Jessica Pidoux — Wikipédia

Jessica Pidoux
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Dominique Boullier, Daniel Gatica-Perez (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Jessica Pidoux, née en 1988 à Maracaibo, est une sociologue du numérique suisse d'origine vénézuélienne.

Spécialiste des usages et du développement des applications de rencontres, elle est connue pour être la première chercheuse à avoir étudié l'algorithme de Tinder, mettant en évidence qu'il repose sur « un modèle patriarcal des relations hétérosexuelles ».

Biographie[modifier | modifier le code]

Jessica Pidoux naît en 1988 à Maracaibo, au Venezuela. Elle quitte son pays natal et s'installe en Suisse en 2011[1].

Entre 2013 et 2015, elle réalise un master en sociologie de la communication et de la culture à l'Université de Lausanne[2],[3].

Après son master, elle travaille en tant que chef de projet Internet au sein d'une start-up à l'Innovation Park de l'EPFL, dont le but est de développer des plateformes numériques[4].

Jessica Pidoux commence son doctorat en humanités numériques en 2017 à l'École polytechnique fédérale de Lausanne[2]. Pendant ses recherches doctorales, elle fonde et préside dhelta, l'association étudiante des humanités numériques EPFL-UNIL et devient membre de la plateforme de promotion des humanités numériques dhCenter UNIL-EPFL[2],[5].

Elle est une spécialiste des usages et du développement des applications de rencontres[6],[7]. En 2021, elle rejoint Sciences-Po Paris en tant que chercheuse contractuelle[3] pour travailler sur la science participative[8] puis en 2023 l'Université de Neuchâtel sur la numérisation et la transformation du travail[9].

Travaux sur les algorithmes de sites de rencontres[modifier | modifier le code]

Son mémoire de master porte sur l'application de rencontres Tinder[10]. Elle y analyse un document de 27 pages, nommé US 2018/0150205A1, qui présente le fonctionnement de l'application et qui selon elle « reproduit un modèle patriarcal et hétéronormé [11],[12],[13],[14],[15] et démontre que le brevet de Tinder, le Matching Process System and Method[16], part du stéréotype que les femmes voudraient des hommes plus riches et plus âgés tandis que les hommes seraient à la recherche de femmes plus jeunes[17],[18],[19]. Elle met également en évidence le classement Elo utilisé par Tinder, selon lequel « chaque utilisateur obtiendrait un classement selon des critères genrés basés sur le système patriarcal »[10],[20],[21]. Elle remarque que les profils sont notés selon le physique et le niveau de revenu et d'éducation[22] et que ce score de désirabilité influence les profils présentés aux utilisateurs[23]. Elle découvre que des malus et des bonus sont attribués à tous les profils, les hiérarchisant en fonction du sexe selon des « critères démographiques »[24],[note 1]. Dans ses analyses, elle démontre en effet que l'une des caractéristiques qui permet de noter les profils est l'âge relatif : « il y est mesuré l'attractivité d'une personne à partir de son sexe et de sa différence d'âge par rapport à son opposé pour offrir des points d'avantage aux hommes plus âgés et aux femmes plus jeunes »[25].

En , elle commence sa thèse en humanités numériques à l'EPFL[26],[27],[28],, où elle approfondit ses recherches sur les applications de rencontres et leurs algorithmes[29]. À ce titre, elle analyse plus de 20 applications de rencontres, telles que Tinder, Badoo, Happn, OkCupid, Meetic ou encore AdopteUnMec[23],[27]. Elle examine, en utilisant des méthodes quantitatives et qualitatives, le développement des algorithmes de mise en relation, les usages des applications et les interfaces graphiques qui vont structurer les actions des utilisateurs[23].

En septembre 2021, elle soutient sa thèse, sous la direction de Dominique Boullier et de Daniel Gatica-Perez[2],[30],[31] . Elle y met en évidence que ces applications reproduisent des inégalités, du sexisme et des divisions sociales, par exemple en avantageant les hommes les plus riches et plus éduqués[10],[26],[32]. En outre, selon la sociologue, les algorithmes sont discriminants envers les femmes[33] et participent à construire des stéréotypes sur la passivité des femmes[27]. Une autre conclusion de sa recherche est que ces applications de rencontres reproduisent de l'hétéronormativité via le modèle du couple hétérosexuel, laissant peu de place à la diversité[27].

La journaliste Judith Duportail s'est appuyée sur ses travaux pour écrire son livre l'Amour sous algorithme[17],[18],[34], après que Jessica Pidoux a pris contact avec elle et lui a transmis ses recherches ainsi que le brevet de Tinder pour l'aider dans son enquête[35].

Engagement en faveur de la protection des données personnelles[modifier | modifier le code]

Investie dans la protection des données personnelles, Jessica Pidoux crée le collectif « Dating Privacy Project:Dating Privacy — Wikibase Personal data » en 2021[36]. Ce dernier vise à élaborer de nouvelles normes de protection de la vie privée et à mieux informer les utilisateurs de la manière dont les applications traitent leurs données[2].

De plus, elle dirige l'ONG PersonalData.IO, engagée en faveur de la protection de la vie privée sur Internet[3],[37]. En mars 2020, elle participe à une expérience avec des journalistes du Temps au sujet de la protection des données[38].

Sur la base de ses recherches, elle met en garde sur les enjeux de la protection des données[39], puisque les informations partagées sur ces applications de rencontres sont souvent intimes et sensibles et peuvent être revendues à des entreprises privées pour réaliser des publicités ciblées[28].

Publications[modifier | modifier le code]

  • Jessica Pidoux, Toi et moi, une distance calculée. Les pratiques de quantification algorithmiques sur Tinder, Calbérac, Yann ; Lazzarotti, Olivier ; Lévy, Jacques ; Lussault, Michel, coll. « Carte d’identités. L’espace au singulier », , 370 p. (ISBN 1037001532, lire en ligne), p. 249-267.
  • Jessica Pidoux, Pascale Kuntz & Daniel Gatica-Perez, « Declarative Variables in Online Dating: A Mixed-Method Analysis of a Mimetic-Distinctive Mechanism ». Proceedings of the ACM on Human-Computer Interaction, n°5(1), 2021, p.1-32.
  • Jessica Pidoux, Online Dating Quantification Practices: A Human-Machine Learning Process, EPFL (thèse de doctorat en humanités digitales), 2021, 249p.
  • (en) Jessica Pidoux et Pascale KUNTZ, « Concevoir des applications informatiques respectueuses des humains », sur The Conversation (consulté le ).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : documents utilisés comme source pour la rédaction de cet article

  • Judith Duportail, L'amour sous algorithme, paris, Éditions Goutte d'or, (ISBN 979-10-96906-14-7, OCLC 1102715779), chap. 15 (« Le «cœur» de Tinder »), p. 111-138. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • Anaïs Lebreton, Tout le monde recherche son match, (ISBN 2958257606), chap. 13. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Selon la description faite dans le brevet, sont considérées comme « données démographiques » selon le sexe et sans exclusive des données telles que l'âge, le niveau d'études, l'ethnie, les revenus et la localisation. Voir Toi et moi, une distance calculée. Les pratiques de quantification algorithmiques sur Tinder page 5.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Florian Delafoi, « Jessica Pidoux, l’algorithme de Tinder dans la peau », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne Accès libre, consulté le ).
  2. a b c d et e Celia Luterbacher, « Les applis de rencontres en ligne révèlent un paradoxe », EPFL,‎ (lire en ligne Accès libre).
  3. a b et c (en) « Jessica Pidoux | Sciences Po Centre d'études européennes », sur www.sciencespo.fr, (consulté le ).
  4. (en) EPFL, « Meet our new Digital Humanities PhD student », EPFL,‎ (lire en ligne).
  5. (en) « About the dhCenter », sur dhcenter-unil-epfl.ch (consulté le )
  6. Julie Renson Miquel, « Tinder, 10 ans et autant de plans… » Accès payant, sur Libération, (consulté le ).
  7. Benjamin Pruniaux, « Les sites de rencontres pour seniors », Le Nouvel Economiste,‎ (lire en ligne Accès libre).
  8. « Jessica Pidoux, postdoctorante pour le projet COESO : "Mesurer les dynamiques de coopération pour améliorer les pratiques de science participative" », sur Centre d'études européennes et de politique comparée,
  9. « Pidoux Jessica », sur www.unine.ch (consulté le )
  10. a b et c « Pourquoi les algorithmes des applications de rencontre sont-ils pervers ? », sur RTBF, (consulté le ).
  11. Pascaline Sordet, « Avec Tinder, les algorithmes rentrent même dans nos lits », TV5Monde,‎ (lire en ligne).
  12. Marie Allard, « Tinder vous connaît mieux que vous-même », La Presse,‎ (lire en ligne Accès libre).
  13. Renée Greusard, « « Avec Tinder, on est comme des poulpes. » Judith Duportail vous dit tout ce que l’appli vous cache », L'OBS,‎ (lire en ligne Accès payant).
  14. Pascaline Sordet, « «L’amour sous algorithme» dévoile le côté obscur de Tinder », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le ).
  15. Kévin Boucaud-Victoire, « "Tinder, c'est pire qu'une ubérisation de l’amour" », sur www.marianne.net, (consulté le ).
  16. (en) Sean Rad, Todd M. Carrico, Kenneth B. Hoskins et James C. Stone, Matching process system and method, (lire en ligne)
  17. a et b Dunia Miralles, « Lecture: “L’Amour sous algorithme” de Judith Duportail », Le Temps,‎ (lire en ligne Accès libre).
  18. a et b Violaine Berlinguet, « https://www.celles-qui-osent.com/rencontres-tinder-enquete/ », sur Celles qui osent, (consulté le ).
  19. (en) Michaëla Cancela‐Kieffer, « Journalism, Algorithms, and the People’s Right to Know », dans News Media Innovation Reconsidered, Wiley, (ISBN 978-1-119-70649-6, DOI 10.1002/9781119706519.ch10, lire en ligne), p. 155–173
  20. Paloma Vallecillo, « L’application de rencontres Tinder classe ses utilisateurs », Ouest France (maville),‎ (lire en ligne Accès libre).
  21. « Tinder, dix ans de règne sans partage pour l'application de rencontre », sur RTBF (consulté le ).
  22. Anaïs Lebreton, Tout le monde recherche son match, Anaïs Lebreton, , 200 p. (ISBN 978-2-9582576-0-6, lire en ligne), Chapitre 13.
  23. a b et c Julia Chivet, « Pour Jessica, Tinder n’a plus aucun secret… ou presque » Accès payant, sur Le Messager, (consulté le ).
  24. Judith Duportail, L'Amour sous Algorithme, Le Livre de Poche, , 192 p. (ISBN 2253101435), p. 121
  25. Judith Duportail, l'Amour sous Algorithme, Le Livre de Poche, , 192 p. (ISBN 2253101435), p. 122
  26. a et b « Pour Tinder, un homme éduqué est désirable, une femme non », sur rts.ch, (consulté le ).
  27. a b c et d Fabien Soyez, « Sites et applications de rencontre : comment les rendre moins sexistes et inégalitaires ? », CNET,‎ o1 décembre 2021 (lire en ligne Accès libre).
  28. a et b Mehdi Atmani, « FemTech, quand l’innovation s’intéresse (enfin) aux femmes », L'Illustré,‎ (lire en ligne Accès libre).
  29. (en) Frank Andrews, « Five Reasons You Should Delete Hinge », sur www.vice.com, (consulté le ).
  30. Miren Garaicoechea, « Les applications de rencontre n’ont pas le sens de l’orientation » Accès payant, sur Libération, (consulté le ).
  31. Miren Garaicoechea, « «Une application de rencontre peut ignorer nos préférences», notamment l’orientation sexuelle » Accès payant, sur Libération, (consulté le ).
  32. Katia Dansoko Touré, « Rencontres par affinités : «Sur ces sites, on suit aussi ce que l’appli et les algorithmes nous imposent» » Accès payant, sur Libération, (consulté le ).
  33. (de-CH) Ann Mbuti, « Diskriminierende Algorithmen », sur Das Lamm, (consulté le ).
  34. (en-US) « En 2019, la journaliste Judith Duportail sort une enquete autobiographique « L’amour sous algorithme » aux Editions de la Goutte d’or. », sur ITTAILORS CANADA Inc. (consulté le ).
  35. Judith Duportail, l'Amour sous Algorithme, Goutte d'Or, , 138 p. (ISBN 979-1096906147), p. 126
  36. (en) « Jessica Pidoux: “Dating apps are not magic. Just maths, code and sensitive data.” », sur dating-privacy.hestialabs.org (consulté le ).
  37. « En quête des données personnelles, recherche et activisme - Centre Universitaire d'Informatique (CUI) - UNIGE », sur cui.unige.ch, (consulté le ).
  38. Florian Delafoi, Paul Ronga, César Greppin, « Traquer son ombre numérique », sur labs.letemps.ch (consulté le ).
  39. Julie Bringer, « Société. Comment éviter les mauvaises rencontres sur les applications », sur www.ledauphine.com, (consulté le ).

Liens externes[modifier | modifier le code]