Littérature grecque hellénistique — Wikipédia

La littérature grecque hellénistique est une période de la littérature grecque antique correspondant à la période hellénistique, qui commence dans les dernières décennies du IVe siècle av. J.-C. et se termine avec la conquête des cités grecques par l'Empire romain à la fin du Ier siècle av. J.-C. La période hellénistique est nommée ainsi en référence aux royaumes fondés par les généraux d'Alexandre le Grand pour se partager son empire après sa mort en 323 av. J.-C. Pendant l'époque hellénistique, les principaux centres de la vie culturelle et intellectuelle changent : alors qu'Athènes dominait largement la vie intellectuelle durant la période classique, la période hellénistique voit Athènes perdre sa position dominante avec l'émergence de plusieurs autres grands centres intellectuels qui se situent en Asie mineure, dans les îles grecques et dans les capitales des royaumes hellénistiques, en particulier Alexandrie en Égypte. La ville, l'une des nombreuses Alexandrie fondées par Alexandre au cours de ses conquêtes, abrite notamment la bibliothèque d'Alexandrie. Cette période est marquée par l'intensification et la multiplication des échanges entre la culture grecque et les cultures voisines.

Expansion et transformations de la culture hellène[modifier | modifier le code]

Un contexte politique et culturel changé[modifier | modifier le code]

Le roi macédonien Alexandre le Grand entre 336 et 323 av. J.-C. puis ses successeurs, les diadoques, et les souverains des dynasties qu'ils fondent, réalisent des conquêtes qui aboutissent à la fondation de nombreuses cités grecques en Asie mineure, en Égypte, dans l'ancien empire perse et jusqu'en Inde et en Afghanistan [1]. Ces cités sont rarement fondées ex nihilo : elles s'enracinent en général dans les capitales des empires plus anciens (Babylone en Perse) ou des agglomérations préexistantes, mais elles y édifient des bâtiments et des monuments typiquement grecs (agoras, théâtres, gymnases où l’on s’entraîne à la fois aux choses de l’esprit et à celles du corps, stades, etc.). Ce mouvement d'urbanisation va de pair avec la création d'institutions politiques, administratives, économiques mais aussi culturelles : portiques, salles de conférences, bibliothèques, écoles. Ces institutions éducatives passent au premier plan et assurent la perpétuation de l'homme grec[2] ; elles forment en même temps autant de vecteurs de diffusion de la culture grecque dans des régions du monde nouvelles[3]. Dans le même temps, les communications s'intensifient, les voyages sont fréquents bien que longs et encore pénibles. Contrairement à ce que les historiens et les hellénistes ont cru dans la première moitié du XXe siècle, la vie politique des cités grecques et le sentiment d'appartenance à une communauté civique ne disparaissent pas avec la perte d'indépendance des cités grecques et la multiplication des royaumes, même si la démocratie n'y est plus aussi poussée que dans l'Athènes de l'époque classique et laisse un grand rôle aux notables jouant le rôle de bienfaiteurs[4].

Les contacts entre la culture grecque et d'autres cultures très variées sont désormais nombreux et constants. Les conquêtes d'Alexandre et des souverains hellénistiques n'aboutissent pas à une fusion complète entre les cultures, même si cet aspect devient rapidement une des composantes de la légende d'Alexandre chez des auteurs comme Plutarque à l'époque romaine. Mais elles ne doivent pas non plus être confondues avec le colonialisme occidental des XIXe – XXe siècles[Note 1]. Si l'influence des Grecs sur les peuples « barbares » a toujours été tenue pour évidente, l'amélioration de notre connaissance des autres cultures et des travaux savants faisant coopérer des spécialistes de différentes aires culturelles ont montré que les cultures non-grecques ont elles aussi influencé l'hellénisme en retour[5]. Les influences orientales ne furent profondes que dans le domaine religieux, tandis que dans les domaines intellectuel et artistique, comme pour la langue, le droit, et les institutions, la culture hellénistique se situe dans le droit prolongement de la culture grecque classique[6].

Les nouveaux centres intellectuels[modifier | modifier le code]

Vue d'artiste de l'intérieur de la bibliothèque d'Alexandrie sur une gravure du XIXe siècle.

Tandis que la vie intellectuelle de l'époque classique était dominée par la cité d'Athènes, la période hellénistique voit un déplacement des centres intellectuels vers plusieurs autres cités situées hors de Grèce centrale. Les capitales des royaumes hellénistiques jouent un rôle important, en raison de la présence du roi qui attire à lui artistes et intellectuels et mène une activité de mécénat constante[7]. Ainsi, des villes comme Alexandrie en Égypte (capitale du souverain lagide Ptolémée II), Pella en Macédoine (capitale du roi Antigone II Gonatas, de la dynastie des Antigonides), Syracuse (capitale du tyran Hiéron II), Pergame (capitale du souverain attalide Eumène Ier) et même Tarse[8], connaissent un rayonnement important, particulièrement marqué au IIIe siècle[7], et jusqu'à la fin du Ier siècle av. J.-C. Certaines îles grecques jouent également un rôle notable : Chypre, Rhodes (dont sont originaires les poètes Simmias et Apollonios) et Cos (qui dispose d'une école de médecine célèbre)[9]. De son côté, Athènes n'a plus le rayonnement de l'époque classique, mais elle conserve un rôle notable en tant que lieu d'éducation pour les jeunes gens des élites cultivées et se distingue en matière de théâtre (avec les auteurs de la comédie nouvelle) et de philosophie.

La ville d'Alexandrie, en Égypte, joue un rôle majeur. Les souverains lagides (les Ptolémée) entretiennent de nombreux intellectuels et artistes et mettent en place des institutions savantes qui prospèrent à la faveur de la stabilité de la situation politique[9]. En 288 av. J.-C., Démétrios de Phalère, venu d'Athènes, prolonge la tradition des recherches scientifiques engagées dans presque tous les domaines du savoir par Aristote et ses disciples au Lycée ; c'est sur le modèle de l'organisation de cette école philosophique aristotélicienne qu’il fonde à Alexandrie, avec le soutien de Ptolémée Ier, le Mouseîon et la bibliothèque d'Alexandrie, qui deviennent à la fois des lieux d'archivage et de conservation du patrimoine culturel mondial et des lieux de vie intellectuelle intense. Le Mouseîon, dont le nom a donné en français le mot "musée", est en réalité plus proche dans son fonctionnement de ce qu'est un centre de recherche ou un collège d'université au XXIe siècle que d'un musée, c'est-à-dire qu'il accueille des savants pour un certain temps et leur donne accès à un financement ainsi qu'à d'importants outils et ressources pour leur travail[10],[11]. La bibliothèque d'Alexandrie, qui fait partie du Mouseîon, se donne pour but de rassembler toutes les œuvres grecques ou traduites en grec produites jusqu'à son époque[11]. Elle possède près de 500 000 rouleaux de papyrus au IIIe siècle av. J.-C. et 700 000 à la fin du Ier siècle av. J.-C.[12] Outre la bibliothèque, le Mouséîon dispose d'un parc zoologique, d'un observatoire astronomique et de salles de dissection[13]. Dotée de structures culturelles et savantes très avancées, Alexandrie attire ainsi des savants venus de tous les coins du monde hellénique et une foule d'artistes y séjournent au moins quelque temps. Les recherches menées à Alexandrie aboutissent à des avancées dans de nombreux domaines. C'est à la bibliothèque d'Alexandrie qu'est formalisé peu à peu le travail d'établissement, de critique et de commentaire savant des textes littéraires et scientifiques, avec le recours à des notes et à des références[11]. Des avancées ont également lieu en mathématiques (Euclide), en astronomie (Aristarque de Samos, Ératosthène), en médecine (l'école de médecine encourage la pratique de la dissection sous l'influence des Égyptiens que leurs pratiques de momification ont habitués à ne pas éprouver de répugnance envers les cadavres ; elle rend possible les découvertes de médecins comme Hérophile et Érasistrate)[11]. Le rôle de la ville d'Alexandrie ne se limite pas à la culture grecque : c'est également dans cette ville que Manéthon utilise les archives égyptiennes pour dresser une précieuse chronologie de l'histoire de l'Égypte pharaonique, et c'est là que les premiers livres de la Bible sont traduits en grec[11].

Plusieurs autres grands centres intellectuels, dont les principales capitales hellénistiques, imitent Alexandrie et se dotent à leur tour de bibliothèques. Pergame, en particulier, édifie elle aussi une vaste bibliothèque et attire des savants talentueux au IIe siècle av. J.-C.[14]

La ville de Rome exerce très probablement une influence sur le monde hellène dès la période hellénistique, avant la fin de la conquête « des cités grecques par Rome, mais cette influence n'est pas facile à mesurer[15] ».

Pratiques d'écriture, de lecture et de commentaire[modifier | modifier le code]

La forme matérielle du livre grec change peu par rapport aux changements qui avaient été initiés en Attique au IVe siècle av. J.-C. Il se compose toujours d'un ou plusieurs rouleaux de papyrus sur lesquels le texte est écrit à la main, à l'encre, à l'aide d'un calame, sous forme de colonnes dans le sens de la largeur du rouleau[16]. L'écriture grecque elle-même se modifie en partie : elle s'écarte de la graphie des lettres utilisée auparavant pour les inscriptions (sur pierre, bronze ou céramique) et élabore ses propres variantes destinées à rendre le tracé des lettres plus rapide avec le calame : c'est ainsi qu'apparaissent des graphies comme le sigma lunaire pour le sigma, le epsilon à trait courbe, le oméga minuscule, etc.[17]

En revanche, de nombreuses innovations améliorent la mise en page des textes, leur lisibilité et leur clarté pour les lecteurs, grâce aux travaux des savants de la bibliothèque d'Alexandrie qui amènent de nombreux progrès en matière de philologie[16]. La première innovation est l'apparition des systèmes d'appels et note et des signes indiquant des problèmes dans le texte. Afin de rendre possible un travail très précis d'établissement du texte, de critique et de commentaire savant, les éditions scientifiques des textes classiques élaborées à Alexandrie prennent le parti d'écrire les commentaires sur des rouleaux différents, là où les éditions plus anciennes faisaient alterner texte et commentaire sur un même rouleau ; et ces éditions nouvelles mettent au point des systèmes de signes ajoutés en marge à gauche de chaque colonne de texte afin de servir de renvois au texte du commentaire : c'est l'apparition du système des appels de notes et des références[18]. Ce système est d'abord utilisé pour les éditions des poèmes homériques (Iliade et Odyssée) puis est adapté pour les œuvres de Platon et d'autres auteurs. Les signes ajoutés en marge permettent en particulier de signaler un problème rencontré par les savants dans l'établissement du texte, soit parce que deux éditions qu'ils ont consultées présentent des différences à cet endroit, soit parce qu'ils ont condamné un passage qui leur a paru inauthentique (une interpolation, une répétition abusive, une interversion entre deux vers dans un poème, etc.)[18]. Le lecteur peut ainsi choisir entre une lecture continue du texte original ou une lecture attentive pendant laquelle il consulte les rouleaux de commentaire lorsqu'un signe le prévient d'un problème ou de la présence d'une note[18]. Le respect du texte est tel que les passages douteux ou faux ne sont jamais supprimés mais simplement signalés et commentés avec des corrections, ce qui permet a posteriori de reconstituer l'état exact du texte dans les éditions successives sur plusieurs siècles[19].

C'est aussi à cette époque qu'apparaissent plusieurs signes diacritiques de l'alphabet grec utilisés dorénavant afin d'en faciliter la lecture : les esprits (esprit rude et esprit doux), les accents et les notations de longueur des syllabes, tous signes dont l'invention est attribuée à l'érudit Aristophane de Byzance[20]. Ces signes, qui ne sont employés à l'époque qu'en cas d'ambiguïté, permettent de distinguer des mots qui s'écrivent par ailleurs de la même façon[21].

Le rassemblement d'un nombre croissant de livres dans les bibliothèques à l'époque hellénistique rend aussi nécessaire une interrogation sur le classement du savoir. La bibliothèque d'Alexandrie se dote ainsi d'un catalogue destiné à faciliter la consultation des œuvres. Il semble avoir été entamé par le premier directeur de la bibliothèque, Zénodote d'Éphèse, puis largement étoffé par Callimaque et Aristophane de Byzance. Le catalogue occupait à lui seul 120 rouleaux de papyrus[12].

  • Conditions matérielles : montée de l'importance du livre et de l'écrit mais toujours importance de l'oralité, banquet, etc.
  • Statut social nouveau des auteurs.
  • Interpénétration des pratiques de lecture, d'écriture littéraire et de commentaire savant.

Le théâtre grec hellénistique[modifier | modifier le code]

Les livres grecs antiques étaient faits de papyrus. Ici un fragment d'un papyrus d'Oxyrhynque montrant un passage d'une pièce de Ménandre.

Vers la fin de la période classique émerge à Athènes le genre de la comédie moyenne ou "nouvelle", qui s'écarte de la comédie "ancienne" illustrée par la plupart des pièces d'Aristophane. Aristophane lui-même contribue à faire évoluer la comédie vers la fin de sa carrière. Les intrigues comprennent des éléments comme les enlèvements, les viols commis par des jeunes gens amoureux et les retrouvailles entre proches longtemps perdus de vue. Le costume rembourré muni d'un phallus postiche, typique de la comédie ancienne, est peu à peu remplacé par un costume plus proche de l'habit réel porté par les Athéniens[22]. Le dramaturge grec Ménandre (né en 342-341 av. J.-C., mort en 321 av. J.-C.) vit à la fin de la période classique et au début de la période hellénistique. Il compose des comédies appartenant à ce nouveau genre. Ménandre aurait composé plus d'une centaine de pièces, en grande majorité perdues. Pendant longtemps, il n'a été connu que par de maigres fragments, mais la redécouverte de fragments beaucoup plus longs dans les années 1960 a permis de mieux connaître plusieurs de ces pièces, comme Le Dyscolos (Le Bourru) qui a été retrouvée en entier, ainsi que d'autres comme La Double Tromperie ou Le Sicyonien[23]. D'autres auteurs de l'époque, comme Philémon (mort vers 263 av. J.-C.) ou Diphile, rivalisent avec Ménandre ; leurs pièces sont perdues et nous ne les connaissons qu'indirectement par l'intermédiaire d'adaptations libres faites par des auteurs latins. La comédie nouvelle remporte un succès restreint à la fin de la période classique, mais devient le genre comique favori pendant la période hellénistique[23].

En parallèle à l'émergence de ce nouveau genre, les pièces plus anciennes, déjà considérées comme des classiques, sont rejouées[7].

L'organisation matérielle des pièces de théâtre change elle aussi : durant la période hellénistique, les acteurs se regroupent en associations professionnelles qui peuvent devenir puissantes lorsqu'elles bénéficient du soutien d'un souverain qui les charge d'organiser des représentations théâtrales, des fêtes ou des processions. Les thiases, organisations liées au dieu Dionysos, sont un exemple de ce type d'organisation[7].

La poésie grecque hellénistique[modifier | modifier le code]

Apollonios de Rhodes naît à Alexandrie dans la première moitié du IIIe siècle av. J.-C. Selon les auteurs antiques, il aurait été l'élève de Callimaque, dont il suit l'exemple en devenant à son tour poète. Il s'écarte cependant de l'esthétique de Callimaque pour composer dans les années 250-240 un poème long, les Argonautiques, qui relate le mythe grec de la quête de la Toison d'or par les Argonautes. Les sources grecques antiques insistent sur la différence voire la rivalité entre Callimaque, partisan des poèmes courts, et Apollonios, partisan des poèmes longs, qui se seraient opposés au cours d'une violente controverse littéraire. C'est cette controverse, et le mauvais accueil réservé dans un premier temps aux poèmes d'Apollonios, qui aurait abouti à l'exil d'Apollonios pour la ville de Rhodes. Les chercheurs actuels ont tendance à prendre de la distance vis-à-vis de ces informations, d'autant que l'esthétique d'Apollonios de Rhodes et celle de Callimaque restent assez proches[24]. Les Argonautiques comprennent presque 6000 vers, ce qui équivaut à environ la moitié de l’Odyssée. Dans leurs grandes lignes, elles restent situées dans la tradition homérique : l'épopée reprend un sujet mythologique déjà bien connu par des sources plus anciennes et déploie un récit de longue haleine. Cependant, Apollonios ne se contente pas d'imiter servilement les épopées plus anciennes. Il infléchit l'esthétique épique : il compose un poème érudit regorgeant d'informations sur des légendes locales précisément ancrées dans la géographie du monde connu à son époque, des fondations de villes et des étiologies variées. Il insère de nombreuses scènes de genre dans le récit, montre un héroïsme collectif plus qu'individuel (Jason n'a pas l'importance d'Achille ou d'Ulysse) et il donne plus de place aux passions amoureuses. C'est aussi une célébration de la culture hellénique : l'expédition des Argonautes est présentée comme une quête panhellénique, composée de héros et d'héroïnes venus de toutes les régions de la Grèce, et elle affirme le modèle culturel grec partout où elle passe, jusqu'en Colchide où se trouve la toison d'or[24].

La rhétorique hellénistique[modifier | modifier le code]

L'étude de la rhétorique de l'époque hellénistique est rendue plus difficile par la perte de nombreux textes : pour la période allant du IVe siècle av. J.-C. au Ier siècle apr. J.-C., aucun discours d'orateur grec n'a été conservé en tradition directe jusqu'à nos jours, et très peu de choses ont été conservées sur les traités rhétoriques antérieurs au Ier siècle av. J.-C. Il faut donc utiliser les fragments, les témoignages indirects, les textes des auteurs latins, l'épigraphie et la papyrologie pour arriver à se faire une idée de la rhétorique de cette époque[25]. En dépit de ces lacunes, il est manifeste que le genre de la rhétorique subit des changements profonds liés à la diffusion de l'hellénisme sur un large territoire, aux contacts avec Rome et aux progrès de l'élaboration théorique du genre.

Statue moderne de Théophraste, auteur d’une Histoire des plantes, au jardin botanique de Palerme, en Sicile.

La rhétorique se constitue en un système théorique : des traités opèrent un classement des styles, des genres, des tropes, c'est-à-dire des figures de rhétorique, notamment les figures de style. Le philosophe athénien Théophraste (370-285 av. J.-C. environ), élève d'Aristote, compose une vingtaine de traités sur divers aspects de la rhétorique, tous perdus malheureusement ; le plus connu était Du style[26]. Après lui, Démétrios de Phalère, élève des deux précédents, qui compte parmi les fondateurs de la bibliothèque d'Alexandrie en Égypte, compose également un traité Du style[27]. Citons également Athènaios, qui s'intéresse aux figures de style au IIe siècle av. J.-C.[28]. De son côté, Hermagoras de Temnos (IIe siècle av. J.-C.) travaille sur l'argumentation, en particulier pour les discours judiciaires, et introduit la notion de « question rationnelle » (en grec ancien λογικὸν ζήτημα / logikòn zḗtēma) afin de décomposer chaque affaire judiciaire en une série de raisonnements que l'orateur peut alors développer dans son discours pour convaincre son auditoire[29]. Ce système, largement repris et discuté de son vivant et après lui, est récapitulé par Quintilien au Ier siècle. Les techniques mnémotechniques, destinées à faciliter l'apprentissage par cœur des discours par les orateurs, étaient déjà connues aux siècles précédents : elles sont approfondies par des auteurs tels que Charmadas et Métrodore de Scepsis, qui vivent aux IIe et Ier siècles av. J.-C.[30].

La période est marquée par des contacts accrus entre rhétorique et philosophie, contacts de nature très variable selon les écoles et courants philosophiques et les auteurs[31].

L'éloquence continue à jouer un rôle important dans la vie des cités grecques tout au long de la période hellénistique, contrairement à ce qu'avaient d'abord cru les hellénistes du XIXe siècle, qui pensaient que Démosthène avait été le dernier grand orateur ; les travaux d'hellénistes comme Louis Robert permettent de corriger cette erreur dans la première moitié du XXe siècle en s'aidant notamment des témoignages indirects fournis par l'épigraphie[32]. Bien que les textes des discours soient perdus, on connaît plusieurs dizaines de noms d'orateurs grecs de cette période, par l'intermédiaire de témoignages, de citations et d'inscriptions. Aux IVe et IIIe siècles av. J.-C., plusieurs orateurs athéniens, comme Démocharès, Cléocharès ou Charisios, prolongent la tradition des orateurs attiques. Aux IIIe et IIe siècles av. J.-C., de nombreux hommes politiques s'illustrent par leur éloquence dans les débats et les nombreux conflits que traversent les cités grecques : nous les connaissons grâce à des mentions faites par des auteurs comme Polybe et le Romain Tite-Live. Aux IIe et Ier siècles av. J.-C., on connaît des orateurs comme Hybréas de Mylasa ou encore Potamon de Mytilène (ce dernier vit au Ier siècle av. J.-C.)[33]. L'épigraphie permet de se faire une idée assez précise du contenu de certains discours en étudiant les inscriptions légales ou commémoratives[34].

La religion et la philosophie[modifier | modifier le code]

  • Les grands centres et écoles

La géographie[modifier | modifier le code]

  • Périples, périégèses, géographies

L'histoire[modifier | modifier le code]

Les genres historiques[modifier | modifier le code]

  • Histoires de la Grèce, de régions, de peuples barbares, de grands hommes.

Polybe et l’Histoire romaine[modifier | modifier le code]

Polybe est l'un des tout premiers historiens grecs à écrire l'histoire récente de la conquête romaine. Né en 200 av. J.-C. et mort vers 118 av. J.-C., il est directement impliqué dans les événements qui entourent la conquête de la Grèce par Rome, où il est emmené prisonnier après la défaite de la ligue achéenne face aux légions de Lucius Mummius Achaicus et la destruction de Corinthe en 146 av. J.-C. Passé au service des Romains, Polybe élabore une Histoire romaine qui l'occupe pendant tout le reste de sa vie. Elle commence avec la période des guerres puniques entre Rome et Carthage et court au départ jusqu'à la bataille de Pydna en 168 av. J.-C. (mais Polybe étend son sujet au fil de son propos et évoque aussi des événements postérieurs, dont la destruction de Corinthe). Sa principale originalité est de couvrir l'ensemble des événements du monde connu, sans se cantonner à une région ou à la vie d'un homme célèbre. Polybe rédige ainsi une histoire universelle détaillée qu'il structure fortement en fonction d'une théorie historique développée qui considère que les événements survenus dans différentes parties du monde sont liés entre eux par des réseaux de causes et de conséquences. Son ouvrage est très favorable à Rome, qu'il considère comme un empire dont la domination est inévitable et indépassable. En dépit de ses limites, son Histoire romaine reste une source très précieuse pour l'histoire ancienne et a été considérée comme l'un des précurseurs des méthodes historiques contemporaines.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le problème des rapports entre culture grecque et cultures indigènes est « d’une infinie complexité » selon Édouard Will : les Hellènes ont plutôt cherché à garder leur distance à l’égard de la culture des peuples soumis, et malgré l'hellénisation partout des milieux indigènes, des courants hostiles à l'hellénisme ou aux Hellènes se sont manifestés çà et là (Will, Mossé et Goukowsky 1975, pages 503 à 512).

Références[modifier | modifier le code]

  1. Maurice Sartre 2006, p. 235 à 246 : la cité grecque d'Aï Khanoum.
  2. Will, Mossé et Goukowsky 1975, p. 499 et 500.
  3. Saïd, Trédé et Le Boulluec 2004, p. 279-280.
  4. Saïd, Trédé et Le Boulluec 2004, p. 281-282.
  5. Saïd, Trédé et Le Boulluec 2004, p. 282-283.
  6. Will, Mossé et Goukowsky 1975, p. 568.
  7. a b c et d Amouretti et Ruzé (2003), p. 305.
  8. Édouard Will 1975, p. 573.
  9. a et b Saïd, Trédé et Le Boulluec 2004, p. 285.
  10. Saïd, Trédé et Le Boulluec 2004, p. 286.
  11. a b c d et e Amouretti et Ruzé (2003), p. 294.
  12. a et b Sirinelli (1993), p. 70.
  13. Sirinelli (1993), p. 71.
  14. Saïd, Trédé et Le Boulluec 2004, p. 287.
  15. Amouretti et Ruzé (2003), p. 306-307.
  16. a et b Irigoin (2001), p. 31.
  17. Irigoin (2001), p. 37-38.
  18. a b et c Irigoin (2001), p. 33.
  19. Irigoin (2001), p. 34.
  20. Irigoin (2001), p. 35.
  21. Irigoin (2001), p. 36-37.
  22. Demont et Lebeau (1996), p. 193.
  23. a et b Demont et Lebeau (1996), p. 194-195.
  24. a et b Sirinelli (1993), p. 140-145.
  25. Pernot 2000, p. 82-83.
  26. Pernot 2000, p. 84.
  27. Pernot 2000, p. 86.
  28. Pernot 2000, p. 88.
  29. Pernot 2000, p. 90.
  30. Pernot 2000, p. 93.
  31. Pernot 2000, p. 96-102.
  32. Pernot 2000, p. 104-107.
  33. Pernot 2000, p. 108.
  34. Pernot 2000, p. 109-114.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Histoires de la littérature grecque
  • Luciano Canfora (trad. Marilène Raiola et Luigi-Alberto Sanchi), Histoire de la littérature grecque à l'époque hellénistique, Paris, Éditions Desjonquères, coll. « La mesure des choses », , 426 p. (ISBN 978-2-84321-066-2, lire en ligne)
  • Jacqueline de Romilly, Précis de littérature grecque, Paris, Presses universitaires de France, 1980 (rééd. coll. « Quadrige » : 2002).
  • Suzanne Saïd, Monique Trédé et Alain Le Boulluec, Histoire de la littérature grecque, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige », (1re éd. 1997), 748 p. (ISBN 978-2-13-048233-8). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
Sur des genres ou des époques en particulier
  • Édouard Will, Claude Mossé et Paul Goukowsky, Le monde grec et l’Orient : Le IVe siècle et l’époque hellénistique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Peuples et Civilisations », , p. 567 à 645 (Quatrième Partie, « La vie de l’esprit »). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • Paul Demont et Anne Lebeau, Introduction au théâtre grec antique, Paris, Librairie générale française (Livre de poche), 1996. (ISBN 978-2-253-90525-7)
  • Pierre Hadot, Qu'est-ce que la philosophie antique ?, Paris, Gallimard, 1995 (rééd. coll. « Folio »). (ISBN 2-07-032760-4)
  • Jean Irigoin, Le Livre grec des origines à la Renaissance, Paris, Bibliothèque nationale de France, coll. « Conférences Léopold Delisle », , 94 p. (ISBN 978-2-7177-2173-7). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Jean Sirinelli, Les Enfants d'Alexandre. La littérature et la pensée grecques, 334 av. J.-C. — 529 ap. J.-C., Paris, Fayard, 1993. (ISBN 2-213-03158-4)
  • Laurent Pernot, La Rhétorique dans l'Antiquité, Paris, Livre de Poche, , 351 p. (ISBN 2-253-90553-4). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
Sur la civilisation grecque en général
  • Maurice Sartre, Histoires grecques, Éditions du Seuil, coll. « L'Univers historique », , 464 p. (ISBN 978-2-02-037209-1). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Marie-Claire Amouretti et Françoise Ruzé, Le Monde grec antique, Paris, Hachette, coll. « Supérieur », . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Jean Leclant (dir.), Dictionnaire de l'Antiquité, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige », 2005 (2e édition 2011).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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