Léon Gambetta — Wikipédia

Léon Gambetta
Illustration.
Léon Gambetta (photographie d’Étienne Carjat).
Fonctions
Président du Conseil des ministres français

(2 mois et 16 jours)
Président Jules Grévy
Gouvernement Gambetta
Législature IIIe (Troisième République)
Prédécesseur Jules Ferry
Successeur Charles de Freycinet
Ministre des Affaires étrangères

(2 mois et 16 jours)
Président du Conseil Lui-même
Gouvernement Gambetta
Prédécesseur Jules Barthélemy-Saint-Hilaire
Successeur Charles de Freycinet
Président de la Chambre des députés

(2 ans, 8 mois et 26 jours)
Législature IIe (Troisième République)
Prédécesseur Jules Grévy
Successeur Henri Brisson
Ministre de l'Intérieur

(5 mois et 2 jours)
Président du Conseil Louis Jules Trochu
Gouvernement Défense nationale
Prédécesseur Henri Chevreau[note 1]
Successeur Emmanuel Arago
Député

(1 an, 8 mois et 23 jours)
Élection 24 mai 1869
Réélection 8 février 1871
Circonscription Bouches-du-Rhône (1869-1871)
Bas-Rhin (1871)

(11 ans, 5 mois et 29 jours)
Élection (élection partielle)
Réélection 5 mars 1876
28 octobre 1877
4 septembre 1881
Circonscription Seine
Biographie
Nom de naissance Léon Michel Gambetta
Date de naissance
Lieu de naissance Cahors (France)
Date de décès (à 44 ans)
Lieu de décès Sèvres (France)
Sépulture Cimetière du Château (Nice)
Nationalité Sarde (jusqu'en 1859) Française (à partir de 1859)
Parti politique Républicains modérés
Diplômé de Faculté de droit de Paris
Profession Avocat

Signature de Léon Gambetta

Léon Gambetta, né le à Cahors et mort le à Sèvres, était un homme d’État français. Il est l'une des personnalités politiques les plus importantes des premières années de la Troisième République française.

Avocat, opposant au Second Empire, élu député en 1869, il défend le « programme de Belleville », qui est assez radical (extension des libertés publiques, séparation des Églises et de l’État, vote de l'impôt sur le revenu, élection des fonctionnaires, suppression des armées permanentesetc.).

Le , après la défaite de Sedan et depuis l'hôtel de ville de Paris, il proclame le retour de la République. Le suivant, ministre de l'Intérieur du gouvernement de la Défense nationale, il quitte en ballon la capitale, assiégée par les troupes prussiennes, afin d'organiser les combats en province.

Après le traité de Francfort, il contribue à la pérennisation du régime républicain. Devenu une figure des républicains modérés, il est président de la Chambre des députés de 1879 à 1881, puis président du Conseil et ministre des Affaires étrangères pendant deux mois entre 1881 et 1882, sous la présidence de Jules Grévy, avec qui son inimitié est de notoriété publique.

Léon Gambetta meurt moins d'un an après avoir quitté la tête du gouvernement, à l'âge de 44 ans.

Situation personnelle[modifier | modifier le code]

Naissance et origines familiales[modifier | modifier le code]

Joseph Gambetta et Marie-Magdelaine Massabie, parents de Léon Gambetta.

Léon Michel Gambetta naît le à Cahors, au domicile de ses parents Joseph Nicolas Gambetta et Marie-Magdeleine Massabie[1],[2].

Sa famille paternelle est d'origine italienne. Son grand-père Giovanni-Battista Gambetta, né à Celle Ligure, un village de pêcheurs situé à 40 kilomètres de Gênes, vend des huiles, des pâtes et des poteries dans le sud-ouest de la France en naviguant le long du canal du Midi, de la Garonne, du Lot et du Tarn[1]. En 1818, il s'installe avec sa femme et ses enfants à Cahors, où il ouvre un commerce de faïences et d'épicerie. À l'âge de 10 ans, Joseph, le père de Léon, respecte la tradition familiale et s'engage comme mousse sur un voilier génois. Il navigue notamment jusqu'au Chili. Quelques années plus tard, il reprend le commerce de son père avec son frère Michel[1].

En 1837, Joseph Gambetta épouse Marie-Magdeleine-Orazie Massabie, la fille orpheline d'un pharmacien du village de Molières dans le Tarn-et-Garonne. Elle vient d'un milieu social plus aisé que Joseph, son père descendant d'une famille de paysans enrichis tandis que sa mère est issue de la petite noblesse du Quercy[1]. Selon l'un des biographes de Léon Gambetta, Daniel Amson, le mariage de Joseph Gambetta et Marie-Magdeleine Massabie est un mariage de raison[3]. Peu de temps après leur union, Joseph Gambetta ouvre un nouveau commerce à proximité de la cathédrale de Cahors, le « Bazar génois »[1]. Le couple a deux enfants : Léon, l'aîné, et sa sœur cadette, Benedetta, née en 1848[4].

Enfance et formation[modifier | modifier le code]

Jeunesse provinciale (1838-1856)[modifier | modifier le code]

À l'âge de 4 ans, Léon Gambetta entre à l'école des pères des Sacrés-Cœurs de Picpus, où il apprend à lire et à écrire. À 8 ans, il contracte une sévère péritonite qui manque de le tuer. L'infection, mal soignée, lui cause de sérieux troubles digestifs tout au long de sa vie, et entraîne son décès prématuré[4].

En 1847, son père l'inscrit au petit séminaire de Montfaucon, non par piété ni pour le destiner à la prêtrise, mais parce qu'il est un des fournisseurs de l'économat de cette institution et qu'à ce titre il bénéficie de frais de scolarité avantageux[4]. Lors de sa première année, en classe de huitième, ses résultats sont moyens : Léon Gambetta travaille peu car il apprend vite, sa tenue est négligée et ses devoirs sont peu soignés. En classe de septième, il se montre plus assidu et obtient le premier prix de lecture, ainsi que des accessits en version latine, en histoire, en géographie et en écriture[4]. Malgré son comportement turbulent, ses maîtres remarquent ses qualités : « Conduite : dissipé. Application : médiocre. Caractère : très bon, très léger, enjoué, espiègle. Talent : remarquable, intelligence très développée »[5].

Le jeune élève se montre particulièrement à l'aise au milieu de ses camarades et témoigne d'un intérêt pour la politique étonnant pour son âge, se montrant particulièrement critique à l'égard de Louis-Napoléon Bonaparte lors de l'élection présidentielle de 1848[4]. Cet intérêt pour la politique lui vient de sa propre famille, située plus à gauche que son environnement social : son père, bien que peu cultivé, lit Voltaire et soutient l'unité italienne, tandis que sa mère lui fait lire dans sa jeunesse des articles du journaliste libéral et républicain Armand Carrel[4].

Pendant les vacances scolaires de 1849, Léon Gambetta est victime d'un accident en regardant travailler le coutelier voisin du commerce de son père. Un éclat d'acier lui fait perdre l'usage de son œil droit[6],[7].

Cet accident affecte sa scolarité et joue sur son humeur. Après avoir manqué l'entrée en sixième, il manque de se faire renvoyer après avoir mis le feu à une effigie de Louis-Napoléon Bonaparte dans la cour du petit séminaire, en pleine nuit, pour impressionner ses camarades. Souvent absent pour faire soigner son œil, il manque des compositions générales et ses résultats déclinent, ce qui le contraint au redoublement. Il obtient d'excellents résultats lors de sa deuxième année de sixième et ce dans toutes les matières[8].

À la rentrée d'octobre 1851, Léon Gambetta poursuit ses études au lycée de Cahors où il est directement admis en quatrième. Lors de ses deux premières années dans cet établissement, il n'est guère studieux et ses résultats sont plutôt moyens. Il se distingue en revanche par l'ascendant qu'il prend sur ses camarades, en véritable meneur. Sous l'impulsion de son professeur de lettres, ses résultats s'améliorent à partir de la seconde. Il se passionne pour la littérature française, l'histoire et le grec, apprenant par cœur plusieurs discours de Démosthène. Il reçoit de nombreux prix et obtient sans difficulté la première partie de son baccalauréat en 1855 puis, l'année suivante, il décroche un premier accessit de dissertation française au concours général des cinq lycées de l'Académie de Toulouse, et son titre de bachelier ès lettres[9],[10].

Pendant l'été 1856, Léon Gambetta voyage avec son père en Italie pour y découvrir la terre de ses ancêtres. Il y rencontre notamment pour la première fois sa grand-mère maternelle[11]. Refusant de reprendre le commerce de son père, il finit par le convaincre de le laisser s'inscrire à la faculté de droit de Paris en [11].

Études de droit à Paris (1857-1861)[modifier | modifier le code]

À Paris, Léon Gambetta mène une existence relativement pauvre car son père, qui lui reproche de vouloir faire carrière autrement que dans le commerce et l'accuse de mener une vie dissolue, ne lui octroie qu'une faible pension. Assez mal nourri et mal logé, le jeune réussit néanmoins ses examens[12]. Il obtient sa licence en , quelques mois après avoir acquis la nationalité française, en [13],[14].

Pendant ses études, il fréquente régulièrement les cafés du Quartier latin, hauts lieux de socialisation, comme le café Voltaire ou le café Procope. Il s'y distingue par ses talents oratoires et sa voix porte qui impressionne ses interlocuteurs[14]. En 1860, il publie un premier article non signé sur la question italienne dans L'Opinion nationale, un journal de tendance républicaine[14]. En , il passe en conseil de révision mais il est exempté du service militaire à cause de son œil aveugle[14].

Alors que son père, qui le présente dans une de ses lettres comme un « orateur d'estaminet »[14], le presse de rentrer à Cahors, Léon Gambetta peut compter sur l'appui de plusieurs membres de sa famille. Un compromis est trouvé : sa tante est envoyé à ses côtés pour tenir son foyer et le surveiller[14]. Il emménage avec elle dans un appartement de quatre pièces de la rue Vavin et sa situation matérielle s'améliore[15]. Faute de pouvoir s'établir comme avocat, il s'inscrit en doctorat pour devenir professeur. Il échoue cependant à son examen de droit romain[14].

Carrière professionnelle[modifier | modifier le code]

Portrait carte-de-visite de Léon Gambetta par Légé : borgne avec un œil de verre, il se fit toujours représenter de profil gauche[16].

En , Léon Gambetta est engagé comme secrétaire par maître de Jouy, l'un des meilleurs avocats de Paris. Au début du mois de juin, il prête serment et fait son entrée au barreau de Paris, présenté par le bâtonnier Jules Favre qui est également le chef de l'opposition républicaine au régime impérial[17]. Il plaide au conseil de guerre mais également dans des affaires civiles ou des affaires pénales et obtient plusieurs acquittements. Il est alors admis à la célèbre Conférence Molé où il rencontre des hommes d'affaires et des personnalités politiques comme les députés républicains Ernest Picard et Émile Ollivier[17].

Toujours passionné de politique, il assiste aux débats du Corps législatif et en , il écrit une « adresse à la jeunesse de France et d'Italie » après la mort de Camillo Cavour. Cette lettre, qui encourage les Italiens à se rapprocher du roi Victor-Emmanuel II pour parachever l'unité italienne, reçoit un accueil favorable dans l'opinion publique[17]. En , Léon Gambetta livre une plaidoirie remarquée lors du procès dit des « cinquante-quatre », une affaire de complot présumé visant à enlever l'empereur Napoléon III pour laquelle plaident des figures du barreau républicain comme Adolphe Crémieux, Emmanuel Arago, Jules Ferry ou Charles Floquet, et des plus jeunes comme Eugène Spuller et Clément Laurier. Gambetta défend l'un des accusés, Louis Buette, un jeune ouvrier républicain, en dénonçant la police, ses agents et leurs méthodes[18],[19]. Cette prestation lui vaut de rejoindre le cabinet d'Adolphe Crémieux au mois d'octobre suivant en tant que secrétaire[18].

En , Léon Gambetta emménage avec sa tante dans un appartement du no 45 de la rue Bonaparte. À la même époque, il s'engage activement dans la campagne des élections législatives et intègre le comité chargé de désigner les candidats de l'opposition. Bien que républicain, il soutient la candidature de l'orléaniste Lucien-Anatole Prévost-Paradol dans la sixième circonscription de la Seine, qui est finalement battu. Ces élections sont cependant un succès pour l'opposition qui triple son score en nombre de voix par rapport au dernier scrutin et obtiennent 32 sièges contre 7 dans la précédente législature[20].

Léon Gambetta poursuit son activité professionnelle et, bien qu'il soit reconnu comme un bon avocat et qu'il remporte de nombreuses affaires, ses revenus sont modestes. Sa véritable passion demeure la politique et il continue de fréquenter les couloirs du Corps législatif où les députés républicains le traitent presque en collègue. Il fait cependant preuve d'ouverture et de pragmatisme quand il approuve le discours de l'orléaniste Adolphe Thiers sur les « libertés nécessaires »[21]. Gambetta envisage lui aussi de faire carrière en politique et se constitue peu à peu un groupe d'amis pour l'accompagner dans ce projet, parmi lesquels Eugène Spuller, avocat comme lui, Arthur Ranc, ancien déporté, François Allain-Targé qui l'introduit dans les milieux mondains, et Paul Challemel-Lacour, fondateur de La Revue politique et littéraire, qui lui ouvre les colonnes de son journal[21],[21][22]. Gambetta y publie des articles à partir de , notamment sur le libre-échange, le général Grant ou la gestion financière du baron Haussmann pour les travaux de Paris[21]. Il fréquente également le salon politico-littéraire de Juliette Adam et voyage à l'étranger pour parfaire ses relations : durant l'été 1868, il rend visite en Roumanie au prince Georges III Bibesco, muni d'une lettre de recommandation de Thiers[21].

En , le procès de « l'affaire Baudin » le fait connaître au grand public. Il y défend Charles Delescluze, journaliste républicain inculpé pour avoir ouvert, avec trois autres personnalités, une souscription publique afin d'ériger un monument à la mémoire d'Alphonse Baudin, député de la Deuxième République, mort le sur les barricades en s'opposant au coup d'État de Napoléon III. Gambetta, qui s'exprime en dernier, prononce une plaidoirie virulente contre les fondements de l'Empire. Il dénonce fermement les emprisonnements et les déportations qui ont suivi le coup d'État et défend la mémoire de ceux qui l'ont payé de leur vie : « Cet anniversaire […] nous le prenons pour nous : nous le fêterons toujours, incessamment, chaque année ce sera l’anniversaire de nos morts, jusqu’au jour où le pays redevenu le maître vous imposera la grande expiation nationale au nom de la liberté, de l’égalité, de la fraternité ». Avant de se rasseoir, il conclut : « Vous pouvez nous frapper, mais vous ne pourrez jamais ni nous déshonorer ni nous abattre »[23],[24]. Ce plaidoyer vibrant soulève l'enthousiasme de l'auditoire et connaît un certain retentissement dans l'ensemble du pays après sa reproduction en plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires[23]. Delescluze est condamné à six mois de prison et 2 000 francs d'amende, mais l'impact politique du discours érige Gambetta en espoir du parti républicain[25],[23].

Vie privée[modifier | modifier le code]

Portrait dessiné au crayon d'une femme se tenant assise, portant une robe et un ruban dans les cheveux.
Léonie Léon, d'après une photographie de 1875.

Réputé comme un grand séducteur, Léon Gambetta n'a jamais été marié. À partir de 1868, à l'issue du procès de l'affaire Baudin, il entretient une liaison avec Marie Meersmans, une demi-mondaine d'origine belge et de 18 ans son aînée, un temps liée à Frédéric Mistral. Il ne s'agit probablement pas de la première aventure de Gambetta mais le nom de ses précédentes maîtresses n'est pas connu. Pendant l'été 1870, les deux amants séjournent pendant quelques semaines à Lille, Bruxelles et Chaudfontaine. Leur liaison dure jusqu'en 1872[26],[27].

Cette même année, Léon Gambetta entame une relation avec Léonie Léon, une jeune femme de son âge, fille du colonel François-Émile Léon, mort à l'asile de Charenton en 1860[28]. Sous l'Empire, elle devient la maîtresse de Louis-Alphonse Hyrvoix, inspecteur général de police des résidences impériales, dont elle a un fils qu'elle présente ensuite comme son neveu[28]. Elle découvre Léon Gambetta lors du procès Baudin en 1868 et, subjuguée par ses talents d'orateur, elle suit désormais tous ses discours avant d'oser lui écrire. Leur liaison, discrète mais durable, débute le après une promenade dans le parc du château de Versailles. Léonie Léon reste la compagne de Gambetta jusqu'à sa mort en 1882. Pendant ces dix années, elle exerce une grande influence sur son compagnon qui écoute attentivement ses conseils politiques[29],[30]. Léon Gambetta le reconnaît volontiers dans les lettres qu'il lui adresse et se montre sensible à l'intelligence politique de sa maîtresse qui se montre plus modérée que lui, en raison de son éducation catholique, si bien que pour son biographe Gérard Unger, « sans qu'elle joue un rôle majeur dans la ligne politique de son amant, son influence ne doit pas être sous-estimée »[31].

Carte postale en noir et blanc oblitérée d'un timbre vert montrant l'intérieur d'un salon comprenant des tableaux et des portraits photographiques accrochés au mur, ainsi que des objets d'art disposés sur des meubles et une petite cheminée.
Le salon de la maison des Jardies, après la mort de Gambetta.

Pendant les premières années de leur liaison, les deux amants se voient peu en raison des activités politiques du tribun. Ce dernier refuse pendant longtemps le mariage, malgré les demandes incessantes de Léonie[30]. Dans les dernières années de sa vie, la situation s'inverse et c'est Gambetta qui supplie régulièrement sa compagne de consentir à cette union. Les deux amants semblent décidés à se marier quand survient le décès brutal de l'homme d'État en 1882[32]. Durant l'été 1877, Gambetta décide de louer une maison à Ville-d'Avray où les deux amants se retrouvent plus souvent et plus tranquillement qu'à Paris. L'année suivante, en , il fait l'acquisition de la maison des Jardies, située sur la commune voisine de Sèvres et ancienne propriété de l'écrivain Honoré de Balzac. Cette maison de taille modeste convient parfaitement à Gambetta, qui acquiert deux parcelles mitoyennes en 1879 et 1882 pour agrandir la propriété[33]. Le couple y séjourne régulièrement, mais loge également dans le petit appartement que loue Gambetta à Paris, au no 57 de la rue Saint-Didier[32].

Bien que leur union ne soit pas reconnue légalement, et malgré l'hostilité que lui porte Benedetta, la sœur de Gambetta, Léonie Léon n'est pas abandonnée par la famille de ce dernier. Après la liquidation de la succession, elle reçoit une somme de 60 000 francs à son nom, tandis que les amis politiques de son amant lui versent une rente mensuelle de 500 francs, transformée plus tard en pension viagère[34].

Carrière politique[modifier | modifier le code]

Député républicain (1869-1870)[modifier | modifier le code]

Léon Gambetta incarne alors l'aile radicale chez les républicains et sa popularité grandissante en fait l'un de leurs principaux candidats pour les élections législatives de 1869[35]. La loi autorisant les candidatures multiples[36], il décide de se présenter dans la première circonscription de la Seine, dont le centre est le quartier populaire de Belleville, ainsi qu'à Marseille[35]. Dans cette circonscription laissée vacante par le décès du député légitimiste Pierre-Antoine Berryer quelques mois plus tôt, il doit affronter le candidat impérial Ferdinand de Lesseps, créateur du canal de Suez, et l'orléaniste Adolphe Thiers. À Belleville, il est opposé à l'ancien ministre de l'Instruction publique et des cultes, Hippolyte Carnot[35].

Il énonce son programme électoral, connu sous le nom de « programme de Belleville », lors d'un discours à Paris dont le texte est ensuite publié dans le journal L'Avenir national le . Parmi les thèmes exposés dans ce qui servira de cadre pendant de longues années aux républicains, figurent l'application stricte du suffrage universel, la garantie des libertés individuelles et l'extension des libertés publiques, en particulier la liberté de réunion, de presse et d'association, la séparation des Églises et de l'État, l'instruction primaire gratuite et obligatoire, mais également le mandat impératif imposé à l'élu, l'élection des fonctionnaires et la suppression des armées permanentes[35].

Le , Léon Gambetta est élu à Paris par 21 734 voix contre 9 142 à Carnot. À Marseille, il arrive en tête du premier tour devant Lesseps et Thiers. Ce dernier se retirant à son profit, il est finalement élu au second tour par 12 868 voix contre 5 066 à Lesseps. Vainqueur dans deux circonscriptions, Gambetta choisit de représenter la préfecture des Bouches-du-Rhône et laisse vacant son siège de Belleville, qui sera pourvu plus tard par Henri Rochefort. Ces élections législatives marquent une forte progression des oppositions en nombre de voix, mais également en siège. Les républicains en remportent 30, soit 13 de plus que lors de la précédente législature. Les orléanistes et les légitimistes comptent 41 sièges tandis que les bonapartistes recueillent 212 sièges dont seulement 92 aux partisans d'un régime autoritaire et 120 aux membres du « tiers parti » d'Émile Ollivier, favorables à l'évolution libérale du régime[35].

À la même époque, en mai 1869, il est initié franc-maçon par Gaston Crémieux[37] à la loge « La Réforme » au Grand Orient de France à Marseille[38], à laquelle appartiennent également Gustave Naquet et Maurice Rouvier.

Après une campagne électorale éreintante, la santé de Léon Gambetta se dégrade brutalement. Sur les conseils du docteur Fieuzal, il séjourne dans la station thermale rhénane d'Ems puis au bord du lac Léman, en Suisse[39]. Il regagne Paris à la fin du mois d'octobre et s'installe avec sa tante au no 12 de l'avenue Montaigne[39].

Ses premiers pas au Corps législatif sont remarqués[40]. Le , lors d'un échange avec le ministre de la Guerre Edmond Le Bœuf, il prône l'instauration d'un régime républicain et déclare : « Vous n'êtes qu’un pont entre la République de 1848 et la République à venir, et nous passerons le pont[41] ! » À la Chambre, il s'oppose régulièrement à Émile Ollivier, l'ancien républicain rallié au régime et nommé chef du gouvernement[42]. Son discours critique du contre le sénatus-consulte fixant la Constitution de l'Empire, soumis au plébiscite, trouve un large écho parmi les opposants du régime[43]. Ses talents d'orateur sont unanimement salués par la presse et en quelques mois seulement, Léon Gambetta s'impose comme le chef du parti républicain[40].

Il fait campagne en faveur du non au plébiscite du mais le oui l'emporte largement avec 7 358 000 voix sur près de 11 millions d'inscrits, l'abstention dépassant même le nombre de voix en faveur du non. Gambetta reconnaît la défaite et déclare que l'Empire paraît alors plus fort que jamais[26],[44]. La guerre contre la Prusse précipite pourtant sa chute moins de quatre mois plus tard[45].

Proclamation de la Troisième République (1870)[modifier | modifier le code]

Gravure montrant un homme debout sur un balcon haranguant la foule à ses pieds, tandis que plusieurs hommes se tiennent en retrait derrière lui dans la pièce.
Léon Gambetta proclamant la République à l'hôtel de ville de Paris, le .

Dans un contexte de tensions diplomatiques avec la Prusse, ravivées par la candidature du prince Léopold de Hohenzollern au trône d'Espagne[46], le gouvernement impérial exige des garanties sur l'avenir de la part du roi Guillaume Ier[47],[48]. Le chancelier Otto von Bismarck, pour qui la guerre contre la France apparaît comme un moyen de parachever l'unification allemande, met de l'huile sur le feu en faisant transcrire dans la dépêche d'Ems une version dédaigneuse de la réponse formulée par le roi à l'ambassadeur de France. L'opinion publique s'enflamme et le Corps législatif, dans sa grande majorité, se montre favorable à la déclaration de guerre[48].

Parmi les rares voix discordantes figure celle de Léon Gambetta qui, à la tribune, condamne le refus du gouvernement de produire les documents témoignant de sa bonne foi quand il affirme que le pays a été outragé[48][49]. Par instinct patriotique, il se décide pourtant à voter les crédits de guerre le [50],[51], la déclaration intervenant quatre jours tard[48]. Dans une lettre adressée à son ami Clément Laurier, Léon Gambetta affiche d'ailleurs sa confiance et la conviction que le pays sortira vainqueur du conflit[51].

L'armée française connaît cependant une véritable déroute. Après la démission d'Émile Ollivier le , Léon Gambetta s'exprime plusieurs fois devant le Corps législatif pour demander la nomination d'un comité de défense et pose la question de la déchéance de l'empereur, du moins de sa suspension : « Il faut savoir si, ici, nous avons fait notre choix entre le salut de la patrie et le salut de la dynastie »[52].

Quand la nouvelle de la capitulation de l'empereur après la défaite de Sedan parvient à Paris le , Léon Gambetta fait partie d'un groupe de républicains qui tentent de convaincre Adolphe Thiers de prendre la tête d'un gouvernement d'union et de défense[53]. Le soir même, alors que de nombreux Parisiens se rassemblent devant les grilles du palais Bourbon, où siège le Corps législatif, il tente de rassurer la foule pour prévenir tout risque d'émeute[54]. Les députés républicains maintiennent leur doctrine qui consiste à prendre le pouvoir par les urnes, de façon démocratique, et ne veulent pas encore d'une révolution qui discréditerait la république[55]. Pourtant, la situation évolue précipitamment dans l'après-midi du lorsque la foule envahit le palais Bourbon pendant la séance du Corps législatif. Gambetta, qui veut garder le contrôle de la situation, fait preuve d'opportunisme[56]. Il monte à la tribune et annonce la chute de l'Empire : « Citoyens, attendu que tout le temps nécessaire a été donné à la représentation nationale pour prononcer la déchéance ; attendu que nous sommes et que nous constituons le pouvoir régulier issu du suffrage universel libre, nous déclarons que Louis-Napoléon Bonaparte et sa dynastie ont à jamais cessé de régner sur la France[55]. »

Il prend alors avec Jules Favre la tête du cortège qui se dirige vers l'hôtel de ville pour y proclamer la République[55]. En agissant de la sorte, Favre et Gambetta veulent devancer les meneurs d'extrême gauche comme Auguste Blanqui, Jean-Baptiste Millière, Charles Delescluze ou Gustave Flourens qui pourraient profiter des circonstances pour renverser l'ordre social. Sans en être les déclencheurs, les députés républicains choisissent alors de prendre la tête du mouvement révolutionnaire pour tenter de l'endiguer[57].

Gouvernement de la Défense nationale (1870-1871)[modifier | modifier le code]

Entrée en fonction et délégation de Tours[modifier | modifier le code]

Gambetta et les autres membres du gouvernement de la Défense nationale.

Les députés républicains s'emparent du pouvoir et décident la création d'un gouvernement de la Défense nationale sous la présidence du général Trochu, gouverneur militaire de la capitale. Ce gouvernement autoproclamé d'une dizaine de membres compte principalement des députés parisiens[58]. Malgré la protestation d'Ernest Picard, Léon Gambetta s'arroge le ministère de l'Intérieur[59].

La première mission du nouveau gouvernement consiste à mobiliser tous les hommes en âge de se battre pour reconstituer les troupes françaises décimées par la défaite de Sedan et l'encerclement dans Metz de l'armée du Rhin. Les troupes prussiennes poursuivent leur progression et la capitale est assiégée dès la mi-septembre[60]. Alors que le pays est envahi, Léon Gambetta est déterminé à organiser la résistance et, pour cela, il cherche à s'appuyer sur des hommes de confiance. Il choisit de révoquer les préfets impériaux et nomme à leur place des militants républicains, avocats ou journalistes, parfois sans expérience pour de tels postes. En une dizaine de jours, 80 préfets sont nommés. À Lyon notamment, où des militants avaient proclamé la république et hissé le drapeau rouge sur l'hôtel de ville dès le matin du , il désigne son ami Paul Challemel-Lacour, professeur agrégé de philosophie, dont il compte sur l'autorité morale pour rétablir l'ordre et apaiser une situation proche de l'insurrection[61],[62],[63].

Tableau de Jules Didier et Jacques Guiaud représentant le départ de Léon Gambetta de Paris le à bord d'un ballon monté (musée Carnavalet).

Soucieux de légitimer sa formation tant aux yeux de la population que des puissances étrangères, le gouvernement envisage d'organiser des élections législatives mais l'avance des troupes prussiennes condamne le projet. Devant la menace du siège de Paris, Adolphe Crémieux est envoyé à Tours le pour y représenter le gouvernement et associer la province à la résistance. Il est rejoint par deux autres ministres six jours plus tard, l'amiral Fourichon et Alexandre Glais-Bizoin. La délégation gouvernementale commence la réorganisation de l'armée et de l'artillerie, mais son action est insuffisante, d'autant plus que le , les Prussiens coupent le câble télégraphique installé dans le lit de la Seine, ce qui prive dès lors Paris de communiquer avec la province. Le gouvernement choisit d'envoyer un nouveau représentant à Tours avec des pouvoirs élargis et une voix prépondérante au sein de la délégation en cas de partage des voix. Léon Gambetta est désigné[64],[65].

Il n'y a d'autre moyen que de quitter la ville en ballon, aussi, le , accompagné de son secrétaire Eugène Spuller, il embarque sur l'Armand-Barbès, piloté par Alexandre Trichet. Le ballon décolle en fin de matinée de la place Saint-Pierre[65],[66] et malgré la menace des tirs prussiens, finit par s'éloigner de la capitale et se poser vers 15 h dans le bois de Favières, sur la commune d'Épineuse dans le département de l'Oise. Le maire de la commune conduit les voyageurs jusqu'à Montdidier, dans la Somme, d'où ils gagnent Amiens puis Rouen par le train. Il parvient à Tours le , où il reçoit un accueil triomphal[65],[67].

Organisation de l'armée[modifier | modifier le code]

Léon Gambetta en 1870.

Dès le , dans une proclamation aux départements, Léon Gambetta exhorte la population à prendre les armes contre les Prussiens. Ces propos reçoivent un accueil favorable, y compris dans les milieux monarchistes, dont il exalte le sentiment patriotique. De fait, Gambetta s'approprie la fonction de ministre de la Guerre, qu'il cumule avec le ministère de l'Intérieur, et s'entoure d'hommes de confiance en désignant notamment Charles de Freycinet comme délégué du ministre auprès du département de la Guerre. Gambetta et Freycinet procèdent au recrutement de 200 000 hommes dont ils assurent l'équipement et la nourriture, engagent un effort matériel avec un nouvel approvisionnement en armes et en munitions, mettent en place un service de reconnaissance et d'information, ainsi qu'un corps de génie civil. Onze camps sont également créés pour assurer la formation des nouvelles recrues[68]. L'action de Gambetta est alors largement reconnue, comme le souligne le futur président de la République Paul Deschanel : « Gambetta rendit à la nation confiance en elle-même. Sa chaude et virile éloquence, sa foi enthousiaste, remuaient les cœurs […]. La France sentit qu’elle avait un chef, elle se reprit à espérer. Il lui apportait l’énergie et le rayon de la jeunesse. Il croyait, lui, alors que tant d’autres ne croyaient pas. Il animait tout de sa flamme »[69].

Après la reddition du maréchal Bazaine à Metz, qui permet aux Prussiens de concentrer de nouvelles troupes vers l'ouest, le gouvernement veut briser au plus vite le siège de Paris. Malgré le succès de l'armée de la Loire conduite par le général Aurelle de Paladines à Coulmiers le , les opérations militaires tournent de nouveau à l'avantage des Prussiens et le choix des troupes françaises de concentrer leurs efforts sur la capitale apparaît finalement comme une erreur stratégique[70]. Les désaccords entre Gambetta et Aurelle de Pradines entraînent la destitution de ce dernier et la nomination du général Chanzy à la tête des armées[70], mais les efforts déployés par le ministre et ses collaborateurs ne suffisent pas à contrer la supériorité numérique et matérielle de l'ennemi[71].

Le caricaturiste accentue la proéminence de la prothèse oculaire de Gambetta, notamment lorsqu’il le dessine en bicorne[16].

Repli à Bordeaux et démission[modifier | modifier le code]

Devant l'avancée de l'armée prussienne et la perte d'Orléans, la délégation doit quitter Tours et s'installe à Bordeaux, le . Gambetta la rejoint deux jours plus tard mais, gardant espoir en une victoire française, il multiplie les déplacements pour réorganiser les armées, notamment à Bourges, Lyon, Laval mais également Lille, où il se rend par la mer. Les efforts de l'armée du Nord et de l'armée de l'Est ne permettent cependant pas de rompre le siège de la capitale, où les Parisiens meurent de froid et de faim. L'optimisme de Gambetta se heurte à l'aspiration à la paix, devenue majoritaire dans la plupart des régions[72].

Paris étant à court de vivres et bombardé depuis le , Jules Favre signe, pour le gouvernement provisoire, un armistice de vingt-et-un jours le [72]. Gambetta s'élève contre les conditions imposées par le chancelier Bismarck, notamment l'abandon d'une partie du territoire et adresse un courrier au gouvernement à Paris : « Capituler comme gouvernement, vous ne le pouvez ni en droit ni en fait. Poursuivre la guerre jusqu’à l’affranchissement […] telle doit être notre tâche »[73]. Quand la nouvelle de l'armistice parvient à Bordeaux le , Gambetta, furieux et découragé, écrit une lettre de démission à Adolphe Crémieux qui lui demande l'arrivée de Jules Simon en tant qu'émissaire du gouvernement[72].

Entre-temps, le , Gambetta prévoit l'organisation des élections législatives et décrète l'inéligibilité des anciens ministres, sénateurs, conseillers d'État, préfets et candidats officiels de l'Empire, ce qui provoque la colère de Bismarck qui menace le gouvernement de rompre l'armistice. Le , Jules Simon arrive à Bordeaux pour mettre fin aux fonctions de Gambetta et, si besoin, l'arrêter. Ce dernier compte encore sur le soutien des membres de la délégation et de nombreux préfets. Les autorités lyonnaises lui proposent de s'y installer pour mener la résistance, mais l'armée est divisée : le vice-amiral Jauréguiberry veut poursuivre la guerre tandis que les généraux Chanzy et Faidherbe se prononcent en faveur de la paix[72].

Le , une manifestation menée par l'extrême gauche se tient devant la préfecture de Bordeaux pour soutenir Gambetta, qui ne veut cependant pas d'une guerre civile qui emporterait la République. Le lendemain, trois autres membres du gouvernement arrivent à Bordeaux pour appuyer Simon, à savoir Eugène Pelletan, Emmanuel Arago et Louis-Antoine Garnier-Pagès[72]. Gambetta préfère démissionner ce [74] et l'annonce aux préfets : « Ma conscience me fait un devoir de résilier mes pouvoirs de membre d'un gouvernement avec lequel je ne suis plus en communion d'idées ni d'espérances »[72].

Figure centrale de la Troisième République[modifier | modifier le code]

Opposition et rapprochement avec Thiers[modifier | modifier le code]

Léon Gambetta (par Étienne Carjat, avant 1876).
Croquis du tribun Gambetta.

Les élections législatives se déroulent le . La loi autorisant les candidatures multiples, Léon Gambetta est élu dans dix départements[note 2] et choisit de représenter le Bas-Rhin par patriotisme. Ce scrutin montre que Gambetta conserve une certaine influence, en particulier dans les grandes villes et les régions de l'est, mais le grand vainqueur en est Adolphe Thiers, élu dans vingt-six départements et qui devient le chef du pouvoir exécutif, au sein d'une Assemblée nationale largement dominée par les monarchistes[75].

Léon Gambetta s'associe à la protestation des élus alsaciens et lorrains qui s'insurgent de la cession de ce territoire à l'Empire allemand. Le , les préliminaires de paix sont pourtant adoptés par 546 voix contre 107, et 23 abstentions. Le , il démissionne de son mandat, comme l'ensemble des députés alsaciens-lorrains, après la lecture par Jules Grosjean d'une nouvelle proclamation qu'ils ont signée. Par solidarité, des députés de la Gauche radicale démissionnent à leur tour, parmi lesquels Arthur Ranc, Henri Rochefort et Victor Hugo[75].

Fatigué physiquement et moralement, Léon Gambetta se retire à Saint-Sébastien, en Espagne, et c'est de là qu'il assiste, en spectateur, aux événements de la Commune de Paris[76]. Son ami Eugène Spuller le convainc d'effectuer son retour en politique. Candidat aux élections partielles du , il est élu dans les départements du Var, des Bouches-du-Rhône et de la Seine, et choisit de représenter cette dernière circonscription, celle de Belleville où il était élu avant la proclamation de la République. Les premiers discours de Gambetta étonnent par leur modération qui contraste avec la « guerre à outrance » qu'il entendait mener quelques mois plus tôt. Dès lors, il prône l'union des républicains et fait de l'accomplissement de ce régime un idéal qui doit être atteint sans violence[76].

Gambetta est isolé à l'Assemblée : il prend la tête de l'Union républicaine, un groupe parlementaire d'une trentaine de membres, tandis que les « quatre Jules », Ferry, Favre, Simon et Grévy, fondent la Gauche républicaine. Ce dernier est particulièrement virulent à l'égard de Gambetta et leur inimitié est largement reconnue[77]. Ces groupes parlementaires ne sont pas encore de véritables partis politiques : non organisés, ils ne s'appuient pas sur des réseaux de militants et ne dispensent pas de véritables consignes de vote, mais leur existence témoigne d'une grande pluralité d'opinions et de la présence de certaines lignes de fracture parmi les républicains. Léon Gambetta, conscient du faible poids qu'il représente, intervient peu dans l'hémicycle. Il prône cependant la dissolution de l'Assemblée à coloration monarchiste élue pour mettre un terme à la guerre et milite pour l'élection d'une véritable Assemblée constituante, sans succès[77].

Alors que les républicains ne cessent de gagner des sièges lors des élections législatives partielles et que les monarchistes sont toujours divisés entre orléanistes et légitimistes, le président Adolphe Thiers se rapproche de la gauche et se prononce ouvertement en faveur d'une république conservatrice, quoique le pacte de Bordeaux prévoyait qu'il ne prenne pas position sur le futur régime. Gambetta le soutient à plusieurs reprises mais les deux hommes, malgré la convergence de leurs intérêts, continuent de s'opposer[78]. Thiers condamne ainsi le discours dans lequel le député évoque l'avènement d'une couche sociale nouvelle et engagée en politique, ce que certains, principalement les conservateurs, considèrent comme l'annonce d'une révolution sociale[79]. Albert de Broglie, qui prend la tête de la droite conservatrice, assimile l'appel aux couches nouvelles de Gambetta à la Commune et souhaite que Thiers le condamne explicitement, de manière à séparer le président de la République de la gauche. Lors de l'élection législative partielle du , Gambetta soutient à Paris la candidature radicale de l'ancien maire de Lyon, Désiré Barodet, face au candidat soutenu par Thiers et les républicains conservateurs, Charles de Rémusat. Gambetta s'implique personnellement dans la campagne, rédige la profession de foi du candidat, et multiplie les réunions. Son discours séduit à la fois l'extrême gauche et les républicains modérés, et permet à Barodet d'emporter une nette victoire[78].

Ce succès de l'union des gauches inquiète la droite qui souhaite contenir la montée du radicalisme en se débarrassant de Thiers : mis en minorité malgré le soutien de la gauche et de Gambetta, le président de la République démissionne et Patrice de Mac Mahon est élu. La chute de Thiers marque le retour du clivage gauche-droite à l'Assemblée nationale et Gambetta retrouve dès lors son statut de chef de file de l'opposition[78].

Le « commis voyageur de la République »[modifier | modifier le code]

Dans les premières années de la Troisième République, Léon Gambetta s'efforce d'étendre son influence et de répandre plus largement ses convictions dans la société française. Le , il fonde avec quelques amis le journal La République française, un quotidien qui cherche à concurrencer le Journal des débats, plus libéral. Gambetta n'en est pas le principal rédacteur mais bien l'animateur : il décide du contenu du journal, commande des articles et suggère des modifications aux membres de son équipe qui constituent peu à peu « un contre-gouvernement, un cabinet fantôme de l'opposition, à la britannique », selon l'expression de son biographe Gérard Unger. Tiré à 15 000 exemplaires, La République française rencontre un certain succès, et ses articles sont repris par des journaux républicains locaux, ce qui leur assure une plus grande diffusion[80].

La presse n'est pas le seul instrument utilisé par Gambetta : il s'appuie notamment sur les loges maçonniques, étant membre lui-même de la loge marseillaise « La Réforme », sur la Ligue de l'enseignement dont il est également membre et qui partage son idéal d'éducation laïque et nationale, et sur les salons qu'il fréquente régulièrement, en particulier celui de Juliette Adam. La présence de hauts gradés républicains dans l'administration de l'armée, comme les généraux Chanzy, Faidherbe ou le colonel Denfert-Rochereau, lui vaut la sympathie de ceux qui admirent son patriotisme, tandis qu'il se lie d'amitié avec de grands financiers et industriels comme Emmanuel-Vincent Dubochet[80].

En s'appuyant sur ses talents d'orateur, Léon Gambetta choisit de s'adresser directement aux Français. Il sillonne le pays pour rencontrer les électeurs, assiste aux banquets, multiplie les discours dans lesquels il affirme sa doctrine, et devient alors le « commis voyageur de la République »[81].

Combat contre les monarchistes[modifier | modifier le code]

Dès son arrivée au pouvoir, Patrice de Mac Mahon entend poursuivre « l'œuvre de la libération du territoire et le rétablissement de l'ordre moral ». Léon Gambetta rédige un appel des représentants républicains à la nation, signé par 128 élus de l'Assemblée, dans lequel il exhorte son camp à ne pas céder à la tentation révolutionnaire pour ne pas assimiler la République à l'anarchie. Face au risque de rétablissement monarchique, il cherche l'union de tous les républicains et se rapproche de nouveau d'Adolphe Thiers et de ses amis, tout en continuant de militant pour la dissolution de l'Assemblée. Considéré comme la « bête noire » du gouvernement, Gambetta sait parfois se mettre en retrait pour servir les intérêts de tous les opposants à la politique réactionnaire du gouvernement de Broglie[82]. Il fait également échouer le projet de loi qui vise à rehausser l'âge de la majorité électorale à 25 ans et à exiger trois ans de résidence pour les électeurs non nés dans une commune, qui serait ainsi défavorable aux républicains en raison de la grande mobilité d'une partie de leur électorat[83].

L'élection d'un candidat bonapartiste, le baron de Bourgoing, face au député radical sortant lors d'une élection partielle dans la Nièvre le démontre la persistance du camp impérial et de son influence au sein de l'opinion. Ancien président du Sénat, le député de Corse Eugène Rouher conduit une propagande active avec son groupe l'Appel au peuple à l'Assemblée. En plus de son combat contre les monarchistes, Léon Gambetta poursuit donc de sa vindicte les représentants d'un « régime détesté et corrupteur », ce qui lui vaut d'être frappé au visage le par un ancien officier de la garde impériale, Henri de Sainte-Croix[83].

Inquiet des tentatives de Restauration monarchique comme de la poussée des bonapartistes, Léon Gambetta fait preuve de pragmatisme et engage l'ensemble des groupes de la gauche républicain à accepter un compromis[84]. L'union des républicains, du centre gauche et du centre droit aboutit aux votes des lois constitutionnelles en janvier et [85]'[86]. Les républicains cèdent sur les pouvoirs du président de la République et le principe du bicamérisme, en acceptant la création du Sénat, mais ils obtiennent la réduction du nombre de sénateurs inamovibles et l'élection de ses autres membres au scrutin indirect par un collège électoral départemental. Le 16 juillet, le vote de la loi sur les rapports entre les pouvoirs publics, qui prévoit les sessions des Chambres et les relations du président de la République avec elles, achève l'organisation du nouveau régime[84]. Tout au long de ce travail parlementaire, Léon Gambetta s'emploie à convaincre les réticents, et agit « en négociateur avisé, en diplomate clairvoyant »[87].

À ses amis qui lui reproche d'avoir renoncé à certains des idéaux républicains et que le prix à payer pour aboutir au compromis s'avère très élevé, il affirme : « Quels que soient les défauts ou les mérites de la Constitution, il faut la consolider et non l'ébranler. C'est une œuvre de paix et de conciliation, qui a été pour les républicains une occasion brillante de montrer leur union apparente. Nous avons bien fait de rompre un instant avec les intransigeants. […] Notre nouvelle née est une œuvre de conciliation, par conséquent de patriotisme. Le pays voit enfin se réaliser ce rapprochement tant désiré qui, s’il s’était opéré il y a soixante, quarante ou seulement trente ans, aurait achevé le cycle de la Révolution française »[87].

Comme à son habitude, Léon Gambetta s'engage fermement dans les combats électoraux en multipliant les déplacements et les discours, qu'il s'agisse des élections sénatoriales ou législatives[88]. En , il profite des désaccords entre le centre droit et le centre gauche pour faire élire 57 républicains parmi les 75 sénateurs inamovibles. Au mois de janvier suivant, 92 républicains sont élus sénateurs, ce qui porte leur total à 149 membres sur les 300 que compte le Sénat, ce qui constitue une victoire pour le camp républicain tant ils redoutaient que la chambre haute soit un bastion conservateur[88]. Dans les jours qui précèdent les élections législatives des et , Gambetta ne ménage pas sa santé. Candidat dans cinq circonscriptions, il sillonne la France et dort fréquemment dans les trains de nuit. Élu dès le premier tour à Lille, Bordeaux, Marseille et Paris, et seulement battu à Avignon, il choisit une nouvelle fois de représenté la circonscription de Belleville. La victoire des républicains est totale, ceux-ci remportant les deux tiers des sièges avec 360 élus dont une centaine de membre de l'Union républicaine de Gambetta[88].

République opportuniste[modifier | modifier le code]

La crise du 16 mai 1877 : tel un diable à ressort, Gambetta jaillit d'une boîte à surprise devant le président de la République Patrice de Mac Mahon, maréchal dont les opinions monarchistes sont symbolisées par la fleur de lys.
Surmonté d'un bonnet phrygien et du chiffre évoquant les 363 députés républicains, un nuage darde des éclairs sur le président tandis que le représentant de la majorité républicaine à la Chambre des députés prononce la péroraison de son discours lillois du  : « Se soumettre ou se démettre ».
Caricature de Jean Robert, carte postale d'époque.

Au lendemain des élections, Gambetta devient le principal leader de l'opposition mais il suscite encore la méfiance des autres chefs républicains, comme le souligne l'historien Daniel Halévy : « Gambetta avait bien travaillé au succès commun et on l’en félicitait, mais on n’était pas pressé de travailler au sien »[89]. Il accède cependant à la présidence de l'importante commission du budget à l'Assemblée. Il propose notamment d'introduire l'impôt sur le revenu, un projet adopté par la commission mais qui n'est jamais discuté en session plénière dans la mesure où de nombreux députés s'opposent à ce projet, en particulier le ministre des Finances Léon Say[90].

L'unité républicaine est alors loin d'être acquise et Gambetta reçoit des critiques de toutes parts. Sur sa gauche, un groupe de radicaux intransigeants menés par Louis Blanc ne reconnaît plus son autorité et conteste sa position sur l'amnistie partielle des Communards. Ils réclament une amnistie complète, tout comme la fermeture de l'ambassade de France auprès du Vatican et la révision des lois constitutionnelles de 1875[90]. Sur sa droite, Gambetta est aux prises avec la Gauche républicaine de Jules Ferry au sujet de l'organisation des élections municipales de 1877, ce dernier acceptant un compromis que Gambetta rejette et qui permet au président de la République de pouvoir nommer un plus grand nombre de maires[90].

En parallèle, Léon Gambetta développe ses activités de presse afin d'élargir son lectorat. Il accepte l'idée d'Alphonse Péphau de créer La Petite République, un journal lié à La République française et vendu bon marché (5 centimes contre 15), ce qui permet de toucher des lecteurs plus modestes. Péphau organise l'achat d'un hôtel particulier au no 53 de la rue de la Chaussée-d'Antin pour y réunir les deux titres et loger Gambetta. Ce dernier prend d'ailleurs la direction de La Petite République après l'éviction de Péphau pour sa mauvaise gestion financière de l'entreprise[91].

Après la démission du cabinet Dufaure en , Léon Gambetta espère être nommé président du Conseil mais le maréchal de Mac Mahon, président de la République, tout comme les autres leaders républicains, craignent son autorité et son tempérament[92],[93]. C'est finalement le républicain modéré Jules Simon qui est nommé, cependant que Gambetta ne cache pas son amertume : « Ce ministère est fait contre moi, je ne l’oublierai pas »[94].

Crise du [modifier | modifier le code]

Les tensions entre le président de la République et la Chambre des députés atteignent leur paroxysme en , après l'initiative des évêques catholiques qui exhortent les pouvoirs publics à intervenir en faveur du Pape qui se considère prisonnier du royaume d'Italie. Estimant que Jules Simon manque de fermeté dans cette affaire, Léon Gambetta intervient le à la Chambre pour condamner les doctrines ultramontaines et termine son discours en reprenant la célèbre formule de son ami Alphonse Peyrat : « Le cléricalisme ? Voilà l'ennemi »[95],[96]. Le succès de ce discours conduit Simon à monter à la tribune et à se ranger derrière le virulent ordre du jour préparé par Gambetta et les différents groupes parlementaires de gauche : « La Chambre considérant que les manifestations ultramontaines, dont la recrudescence pourrait compromettre la sécurité intérieure et extérieure du pays, constituent une violation flagrante des droits de l’État, invite le gouvernement, pour réprimer cette agitation antipatriotique, à user des moyens légaux dont il dispose ». Cet ordre du jour est largement approuvé par les députés, ce qui renforce l'animosité du maréchal de Mac Mahon envers son président du Conseil et Gambetta[96].

Le , il adresse un courrier à Jules Simon pour l'inciter à remettre sa démission et demande à duc de Broglie de former le nouveau gouvernement[96]. Ce faisant, le président de la République livre une lecture dualiste de la constitution, considérant que le gouvernement est tout autant son émanation que celle de la Chambre. La nomination d'un conservateur contre la majorité parlementaire suscite l'émotion de nombreux élus. Environ 300 d'entre eux se rassemblent le soir même au Grand Hôtel et adoptent à l'unanimité un nouvel ordre du jour proposé par Gambetta. Le lendemain, ce dernier s'exprime à la tribune pour demander au président de la République de « rentrer dans la vérité constitutionnelle » et s'il veut « gouverner avec le gouvernement dans toutes ses nuances, ou si, au contraire, en rappelant des hommes repoussés trois ou quatre fois par le suffrage populaire, [il] prétend imposer une dissolution qui entraînerait une consultation nouvelle de la France »[96]. Le , la composition du gouvernement est annoncée, et le nouveau ministre de l'Intérieur, Oscar Bardi de Fourtou, lit à la Chambre le discours du président de la République qui choisit de proroger le Parlement pour une durée d'un mois[96].

Léon Gambetta propose aux républicains de rédiger une adresse aux Français pour protester contre ce qu'il considère comme une politique irrégulière. Ce texte, en grande partie rédigé par son ami Eugène Spuller, est connu sous le nom de Manifeste des 363, comme le nombre de députés l'ayant signé[96]. La dissolution de la Chambre est décidée par le président Mac Mahon après l'avis favorable du Sénat. La campagne électorale est féroce. Les préfets nommés par le gouvernement mène une répression active par la fermeture de nombreux débits de boissons et de plusieurs loges maçonniques, la révocation de 1 743 maires et l'entame de nombreuses poursuites pour délit de presse ou de librairie. En face, les Républicains sont unis, des plus intransigeants aux plus modérés, et Léon Gambetta organise un comité de presse pour mener campagne[97]. Le , il prononce à Lille un vibrant discours qu'il conclut d'une formule à l'encontre du gouvernement reprise par de nombreux journaux : « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, croyez-le bien, Messieurs, il faudra se soumettre ou se démettre ». Le Conseil des ministres décide de le poursuivre en justice car ce dernier n'est plus protégé par l'immunité parlementaire depuis la dissolution de la Chambre des députés. Jugé le par le tribunal correctionnel de la Seine, Gambetta est condamné à trois mois de prison et 2 000 francs d'amende, ce dont il fait immédiatement appel, le second jugement ne pouvant avoir lieu qu'après les élections, une fois qu'il aura recouvré son immunité parlementaire[97].

La mort d'Adolphe Thiers le tempère l'optimisme des républicains qui avaient envisagé son retour à la présidence de la République en cas de victoire électorale et de démission du maréchal de Mac Mahon. C'est le nom de Jules Grévy qui s'y substitue, malgré les désaccords qui persistent entre ce dernier et Gambetta. Les élections législatives des 14 et confirment la majorité républicaine mais le succès est moins important qu'escompté. Gambetta conserve quant à lui son mandat de député dans sa circonscription de Belleville[98],[99]. Mac Mahon refuse cependant de nommer un gouvernement issu de cette majorité et maintient le cabinet de Broglie au moins jusqu'aux élections cantonales du mois de novembre. Il envisage de rappeler Jules Dufaure, déjà plusieurs fois président du Conseil, mais les exigences de ce dernier ne conviennent pas au président de la République, qui nomme finalement le le légitimiste Gaëtan de Rochebouët à la tête d'un gouvernement qui ne compte aucun parlementaire. Ce nouveau cabinet est aussitôt désavoué par les députés qui votent une motion de défiance et, sous la pression, Mac Mahon accepte de nommer Dufaure à la tête d'un gouvernement républicain qui comprend plusieurs proches de Gambetta[99].

République consolidée et grande popularité[modifier | modifier le code]

L'année 1878 marque une trêve dans la vie politique du pays qui organise l'Exposition universelle[100]. Après avoir observé une période de repos, Léon Gambetta entre en campagne pour préparer les élections sénatoriales de 1879 qui pourraient aboutir à la constitution d'une majorité républicaine à la Chambre haute. Il entreprend une tournée triomphale dont le point d'orgue est son discours de Romans le . Cette intervention, largement commentée dans la presse, apparaît comme un véritable programme de gouvernement et suscite de nombreuses inquiétudes chez ses adversaires comme dans son propre camp[100]. Léon Gambetta connaît alors une popularité sans précédent, et comme le souligne l'historien Jean Garrigues, son voyage en vallée du Rhône est vécu comme un « un véritable sacre républicain, alors même qu’il n’occupe aucune fonction majeure dans la République »[101].

Duel entre Oscar Bardi de Fourtou et Léon Gambetta en 1879, au Plessis-Robinson, illustré par Henri Dupray.

Le , alors que la Chambre examine l'invalidation de l'élection du bonapartiste Oscar Bardi de Fourtou dans sa circonscription de Ribérac, Gambetta accuse ce dernier de mensonge, une accusation retirée après la demande du président de l'Assemblée, Jules Grévy. Fourtou, offensé, charge ses témoins Alexandre Blin de Bourdon et Robert Mitchell de demander à Gambetta une rétractation ou une réparation par les armes. À son tour, le député parisien charge ses témoins François Allain-Targé et Georges Clemenceau de maintenir ses propos. Le duel au pistolet est décidé pour régler ce différend le au matin, au Plessis-Piquet. Les quatre témoins s'accordent sur un tir à une seule balle et à trente-cinq pas, ce qui limite le risque de blessure. De fait, aucun des protagonistes n'est blessé, mais la popularité de Gambetta en est renforcée comme en témoigne les nombreux messages de soutien qu'il reçoit[102].

Dessin en couleur représentant Grévy et Gambetta au chevet du bonapartisme, de l'orléanisme et du cléricalisme.
Caricature parue dans Le Titi du . Jules Grévy y prend le pouls du bonapartisme, alité aux côtés du cléricalisme et de l'orléanisme, tous trois à l'agonie après la crise du 16 mai, symbolisée par le contenu d'un pot de chambre. Léon Gambetta tient un clystère, instrument de purge.

Le , les républicains remportent 66 des 82 sièges à pourvoir lors des élections sénatoriales, ce qui leur permet d'obtenir la majorité de la haute assemblée désormais présidée par Louis Martel. Mac Mahon, qui ne dispose plus d'aucun soutien parlementaire, préfère démissionner le , après avoir refusé de signer le décret retirant leur commandement à certains généraux[103]. Jules Grévy lui succède comme président de la République, avec le soutien de tous les républicains, tandis que Gambetta est élu par 338 voix sur 407 votants à la présidence de la Chambre des députés, en remplacement de Grévy, le [103].

Sa popularité inquiète certains de ses alliés qui redoutent ses ambitions personnelles. Jules Grévy, qui maintient à son égard une rancœur tenace[104], refuse de le nommer à la tête du gouvernement et choisit William Waddington le [103].

Présidence de la Chambre des députés (1879-1881)[modifier | modifier le code]

Dès son arrivée à la présidence de la Chambre des députés, Léon Gambetta est critiqué pour sa gestion financière. Sous le contrôle des questeurs et du président de la Cour des comptes, il entreprend des travaux de réfection de l'Hôtel de Lassay et du Palais Bourbon pour préparer le retour des deux chambres à Paris, adopté par l'Assemblée nationale en et prévu pour la fin de cette même année. Par ailleurs, il organise des réceptions fastueuses, comme le , où de nombreux militaires et des hautes personnalités de l'État sont conviés à l'Hôtel de Lassay pour une fête somptueuse. Les dépenses engagées pour cette soirée, de l'ordre de 70 000 francs, lui valent les remarques de ses propres amis[105].

Accaparé par ses nouvelles fonctions, Léon Gambetta délaisse ses responsabilités dans la presse. Il abandonne la direction politique de La République française au profit de son ami Auguste Scheurer-Kestner et cède La Petite République à l'industriel Henri Villain[106]. Sur le plan politique, bien qu'il ne soit pas membre du Conseil des ministres, il est régulièrement consulté sur les sujets importants. Il se montre très critique à l'égard du cabinet Waddington qu'il juge « hésitant et incohérent ». Gambetta comme d'autres membres de l'Union républicaine cessent de le soutenir et le ministère démissionne le sans avoir été renversé[106].

Alors que Jules Grévy se refuse encore d'appeler Gambetta à la présidence du Conseil des ministres, c'est son ami Charles de Freycinet qui est nommé. Plusieurs de ses proches intègrent le gouvernement, comme le sénateur Jules Cazot ou Joseph Magnin, ancien membre du gouvernement de la Défense nationale, tandis que le centre gauche n'est plus représenté, ce qui renforce l'impression d'un pouvoir occulte de Gambetta qui tirerait les ficelles du jeu politique[107]. Le , il est réélu à la présidence de la Chambre, mais avec un nombre de voix moins important que l'année précédente[107].

Gambetta presse le président du Conseil de rédiger une loi pour amnistier l'ensemble des Communards, ce qui permettrait selon lui de contenir la poussée de l'extrême gauche aux élections. Son discours à la Chambre soulève l'enthousiasme, y compris de ses opposants, lorsqu'il déclare aux députés : « Restez avec nous, dans cette mesure de pardon et de clémence. Il faut que vous fermiez le livre de ces dix dernières années, que vous mettiez la pierre tumulaire de l’oubli sur les crimes et les vertiges de la Commune et que vous disiez à tous […] qu’il n’y a qu’une France et qu’une République ». La loi obtient une large majorité à la Chambre mais elle est amendée par le Sénat qui veut exclure de l'amnistie les condamnés pour assassinat ou incendie[108].

Jules Grévy refuse une troisième fois d'appeler Gambetta à la présidence du Conseil, alors que Charles de Freycinet lui remet sa démission le . Ce dernier, trop prudent en matière de politique anticléricale et prêt à négocier avec les principales congrégations, se heurte à l'intransigeance de certains de ses ministres. Jules Ferry est nommé à la tête du nouveau gouvernement[109]. Toujours aussi populaire, Léon Gambetta est pourtant attaqué de toutes parts. De nombreux journalistes condamnent son influence sur la politique du gouvernement, Raoul Frary l'accusant de pratiquer « le césarisme par influence » quand Georges Clemenceau évoque un pouvoir « extra-constitutionnel ». À l'extrême gauche, Jules Guesde dénonce les politiciens bourgeois dont il considère Gambetta comme le prototype, tandis que les monarchistes et les bonapartistes dénoncent son anticléricalisme. Par ailleurs, une brochure intitulée Gambetta c'est la guerre ! est tirée à 100 000 exemplaires[109].

Sur le plan politique, Ferry et Gambetta partagent de nombreux combats : tous deux républicains opportunistes, ils s'accordent sur l'éducation, les libertés publiques, l'anticléricalisme et la politique coloniale. Seules quelques nuances séparent les deux hommes, la Gauche républicaine de Ferry étant plus bourgeoise que l'Union républicaine de Gambetta qui conserve un électorat populaire. L'amitié entre les deux hommes n'empêche pas une certaine rivalité, d'autant que Ferry a conscience dès ses premiers mois d'exercice d'agir dans l'ombre de Gambetta. Dans une lettre adressée à ce dernier, le nouveau président du Conseil dénonce l'attitude des députés de son camp : « Tu m’as très loyalement, très cordialement soutenu, mais pas un de tes fidèles n’a voté avec moi »[110]. Une nouvelle fois, Gambetta conserve la présidence de la Chambre des députés, mais il obtient encore moins de voix que lors des deux précédents scrutins, ce qui marque sa perte d'influence sur une partie du centre gauche sans qu'il n'arrive à séduire la droite[110],[111].

Les élections législatives de 1881 sont un succès pour les républicains qui remportent 457 sièges, dont 204 élus pour l'Union républicaine de Gambetta contre 168 pour la Gauche républicaine de Jules Ferry. L'extrême gauche, menée par Georges Clemenceau et Camille Pelletan enregistre une forte progression avec 46 sièges, tandis que le centre gauche ne compte plus que 34 élus. Ce large succès cache les difficultés que rencontrent certains républicains pour se faire élire, y compris Léon Gambetta qui est chahuté dans sa circonscription de Belleville[112],[111].

« Grand ministère » (1881-1882)[modifier | modifier le code]

Portrait de Léon Gambetta par Léon Bonnat (peint en 1888, soit six ans après sa mort[113]).

Le , Jules Ferry, usé par l'affaire tunisienne, remet à Jules Grévy la démission de son gouvernement. Le président de la République n'a d'autre choix que d'appeler Léon Gambetta à former le nouveau cabinet, tant la presse et l'opinion semblent le réclamer[114]. Il est nommé le , une décision qui rassure notamment les financiers en raison de son expérience à la tête de la commission du budget de la Chambre des députés[115].

Dans les semaines qui précèdent sa nomination, Léon Gambetta, convaincu de sa prochaine arrivée aux affaires, établit une première liste de ministres. Il souhaite rassembler tous les grands noms du régime au sein d'un « grand ministère », notamment les anciens présidents du Conseil, Freycinet et Ferry, le président du Sénat Léon Say ou le diplomate Paul Challemel-Lacour. Ces derniers expriment finalement leur refus, ce qui conduit Gambetta à composer un gouvernement jeune et peu expérimenté, dont la plupart des membres sont issus de l'Union républicaine[116]. Jules Cazot et Adolphe Cochery sont maintenus respectivement à la Justice et aux Postes et Télégraphes, tandis que David Raynal est promu aux Travaux publics. Les autres membres font leur entrée, notamment Pierre Waldeck-Rousseau à l'Intérieur, François Allain-Targé aux Finances, Paul Bert à l'Instruction publique et Maurice Rouvier au Commerce et aux Colonies. Deux ministères sont créés, avec l'Agriculture tenu par Paul Devès et les Arts par Antonin Proust. Cette dernière création est l'une des nouveautés les plus significatives dans la mesure où elle est destinée à répandre le goût de la culture et des arts dans les classes populaires, constituant alors la naissance d'une politique culturelle française ambitieuse et démocratique[117]. Le nouveau président du Conseil se réserve quant à lui les Affaires étrangères, alors qu'il souhaitait dans un premier temps siéger sans portefeuille[116]. Le gouvernement compte par ailleurs neuf sous-secrétaires d’État, dont Eugène Spuller et Félix Faure, deux grands proches de Gambetta[117].

Malgré le succès à la Chambre des députés puis au Sénat du vote des crédits sur l'expédition en Tunisie, le gouvernement Gambetta rencontre des difficultés dès ses premières semaines d'exercice. L’attitude autoritaire et hautaine de Gambetta à l'égard de députés heurte nombre d'entre eux, tandis que la circulaire adressée par Waldeck-Rousseau aux préfets le pour renforcer l'autorité des fonctionnaires et les affranchir de la pression des élus est fortement critiquée par l'extrême gauche et les républicains libéraux[117],[118]. Plusieurs nominations sont également dénigrées, comme celles du général Galliffet au Conseil supérieur de la Guerre, un militaire honni par l'extrême gauche pour sa participation à la répression de la Commune, ou de Joseph de Miribel comme chef d'état-major général, soupçonné d'avoir participé à la préparation d'un coup d'État quelques années plus tôt[118].

Léonie Léon en 1875.

À la tête du gouvernement, Gambetta livre un ambitieux projet de réformes qui comprend notamment la réduction de la conscription, une loi sur les associations, la création d'institutions de prévoyance et d'assistance, la réforme des sociétés financières ou encore la laïcité de l'État[119],[120],[117]. Mais après le renouvellement du tiers du Sénat qui conforte la majorité républicaine à la Haute chambre en , il dépose le un projet de réforme constitutionnelle qui prévoit une réforme limité de la Constitution avec l'inscription du scrutin de liste, des modifications du mode d'élection du Sénat et la réduction de son pouvoir financier[120].

La commission chargée par la Chambre des députés d'examiner le projet gouvernemental refuse le texte, en particulier le scrutin de liste. Nombre de députés craignent alors de voir s'installer un exécutif fort et souhaitent préserver le pouvoir de l'Assemblée[117]. La discussion publique a lieu le au Palais Bourbon. Devant les députés, Léon Gambetta défend son texte et rejette les accusations qui concerne sa prétendue volonté d'un renforcement de son pouvoir personnel : « De toutes les douleurs qu'on peut ressentir dans la politique, […] il y en a une que je ne peux subir en silence : c'est d'être constamment présenté à cette Chambre, que dis-je ? au parti républicain tout entier, comme un homme qui méditerait de se séparer ou de s'écarter de lui ». Malgré le soutien de plusieurs membres du centre gauche et des proches de Jules Ferry, le projet de Gambetta est rejeté, et c'est finalement le principe de la révision illimitée qui est adopté par la Chambre. Battu, Léon Gambetta remet le jour même sa démission au président de la République[120].

Le bilan du cabinet Gambetta paraît bien faible, dans la mesure où seules deux lois ont été adoptées définitivement, l'une imposant aux directeurs et aux enseignants des écoles privées de disposer de diplômes et l'autre relative à la conservation des œuvres d'art. Pour autant, plusieurs textes que son gouvernement avait envisagés aboutissent dans les années qui suivent et ses anciens ministres se montrent très actifs à la Chambre des députés[121].

Derniers mois à la Chambre des députés[modifier | modifier le code]

De son côté, Léon Gambetta observe une période de repos et séjourne à Marseille, Nice et dans le nord de l'Italie. De retour à Paris, il reprend la direction de La République française et intervient peu à la Chambre. Élu président de la Commission spéciale chargée de la réforme du service militaire, il ne dépose qu'un seul projet de loi en son nom, visant à instaurer un service sans exception et réduit de cinq à trois ans[121].

Léon Gambetta se montre très critique à l'égard de son successeur à la tête du gouvernement, Charles de Freycinet, en particulier de ses hésitations sur la question égyptienne qui aboutissent à la perte de l'influence française dans la région au profit de l'Empire britannique. Le cabinet Freycinet chute le après les interventions de Georges Clemenceau et Léon Gambetta à la Chambre lors du vote des crédits pour une expédition française[122]. De la même manière, il dénonce la nomination du sénateur Charles Duclerc à la tête du nouveau gouvernement. Dans une lettre adressée à son ancien chef de cabinet, il expose son pessimisme : « Nous glissons sur la pente d’une république de Sud-Amérique où le pouvoir, avili, déshonoré, discrédité, paraît une proie pour toutes les concupiscences ; le portefeuille est à l’encan, le pouvoir dans la rue, nous allons crouler dans les bas-fonds de l’envie démagogique »[122].

La politique coloniale de la France continue de le passionner : en , il rédige une note qui préconise une politique ambitieuse en Indochine face à l'Empire chinois[122]. Cependant, sa santé se dégrade rapidement. Depuis son départ de la présidence du Conseil, il apparaît vieilli et fatigué, comme le souligne le journaliste Édouard Drumont : « Quelques années avaient fait du jeune homme alerte encore et grisonnant à peine, un homme affaissé, chargé d’embonpoint, presque vieillard »[123].

Mort et obsèques[modifier | modifier le code]

Gravure antimaçonnique tentant d'accréditer la thèse de l'assassinat de Gambetta (illustration de Pierre Méjanel pour un ouvrage de Léo Taxil, 1886).

Le , dans sa maison des Jardies[124], Léon Gambetta se blesse en manipulant un revolver. En voulant retirer une cartouche, le coup est tiré accidentellement et la balle pénètre dans la paume de sa main droite avant de ressortir au milieu de l'avant-bras. Il est soigné par son ami le chirurgien Odilon Lannelongue qui lui étend la main sur une planchette de bois pour éviter la rétraction des doigts et préconise une mise au lit accompagnée d'une diète. Cet incident fait naître de nombreuses polémiques dans la presse hostile à Gambetta, certains présentant l'accident comme un complot maçonnique. Dans L'Intransigeant, Henri Rochefort répand l'idée d'une vengeance intime, accusant sa maîtresse Léonie Léon de l'avoir abattu. D'autres journaux affirment que Léonie Léon est une espionne au service de l'Allemagne qui, se sachant découverte, tente de se suicider devant Gambetta qui détourne l'arme et reçoit le projectile[125],[126]. En , le journaliste Léon Daudet reprend cette thèse[125]. Le propre cousin et biographe de Gambetta, Pierre-Barthélemy Gheusi, évoque quant à lui une dispute qui aurait mal tourné entre les deux amants, au sujet d'un domestique que Gambetta voulait renvoyer[125].

La blessure n'est pas suffisamment grave pour mettre en péril la vie du député et le , son ami le docteur Fieuzal, venu lui rendre visite, le déclare hors de danger, mais lui préconise encore dix jours de lit. Son état de santé se dégrade subitement dans la nuit du 16 au . Gambetta éprouve alors de vives douleurs abdominales du côté droit, accompagnées d'une forte fièvre. Son médecin habituel, le docteur Siredey, diagnostique une pérityphlite, c'est-à-dire une inflammation du péritoine du cæcum qui découle probablement d'un cancer de l'intestin ou de l'estomac, et que seule une opération peut soigner. Réunis à son chevet, Lannelongue et Jean-Martin Charcot confirment ce diagnostic mais ils estiment cependant qu'une intervention chirurgicale est trop dangereuse. Le , à 23 h 55, Léon Gambetta meurt alité, en présence de sa maîtresse Léonie Léon et de ses amis le docteur Fieuzal, Paul Bert et Eugène Spuller[125].

L'autopsie pratiquée le par le professeur Cornil confirme que la mort est due à une pérityphlite et à une appendicite mal soignée pendant l'enfance. L'autopsie s'achève par le dépeçage de son corps, chacun des participants souhaitant conserver une partie de ses restes comme relique[125]. Le même jour, le Conseil des ministres décrète des obsèques nationales, pour la première fois dans l'histoire de la République[125].

L'hommage de la presse est presque unanime, y compris chez les adversaires de Gambetta, et nombreux sont les Français qui veulent se recueillir devant sa dépouille : le , 4 000 visiteurs se pressent aux Jardies où les scellés sont posés le soir même. Le cercueil est transporté au Palais Bourbon, dont la colonnade est recouverte d'un immense voile noir. Le catafalque, décoré par Léon Bonnat, Charles Garnier, Alexandre Falguière et Antonin Proust, est déposé dans la salle de fêtes du palais. Le , le char funèbre, décoré lui aussi par Garnier, rejoint le cimetière du Père-Lachaise devant près de 100 000 personnes massées sur le parcours, selon le quotidien Le Temps. Membres de la famille, proches, hommes d'État, élus de toute le France et représentants de diverses institutions accompagnent le char, pour un total d'environ 5 000 personnes. Au cimetière, où la foule ne peut entrer, plusieurs discours sont prononcés dont celui de l'historien Henri Martin qui présente Gambetta comme le continuateur « de cette unité nationale qu'ont faite les siècles »[125]. Le cercueil est déposé dans le caveau de la ville de Paris, devant lequel est érigé un tombeau provisoire. Le père de Gambetta veut en effet que son fils soit enterré à Nice, auprès de sa mère et de sa tante. Le , un train spécial est affrété pour conduire le cercueil à Nice où il est inhumé le lendemain dans le caveau familial au cimetière du Château, après un discours du maire Alfred Borriglione, député membre de l'Union républicaine[125],[127].

Détail des mandats et fonctions[modifier | modifier le code]

Léon Gambetta en 1873 (huile sur toile d'Alphonse Legros, Paris, musée d'Orsay, 1875).

Au gouvernement[modifier | modifier le code]

Au Parlement[modifier | modifier le code]

Prises de position[modifier | modifier le code]

Républicain radical et opportuniste[modifier | modifier le code]

Influencé par son milieu familial, Léon Gambetta manifeste très tôt son intérêt pour la politique. Sa mère lui fait lire des articles du journaliste libéral et républicain Armand Carrel tandis que son père, bien que peu cultivé, lit Voltaire et soutient l'unité italienne[4]. Âgé de seulement dix ans lors de l'élection présidentielle de 1848, Gambetta se montre très critique à l'égard de Louis-Napoléon Bonaparte dans les lettres qu'il envoie à ses parents depuis son internat[4]. Une fois établi comme avocat, il devient l'un des principaux opposants du régime. Il devient le chef de file des radicaux, qu'il définit lui-même comme « des républicains qui pensent qu'il n'y a pas de compatibilité entre toute forme de gouvernement autre que la République et le suffrage universel »[128]. Son programme de Belleville, qu'il expose lors de la campagne pour les élections législatives de 1869, devient la référence pour tous ceux qui se réclament de cette tendance[128].

Gambetta considère que, pour assurer son succès, la République doit reposer sur une assise sociale très large, ce qui n'était pas le cas de la Deuxième République, la plupart des paysans se montrant méfiant à l'égard des républicains[129]. Après le plébiscite du 8 mai 1870, qui conforte le Second Empire, il déclare à l'un de ses amis : « Il faut répandre nos principes, nos doctrines, nos aspirations parmi les populations des campagnes »[130], ce qui devient dès lors l'un de ses principaux combats. Selon Gambetta, c'est par l'éducation, l'accès à une presse républicaine de qualité que l'idée républicaine pourra gagner les masses[129]. Il veut aussi gagner les « nouvelles couches sociales », c'est-à-dire les professions libérales, les artisans, les commerçants et les petits fonctionnaires, et les marier à la bourgeoisie pour établir un socle républicain. De fait, nombre de ceux qui accèdent au pouvoir en même temps que Gambetta sont d'une origine plus modeste que les notables qui dominaient la vie politique jusque dans les premières années de la Troisième République. Il compte s'appuyer sur ces nouvelles couches pour occuper des fonctions électives locales (maires et conseillers municipaux, conseillers généraux) et permettre à la République de pénétrer chaque territoire[129].

Dans son combat pour établir la République, Léon Gambetta ne s'oppose pas seulement aux conservateurs (orléanistes, légitimistes et bonapartistes), mais également à l'extrême gauche qui réclame le « tout, tout de suite », ce qui ne peut conduire selon lui qu'à la violence et au retour au pouvoir des partisans du maintien de l'ordre social[129]. L'échec de la Commune en 1871, dans laquelle Gambetta n'a joué aucun rôle[129], est celui de la république sociale, et aboutit au renforcement de la république conservatrice. Dès lors, ce dernier conçoit que la France, encore largement conservatrice, ne peut accepter le régime républicain que si celui-ci apporte des gages de modération. Il rompt avec les républicains les plus intransigeants, et réclame de son parti qu'il se montre le plus sage, le plus digne et le plus discipliné[128]. Dans un discours à Annecy à l'automne 1872, il déclare : « Nous nous sommes donné pour règle absolue de respecter la loi, et nous faisons de notre modération et de notre sagesse non pas un calcul, […] non pas une ligne de conduite passagère, mais une ligne de conduite fixe, arrêtée, définitive »[131].

Pour Gambetta, la sagesse, l'espérance et l'activité doivent être les trois « vertus théologales de la démocratie », comme il l'indique dans une lettre à sa campagne Léonie Léon, mais cette modération n'est pas un signe de faiblesse pour l'historien Jérôme Grévy dans la mesure où Gambetta et ses alliés, contrairement aux républicains révolutionnaires de 1848, n'ont pas la naïveté de croire en la « résistance spontanée du peuple »[132].

Dès lors, Gambetta comprend la nécessité de faire des concessions pour imposer ses idées, appliquant ainsi une certaine éthique de responsabilité. Il récuse toute forme de violence pour accéder au pouvoir ou le conserver, fonde son action sur le suffrage universel dont il est un partisan inflexible, et souhaite des réformes progressives qui soient menées avec pragmatisme[129]. C'est la naissance de l'opportunisme, dont Gambetta est l'un des théoriciens[128] et qui permet d'assurer l'enracinement de la République dans les années 1870-1880. Selon Gérard Unger, « par sa modération affichée dès 1871 – sinon même dès 1869, au travers de ses discours au Corps législatif –, par son pragmatisme, son habileté politique et son talent oratoire, il a su rassurer les conservateurs modérés plus soucieux de l'ordre social que de la forme du gouvernement »[129]. De fait, dès sa plaidoirie lors de l'affaire Baudin en 1868, Gambetta affirme ce principe de légalisme en opposant le « barricade du Droit » à la violence : « qu'on examine ce que nous écrivons, on ne trouvera pas, une ligne, une seule ligne qui ne soit pas selon le Droit »[19]. Cette politique d'ouverture et de modération porte ses fruits et reçoit un bon accueil auprès du peuple dans la mesure où les républicains ne cessent d'accroitre leur nombre de représentants à la Chambre des députés, que ce soit lors des élections partielles ou nationales[133].

Le rapprochement de Gambetta avec le centre gauche le coupe d'une partie des républicains, notamment Georges Clemenceau, qui vit cette évolution comme une trahison[128].

Vision institutionnelle[modifier | modifier le code]

Léon Gambetta veut une République forte et appuyée par le suffrage universel qui selon lui une marque « de souveraineté et de liberté pour les peuples »[119]. C'est pourquoi il s'oppose fermement, dans un premier temps, au principe du bicamérisme. Pour lui, ce principe constitutionnel est incompatible avec le suffrage universel dans la mesure où il permet à une chambre haute de réviser les lois votées par la seule chambre élue démocratiquement[134]. Pour autant, ses positions évoluent et il accepte une certaine forme de compromis pour garantir le maintien du régime. Lors des discussions sur le vote de la loi constitutionnelle instituant le Sénat, en février 1875, il parvient à convaincre une partie des députés radicaux d'accepter cette chambre des notables qu'il juge pourtant lui-même contraire à l'héritage républicain, et se dit convaincu que le Sénat peut, à terme, représenter « les entrailles même de la démocratie » en formant un « Grand Conseil des communes de France »[119].

De même, il prend ses distances avec le principe d'un régime d'assemblée et finit par se rallier en 1875 à l'institution d'un président de la République, à condition que cette magistrature élective soit encadrée par la loi et non un principe héréditaire[135].

Dans les années qui suivent, Gambetta n'est pas entièrement satisfait du fonctionnement des institutions qu'il a contribué à mettre en place. Il constate que le régime d'assemblée entraîne une forte instabilité gouvernementale et un ralentissement des réformes. Dès lors, pour contrer le pouvoir des Chambres qui paralysent l'exécutif et le rôle du Sénat qu'il juge trop important, il propose une révision constitutionnelle après son accession à la présidence du Conseil, sans succès[129]. De la même manière, il reconnaît que le principe de l'inamovibilité de 75 sénateurs, concession accordée aux conservateurs lors du vote des lois constitutionnelles de 1875, n'est qu'un vestige d'une tradition monarchique archaïque. Cette loi, qu'il juge « limitée, transitoire, accidentelle », est finalement abolie en 1884, après sa mort[136].

Gambetta est partisan d'un exécutif fort et se montre favorable à la mise en place d'un bipartisme sur le modèle britannique, avec la formation d'un parti progressiste, plus avancé, et d'un parti conservateur[129]. Il milite pour l'adoption du scrutin de liste, qui permet selon lui un vote plus représentatif de l'opinion politique que le scrutin d'arrondissement, uninominal et majoritaire. Adopté après sa mort pour les élections législatives de 1885, ce mode d'élection ne donne finalement qu'une majorité relative aux opportunistes et l'un de ses fidèles, Ernest Constans, alors ministre de l'Intérieur en 1889, revient au scrutin d'arrondissement pour contrer la percée du général Boulanger[129].

Philosophie et religion[modifier | modifier le code]

Léon Gambetta est un positiviste et scientiste convaincu[137]. Sur le plan philosophique, il se réclame d'Auguste Comte[138], qu'il considère comme « le plus puissant penseur du siècle »[137]. Son Cours de philosophie positive est pour lui une source de réflexion et comme l'auteur, Gambetta est convaincu que l'ère positive, qui succède aux âges théologique et métaphysique, doit permettre de résoudre tous les problèmes de l'humanité à travers le développement des sciences, qui constituent une horizon indépassable[138]. Le , à la Sorbonne, il adhère publiquement à l'École positiviste[137]. Il est également proche d'Émile Littré, disciple de Comte, et d'Herbert Spencer, penseur positiviste anglais qui insiste sur la notion d'évolution[138]. Comme Littré, il s'oppose néanmoins à la vision de Comte qui veut faire du positivisme une véritable religion[137]. Gambetta est également franc-maçon, après son initiation à Marseille en 1870, à la loge La Réforme du Grand Orient de France, qui accueille d'autres républicains avancés comme Gaston Crémieux et Alphonse Esquiros, et membre de la Ligue de l'enseignement, créée en 1866 par Jean Macé[139].

Le positivisme de Gambetta l'oppose ainsi à toute forme de religion. Il considère que la croyance religieuse disparaîtra avec le temps face aux progrès de la raison[129] et juge que le plus sûr moyen de lutter contre l'Église est de répandre massivement l'instruction[140]. Tout au long de sa carrière politique, il est donc un fervent défenseur de l'anticléricalisme, qui devient le ciment de tous les républicains, quelle que soit leur tendance[129]. Gambetta refuse de voir l'Église catholique jouer un rôle politique dans le pays : il dénonce sa puissance acquise sous les précédents régimes et son évolution ultramontaine[129]. Il inscrit dès 1869 la séparation de l'Église et de l'État dans son programme de Belleville et présente le cléricalisme comme l'ennemi de la République[95],[96].

Pour autant, il se montre moins virulent que certains républicains qui veulent extirper la religion. Gambetta est convaincu qu'une politique ouvertement antireligieuse peut mettre en péril le nouveau régime en précipitant les catholiques républicains et modérés dans le camp de la réaction, c'est pourquoi il ne considère pas la religion et le clergé comme un tout et prend garde de ne s'attaquer qu'à ce qu'il nomme le « parti clérical », à savoir les congrégations, principalement les jésuites[141],[129]. C'est l'utilisation politique de la religion qu'il entend combattre, et non le peuple catholique qu'il espère attirer[141].

Gambetta défend par ailleurs le gallicanisme et n'hésite pas à présenter les républicains comme les héritiers des rois qui défendent la religion nationale contre les prétentions ultramontaines de l'Église[141]. Son combat anticlérical se traduit donc par une lutte acharnée contre les congrégations religieuses et par le vote des lois sur la laïcité en milieu scolaire[129]. Pour autant, le Concordat de 1801 lui apparaît comme un moyen de contrôle, notamment par le biais de la nomination des évêques, et comme de nombreux républicains, Gambetta refuse encore la voie d'une séparation totale de l'Église et de l'État, qui n'est votée qu'en 1905[129].

Questions économiques et sociales[modifier | modifier le code]

L'Union républicaine de Gambetta dispose d'un électorat plus populaire que les républicains modérés mais elle se préoccupe peu du sort des ouvriers ou des mineurs de fond. Comme d'autres élus républicains, Gambetta ne perçoit pas suffisamment l'importance de la question prolétarienne et la montée du socialisme à partir des années 1880. Il se bat néanmoins pour l'amnistie, partielle puis totale, des communards, pour le développement des sociétés de secours mutuel et la liberté syndicale, qui sera mise en œuvre par l'un de ses proches, Pierre Waldeck-Rousseau, en 1884[129].

Dans un discours à Grenoble en 1872, Léon Gambetta défend l'avènement d'une « couche sociale nouvelle », c'est-à-dire l'arrivée aux affaires politiques du monde du travail dont il est lui-même issu, son père étant épicier à Cahors, et qu'il oppose aux grands négociants et aux grands industriels. Il reprend à plusieurs ce thème en opposant les classes dites dirigeantes à « ceux qui pensent, ceux qui travaillent, ceux qui amassent la richesse, ceux qui savent en faire un emploi judicieux, libéral et profitable » et qu'il entend défendre : comme le souligne l'historien Jérôme Grévy, la République doit être pour lui « le régime de la petite propriété »[142]. De même, alors que de nombreux républicains ont toujours cultivé une certaine méfiance à l'égard des paysans, Gambetta s'adresse régulièrement à eux car il considère que la République ne peut être définitivement établie sans le soutien du monde rural. Dans un discours à Château-Chinon en 1877, il déclare que les électeurs des campagnes ont entre leurs mains l'avenir du pays[142].

Bien que Gambetta affirme défendre l'émancipation des ouvriers, il se démarque des promesses d'égalité absolue des radicaux. Il fait de l'éducation sa priorité, la « pierre angulaire de la rénovation sociale » et promet de reconnaître à tous les travailleurs le droit d'association, mais il refuse d'admettre l'existence d'une « question sociale ». Dans la mesure où il considère la république comme une et indivisible et qu'il reconnaît un citoyen dans chaque français, Léon Gambetta réfute le terme de classe sociale. S'il affirme que l'État doit orienter la société vers le progrès et le bien-être en légiférant, il souhaite que les problèmes soient traités un à un, ce qui doit amener, selon lui, une transformation graduelle de la société[142].

Sur le plan économique, Léon Gambetta prône l'instauration de l'impôt sur le revenu car il constitue « la véritable manière d'établir la communion, la solidarité entre tous les citoyens d'un même pays, quel que soit le rang, quelle que soit la branche d'activité dans laquelle ils servent le génie national ». La réforme fiscale lui apparaît comme l'instrument d'une plus grande justice sociale[143].

Patriotisme[modifier | modifier le code]

Portrait peint d'une femme vêtue de noir et portant une coiffe noire surmontée d'une cocarde bleu-blanc-rouge.
L'affection que porte Gambetta au tableau de Jean-Jacques Henner, L'Alsace, elle attend, symbolise son attachement aux provinces perdues.

« Il y a quelque chose de supérieur à la République, de supérieur à la liberté de pensée : c'est la France, c'est l'indépendance de la France. La France résume tout pour moi : liberté de la raison, progrès et justice, république : tout cela, c'est la France, voilà pourquoi il n'y a rien, il ne peut rien y avoir au-dessus de la France. »

— Léon Gambetta, Discours à Périgueux le [144]

Italien de naissance, Léon Gambetta est un fervent patriote. Il adopte la nationalité française à sa majorité et regrette de ne pouvoir effectuer son Service militaire en raison de la perte de son œil. Ce patriotisme le pousse à voter les crédits militaires avant le déclenchement de la guerre de 1870, lors de laquelle il refuse d'abandonner la lutte malgré les défaites qui s'accumulent. C'est pour éviter une guerre civile qui mettrait en péril la République naissante qu'il démissionne finalement en du gouvernement de la Défense nationale[145]. Peu après la fin de son mandat, il prononce l'éloge funèbre d'Émile Küss, maire de Strasbourg, et déclare :

« La force nous sépare, mais pour un temps seulement, de l’Alsace, berceau traditionnel du patriotisme français. Nos frères de ces contrées malheureuses ont fait dignement leur devoir, et, eux du moins, ils l’ont fait jusqu’au bout. Qu’ils se consolent en pensant que la France désormais ne saurait avoir d’autre politique que leur délivrance ! Pour atteindre ce résultat, il faut que les républicains s’unissent étroitement dans la pensée d’une revanche qui sera la protestation du droit et de la justice contre la force et l’infamie[146],[147]. »

La perte de l'Alsace-Lorraine lui est inacceptable et, tout au long de sa carrière, il manifeste un profond attachement à ces provinces annexées par l'Allemagne. Chaque année, il assiste à la cérémonie de l'arbre de Noël des Alsaciens-Lorrains de Paris, et offre fréquemment à ses amis des reproductions du tableau de Jean-Jacques Henner, L'Alsace, elle attend, qui lui était destiné[145].

Tout en cultivant l'esprit de revanche, il fait preuve de pragmatisme et, contrairement à ce qu'affirment nombre de ses détracteurs, refuse tout bellicisme exacerbé. Gambetta a conscience de l'infériorité de l'armée française et souhaite renforcer celle-ci en s'appuyant sur l'exemple prussien, par la mise en place d'un service militaire universel de trois ans, une éducation militaire poussée, ainsi qu'un armement moderne et sophistiqué[145]. Il rejette finalement l'idée de suppression des armées permanentes qu'il avait évoquée dans son programme de Belleville et approuve les circulaires de 1871 et 1876 sur le maniement des armes dans les collèges et lycées, ainsi que la loi du qui rend la gymnastique obligatoire dans tous les établissements d'instruction publique de garçons. Président du Conseil, il crée un comité présidé par Paul Bert pour inculquer l'esprit militaire au pays[145].

Par ailleurs, Gambetta n'éprouve aucun sentiment internationaliste[148]. Il refuse de participer aux Congrès universels pour la paix organisés en Suisse entre 1867 et 1871, ou encore de signer la préface d'un livre d'Alfred Naquet qui défend le projet d'États-Unis d'Europe. De la même manière, son attachement à la France le conduit à repousser toute notion de division du pays : il rejette les principes fédéralistes et refuse d'opposer Paris et la province, la France citadine et la France rurale. Son vœu est de voir s'unir l'ensemble des Français autour d'un gouvernement républicain et national[148].

Politique extérieure[modifier | modifier le code]

Par son action politique, Léon Gambetta entend redonner sa place à la France, isolée dans le concert des nations européennes. Il mène une politique de recherche d'alliances et envisage un temps de rencontrer le chancelier allemand Otto von Bismarck. Gambetta se montre favorable à un rapprochement avec la Grande-Bretagne et entretient de bons rapports avec Charles Dilke, sous-secrétaire aux Affaires étrangères en 1880[149]. Aucune alliance n'aboutit cependant, et la gestion de l'affaire égyptienne par le cabinet Freycinet finit par éloigner les deux puissances. Il souhaite également un rapprochement avec l'Italie mais s'oppose sur ce point à la droite conservatrice qui continue de défendre le pouvoir temporel du pape, d'autant plus que le roi Humbert I, qui succède à Victor-Emmanuel II en 1878, est ouvertement germanophile[149].

Faute d'alliances, l'expansion coloniale lui apparaît comme le seul moyen de renforcer la puissance française. Il ne défend pas l'idée de « mission civilisatrice » évoquée par Jules Ferry mais voit dans la colonisation la possibilité de disposer d'une monnaie d'échange avec l'Allemagne pour récupérer l'Alsace-Lorraine. Par ailleurs, il considère que l'expansion coloniale doit permettre d'atteindre « la destruction du préjugé de couleur », qu'il voit comme le « dernier vestige de l'esclavage », se montrant sensible en cela à la politique de Victor Schœlcher[149]. Gambetta soutient notamment l'expédition de Madagascar et celle de Pierre Savorgnan de Brazza au Congo, soutient Jules Ferry sur la question de l'intervention militaire en Tunisie et approuve l'occupation d'Hanoï par les troupes du commandant Rivière en , qui permet de renforcer la présence française en Indochine[149].

Profil et particularités[modifier | modifier le code]

Intérêt pour l'art et la littérature[modifier | modifier le code]

Doté d'une grande culture, Léon Gambetta est un lecteur infatigable. François Rabelais, dont il admire la truculence, le sens de la parodie et de la satire, est son écrivain favori. Il admire des œuvres classiques comme celles de Montaigne ou La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette, mais également les Fables de La Fontaine et surtout les Contes de ce dernier, dont il apprécie le genre grivois. Parmi ses contemporains, il admire les œuvres de Victor Hugo, opposant comme lui au régime impérial, en particulier Les Châtiments ou La Légende des siècles, dont il est capable de réciter de mémoire de nombreuses strophes[138]. La littérature anglaise l'intéresse également, de même que l'histoire politique et le développement économique de ce pays qu'il découvre à travers les œuvres de l'historien britannique Henry Thomas Buckle[138].

Les écrivains grecs et latins sont pour lui une source d'inspiration dans son métier d'avocat et d'homme politique. Il admire l'éloquence de Démosthène ou de Cicéron et puise dans les œuvres d'Aristophane et Tacite pour en tirer des citations[138]. Il s'inspire également de Mirabeau, qu'il considère comme son maître[138].

Léon Gambetta affiche un goût prononcé pour les beaux-arts, et notamment la peinture[138]. En revanche, il ne possède aucun goût pour la musique, qui le laisse insensible[138]. Sa sensibilité artistique émerge dès sa jeunesse, lors du voyage qu'il effectue avec son père en Italie pour ses 18 ans. Il est notamment frappé par la beauté des décors de la basilique Santissima Annunziata del Vastato de Gênes[11]. Sa préférence se porte sur la peinture flamande et les artistes du siècle d'or néerlandais, comme Jan van Eyck et Hans Memling. Il se rend parfois aux Pays-Bas pour y admirer ses artistes préférés[138]. Albert Cuyp, dont il vante les paysages lumineux, est l'un de ses peintres préférés[150]. En 1875, il se rend à Bruxelles avec Eugène Spuller pour visiter son ami Arthur Ranc alors en exil. Pendant plusieurs jours, il arpente les musées de la ville et rapporte dans ses lettres son admiration pour les paysages de Théodore Rousseau, les portraits de Joshua Reynolds et L'Angélus de Jean-François Millet[151]. À l'inverse, il dénigre l'art de Nicolas Poussin, qu'il présente comme un « amateur de temples grecs perdus au milieu d'arbres en zinc et en carton »[151]. Les trois hommes séjournent également aux Pays-Bas où Gambetta en profite pour visiter le Mauritshuis de La Haye et admirer Le Taureau de Paulus Potter[151].

Orateur de talent[modifier | modifier le code]

Dès son plus jeune âge, Léon Gambetta se singularise par sa capacité à capter l'attention de ses camarades et à fasciner son auditoire[9]. En tant qu'avocat, il se distingue par sa faconde et la fougue de ses plaidoiries. Son talent repose plutôt sur ses facultés d'improvisation que sur sa science du droit. Gambetta n'écrit pas le texte de ses plaidoiries et se contente de noter quelques points essentiels à partir desquels il improvise en fonction de ce qu'il ressent de l'attitude de son auditoire. C'est également la marque de fabrique, plus tard, de ses nombreux discours[152].

En justice comme en politique, Gambetta s'en prend souvent avec véhémence à ses adversaires. Le journaliste Louis-Xavier de Ricard rapporte ainsi son attitude lors du procès de La Revue du progrès en 1864 : « Tout l’enthousiasme de l’auditoire, et il était nombreux, fut pour Gambetta qui, pétrissant la barre furieusement, à la desceller, foudroyant les juges de son terrible regard de borgne, empoigna pour ainsi dire l’Empire au collet et le plaça devant tous sur la sellette. L’Empire avait trouvé son accusateur »[153].

L'ensemble du personnel politique de l'époque lui reconnaît ce talent d'orateur d'exception, y compris ses adversaires comme le député bonapartiste Jules Delafosse : « C’était un tribun d’une puissance incomparable […]. Sa voix forte, chaude et cadencée frappait sur la foule avec la puissance du marteau sur l’enclume. Elle dominait les résistances, subjuguait les volontés, enflammait les dévouements, tandis que le geste dominateur et large achevait les conquêtes de l’accent »[154]. Georges Clemenceau salue sa « puissance irrésistible d’attraction, de concentration, d’impulsion », tandis que journaliste et député radical Camille Pelletan décrit les discours de Gambetta comme une bataille : « calme d’abord, s’animant par degrés, jusqu’à ce que la lutte s’irrite, jusqu’à ce qu’enfin, le combat définitivement engagé, il se jette avec toute sa passion oratoire dans la mêlée, secouant sa tête au-dessus de la foule soulevée »[119]. La plupart de ses discours sont ensuite publiés dans les journaux républicains ou diffusés sous la forme de brochures qui rencontrent un grand succès, si bien que l'engouement populaire qu'il suscite conduit parfois les organisateurs de rassemblement à annuler sa prestation, comme à Bordeaux le , où le public est trop nombreux pour assurer la sécurité de l'événement[119].

Apparence et personnalité[modifier | modifier le code]

Léon Gambetta est souvent moqué pour son apparence négligée voire débraillée[155]. Il est décrit par son biographe Gérard Unger comme quelqu'un de « bavard, chaleureux, méridional, exubérant, rondouillard, à la mise et la posture souvent marquées par le laisser-aller »[156]. Dans les milieux qu'il fréquente, il se distingue ainsi par son manque de maintien, sa voix sonore et son rire communicatif[155]. Le journaliste extrémiste Henri Rochefort le qualifie de « prince de la vulgarité »[137]. Dans une biographie consacrée à Jules Grévy, républicain mais grand rival de Gambetta, Pierre Jeambrun insiste sur l'opposition de style entre les deux hommes et décrit Gambetta comme « négligé, le pantalon en accordéon, un bouton manquant au gilet, sentant l'ail, avec une barbe qui était un véritable garde-manger, vous indiquant le menu de la veille ou de l'avant-veille ». Il évoque également son manque de tenue et le caractère chaleureux d'un orateur qui « distribue les tapes dans le dos »[157].

La personnalité de Gambetta inspire notamment l'auteur dramatique Victorien Sardou qui, en 1872, crée le personnage de Rabagas, un chef révolutionnaire présenté comme « joli bateleur de phrases […] avocat jovial, grand tarisseur de chopes », dont l'acteur reprend les traits de Gambetta[158].

Santé fragile[modifier | modifier le code]

À l'âge de 8 ans, Léon Gambetta contracte une sévère péritonite qui, mal soignée, lui cause toute sa vie des troubles digestifs ou pulmonaires[159]. En 1849, il perd l'usage de son œil droit après avoir reçu accidentellement un éclat d'acier. Cet accident l'affecte durablement, et pour réduire ses souffrances, il est énuclé en 1867 par le docteur Louis de Wecker[160], qui remplace son œil aveugle par un œil de verre[161]. Cette opération, réalisée avec succès, exige de longues semaines de convalescence[159].

Sa santé fragile est souvent mise à mal par son rythme de travail et son hygiène de vie. En , il est frappé d'une violente crise de dysenterie qui le laisse presque mort selon son biographe Gérard Unger[159]. En , il se tient quelque temps à l'écart de la vie politique en raison d'une phlébite[162].

Regards contemporains[modifier | modifier le code]

Selon ce qu'écrivent, en 1914, les auteurs — membres de l'Action française — de l'ouvrage Gambetta et la défense nationale (chapitre 18), après la guerre, l'action de Gambetta est jugée sévèrement par certains de ses contemporains.

Le général Trochu lui reproche « d'avoir voulu faire prédominer ses passions politiques dans les questions où elles n'auraient pas dû trouver place, par exemple dans la défense du pays réduit aux dernières extrémités ».

Thiers affirme que, si l'on n'avait pas prolongé la guerre, « nous aurions moins perdu en territoire et moins donné en indemnité de guerre ». Il poursuit, le , devant l'Assemblée nationale : « Ils se sont trompés, gravement trompés : ils ont prolongé la défense au-delà de toute raison ; ils ont employé […] les moyens les plus mal conçus qu'on ait employés à aucune époque, dans aucune guerre […] Nous étions tous révoltés, je l'étais comme vous tous contre cette politique de fous furieux qui mettaient la France dans le plus grand péril ».

L'Assemblée nationale, le , ordonne une enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale.

Son attitude pendant le siège de Paris est sujette à débat. Envoyé à Tours comme représentant du Gouvernement de la Défense nationale, il prend une série de mesures d'urgence et s'arroge la responsabilité du ministère de la guerre alors que rien dans sa lettre de mission ne va pourtant dans ce sens. Ses détracteurs y voient une preuve de sa soif de pouvoir et de son ambition dévorante, ce qui fait naître la légende noire du « Gambetta dictateur »[163],[164]. Jules Vallès, écrivain et journaliste d'extrême gauche, présente Gambetta comme « un mélange de libertinage soulard et de faconde tribunicienne » et le traite de « Danton de pacotille »[165]. La volonté du ministre de poursuivre la « guerre à outrance » alors que la capitale affronte les souffrances du siège coupe peu à peu Gambetta d'une partie de l'opinion[166]. La romancière George Sand écrit à son sujet dans le Journal d'un voyageur pendant la guerre : « Nous avons bien le droit de maudire celui qui s'est présenté comme capable de nous mener à la victoire et qui ne nous a menés qu'au désespoir. Nous avions le droit de lui demander un peu de génie, il n'a même pas eu de bon sens »[167]. Pour autant, nombre de ses contemporains soulignent sa détermination pendant cette période. Le sénateur Michel Chevalier le présente comme « un chef éloquent, énergique, audacieux […], un athlète formidable de bien des manières, au tempérament impérieux »[166], tandis que Jules Simon, membre comme lui du Gouvernement de la Défense nationale et avec qui il entretient de mauvais rapport, salue son action : « On peut dire sans exagération qu’il avait fait des prodiges. Il avait créé des armées et des généraux, gagné des batailles, réparé des défaites, pourvu aux nécessités les plus urgentes de l’ordre, ranimé les hésitants, surexcité le courage des autres, résisté aux intrigues et à la malveillance des partis, conclu des marchés et des emprunts, trouvant encore le temps, au milieu de ce travail, d’écrire des lettres dont quelques-unes sont admirables, et de prononcer des harangues enflammées qui remplissaient les cœurs d’enthousiasme »[166].

Les opposants de Gambetta cherchent constamment à le discréditer. Quand l'orateur évoque l'avènement de la petite bourgeoisie et « couches sociales nouvelles », certains de ses détracteurs moquent son origine modeste, comme le journaliste catholique Louis Veuillot qui fait de lui le représentant de « la ribote dans le sang, l'histrionisme cynique »[168]. Albert de Broglie, l'un de meneurs de la droite conservatrice, le surnomme « Gesticulata »[168].

Il suscite néanmoins l'admiration de certains responsables politiques étrangers. Emilio Castelar y Ripoll, qui l'a rencontré lors de son voyage à Saint-Sébastien en 1871, voit dans Gambetta « L’équilibre de l’idée et de l’action, l’harmonie de l’intelligence et de l’activité »[169]. Léon Gambetta jouit également d'une grande popularité. Ses discours attirent toujours une foule nombreuse et plusieurs observateurs rapporte que le , lors d'un spectacle à l'Opéra de Marseille où il assiste à une représentation de Moïse et Pharaon de Rossini, lorsque Pharaon s’exclame « Voilà le soleil, il paraît et tout s’incline dans la nature », les spectateurs se lèvent, les acteurs s’arrêtent et la salle s'écrie : « Vive Gambetta ! Vive la République ! »[119]. L'écrivain Émile Zola fait lui aussi le constat de l'immense popularité dont jouit le tribun, et le décrit comme celui qui « emplit la France, emplit le monde de sa personne, beaucoup plus que Voltaire »[119].

Mémoire et postérité[modifier | modifier le code]

Historiographie[modifier | modifier le code]

Vision des historiens[modifier | modifier le code]

Léon Gambetta fait l'objet de nombreux travaux biographiques et historiques qui s'accordent sur son rôle prépondérant dans l'avènement de la Troisième République[19]. Tous les historiens mettent en avant ses qualités exceptionnelles et son charisme pour expliquer ce rôle essentiel, même si certains saluent son génie politique, comme Pierre Antonmattei, Paul Deschanel ou Paul Brulat, quand d'autres dénoncent sa tyrannie, comme Daniel Amson ou Léon Daudet[19].

Pour l'historien Jean Garrigues, jusqu'à la Première Guerre mondiale, c’est avant tout le patriote de 1870 qui est exalté à travers les hommages à Gambetta, bien plus que le chef républicain de gauche, notamment dans la biographie que lui consacre en 1919 le futur président de la République Paul Deschanel[119]. Gérard Unger partage ce constat en affirmant que « durant toute la période qui court de 1883 à 1920, Gambetta est l'incarnation de la République et de la défense du pays, et son action comme ses idées sont le fondement de l'« Union sacrée » de 1914 »[170].

En 1938, à l'occasion du centenaire de sa naissance, les historiens Daniel Halévy et Émile Pillias entreprennent un travail d'analyse à travers l'édition des lettres du tribun, tandis que l'historien britannique Patrick Bury entame la rédaction d'une biographie en plusieurs volumes[171].

En 2022, Léon Gambetta est choisi parmi les grandes figures de la gauche française réunies dans un ouvrage écrit sous la direction de Michel Winock. Pour l'historien Jean Garrigues, qui contribue à cet ouvrage, Gambetta incarne l'histoire de la gauche au XIXe siècle à la fois pour ses combats contre le Second Empire et contre l'ordre moral défendu par les monarchistes et le président Mac Mahon dans les premières années de la Troisième République. En faisant la balance entre la nécessité de compromis pour exercer le pouvoir et la volonté de poursuivre les transformations économiques et sociales de la société, Gambetta incarnerait par ailleurs l'invention de la gauche au pouvoir[119].

Gambetta et la Défense nationale[modifier | modifier le code]

La majorité conservatrice issue des élections législatives de 1871 fait de Gambetta le responsable de la défaite dans le conflit avec la Prusse et l'accuse d'avoir été une sorte de prélude de la Commune. Son action est également critiquée par l'extrême gauche, qui l'apparente à la répression sanglante de cette insurrection sans pour autant qu'il y ait pris part[172].

Dès son entrée en fonction, la nouvelle Assemblée élue nomme une commission d'enquête chargée de mettre en lumière les erreurs et abus de pouvoir de Gambetta, mais ses conclusions sont sans effet : quand elle rend son rapport quelques années plus tard, les républicains sont majoritaires à la Chambre des députés et la République plus solidement ancrée par le vote des lois constitutionnelles de 1875[172].

Deux légendes se constituent et s'opposent alors. D'un côté, les amis de Gambetta appuient une historiographie qui met en avant le patriote organisateur de la lutte armée et symbole de la résistance à l'ennemi, une image amplifiée par son décès prématuré en 1882[172]. De l'autre côté naît une forme de « légende noire » qui présente Gambetta comme un dictateur à la tête du gouvernement de la Défense nationale. Malgré l'échec de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale à le démontrer, ce jugement négatif perdure. En 1914, deux colonels proches de l'Action française, Frédéric Delebecque et Georges Larpent, livrent une analyse à charge et sans concession, sous le pseudonyme de Henri Dutrait-Crozon[172]. Les conservateurs ne sont pas les seuls à vilipender le tribun : certains républicains modérés, comme Jules Grévy se montrent eux aussi critique à l'égard de la Défense nationale qui aurait desservi la République en donnant l'image d'un gouvernement brouillon et autoritaire, laissant ainsi le champ libre aux monarchistes. La victoire de ces derniers lors des élections législatives de 1871 est alors présentée comme un désaveu de la politique de « guerre à outrance » menée par Gambetta, même si les travaux de l'historien Éric Bonhomme cherchent à contredire cet échec électoral[172].

Dans sa thèse consacrée à l'exercice du pouvoir par la Défense nationale, publiée en 1996 sous la direction de Jean-Marie Mayeur, il affirme que la défaite des républicains doit être relativisée dans la mesure où ils passent d'une représentation négligeable dans le Corps législatif des derniers mois de l'Empire (8,5 % des élus) à une situation de forte minorité dans l'Assemblée nationale de 1871, avec 23,2 % des élus. La poussée républicaine est manifeste dans de nombreux départements, ce qui permet de placer cette élection comme une étape significative de la conquête de l'opinion publique par les républicains. Il contredit par ailleurs l'assertion d'un « Gambetta dictateur » en affirmant qu'il met en place un gouvernement unitaire et libéral, à la fois modéré et pragmatique dans son fonctionnement[172]. De la même manière, l'historien britannique John Patrick Tuer Bury cherche à réhabiliter l'action du tribun dans Gambetta défenseur du territoire, 1870-1871, publié en 1937, sans pour autant cacher ses faiblesses[172].

Hommages[modifier | modifier le code]

Léon Gambetta jouit d'une popularité immense de son vivant : l'imagerie d'Épinal diffuse à grande échelle les illustrations de Gambetta quittant Paris en ballon pour organiser la résistance à Tours pendant le siège de la capitale et contribue à répandre le culte du fondateur de la République et du défenseur de la patrie[170].

En un monument à sa gloire est érigé à Cahors. Conçu par l'architecte Paul Pujol et sculpté par Alexandre Falguière, il est inauguré par le président du Conseil Jules Ferry et représente Gambetta posant sa main droite sur le fût d'un canon, tandis que sa main gauche désigne la ligne bleue des Vosges. À ses pieds se trouvent un soldat blessé et un marin prêt à tirer, tandis que le piédestal comporte plusieurs inscriptions, dont un extrait de la proclamation du ministre le  : « Français, élevez vos âmes et vos résolutions à la hauteur des effroyables périls qui fondent sur la patrie… »[170].

Le Monument à Léon Gambetta par Aubé et Boileau, inauguré six ans après sa mort devant le square de la cour Napoléon du palais du Louvre.

À Paris, un concours est lancé le par Eugène Spuller, président du comité du Monument Gambetta. Il reçoit la participation de 82 artistes et au mois de novembre suivant, c'est la proposition de Louis-Charles Boileau et Jean-Paul Aubé qui est retenue. D'une hauteur de 27 mètres, le monument est érigé dans la grande cour du palais du Louvre, face à l'arc de triomphe du Carrousel. Il représente Gambetta en orateur accompagné des passages les plus éloquents de ses discours tandis qu'au pied du socle, des figures de bronze représentent la Démocratie, la Force et la Vérité. Le monument est inauguré le par le président du Conseil Charles de Freycinet. Il est démantelé sous l'Occupation dans le cadre la mobilisation des métaux non ferreux, avant d'être en partie remonté dans le square Édouard-Vaillant en 1982, à l'occasion du centenaire de sa mort[170].

En 1891, un monument exécuté par Auguste Bartholdi est édifié à Ville-d'Avray, et d'autres suivent à Narbonne et Bordeaux en 1905, à Cavaillon en 1907, à Nice en 1909 avec la construction d'un mausolée par Louis Maubert[170]. Dans les années qui suivent sa disparition, une cérémonie se déroulent à la maison des Jardies pour entretenir son souvenir, à l'initiative d'Eugène Spuller. En 1905, la Société Gambetta est créée, présidée par Pierre Deluns-Montaud puis par Arthur Ranc et Eugène Étienne[170].

Le , le cœur de Léon Gambetta est transféré du monument de Ville-d'Avray offert par les Alsaciens-Lorrains au Panthéon, le jour même de l'installation de la tombe du Soldat inconnu sous l'arc de triomphe de l'Étoile. Une cérémonie est organisée en présence du président de la République Alexandre Millerand, qui célèbre également le cinquantenaire de la proclamation de la Troisième République[170],[173],[174]. Le cœur repose dans une urne placée dans l'escalier qui descend à la crypte. Le transfert de cette relique républicaine reproduit ainsi la tradition capétienne de la bipartition du corps (dilaceratio corporis, « division du corps » en cœur et ossements) avec deux sépultures[175].

Le souvenir de Léon Gambetta s'efface peu à peu durant l'entre-deux-guerres. D'une part, les souffrances endurés par les soldats pendant la Première Guerre mondiale font naître un courant pacifique qui rejette le culte de la patrie. D'autre part, on assiste à la montée du communisme, qui entend combattre la « République bourgeoise », et au renouveau de l'Action française qui, sous la plume de Charles Maurras, vilipende le « métèque Gambetta » fondateur de la « Gueuse »[171].

En 1932, le cinquantenaire de sa mort est néanmoins célébré par le président du Conseil Joseph Paul-Boncour, qui se rend à la maison des Jardies pour y superviser les travaux de rénovation entrepris par l'État. En 1938, un timbre commémoratif du centenaire de sa naissance est édité par les PTT. Plusieurs cérémonies ont lieu, ainsi qu'une exposition inaugurée par le ministre de l'Éducation nationale Jean Zay[171]. Dans La France et son armée, Charles de Gaulle, encore simple colonel, exprime son admiration : « Gambetta personnifie devant l’histoire le sursaut de la patrie […]. Il eut des dons de chef et l’audace d’en faire usage, en un temps où la France succombait, faute d’être conduite »[176].

Après 1945, malgré le relatif effacement du souvenir de la guerre de 1870-1871 et de la naissance de la Troisième République dans la mémoire collective, plusieurs historiens consacrent des travaux à la figure de Gambetta. En 1973, Philippe Vigier lui consacre une journée d'études avec l'appui du « Comité Gambetta », présidé par Georges Wormser. Une exposition se tient ensuite entre et au Musée du Luxembourg pour marquer le centenaire de sa mort. Un colloque est également organisé[171]. De à à la maison des Jardies, puis de mai à au Panthéon, une exposition intitulée « Léon Gambetta : un saint pour la République ? » lui est consacrée[19],[177].

Hommages et distinctions[modifier | modifier le code]

Souvenirs historiques[modifier | modifier le code]

L'urne contenant le cœur de Gambetta au Panthéon de Paris.
  • L'œil de Gambetta, qui a voyagé à travers toute l'Europe, est conservé dans le musée de Cahors Henri-Martin qui possède également le coffret de pistolets de duel Gastinne Renette qui pourraient être ceux utilisés par Gambetta lors de son duel avec Fourtou le [178]. Le moulage de son cerveau, exposé dans le musée Orfila, est désormais conservé à la faculté de médecine de Montpellier[179]. Son cœur inséré dans un morceau de pin des Vosges évidé, est placé dans une urne au Panthéon de Paris[180].
  • La médaille d'identité de Gambetta comme député de la Seine pour la législature de 1873 est conservée au musée Carnavalet (ND 4415).
  • Dans Les Déracinés de Maurice Barrès (1897), Gambetta est l'inspirateur et le maître-à-penser d'un jeune loup de la politique nancéienne, le Pr Bouteiller.
  • La correspondance entre Léon Gambetta et Léonie Léon est conservée à la bibliothèque de l'Assemblée Nationale (BAN).

Dans le livre Au Théâtre La sortie au spectacle, dirigé par Pascale Goetschel, Jean-Claude Yon (2014, éditions de la Sorbonne), un chapitre retrace cette correspondance de Léon Gambetta et de sa maîtresse, sous l'angle des goûts et habitudes théâtrales d'une « nouvelle couche sociale ».

Hommages[modifier | modifier le code]

Timbre du centenaire de la naissance de Léon Gambetta.

De nombreuses statues et monuments ont été élevés en hommage à Gambetta, dont :

  • Cahors : un monument à Léon Gambetta est inauguré en . C’est une statue d'Alexandre Falguière, qui montre le tribun, devant les allées Fénelon, appuyé sur un canon, bras tendu, en pleine déclamation patriotique. À l'origine, le soubassement du socle était décoré de statues de marin et d'un drapeau de bronze, lesquels furent envoyées à la fonte durant l'Occupation[181] ;
  • Cavaillon : monument à Léon Gambetta (1876) ;
  • Épineuse (Oise) : monument d’Épineuse avec cette inscription : « Le , Gambetta, accompagné de son ami Spuller, est sorti de Paris assiégé, dans le ballon de l'Armand Barbès. Ce ballon, après avoir essuyé le feu de l'ennemi, est venu atterrir dans le bois de Favières, territoire d'Épineuse. Les habitants de l'Oise, pour consacrer ce souvenir, ont érigé ce monument au grand citoyen, qui fut organisateur de la Défense nationale. Inauguré le sous la présidence de M. Spuller, ministre des Affaires étrangères... » Le monument œuvre de M. Woillez, se compose d'un socle carré portant un obélisque en pierre des Vosges ;
  • Nice : monument en bronze érigé en 1909, sur l'actuel place du Général-de-Gaulle, détruit en 1943 durant l'occupation allemande ;
  • Paris :
  • Saint-Maixent-l'École : un buste en pierre (ou en marbre) — inspiré de son portrait peint par Léon Bonnat — au pied d'un monument commémoratif formé d'une demi-lune et d'une colonne surmontée d'un coq dressé, fermant les « allées Jacques Fouchier » au bord de l'avenue Gambetta (près de la place Denfert-Rochereau) ;
Monument à Léon Gambetta par Auguste Bartholdi à Sèvres.

Galerie de photographies[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Dernier ministre de l'Intérieur sous le Second Empire.
  2. Le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, la Meurthe, la Moselle, la Seine, la Seine-et-Oise, le Var, les Bouches-du-Rhône, Algeret Oran.

Références[modifier | modifier le code]

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Sources primaires[modifier | modifier le code]

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  • Francis Laur, Le Cœur de Gambetta, Paris, 1907. lire en ligne sur Gallica
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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages généraux[modifier | modifier le code]

Ouvrages biographiques[modifier | modifier le code]

Ouvrages sur Gambetta et son action[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]