Kiki de Montparnasse — Wikipédia

Kiki de Montparnasse
Kiki de Montparnasse par Gustaw Gwozdecki (1920), localisation inconnue.
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Alice Ernestine PrinVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Lieu de travail

Alice Prin, dite Kiki de Montparnasse ou simplement Kiki, également surnommée « la Reine de Montparnasse », est un modèle français, née le à Châtillon-sur-Seine (Côte-d'Or)[1] et morte le à Paris 7e[2].

Muse et parfois amante d’artistes célèbres, elle est aussi chanteuse, danseuse, gérante de cabaret, artiste peintre et actrice de cinéma. Durant l’entre-deux-guerres (1921-1939), elle anime le quartier du Montparnasse.

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance[modifier | modifier le code]

Enfant illégitime, la jeune Alice Ernestine Prin est élevée par sa grand-mère dans une grande pauvreté. En 1913, elle quitte Châtillon-sur-Seine pour rejoindre sa mère, Marie Prin, linotypiste à Paris. En 1916, Marie Prin rencontre Noël Delecœuillerie, un jeune homme revenu blessé du front, qu’elle épouse deux ans après.

Modèle[modifier | modifier le code]

Kiki de Montparnasse et Tsugouharu Foujita en 1926, Iwata Nakayama.

En 1914, Marie Prin retire Alice de l'école pour la faire travailler comme apprentie. Ainsi Alice est successivement brocheuse, fleuriste, laveuse de bouteilles chez Félix Potin et visseuse d’ailes d’avion[3]. En 1917, elle est bonne à tout faire chez une boulangère, place Saint-Georges (Paris 9e). Se révoltant contre les mauvais traitements qu’elle subit, elle est renvoyée. Pour gagner de quoi vivre, elle devient modèle, posant nue chez un sculpteur, ce qui cause une violente dispute avec sa mère qui l’expulse de chez elle malgré l’hiver. Elle est recueillie par le peintre Chaïm Soutine pour lequel elle pose[4]. Elle fréquente la brasserie La Rotonde mais au bar seulement. Pour avoir le droit de s’asseoir dans la salle, une femme doit porter un chapeau[3]. En 1918, elle se met en ménage avec Maurice Mendjizki (1890-1951), un peintre juif polonais.

Elle pose pour les peintres Amedeo Modigliani et Tsugouharu Foujita dont le Nu couché à la toile de Jouy sera l'événement du Salon d'automne de 1922. Moïse Kisling l'a également peinte à de nombreuses reprises. Elle adopte la coupe au carré, les yeux abondamment soulignés de khôl, les lèvres peintes de rouge vif et le pseudonyme Kiki[3].

En 1921, elle devient la compagne et le modèle préféré de Man Ray qui trouve son physique « de la tête aux pieds, irréprochable »[3]. Il la photographie notamment à côté d'un masque baoulé, ainsi que de dos, nue, pour un célèbre cliché auquel il ajoute deux ouïes de violon et qu'il intitule Le Violon d'Ingres, en 1924. Dorénavant elle devient la reine de La Rotonde : « C'est Kiki, la seule, l'unique qui traverse majestueusement les salles, flanquée du fidèle Man Ray »[5] qui lui fait rencontrer les dadas Tristan Tzara, Francis Picabia et les surréalistes Louis Aragon, André Breton, Paul Éluard, Max Ernst et Philippe Soupault.

Elle vit un temps[Quand ?] avec Vaslav Nijinski.

Peintre[modifier | modifier le code]

Elle commence également à dessiner des portraits pour les soldats britanniques et américains qui fréquentent La Rotonde. Par la suite, elle expose régulièrement ses peintures dans des galeries parisiennes, notamment en 1927 dans la galerie Au Sacre du printemps[6], en 1930, dans la prestigieuse galerie Georges Bernheim[7], en 1931, galerie Jean Charpentier[8], rue du Faubourg-Saint-Honoré. Pablo Gargallo fait son portrait en bronze doré en 1928.

En 1929 Kiki devient la maîtresse du journaliste Henri Broca[9]. Ce dernier fonde le magazine Paris-Montparnasse où paraissent les premiers chapitres du livre de souvenirs que Kiki écrit, et qu'il publie ensuite : Les souvenirs de Kiki[10]. Malgré l’engagement du journaliste américain Edward William Titus, époux d’Helena Rubinstein, les autorités douanières refusent l’introduction du livre aux États-Unis pour cause de propos jugés « scabreux »[11].

Chanteuse[modifier | modifier le code]

Kiki est élue « Reine de Montparnasse »[3]. Cependant sa mère, puis Henri Broca sombrent dans la folie. Pour parer aux frais médicaux, elle fait le tour des boîtes de nuits où elle chante (notamment au Jokey rue Campagne-Première) et danse. Le , elle débute au Concert Mayol dans la revue Le Nu sonore de Léo Lelièvre, Henri Varna et Marc-Cab. Elle conduit la revue avec Tonton de Montmartre[12]. En , elle chante à La Jungle[8], en 1932 à L'Escale[13], cette année-là, elle a un engagement à Berlin[14]. En 1936, elle chante Nini peau d'chien au Noël 1900 présenté au moulin de la Galette[15]. Elle chante aussi dans le célèbre cabaret de la rue de Penthièvre, Le Bœuf sur le toit, lieu où Man Ray expose ses photographies[16]. Elle se rend aux studios de la Paramount Pictures (Kaufman Astoria Studios) de New York, mais sans résultat.

Buvant trop et se nourrissant mal, Kiki pèse 80 kg en 1934. La presse semble d'ailleurs s'en amuser puisqu'en 1936, elle relate qu'à la suite d'un régime, Kiki passe de 80 kg à 57 kg[17]. Ce qui ne l’empêche pas de poser pour le peintre Per Krohg qui, trouvant sa « croupe très belle », pense « à un trois-mâts toutes voiles dehors »[réf. nécessaire]. Broca meurt en 1935.

De [18] à [19], elle chante régulièrement au Cabaret des fleurs au 47 rue du Montparnasse[20].

En 1937, elle ouvre son propre établissement, Babel chez Kiki, rue Vavin[21]. André Laroque, pianiste et accordéoniste de ce cabaret, agent des contributions indirectes le jour, devient son nouvel amant. Il aide Kiki à se défaire de la drogue et tape à la machine son second livre de souvenirs : Souvenirs retrouvés, qui ne seront publiés qu'en 2005[3]. En 1939, elle chante au cabaret Le Gipsy's au 20, rue Cujas[22]. Le , elle fait sa rentrée au Jockey, 127 boulevard Montmartre. Elle s'y produit jusqu'au mois de [23].

Fin de vie[modifier | modifier le code]

En 1952, Frederick Kohner, qui fut déniaisé par elle à l'âge de 19 ans, la revoit :

« La porte du bar s'ouvrit... Je la vis entrer. Elle portait un manteau de phoque très usé et un chapeau d'une taille ridicule, avec une voilette qui cachait ses yeux... J'eus un choc... J'avais l'impression qu'une terrible explosion s'était produite, ne laissant rien que d'horribles ruines. Je scrutais son visage tandis qu'elle titubait vers le bar... Son visage était ravagé par l'âge au point de la rendre méconnaissable. C'était un visage où l'on sentait la mort toute proche, où l'on devinait déjà le cadavre. Un maquillage outrancier ne faisait qu'accentuer l'impression de décomposition qu'il donnait[24]. »

En 1953, âgée de 51 ans, Kiki décède à l'hôpital Laennec de Paris, inhumée au cimetière parisien de Thiais, sa tombe est reprise en 1974. Seul Léonard Foujita aurait assisté à son enterrement.

Ernest Hemingway lui rend un brillant hommage[25].

Galerie[modifier | modifier le code]

Modèle d'œuvres plastiques[modifier | modifier le code]

Filmographie[modifier | modifier le code]

Publications[modifier | modifier le code]

  • Les Souvenirs de Kiki, préface de Foujita, ; six illustrations et reproductions de tableaux de l'auteur ; dix photographies de Man Ray, Paris, H. Broca, 1929, 174 p.
  • Souvenirs, introduction d’Ernest Hemingway et Foujita, avant-propos et notes de Billy Klüver et Julie Martin, traduction de Dominique Lablanche, Hazan, 1999, 279 p.
  • Souvenirs retrouvés, préface de Serge Plantureux, José Corti, 2005, 319 p.[35],[36]

Postérité[modifier | modifier le code]

En bande dessinée[modifier | modifier le code]

En bande dessinée, Kiki de Montparnasse fait l'objet d'un album biographique, Kiki de Montparnasse, dessinée par Catel et scénarisée par José-Louis Bocquet, paru chez Casterman dans la collection « Écritures » en 2007. Cette bande dessinée a reçu plusieurs prix :

Au cinéma[modifier | modifier le code]

Kiki de Montparnasse est le personnage principal du court métrage d'animation français Mademoiselle Kiki et les Montparnos d'Amélie Harrault (2012) qui obtient le César du meilleur court métrage d'animation en 2014.

Au théâtre[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Au no 2 rue de la Charme. Enfant naturelle de Marie Ernestine Prin, âgée de 19 ans. Acte de reconnaissance du 26 octobre 1901.
  2. Histoires secrètes de Paris.
  3. a b c d e et f Dominique Paulvé, « Kiki, reine des Montparnos », Connaissance des arts, no 658, mars 2008, p. 78-83.
  4. Carlo Rim, Le Grenier d'Arlequin, journal 1916-1940, Denoël, 1981, p.124, à la date du 8 août 1929 : "Kiki de Montparnasse, qui en est à son troisième godet, évoque en riant ses débuts de modèle... Et aussi Soutine avec ses yeux tout brûlants qui vous font froid dans le dos, et une tête de cosaque sous-alimenté. Un chic type qui n'a rien à lui et qui donne tout aux autres. On s'est un peu aimés, mais il ne pensait qu'à son art, et il peignait même la nuit. Je lui ai posé des séances de nu en plein hier dans son atelier glacial. On s'est quittés question de tempérament, je devenais phtisique galopante."
  5. « T'en fais pas, viens à Montparnasse ! : enquête sur le Montparnasse actuel », sur Gallica, (consulté le ).
  6. Peintures de Alice Prin-Kiki. Catalogue : exposition, Paris, Galerie Au Sacre du Printemps, du 25 mars au 2 avril 1927. Feuillet (31 x 45 cm) plié en 4, présentant la liste des tableaux, un court texte de Robert Desnos "Vie de Kiki, à Man Ray" et la reproduction en noir et blanc du tableau Cirque ambulant. Paris, Bibliothèque Forney (RES ICO 5609 2 3 Fol).
  7. Paris Soir, 25 décembre 1930, p. 2.
  8. a et b L'Africain. Hebdomadaire illustré, 16 janvier 1931, p. 5.
  9. Auteur de T'en fais pas, viens à Montparnasse ! Enquête sur le Montparnasse actuel
  10. Kiki de Montparnasse, Les souvenirs de Kiki, préface de Foujita ; six illustrations et reproductions de tableaux de l'auteur ; dix photographies de Man Ray, Paris : H. Broca, 1929, 174 p.
  11. (en) Kiki de Montparnasse, Kiki's memoirs, traduit du français par Samuel Putnam ; préface d'Ernest Hemingway ; reproductions de 20 peintures de Kiki de Montparnasse, Paris, E. W. Titus at the sign of the Black Manikin Press, 1930, 180 p.
  12. Comœdia, 14 novembre 1930, p. 2 ; Le Journal, 2 décembre 1930, p. 4.
  13. L'Intransigeant, 24 août 1932, p. 1.
  14. Paris Soir, 16 février 1932, p.8.
  15. Comœdia, 26 décembre 1936, p. 3 ; L’Intransigeant, 26 décembre 1936, p. 2.
  16. Marianne, 13 juin 1934, p. 9.
  17. Comœdia, 25 juin 1936, p. 3.
  18. La Vie parisienne, 5 janvier 1935, p. 408.
  19. La Semaine de Paris, 15 janvier 1937, p. 62.
  20. Paris Soir, 30 juin 1935, p. 7 ; Paris Soir, 22 septembre 1935, p. 7 ; Paris Soir, 27 octobre 1935, p. 8 ; Paris Soir, 5 avril 1936, p. 6 ; La Semaine à Paris, 17 avril 1936, p. 61 ; Paris Soir, 3 mai 1936, p. 10 ; Paris Soir, 5 avril 1936, p. 6 ; Paris Soir, 22 décembre 1936, p. 12
  21. La Vie parisienne, 3 juillet 1937, p. 1441.
  22. L’Intransigeant, 3 janvier 1939, p. 7 ; La Vie parisienne, 4 mars 1939, p. 229 ; La Vie parisienne, 27 mai 1939, p. 565 ; L’Intransigeant, 12 janvier 1939 p. 6.
  23. Le Matin, 19 décembre 1942, p. 4 ; Comœdia, 10 juillet 1943, p. 8.
  24. Frédéric Kohner, Kiki de Montparnasse, éditions Buchet-Castel.
  25. Kiki de Montparnasse, Souvenirs, introduction d’Ernest Hemingway et Foujita, avant-propos et notes de Billy Klüver et Julie Martin, traduction de Dominique Lablanche, Hazan, 1999, 279 p. 
  26. Reproduction dans Connaissance des arts, n°658, mars 2008, p. 81.
  27. Connaissance des arts, n°658, p. 82.
  28. Connaissance des arts n°658, p. 80.
  29. Connaissance des arts n°658, p. 78.
  30. Kiki de Montparnasse, notice chimeimuseum.org.
  31. Connaissance des arts n°658, p. 83.
  32. Comœdia, 27 décembre 1932, p. 1.
  33. L’intransigeant, 30 décembre 1932, p. 6.
  34. Le Populaire, 23 décembre 1932, p. 4 : « Il n'est guère de film se déroulant à Montparnasse dans lesquels on ne puisse voir Kiki de Montparnasse, qui tourne actuellement dans le film Iris perdue et retrouvée, que Louis Gasnier met en scène actuellement. C’est d’ailleurs le seizième film dans lequel elle paraît. »
  35. Éditions Corti.
  36. « Andre Laroque Archives – Serge Plantureux Photographie », sur plantureux.fr (consulté le ).
  37. Didier Pasamonik, « « Kiki de Montparnasse », lauréat 2007 du Grand Prix RTL de la BD », sur Actua BD,
  38. « Casterman Bande dessinée Kiki de Montparnasse », sur casterman.com (consulté le ).
  39. Page du spectacle, sur le site du Lucernaire.

Annexes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • José-Louis Bocquet et Catel Muller, Kiki de Montparnasse, bande dessinée, Bruxelles, Casterman, coll. « Écritures », 2007, 384 p.  ; nouvelle éd. (ISBN 978-2-203-11961-1).
  • Sarah Coudray, Kiki de Montparnasse : modèle, muse et artiste, Mémoire de recherche en histoire de l'art, sous la direction de Guillaume Le Gall, Nancy, Université de Lorraine, 2021, 150p.
  • Jean-Pierre Crespelle, Montparnasse vivant, Hachette, 1962.
  • Alain Jouffroy, La vie réinventée - L'explosion des années 20 à Paris, Robert Laffont, 1982.
  • Billy Klüver et Julie Martin, Kiki et Montparnasse : 1900-1930, Flammarion, 1989, traduit de l'américain par Edith Ochs, 263 p., ill.
  • Frédéric Kohner, Kiki de Montparnasse, éd. Buchet-Chastel 1968.
  • Armel de Lorme, Actrices du Cinéma français 1929~1944 (D'Arletty à Kiki de Montparnasse) (hors collection), éd. L'@ide-Mémoire, 2018 en littérature (ISBN 979-1092784183)
  • Bertrand Meyer-Stabley, 12 Muses qui ont changé l'histoire, Pygmalion, 2015.
  • Lou Mollgaard, Kiki : reine de Montparnasse, Robert Laffont, collection « Elle était une fois », 1988, 333 p..

Liens externes[modifier | modifier le code]