Libertinage érudit — Wikipédia

Le libertinage érudit est une catégorie de libertinage du XVIIe siècle créé par René Pintard[1] en 1943.

Description[modifier | modifier le code]

En philosophie, on distingue[2] le libertin de mœurs, qui s'adonne aux plaisirs charnels en dépassant les limites de la morale conventionnelle, du libre penseur (libertin érudit ou savant). Ce dernier se nourrit d'une immense culture grecque et latine[3].

Le libertinage érudit (ou libertinage d'esprit) est un mouvement de libre-pensée et une sociabilité intellectuelle du XVIIe siècle[1], remettant en cause les dogmes et des idées reçues, cherchant à s'émanciper ou s'affranchir de la métaphysique et de la morale religieuse (exemple : Dom Juan de Molière), en pratiquant l'art de la dissimulation et de la clandestinité[1].

Ces libertins érudits sont, entre autres, les Français François de La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé, Cyrano de Bergerac, Scipion de Gramont ,Charles Sorel[4] et Pierre Gassendi[5]. Avec les sceptiques, ils sont source des Lumières radicales[6], [C 1].

Débat[modifier | modifier le code]

« Pintard, selon F. Charles-Daubert, aurait fondé l'unité du mouvement des « libertins érudits » dans « une attitude sociale commune » d'une « partie de la bourgeoisie », contrainte au secret par la répression des poètes provocateurs du Parnasse satyrique liés à une partie de la jeune noblesse revendiquant avec provocation sa liberté de mœurs et d'esprit. (Les Libertins érudits en France au XVIIe siècle, p. 17)[C 2]. » écrit l'historien Jean-Pierre Cavaillé.

Cette catégorie est, selon Jean-Pierre Cavaillé, « à bien des égards insatisfaisante, en porte-à-faux avec les sources qui tendent plutôt à opposer le libertinage, caractérisé par la licence et la légèreté d'esprit, à l'érudition, qui implique la possession d'une saine et solide doctrine[7]. »

Dans l'article « libertinage » du Dictionnaire mondial des littératures (Larousse), ce partage est dit : « très idéologique, ne tient pas compte du lien étroit qui relie la critique philosophique de la critique morale et qui fait de la sexualité l'un des centres de cette attitude critique[5]. »

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Joël Cornette, « Pintard, l'inventeur du « libertinage érudit » », dans L'Histoire no 398, avril 2014. Début de l'article en ligne
  2. Stéphane Van Damme, « Libertinage de mœurs / libertinage érudit. Le travail de la distinction », Les Dossiers du Grihl, mis en ligne le 12 novembre 2011, consulté le 30 janvier 2018. Article en ligne
  3. Michel Delon, Section « Le libertinage érudit » de l'Encyclopædia Universalis.
  4. Jean-Pierre Cavaillé, « Le « libertinage érudit » : fertilité et limites d'une catégorie historiographique », Les Dossiers du Grihl, mis en ligne le 12 novembre 2011, consulté le 30 janvier 2018. Article en ligne
  5. a et b Article « libertinage » en ligne, du Dictionnaire mondial des littératures (Larousse)
  6. Jean-Pierre Cavaillé : « Libertinage ou Lumières radicales », Qu'est-ce que les Lumières Radicales ? Libertinage, athéisme et spinozisme dans le tournant philosophique de l'âge classique, Catherine Secrétan, Tristan Dagron (dir.), Éditions Amsterdam, coll. « Caute ! », 2007.
  7. Jean-Pierre Cavaillé, « L'histoire des « libertins » reste à faire », Les Dossiers du Grihl, mis en ligne le 18 octobre 2010, consulté le 30 janvier 2018. Article en ligne

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean-Pierre Cavaillé, « Libertinage, irréligion, incroyance, athéisme dans l'Europe de la première modernité (XVIe et XVIIe siècles) Une approche caritique des tendances actuelles de la recherche (1998-2002) », Les Dossiers du Grihl, mis en ligne le , consulté le . Texte intégral
  • Jean-Pierre Cavaillé, « Le « libertinage érudit » : fertilité et limites d'une catégorie historiographique », Les Dossiers du Grihl, mis en ligne le , consulté le . Article en ligne
  • Jean-Pierre Cavaillé, « Libérer le libertinage. Une catégorie à l'épreuve des sources », Annales HSS, t. LXIV, 2009, no 1, p. 45-80.
  • Françoise Charles-Daubert, Les Libertins érudits en France au XVIIe siècle, Paris, PUF, 1998.
  • Isabelle Moreau, « Guérir du sot ». Les stratégies d'écriture des libertins à l'âge classique, Paris, Honoré Champion, 2007, 1215 p.
  • René Pintard, Le libertinage érudit dans la première moitié du XVIIe siècle, Paris, 1943. Rééd. : Slatkine, Genève et Paris, 1983.
  • René Pintard, « Les problèmes de l'histoire du libertinage », Dix-Huitième Siècle, 1980, no 127, p. 131-162.
    • Repris au début de la réédition des Libertins érudits d'Isabelle Moreau2.

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • Jean-Pierre Cavaillé (dir.), « Bibliographie : Libertinage, libre pensée, irréligion, athéisme, anticléricalisme - 1. Bibliographie des travaux d'historiographie et de critique », Les Dossiers du Grihl, mis en ligne le . Texte intégral
  • Jean-Pierre Cavaillé, « Libertinage, irréligion, incroyance, athéisme dans l'Europe de la première modernité (XVIe et XVIIe siècles) Une approche critique des tendances actuelles de la recherche (1998-2002) », Les Dossiers du Grihl, mis en ligne le . Texte intégral