Jean-Marie Nicolle — Wikipédia

Jean-Marie Nicolle
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Voir et modifier les données sur Wikidata (73 ans)
DieppeVoir et modifier les données sur Wikidata
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Directeur de thèse
Jean Seidengart (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Jean-Marie Nicolle, né le à Dieppe, est un philosophe français. Il a été professeur au lycée Jeanne-d'Arc de Rouen. Il est entre autres l'auteur d'ouvrages de préparation aux concours, ainsi que de plusieurs ouvrages de philosophie générale aux éditions Bréal (les derniers en date : La société 2011, La nature 2015, La parole 2016), qui représentent des synthèses de vulgarisation et des compilations pour les non-spécialistes, à destination du grand public mais aussi des étudiants.

En tant que philosophe, il est spécialiste de la pensée médiévale, de l'évolution conjointe des mathématiques et de la métaphysique à la fin du Moyen-Âge[1], de l'émergence de la démarche scientifique et des nouveaux concepts mathématiques, de leur émancipation progressive hors de toute considération métaphysique[2] ; mais aussi de leur influence réciproque[3]. Sur cette question, il est spécialiste singulièrement de l’œuvre de Nicolas de Cues, à laquelle il a consacré sa thèse[4], des traductions, de nombreux articles, et plusieurs ouvrages de vulgarisation dont une biographie romancée : L'homme à la proposition d'or[5].

Biographie[modifier | modifier le code]

Jean-Marie Nicolle a fait ses études secondaires au lycée Jehan-Ango de Dieppe, puis ses études supérieures à l'université de Rouen. Il a obtenu l'agrégation de philosophie en 1977, puis un doctorat de philosophie en 1998[6]. Il est membre fondateur de la Société française Cusanus, membre de l'American Cusanus Society et membre du comité scientifique du Cusanus-Gesellschaft de l'université de Trêves[7]. Il est professeur de philosophie d'abord au lycée Val-de-Seine, à Grand-Quevilly, de 1978 à 1987, puis au lycée Jeanne-d'Arc de Rouen et au centre théologique universitaire de Rouen[8].

Il fait de la formation initiale et continue des professeurs de philosophie[9] et il a mené des recherches dans des domaines aussi variés que l'informatique (1988-1994), la toxicomanie dans l'Association rouennaise d'intervention et de recherche en toxicomanie (1986-1997), l'histoire des mathématiques au sein de l'Institut de recherche de l'enseignement des mathématiques de Rouen (1989-1998)[10],[11] et au CNRS (2000-2001)[12], l'histoire de l'art au Musée des Antiquités de Rouen (2008-2016)[13].

Mathématiques et métaphysique chez Nicolas de Cues[modifier | modifier le code]

Le thème central de ses recherches est le rapport entre les mathématiques et la métaphysique. Il reprend ainsi la tradition inaugurée par Jules Vuillemin sur Descartes[14], et poursuivie par Michel Serres sur Leibniz[15], Pierre Magnard sur Pascal[16], Maurice Caveing sur Platon[17].

« [...] Par exemple, [je cherche à montrer] comment la recherche de proportions fait approcher Nicole Oresme de la pensée fonctionnelle, comment ses tentatives de quadrature du cercle permettent à Nicolas de Cues de donner un nouveau statut à l’infini, comment la résolution du problème des trois cercles conduit Descartes à repenser les natures simples, comment la règle de l’hétérogénéité des grandeurs fournit un modèle hiérarchique à Pascal, comment enfin le calcul infinitésimal conduit Fontenelle à une ontologie de l’infini. »[3].

Il a ainsi travaillé sur les œuvres de Nicole Oresme, René Descartes[18], Blaise Pascal[19], Bernard de Fontenelle[20] et, surtout, celle de Nicolas de Cues dont il a traduit et commenté les écrits mathématiques[21],[22]. Sa thèse de doctorat de philosophie, soutenue à l'université Paris X-Nanterre en 1998, sous la direction de Jean Seidengart, s'intitule « Mathématiques et métaphysique dans l'œuvre de Nicolas de Cues »[23]. Et son dernier essai (2020) est consacré au « Laboratoire mathématique de Nicolas de Cues[24] ».

Le christianisme a-t-il été une aide au développement de la science ou en a-t-il été un obstacle ? Dans son travail sur les écrits mathématiques de Nicolas de Cues, entièrement consacrés à la quadrature du cercle, Jean-Marie Nicolle conclut que les historiens des idées[25],[26],[27] ont tort d'en faire un précurseur de la modernité[28]. Son analyse de la pratique mathématique de Nicolas de Cues conduit dorénavant les commentateurs à reconsidérer la prétendue modernité du Cusain[29],[30],[31].

La théorie des trois fenêtres[modifier | modifier le code]

Fondée sur le déterminisme technique, cette théorie[32],[33] distingue trois dispositifs du regard sur le monde :

  1. la fenêtre du temple par laquelle les hommes s'efforcent de voir des signes du divin, exigeant une interprétation qui nourrisse leurs croyances.
  2. la fenêtre du tableau en perspective centrale qui, avec la science moderne, construit des représentations mathématiques du monde.
  3. la fenêtre de l'écran numérique qui affiche un flot d'informations donnant une vision éclatée du monde réel.

Cette théorie aboutit à une critique de l'exploitation capitaliste d'internet qui détruit la subjectivité de l'humain pour le réduire à l'état d'objet connecté.

Publications[modifier | modifier le code]

Livres[modifier | modifier le code]

Contributions[modifier | modifier le code]

  • Innovation in mathematics and proclusean tradition in Cusanus' thought (« Innovation en mathématiques et tradition procluséenne dans la pensée du Cusain »), in Yamaki, Kazuhiko, Nicholas of Cusa. A medieval Thinker for the Modern Age, Richmond, Curzon Press, 2002, p. 85-88 (ISBN 0-7007-1671-8)
  • « D'une mathématique à l'autre dans les démonstrations de Nicolas de Cues », in Oriens-Occidens no 5, Villejuif, UMR 7062 CNRS/EPHE/Université Paris 7, 2004, p. 43-64
  • How to look at the Cusanus's geometrical figures ? (« Comment lire / considérer les figures géométriques du Cusain ? »), in Das Mathematikverstandnis des Nikolaus von Kues (« La compréhension mathématique de Nicolas de Cues »), revue : Mitteilungen und Forschungsbeiträge der Cusanus-Gesellschaft (« Notifications et contributions à la recherche de la Société Cusanus »), no 29, 2005, Trier, Paulinus, p. 279-293 (ISBN 3-7902-1590-2)
  • "La igualdad como resolucion de la alteridad", in Nicolas de Cusa : identidad y alteridad : pensamiento y diálogo, Buenos Aires, Biblos, 2010, p. 151-160 (ISBN 978-950-786-838-2)
  • « La "coincidentia oppositorum" dans les écrits mathématiques de Nicolas de Cues », in Coincidentia oppositorum de Nicolas de Cues à Nicolas Berdiaev, publié en russe, Saint Petersburg, Aletheia, 2010, p. 249-258 (ISBN 978-5-91419-355-0)
  • "Die Blindheit des Verstandes und die Sehkraft des Intellektes", in Schwaetzer, Harald, Vannier, Marie-Anne (dir), Zum Intellektvertändnis von Meister Eckhart und Nikolaus von Kues, Mûnster, Aschendorff Verlag, 2012, p. 117-122 (ISBN 978-3-402-15989-7)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jean-Marie Nicolle, « Mathématiques et métaphysique dans l’œuvre de Nicolas de Cues, discours de thèse », sur CERPHI, ENS de Lyon, (consulté le ).
  2. Voir sur ces sujets, dans le numéro spécial 202 consacré à L'Infini de la revue Sciences et Avenir, avec interview et citations de J.-M. Nicolle, l'article de Denis Delbecq, « Deux mille cinq cents ans pour approcher l'inconcevable », Sciences et Avenir,‎ , pp. 26-31.
  3. a et b Jean-Marie Nicolle, « Curriculum », sur jm.nicolle.cusa (consulté le ), "Recherches".
  4. Jean-Marie Nicolle, « Mathématiques et métaphysique dans l’œuvre de Nicolas de Cues, résumé de thèse », sur theses.fr, (consulté le ).
  5. a et b On pourra lire le résumé et la quatrième de couverture de ce livre ici : Jean-Marie Nicolle, « L'homme à la proposition d'or », Editions Ipagine, (consulté le ).
  6. « Centre national des thèses »
  7. a. Pour la Société française Cusanus, Cf. déclaration d'association publiée au J.O. des associations no 79, p. 2927 du 21/06/2014. b. Cf. American Cusanus Society Newsletter, Vol. XVII, Number 2, December 2000, p. 4. c. En remplacement de Maurice de Gandillac, voir la composition du comité scientifique, indiquée p. II de la revue Mitteilungen und Forschungsbeiträge der Cusanus-Gesellschaft, Trier, Paulinus, à partir du no 32 (2010). (ISBN 978-3-7902-1593-9).
  8. CV Jean-Marie Nicolle
  9. Par exemple aux Rencontres philosophiques de Langres : voir le programme de septembre 2013
  10. Collectif, Études d'histoire externaliste des mathématiques, Rouen, IREM de Rouen, , 125 p. (ISBN 2-86239-058-5)
  11. Jean-Marie Nicolle, Charles de Bovelles, La géométrie en français, transcription, présentation, annotation du premier manuel de géométrie imprimé en français, Rouen, IREM de Rouen, , 164 p. (ISBN 2-86239-080-1)
  12. Cf. revue Methodos, Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2002, no 2, p. 318. (ISBN 2-85939-738-8)
  13. Jean-Marie Nicolle, Cycle de conférences sur la beauté : Antiquité, Moyen âge, Renaissance, 2008-2011, Rouen, Musée des Antiquités de Rouen, , 111 p. (ISBN 978-2-902093-82-3)
  14. Jules Vuillemin, Mathématiques et métaphysique chez Descartes, Paris, PUF, .
  15. Michel Serres, Le Système de Leibniz et ses modèles mathématiques, Paris, PUF, .
  16. Pierre Magnard, Nature et Histoire dans l'apologétique de Pascal, Paris, Belles Lettres, .
  17. Maurice Caveing, La constitution du type mathématique de l'idéalité dans la pensée grecque, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1994-1998.
  18. (en) Jean-Marie Nicolle, The mathematical analogy in the proof of God's existence by Descartes, in Mathematics and the Divine, Amsterdam, Elsevier, edited by Luc Bergmans and Teun Koetsier (dir.), , 701 p. (ISBN 0-444-50328-5), p. 385-403.
  19. J.-M. Nicolle, « Le raisonnement par récurrence chez B. Pascal », conférence du cycle "Philosophie, Histoire des mathématiques", publiée par le CDDP d’Évreux,‎ (lire en ligne, consulté le ). Ainsi que : Jean-Marie Nicolle, Le calcul du temps dans les assurances maritimes à l'époque de Pascal, in Les Pascal à Rouen (1640-1648), Rouen, Publications de l'Université de Rouen, , p. 129-135.
  20. Jean-Marie Nicolle, « Le projet philosophique de Fontenelle dans ses Éléments de la géométrie de l'infini », in Revue Fontenelle, Publications de l'Université de Rouen, no 2,‎ , p. 23-32. Ainsi que : Jean-Marie Nicolle, « Terminologie des figures géométriques dans le discours mathématique de Fontenelle », in Revue Fontenelle, Publications de l'Université de Rouen, no 4,‎ , p. 121.
  21. (de) Tom Müller, « Nicolas de Cues, les Ecrits mathématiques, par Jean-Marie Nicolle », Cusanus Jahrbuch, Trier,‎ , p. 107-108.
  22. a et b Nicolas de Cues (trad. du latin par et présenté par Jean-Marie Nicolle), Les écrits mathématiques, Paris, Honoré Champion, , 505 p. (ISBN 978-2-7453-1573-1 et 2745315730, présentation en ligne). Recension de cet ouvrage par Jean-Michel Counet dans la Revue Philosophique de Louvain, année 2009, n° 107-2, à lire en ligne : Nicolas de Cues. Présentation, établissement du texte latin, traduction et notes par Jean-Marie Nicolle, (compte-rendu), « Les écrits mathématiques », sur Persée.fr, (consulté le ), pp. 364 à 366.
  23. « Fichier Central des Thèses »
  24. a et b Présentation en ligne de cet ouvrage, avec un extrait substantiel : Jean-Marie Nicolle, Le laboratoire mathématique de Nicolas de Cues, Paris, Beauchesne, coll. « Le grenier à sel », , 226 p. (ISBN 9782701022741, présentation en ligne, lire en ligne). Recension : Maurice-Ruben Hayoun, « Le laboratoire mathématique de Nicolas de Cues ».
  25. (de) Heinrich Rombach, System, Struktur, Die Ontologie des Funktionalismus und der Philosophische Hintergrund der modernen Wissenschaft, Freiburg-Munchen, Alber Studienausgabe, , p. 150.
  26. Hans Blumenberg (trad. M. Sagnol, J-L Schlegel et D. Trierweiler), La légitimité des Temps modernes, Paris, nrf Gallimard, , p. 410-415.
  27. (en) David Albertson, Mathematical Theologies, Nicholas of Cusa and the Legacy of Thierry of Chartres, New York, Oxford University Press, , p. 13.
  28. Thibault Gress (dir.), Cheminer avec Descartes. Concevoir, raisonner, comprendre, admirer et sentir, Paris, Classiques Garnier, , 534 p. (ISBN 978-2-406-06052-9), partie IV, « Descartes et Nicolas de Cues », p. 407-442.
  29. Frédéric Vengeon, Nicolas de Cues : Le monde humain, Grenoble, Millon, , 261 p. (ISBN 978-2-84137-263-8), p. 184-193.
  30. Jocelyne Sfez, L'Art des conjectures de Nicolas de Cues, Paris, Beauchesne, , 505 p. (ISBN 978-2-7010-1593-4), p. 278-293.
  31. (de) Reinhold F. Glei, « Konkav und konvex, Die Spielkugel in Nikolaus' von Kues De ludo globi », Mitteilungen und Forschungsbeiträge der Cusanus-Gesellschaft, Trier, Paulinus, vol. 34,‎ , p. 268-278.
  32. Jean-Marie Nicolle, Les trois fenêtres : ESSAI, Paris, Ipagine, , 132 p. (ISBN 979-10-97023-66-9)
  33. Stéphane Floccari, « Se pencher aux fenêtres en philosophe », L'Humanité,‎ , p. 22

Liens externes[modifier | modifier le code]