La Sagesse dans le sang — Wikipédia

La Sagesse dans le sang
Auteur Flannery O'Connor
Pays Etats-Unis d'Amérique
Genre Roman, Southern Gothic
Version originale
Langue anglais américain
Titre Wise Blood
Éditeur Harcourt, Brace & Company
Date de parution 15 mai 1952
ISBN 0374530637
Version française
Traducteur Maurice-Edgar Coindreau
Éditeur Gallimard
Collection L'Imaginaire
Date de parution 1959
Nombre de pages 252
ISBN 2070130096

La Sagesse dans le sang (Wise Blood) est le premier roman, publié en 1952, de Flannery O'Connor, nouvelliste et romancière catholique du Sud des États-Unis. D'une esthétique grotesque au comique sombre, le récit se concentre sur l'évolution tragique du antihéros Hazel Motes, jeune vétéran américain de la Seconde Guerre mondiale traumatisé dans son enfance par la véhémence de son grand-père pasteur évangélique, qui découvre à son retour que sa petite ville natale est devenue une ville fantôme. Il décide d'entamer une nouvelle vie dans le centre urbain le plus proche, mais son passé le rattrape tandis qu'à cause de son nouveau chapeau les gens le prennent pour un prédicateur. Décidé à prouver au monde qu'il est devenu un athée convaincu, il s'ingénie à vivre une vie de péché avant de se mettre à suivre obsessionnellement un prédicateur aveugle et sa fille et à fonder sa propre communauté protestante, « l’Église sans Christ » où « les aveugles ne voient pas, les boiteux ne marchent pas et les morts restent comme ça »[1].

Structure et thématiques[modifier | modifier le code]

La Sagesse dans le sang est un roman complexe emblématique du genre du gothique américain, empli d'effets miroir, de retournements et d'ironie, où Flannery O'Connor a transposé sur le plan littéraire son talent incisif de caricaturiste[2].

Le nihilisme d'Hazel Motes, influencé par le cynisme de ses camarades de l'armée et le choc de l'absurdité de la guerre, s'oppose douloureusement à une vision chrétienne d'un monde gouverné par la Providence et créé selon le dessein intelligent d'un Dieu unique bienveillant à laquelle il ne parvient plus à adhérer[3]. Cette opposition est incarnée dans son comportement contradictoire et par sa chute, symptomatiques de la dissonance cognitive dont il souffre entre des ressentis et des aspirations contradictoires, hanté qu'il est par une figure christique qu'il rejette viscéralement. Mélange de figure de martyr chrétien dégradée et de héros tragique grec tourné en ridicule par sa propre hybris, Hazel Motes fait tour à tour face à la corruption, au déni, au remords et à la recherche désespérée d'une rédemption dans un univers matérialiste en perte de repères et en perdition.

Sur le plan narratif, la structure de l'œuvre doit beaucoup aux tragédies grecques, tout particulièrement à l'Œdipe roi de Sophocle, dans l'opposition entre prophète non-voyant et voyant spirituellement aveugle et l'acte auto-agressif final de Motes qui se brûle les yeux à la chaux par expiation.

Réception[modifier | modifier le code]

Négligée à sa publication par la critique des années cinquante, La Sagesse dans le sang reçoit au fil des décennies de plus en plus d'attention académique. La presse anglophone internationale a pu résumer l'ambivalence notoire des réactions à sa lecture en qualifiant ce roman de « classique américain qui suscite généralement beaucoup d'éloges et peu d'appréciation[4] ». L'autrice affirmait elle-même écrire pour un « public hostile », « presque aveugle », face auquel il était nécessaire de « tracer des formes gigantesques et effrayantes » pour parvenir à toucher sa sensibilité et sa conscience[5].

Adaptations[modifier | modifier le code]

En 1979 sort au cinéma l'adaptation de La Sagesse dans le sang par John Huston. Intitulée de même Wise Blood en langue originale, mais renommée Le Malin dans sa version française[6], elle fait preuve d'une grande fidélité au récit d'O'Connor[7] et a été nommé pour un Gold Hugo dans la catégorie « meilleur film ». Brad Dourif s'y illustre dans le rôle d'Hazel Motes, tandis que les rôles d'Asa Hawks, Sabbath Lily et Enoch Emery sont tenus respectivement par Harry Dean Stanton, Amy Wright et Dan Shor. La musique aux accents grotesques, transposition de l'atmosphère de l'histoire originale, est signée Alex North.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Frederick Asals, Flannery O'Connor: The Imagination of Extremity, University of Georgia Press, 1982 (ISBN 9780820340272 et 0820340278), (OCLC 714811888)
  • André Bleikasten, Flannery O'Connor: In extremis, éditions Belin, série « Voix américaines », 2004. (ISBN 2701139686)
  • Robert H. Brinkmeyer Jr., The Art & Vision of Flannery O'Connor, Louisiana State of University Press, United States of America, 1989. (ASIN B01K2JF6HA)
  • Annick Duperray (dir.), The Complete Stories: Flannery O'Connor, Ellipses éditions Marketing S.A., coll. C.A.P.E.S./Agrégation Anglais, Paris, 2004. (ISBN 978-2-7298-2077-0)
  • Donald E. Hardy. Narrating Knowledge in Flannery O'Connor's Fiction, University of South Carolina Press, Columbia, 2003. (ISBN 1570034753)
  • Josephine Hendin, The World of Flannery O'Connor. Indiana University Press, Fitzhenry & Whiteside Limited, Canada, 1970. (ISBN 0253193400)
  • Marie Liénard-Yetarian et Gérald Préher (dir.), Nouvelles du Sud: Hearing Voices, Reading Stories, éditions de l'École Polytechnique, Palaiseau, 2012. (ISBN 2730216073 et 978-2730216074)
  • Gilbert A. Muller, Nightmare and Visions: Flannery O'Connor, University of Georgia Press, Athens, 1972. (ISBN 0820302848 et 978-0820302843)
  • Jacques Pothier, Les nouvelles de Flannery O'Connor: Synthèse d'une œuvre, éditions du Temps, Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 2004. (ISBN 2842743024 et 978-2842743024)
  • Carol Schloss, Flannery O'Connor's Dark Comedies: The limits of inference, Louisiana State University Press, Baton Rouge, Southern Literary Studies, 1980. (ASIN B019NRPSDE)
  • Anne-Laure Tissut (dir.), Flannery O'Connor: Inversions, subversion and resistance. Colloque du du GRAAT, Université François-Rabelais de Tours, Presses universitaires François Rabelais, 2006. (ASIN B073BBXCM8)
  • Dorothy Walters, Flannery O'Connor. Twayne Publishers, G.K. Hall & Co., Boston, Whichita State University, 1973. (ISBN 0805705562 et 978-0805705560)
  • Karl-Heinz Westarp, Precision and Depth in Flannery O’Connor’s Short Stories. Aarhus University Press, Danemark, 2002. (ISBN 8772889373 et 978-8772889375)
  • Margaret Earley Whitt, Understanding Flannery O'Connor. University of South Carolina Press, Columbia, 1995. (ISBN 1570032254 et 978-1570032257)

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en-US) « The Church Without Christ - Flannery O'Connor's Wise Blood and the 'Sunday Assembly' - The Northern Myth », The Northern Myth,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. (en) Frederick Asals, « Flannery O'Connor: The Imagination of Extremity », Project Muse,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. (en) The Editors of Encyclopaedia Britannica, « Hazel Motes | fictional character », dans Encyclopedia Britannica (lire en ligne).
  4. (en) « The best books you've never read », sur Now To Love (consulté le )
  5. (en-US) « The Grotesque in Flannery O’Connor’s Wise Blood - Crisis Magazine », Crisis Magazine,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. « Le Malin de John Huston - (1979) - Film - Drame » (consulté le )
  7. (en) Xan Brooks, « What great lost films, like John Huston's Wise Blood, should be rediscovered? », sur the Guardian, (consulté le )