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Jacques Ancel
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Jacques Simon Ancel, né le à Parmain (Seine-et-Oise) et mort en le 1er (Drancy), est un géographe et géopolitologue français. Il est l'une des premières grandes figures de la géopolitique française.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et études[modifier | modifier le code]

Jacques Ancel naît à Parmain en Seine-et-Oise dans une famille de confession juive[1]. Il est le cousin de Jean-Jacques Bernard[2].

Il est agrégé d'histoire et géographie en 1908[3]. Il est titulaire d'un doctorat[4].

Si la Première Guerre mondiale l'éloigne des études doctorales, il consacre une thèse de doctorat, soutenue en 1930, à La Macédoine, son évolution contemporaine[5]. Elle est publiée[6],[7].

Parcours professionnel[modifier | modifier le code]

Il participe à plusieurs cabinets ministériels dans les années 1900[8].

Mobilisé en 1914 comme soldat au 167e régiment d'infanterie, il est blessé à deux reprises sur le durant la bataille de Lorraine. Il rejoint le 21e régiment d'infanterie en 1915 avec lequel il participe à la bataille de Verdun. En 1916, il est envoyé sur le front d'Orient[9] et termine la guerre comme capitaine, chef du service politique à l'État-major de l'armée française d'Orient. Son parcours militaire lui vaut de recevoir la croix de guerre et d'être fait chevalier de la Légion d'honneur à titre militaire (il est promu officier en 1933)[10].

Georges Clemenceau le convie à la conférence de la paix de Paris de 1919 afin qu'il prête appui à la délégation française dans la défense des revendications françaises sur l'Alsace-Lorraine[1].

Il est successivement professeur aux collèges de Vannes et de Péronne, puis au lycée Chaptal. Il est chargé de cours à partir de 1924 à HEC Paris[2]. En mai 1938, alors que la chaire d'histoire et de civilisation des peuples slaves devient vacante à l'Institut des hautes études internationales de l'université de Paris à la suite de la mort de Louis Eisenmann, Jacques Ancel est élu à ce poste[11]. Il y donne, pour la première fois en France, un cours de géopolitique[12]. Il est élu maître de conférences à la Sorbonne en 1939[1]. Il aurait également enseigné à l'École libre des sciences politiques[13],[14].

Il est destitué de son poste universitaire du fait des lois sur le statut des juifs de 1940[1]. Il est arrêté en lors de la « Rafle des notables », et interné d'abord dans le camp de Drancy[1], puis, de 1941 à 1942, au camp de Royallieu, à Compiègne. Épuisé par cet épisode et par les privations, il meurt près d'Alloue, en Charente prématurément en .

Autres fonctions[modifier | modifier le code]

Il est directeur de collection aux éditions Delagrave, où il s'efforce notamment de faire connaître les questions de géographie politique à un large public[8].

Il est membre correspondant de l'Académie roumaine et de plusieurs sociétés savantes[10].

Apports[modifier | modifier le code]

Spécialiste de géographie politique, entre Ratzel et Vidal de la Blache[15] dont il est l'élève direct à la Sorbonne, il se concentre, surtout dans l'entre-deux-guerres, sur les questions d'Orient et d'Europe balkanique.

Jacques Ancel est surtout connu pour avoir publié en France le premier ouvrage consacré à la géopolitique, en 1936, sous le titre de Géopolitique. Il y critique les fondateurs allemands de la discipline pour leurs vues qu'il taxe de pangermanistes[8].

Il publie en 1938 Géographie des frontières, son maître ouvrage, où il analyse l'expression de frontière naturelle et montre le caractère artificiel de ces frontières. Le livre est préfacé par André Siegfried[16]. Frans van Kalken en fait une recension très positive en 1939. L’œuvre est considérée comme l'un des écrits majeurs de la première vague de géopolitique française[17].

Prises de positions[modifier | modifier le code]

Instrumentalisation de la géopolitique[modifier | modifier le code]

Jacques Ancel, en même temps qu'il participe à la fondation de la géopolitique en France, se montre particulièrement critique envers les excès de la géopolitique allemande, volontiers identitaire et racialiste. Dans sa Géographie des frontières (1938), il écrit : « Aujourd’hui les géographes, enrégimentés dans l’hitlérisme, s’efforcent de bâtir à l’avance un Mitteleuropa. Mais ils habillent leurs prétentions outrancières des oripeaux d’une pseudo-géographie »[1].

Il s'oppose, dans les années 1930, à un ouvrage de Daniel Halévy, et écrit au directeur de L'Ordre où publie Halévy pour dénoncer un livre « qui rejoint les philosophes de l'hitlérisme »[18].

Engagements politiques[modifier | modifier le code]

Admirateur d'Aristide Briand, il est ensuite partisan d'une politique ferme contre Adolf Hitler[8].

Il est engagé dans un débat épistolaire avec Karl Haushofer, tenant de la géopolitique allemande. Ancel défend contre sa conception ethnique de la nation une conception proche de celle d'Ernest Renan[17].

Distinctions[modifier | modifier le code]

Publications[modifier | modifier le code]

  • 1901, Une page inédite de Saint-Simon, Revue des études historiques, année 67, p. 385-401
  • 1902, La formation de la colonie du Congo français (1843-1882), Bulletin du Comité de l'Afrique française
  • 1919, L'unité de la politique bulgare (1870-1919), éditions Bossard
  • 1921, Les travaux et les jours de l'Armée d'Orient (1915-1918), éditions Bossard
  • 1923, Manuel historique de la question d'Orient (1792-1923), Delagrave
  • 1926, Peuples et nations des Balkans: géographie politique, Armand Colin (réédité par CTHS en 1992)
  • 1928, Les Balkans face à l'Italie, Delagrave
  • 1929, Manuel de politique européenne, histoire diplomatique de l'Europe (1871-1914), Presses universitaires
  • 1929, Histoire diplomatique de l'Europe (1871-1914), tome II: 1904-1914, Presses universitaires (sous la direction de Henri Hauser)
  • 1930, Histoire contemporaine (1815-1930), Delagrave
  • 1930, La Macédoine: son évolution contemporaine, Delagrave
  • 1931, Histoire contemporaine depuis le milieu du XIXe siècle, Delagrave (avec la collaboration d'Henri Calvet)
  • 1936, Géopolitique, Delagrave
  • 1936, Manuel géographique de politique européenne. Tome 1. L'Europe centrale, Delagrave
  • 1938, Géographie des frontières, préface d'André Siegfried, Gallimard
  • 1940, Manuel géographique de politique européenne. Tome 2. L'Allemagne, Delagrave
  • 1945, Slaves et Germains, Armand Colin.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Robert Specklin, « Jacques Ancel 1882-1943 », In Freeman T.W., Pinchemel Ph. (ed.), Geographers Biobibliographical Studies, vol. 3, London, Mansell, 1979, p. 1-6.
  • Pierre-Yves Péchoux, Michel Sivignon, « Jacques Ancel (1882-1943), géographe entre deux guerres (1919-1945) », in Paul Claval, André-Louis Sanguin (dir.), La géographie française à l'époque classique (1918-1968), Paris, L'Harmattan, 1996, p. 215-228.
  • Michel Sivignon, « Géographie et politique : deux moments de la pensée de Jacques Ancel », in Jean-Robert Pitte, André-Louis Sanguin (dir.), Géographie et liberté. Mélanges en hommage à Paul Claval, Paris, L'Harmattan, 1999, p. 109-116.
  • Gérard Joly, « Ancel (Jacques) », in Dictionnaire biographique de géographes français du XXe siècle, aujourd'hui disparus, PRODIG, Paris, hors-série Grafigéo, 2013, p. 31 (ISBN 9782901560838)
  • Florian Louis, « Jacques Ancel, itinéraire d'un idéaliste en géopolitique », in Hervé Coutau-Bégarie et Martin Motte (dir.), Approches de la géopolitique, Paris, Economica, 2015 (2e éd.), p. 493-519. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Nicolas Ginsburger, « « Témoin contre la Barbarie » : les combats de Jacques Ancel (1938-1946) », in Nicolas Ginsburger, Marie-Claire Robic et Jean-Louis Tissier (dir.), Géographes français en Seconde Guerre mondiale, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2021, p. 315-330.
  • Nicolas Ginsburger, « Ratzel contre la géopolitique? Référence allemande et géographie politique dans la géographie française de l'entre-deux-guerres », Geographica Helvetica, vol. 78; n°1, 16 février 2023, p. 65-74, https://doi.org/10.5194/gh-78-65-2023

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e et f « Jacques Ancel, précurseur de la géopolitique française », sur France Inter, (consulté le )
  2. a et b Nicolas Ginsburger, « « Témoin contre la barbarie » : Les combats de Jacques Ancel (1938-1946) », dans Géographes français en Seconde Guerre mondiale, Éditions de la Sorbonne, coll. « Territoires en mouvements », (ISBN 979-10-351-0757-4, lire en ligne), p. 315–330
  3. André Chervel, « Les agrégés de l'enseignement secondaire. Répertoire 1809-1960 », sur rhe.ish-lyon.cnrs.fr (consulté le ).
  4. Revue politique et parlementaire, A. Colin, (lire en ligne)
  5. Françoise Huguet, « Notice de thèse de Jacques Ancel », sur rhe.ish-lyon.cnrs.fr, (consulté le ).
  6. [compte rendu] Jules Sion, « La Macédoine depuis le livre de Mr Jacques Ancel », Annales de Géographie, vol. 41, no 231,‎ , p. 305-309 (lire en ligne, consulté le ).
  7. [compte rendu] Georges Weill, « La Macédoine, son évolution contemporaine by Jacques Ancel », Revue d'histoire moderne, vol. 8, no 6,‎ , p. 81 (lire en ligne, consulté le ).
  8. a b c et d « Aux origines de la géopolitique française : Jacques Ancel », Florian Louis, Conflits, no 10, juillet-, p. 33-34.
  9. [compte rendu] Jérôme Carcopino, « Les travaux et les jours de l'armée d'Orient (1915-1918) by Jacques Ancel », Revue historique, vol. 137, no 2,‎ , p. 254-259 (lire en ligne, consulté le ).
  10. a et b Numa Broc et Bernadette Joseph, « Notice Jacques Ancel », sur CTHS (consulté le ).
  11. Henri Hauser, Manuel de politique européenne, histoire diplomatique de l'Europe (1871-1914), Les Presses Universitaires de France, (lire en ligne)
  12. Jacques Ancel, Géopolitique, Paris, Libraire Delagrave, , 117 p.
  13. Stéphane Rosière, Géographie politique et géopolitique. Une grammaire de l’espace politique, Editions Ellipses, , 512 p. (ISBN 978-2-340-05874-3, lire en ligne)
  14. Frédéric Lasserre, Emmanuel Gonon et Éric Mottet, Manuel de géopolitique - 3e éd. : Enjeux de pouvoir sur des territoires, Armand Colin, , 554 p. (ISBN 978-2-200-62900-7, lire en ligne)
  15. Nicolas Ginsburger, « Ratzel contre la géopolitique ? Référence allemande et géographie politique dans la géographie française de l'entre-deux-guerres », Geographica Helvetica, vol. 78, no 1,‎ , p. 65–74 (ISSN 0016-7312, DOI 10.5194/gh-78-65-2023, lire en ligne, consulté le )
  16. Frans Van Kalken, « Ancel (Jacques). Géographie des frontières », Revue belge de Philologie et d'Histoire, vol. 18, no 4,‎ , p. 1054–1058 (lire en ligne, consulté le )
  17. a et b Aymeric Chauprade, Géopolitique : constantes et changements dans l'histoire, Paris, Ellipses, , 1050 p. (ISBN 978-2-7298-3172-1)
  18. Sébastien Laurent, Daniel Halévy, Grasset, , 608 p. (ISBN 978-2-246-60689-5, lire en ligne)

Liens externes[modifier | modifier le code]