvrier comporte aussi un rappel de l'interdiction des coalitions d'ouvriers. Le patron garde le livret pendant tout le temps où l'ouvrier travaille chez lui. L'ouvrier ne peut donc pas partir quand il le souhaite. Toutefois, à partir de 1854, le livret est laissé aux mains de l'ouvrier (loi du )[réf. nécessaire].

Le délit de coalition est aboli le par la loi Ollivier, mais le livret d'ouvrier est obligatoire jusqu'en juillet 1890, et certains seront encore délivrés en 1908[4].

Dans d'autres pays[modifier | modifier le code]

En Chine impériale, un système d'identification et de contrôle du domicile, nommé huji, est apparu dès la dynastie Xia. Puis, sous la Chine communiste un livret différenciant les ouvriers urbains et ruraux a été instauré en 1958[5].

En Belgique, le roi Léopold II l'a rendu facultatif[réf. nécessaire].

La loi du portant le titre « Loi concernant les livrets - Abrogation de l'article 1781 du Code civil » précise :

  • Art. 1 - Sont abrogés… ainsi que les arrêtés du et du  ;
  • Art. 2 - Le livret est facultatif pour toute personne qui engage ses services soit à temps, soit pour une entreprise déterminée ;
  • Art. 3 - Celui qui veut obtenir un livret en fait la demande à l'Administration communale du lieu de son domicile, laquelle est tenue de le lui délivrer.

Des livrets ont été complétés par des entreprises jusqu'au moins 1963. Les patrons ne pouvaient toutefois qu'y écrire les dates d'entrée et de sortie (art. 5 de la loi).

Un livret semblable est apparu en URSS à partir de 1938[6]. Ce livret existe toujours en Russie de nos jours, il doit être présenté à chaque nouvel employeur[réf. nécessaire].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Abel Poitrineau, Ils travaillaient la France : Métiers et mentalités, du XVIe au XIXe siècle, Paris, Armand Colin, , 279 p. (ISBN 2-200-21177-5).
  2. Abel Chatelain, « A propos d'une contrainte sociale au XIXe siècle : Le monde paysan et le livret ouvrier », Revue d'Histoire du XIXe siècle - 1848, vol. 15, no 1,‎ , p. 64–71 (lire en ligne, consulté le )
  3. Denis Woronoff, Histoire de l'industrie en France : Du XVIe siècle à nos jours, Paris, Seuil, coll. « Points / Histoire » (no 248), (1re éd. 1994), 674 p. (ISBN 2-02-033824-6), p. 197.
  4. Lena Gourmelen, Ardoise en Bretagne : Une histoire, des hommes, des savoir-faire, Spézet / Locarn, Coop Breizh / La maison du patrimoine, coll. « Savoir et pratique », , 143 p. (ISBN 978-2-84346-383-9), p. 67.
  5. Richard Arzt, « L'impossible réforme du Hukou en Chine », sur slate.fr, (consulté en ).
  6. Baudelet 1993, p. 307.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]