Jean-Luc Lagardère — Wikipédia

Jean-Luc Lagardère, de son vrai nom Jean Lucien Lagardère, né le à Aubiet, dans le Gers, et mort le à l'hôpital Lariboisière, à Paris 10e, est un chef d'entreprise, industriel et patron de presse français.

Son fils unique, Arnaud Lagardère, a pris sa succession à la tête du groupe Lagardère qu'il dirigeait.

Biographie[modifier | modifier le code]

Débuts[modifier | modifier le code]

Jean-Luc Lagardère, né le à Aubiet dans le Gers, est le fils d'André Lagardère, ingénieur, et de Marthe Fourcade. Il part à Paris à l’âge de douze ans pour suivre son père, fonctionnaire, nommé à la direction financière de l’Onera. Il prépare les concours d’entrée à Navale et à Supélec au lycée Saint-Louis. Il intègre Supélec le et en ressort diplômé en 1951 après avoir fait un stage d’été en Suède. Il commence sa carrière au début de 1952 chez Dassault Aviation, responsable d’un département d’électronique[1].

Matra[modifier | modifier le code]

En 1962, il est approché par le président de Matra, Marcel Chassagny, qu’il connaît, pour devenir son second. C’est en total accord avec l’actionnaire principal Sylvain Floirat (qui l’intronisera aussi à Europe 1) que le Marcel Chassagny confie les rênes de Matra à Jean-Luc Lagardère, qui est nommé directeur général. Matra est à l’époque une société électronique modeste dont le chiffre d’affaires s'élève en 1962 à 68 millions de francs. Elle travaille principalement dans les domaines militaire et spatial depuis 1961.

Lagardère a donné son nom à l'un des studios d'Europe 1.

Avec lui la société se diversifie dans de nouveaux domaines : les automatismes, les télécommunications, l’informatique, la recherche offshore, les transports urbains et surtout l’automobile.

En 1977, il devient PDG de Matra. Il conduit une stratégie de croissance ambitieuse. Certaines acquisitions seront de grands succès, d’autres de grands échecs. Parmi ces derniers, les exemples marquants sont : l’acquisition de la société EMO en 1975 qui fabriquait des postes de télévision en couleur, dont les pertes importantes mettront en danger la société mère, l'acquisition de Manurhin, la reprise de Yema et la création du pôle Matra Horlogerie en 1982 ; la reprise de Jaeger en 1979 et de l’activité carburateur de Solex en 1980, qui constitueront un pôle équipement automobile éphémère. À la même époque les nombreux succès assurent la croissance des filiales majeures, Matra Défense, Matra Espace, Matra Communication, Matra Électronique, Matra Sports et Matra Transport.

Après l'élection de François Mitterrand et l'arrivée de la gauche au pouvoir, la société Matra est nationalisée à 51 % en , Jean-Luc Lagardère en reste le PDG, au terme de négociations habiles. Avec l’arrivée de Jacques Chirac à Matignon en , il œuvre pour que la privatisation de Matra se fasse au plus vite. Il fonde Arjil & Associés fin 1986 avec des partenaires financiers. Arjil devient le premier actionnaire de MMB (société devenue Lagardère SCA en 1987) : MMB est une société cotée qui tient le capital d’Hachette et qui lève des fonds sur le marché boursier pour entrer en force dans Matra. Elle obtient 6 % de Matra avec le droit d’accroître sa participation. Le groupe allemand Daimler-Benz, allié historique, aura 4 % ; GEC a aussi 4 %, la famille Wallenberg et des banques publiques permettant en sus de constituer un noyau détenant au total 22 % du capital. Le krach de Wall Street du 19 octobre 1987 a lieu trois jours après le lancement de l’opération initiale de privatisation et il oblige le gouvernement à la suspendre. Le , l’offre publique de vente est terminée à un prix bas.

En 1992, lors de la vente des Mirages de Taïwan par un groupement réunissant Thomson-CSF, Snecma, Dassault Aviation et Matra, ce dernier réussit lors des négociations à tripler sa part dans le contrat, au détriment de ses partenaires. Le président de Thomson, Alain Gomez cherche alors à faire payer Matra. Il monte l’opération « Couper les ailes de l'oiseau » qui à coup de guérilla judiciaire aboutit à une haine tenace entre les états-majors des deux entreprises[2].

En 1996, le gouvernement français souhaite privatiser Thomson dans une « logique européenne ». Candidat, Matra noue alors des annonces avec le britannique General Electric Company et l’allemand DASA[3]. Auparavant, Matra et British Aerospace avaient mis en commun leur activité missile tactique avec la création de Matra BAe Dynamics (qui est à l’origine de MBDA[4]. Bien que Thomson soit repris par Alcatel, c'est Jean-Luc Lagardère qui est l’origine de la consolidation des industries de la Défense. En effet, en 1999 Matra fusionne avec l’Aérospatiale lors de sa privatisation, avec Jean-Luc Lagardère à sa tête[5]. Un an plus tard, Aerospatiale Matra forme avec l’allemand DASA et l’espagnol CASA le groupe EADS[6].

Hachette[modifier | modifier le code]

Jean-Luc Lagardère ne parvient pas à prendre le contrôle de TF1 lors de sa privatisation en , l’offre du concurrent, le groupe Bouygues, ayant été choisie. Pour prendre place dans le monde de la télévision, via Hachette qu’il contrôle depuis 1980, il entre en au capital de La Cinq initialement détenue par Robert Hersant, Silvio Berlusconi et Jérôme Seydoux. Il en prend le contrôle total et l’opération se termine par la liquidation de la chaîne, qui engloutit tous les fonds propres du groupe.

Jean-Luc Lagardère y voit son « plus grave échec ». La facture totale pour Hachette approche les 6 à 7 milliards. Il est convaincu que la bonne solution pour éviter la faillite et le dépeçage de Hachette passe par la fusion de Matra et de Hachette. Il parvient à ses fins : Matra-Hachette, qui deviendra plus tard Lagardère SCA, est créée. Pour bénéficier d’une réduction d’impôt considérable sur ses bénéfices futurs, c’est Hachette qui absorbe juridiquement Matra. Grâce au statut de société en commandite par actions, Jean-Luc Lagardère conserve le contrôle de la gestion avec quelque 10 à 13 % des actions. Mais, comme associé gérant à titre personnel, il est responsable du passif sur ses biens propres. Son fils unique Arnaud est désigné comme son successeur.

Il est également très influent dans la presse, étant propriétaire d'Europe 1, de Paris Match, du Journal du dimanche, de dizaines d'autres magazines et d'une grosse portion de la presse régionale[7]. La possession d'un groupe de presse est, selon lui, « capital pour décrocher des commandes » (déclaration faite en août 1996)[7].

Sport[modifier | modifier le code]

Matra 610 Coupé Napoléon.

Jean-Luc Lagardère est passionné par le sport et par la compétition. Il sponsorise l’équipe de football du Racing Club de Paris[8]. Il fait de Matra un constructeur automobile intervenant dans les voitures de sport (Djet, Aerodjet), en partenariat avec Simca (530, Bagheera, Murena, etc.) et la compétition automobile au plus haut niveau de 1965 à 1974 (champion du monde de F1 en 1969 et trois fois victorieux des 24 Heures du Mans).

Passionné aussi par les courses hippiques, il reprend la fameuse écurie de courses de François Dupré, son haras à Pont-d'Ouilly et ses couleurs (casaque grise, toque rose). L'écurie Lagardère compte jusqu'à 220 éléments en comptant les chevaux à l'entraînement et ceux consacrés à la reproduction. Il connaît dans ce domaine un succès certain, aussi bien en tant qu'éleveur (grâce à son étalon Linamix, en son temps l'étalon le plus cher de France), qu'en tant que propriétaire, remportant notamment le Prix de l'Arc de Triomphe avec Sagamix en 1998. Depuis 2003, le prix Jean-Luc Lagardère lui rend hommage. Il exerce par ailleurs des fonctions institutionnelles dans les courses, en dirigeant la société France Galop, qui organise les courses en France[9]. À sa disparition, son élevage passe dans le giron de l'écurie Aga Khan.

Disparition[modifier | modifier le code]

Le , il est opéré de la hanche à la clinique du Sport à Paris. Huit jours après, il dîne avec sa femme Bethy et des amis, le couturier Emanuel Ungaro et Marie-Laure de Villepin, l’épouse de Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères. Le lendemain, il est retrouvé dans le coma par sa femme, sur le sol de sa chambre à coucher. Après quelques jours en réanimation, il meurt à l’hôpital Lariboisière à Paris. Le diagnostic annoncé par le chef de service, le Pr Didier Payen, est une encéphalomyélite aiguë auto-immune, un cas rarissime[10].

Jean-Louis Gergorin, directeur de la coordination stratégique chez EADS, envisage initialement, comme les proches de Lagardère, une maladie nosocomiale, d'autant que la clinique où il a été opéré a été accusée par le passé de négligence et a fait l'objet de plusieurs plaintes à la suite de graves infections nosocomiales qui ont viré au scandale sanitaire[11]. Alors que l'autopsie évoque une congestion cérébrale et que l'enquête judiciaire conclut à une mort naturelle, Gergorin considère par la suite que la mafia russe a assassiné le patron de Matra en empoisonnant son sang, une technique souvent utilisée, selon lui, par les services secrets russes, qui ont coutume d’introduire un staphylocoque dans le sang[10].

Jean-Luc Lagardère est inhumé au cimetière d'Ouilly-le-Basset[12], près de son haras.

Vie privée[modifier | modifier le code]

Jean-Luc Lagardère épouse en 1958 Corinne Levasseur, une jeune femme issue de la riche bourgeoisie parisienne[13], sœur par alliance de Colette Duhamel-Gallimard et de Nadine Bolloré, nées Rousselot[14] (par le mariage de leurs parents, Georges Rousselot et Marie-Edmée Gillot[15], ex-Levasseur)[16], et demi-sœur d'Aliette Levasseur, l'épouse du dirigeant du joaillier Mauboussin, Patrick Goulet-Mauboussin[16]. En naît leur fils, Arnaud, que Corinne Lagardère initie au monde de l'équitation, des courses et de l’élevage de purs-sangs[16]. Jean-Luc et Corinne Lagardère divorcent en 1975[16].

En 1978, il fait la connaissance d'Elisabeth Pimenta Lucas (née le ), mannequin chez Ungaro, surnommée Bethy. Elle est née dans une famille de propriétaires terriens de l'État de Minas Gerais au Brésil. Ils se marient le après quinze ans de vie commune[1]. Jean-Luc et Bethy Lagardère étaient de proches amis de Bernadette Chirac[17].

Au décès de Jean-Luc Lagardère, en 2003, Bethy Lagardère hérita de 25% de la fortune de son mari, selon la loi[18], soit près de 80 millions d'euros[19],[18].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Who's who in France, éditions J. Lafitte, , p. 1057
  2. Jacques Follorou, « sur fond d'espionnage, la rivalité entre Thomson et Matra devant le tribunal correctionnel », Le Monde,‎ .
  3. Christophe Jakubyszyn et Anne-Marie Rocco, « Matra lance la restructuration européenne avant la privatisation de Thomson-CSF », Le Monde,‎ .
  4. Christophe Jakubyszyn, « British Aerospace et Lagardère fusionnent dans les missiles tactiques », Le Monde,‎ .
  5. Anne-Marie Rocco, « La plus belle victoire industrielle de Jean-Luc Lagardère », Le Monde,‎ .
  6. Christophe Jakubyszyn, « EADS, futur géant européen de l'aéronautique, qui constitue son équipe avant sa création en juin », Le Monde,‎ .
  7. a et b Almanach critique des médias, Les Arènes, , p. 228
  8. Jacques Isnard, « L'aigle à deux têtes de Jean-Luc Lagardère », Le Monde,‎ .
  9. « Jean-Luc Lagardère a été élu sans surprise président de France Galop », sur Les Echos, (consulté le )
  10. a et b Gilles Gaetner et Jean-Marie Pontaut, « Les coulisses d’une affaire d’État », L’Express,‎ (lire en ligne).
  11. Frédéric Charpier, Une histoire de fous. Le roman noir de l'affaire Clearstream, Seuil, , p. 78
  12. « 2003 - Cimetières de France et d'ailleurs », sur landrucimetieres.fr (consulté le ).
  13. Grégoire Biseau et Alexandra Schwartzbrod, « L'ascension à contrecœur d'un héritier », Libération, (consulté le )
  14. Jean-Yves Mollier, Brève histoire de la concentration dans le monde du livre, Éd. Libertalia, (ISBN 9782377292622, lire en ligne).
  15. Marie-Edmée Gillot est la fille du chef de bataillon d'infanterie coloniale Albert Gillot et de Pauline Dessirier, fille du général Jean-Edmond Dessirier, gouverneur militaire de Paris. Elle épouse en 1re noces l'industriel parisien Lionel Levasseur (dit Le Vasseur de Cognée), dont elle divorce, puis en 2e noces le banquier nantais Georges Rousselot, divorcée d'Hélène Poylo, fille d'un banquier bayonnais, remariée à l'éditeur parisien Maurice Bourdel.
  16. a b c et d Vincent Nouzille et Alexandra Schwartzbrod, L'acrobate: Jean-Luc Lagardère, ou, les armes du pouvoir, Éditions du Seuil, (ISBN 9782020288583, lire en ligne), p. 57
  17. Nicolas Cori, Grégoire Biseau et Vanessa Schneider, « Lagardère, faute de mieux pour l'Elysée », Libération, (consulté le )
  18. a et b « Une longue et délicate succession enfin bouclée », Le Monde, (consulté le )
  19. Alexandra Schwartzbrod, « Arnaud Lagardère piaffe de vendre les chevaux de famille », Libération, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Documentaire[modifier | modifier le code]

  • Denis Robert et Gilles Cayatte (ill. Fabrice Héron), Jean-Luc Lagardère, mortelle épopée, Nord-Ouest Documentaires et Nord-Ouest Films, coll. « Affaires d'État/Etranges affaires », Documentaliste audiovisuel diffusé la première fois sur France 3 le

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]