Jacopo Saltarelli — Wikipédia

Jacopo Saltarelli
La Tour des Salterelli résidence de la famille Saltarelli, à Florence
Naissance
Activités

Jacopo Saltarelli, né en 1459, à Florence, fils d'Andrea Saltarelli et apprenti-orfèvre chez son frère Giovanni, fut l'un des premiers modèles de Léonard de Vinci et une plainte anonyme au printemps 1476 les impliqua tous deux dans une affaire d'homosexualité. Cette épreuve fut l'une des plus difficiles que le peintre dut traverser dans sa jeunesse[1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Son père Andrea, descendait d'une famille noble qui s'était déjà illustrée à Florence dès le Moyen Âge avec Simone Saltarelli, procurateur général de l’Ordre des Dominicains puis archevêque de Pise, et son frère Lapo, qui fut un poète et juriste lié à Dante. Elle y possédait une maison-tour qui existe toujours piazza de' Salterelli près de la Signoria[2],[3].

Une dénonciation anonyme[modifier | modifier le code]

Le , une dénonciation anonyme fut déposée auprès des « Officiers de la Nuit et des Monastères ». Elle était contenue dans un billet placé dans le « tamburo[4] » ou « buchi della Verità »[5] que la Seigneurie de Florence avait placé près du Palazzo Vecchio pour recueillir ce type de dénonciation.

La plainte fut enregistrée par le notaire Tomasi de Corsinis de Santi Marci, qui nota : « Notifico a Voi Signori officiali come egli è vera cosa che Jacopo Saltarelli, fratello carnale di Giovanni Saltarelli, sta co'lui all’orafo in Vacchereccia, dirimpetto al buco [temburo] : veste nero d’età anni 17, o circa. El quale Jacopo va dietro a molte misserue et consente compiacere a quelle persone lo richieghono di simili tristizie. Et a questo modo à avuto a fare di molte cose, cioè servito parecchie dozine di persone delle quali ne so buon date, et al presente dirò d’alchuno :
Bartholomeo di Pasquino orafo, sta in Vacchereccia
Lionardo di Ser Piero da Vinci, sta con Andrea de Verrochio
Baccino farsettaio sta da Orto San Michele in quella via che v'è due botteghe grandi di cimatori, che va alla loggia de' Cerchi, ha aperto bottega di nuovo di farsettaio.
Lionardo Tornabuoni, dicto il Teri : veste nero[6].
 »

Et le dénonciateur anonyme de conclure que ces gens là avaient sodomisé Jacopo et que par la présente, il en faisait foi[7].

L’acte d’accusation semble indiquer qu’il s’agit d’un viol collectif[8].

L'affaire Saltarelli[modifier | modifier le code]

Avec cette dénonciation anonyme qui portait à la connaissance de Messieurs les Officiers que Jacopo Saltarelli suivait un mauvais chemin en acceptant de céder à ceux qui lui proposaient une infamie[7], naissait « l'affaire Saltarelli »[1].

Outre Léonard de Vinci, trois autres personnes étaient impliquées. Il s'agissait de Bartolomeo di Pasquino, orfèvre via Vacchereccia, de Bacino, tailleur à Orto San Michele, spécialisé dans le pourpoint, et surtout du très connu Lionardo de Tornabuoni, dit le Teri[9]. Léonard était dit fils de Ser Pietro de Vincio, et habitait chez Andrea del Verrocchio[10]. Quant à Jacopo, c'était un apprenti orfèvre, âgé de dix-sept ans environ, qui vivait chez son frère Giovanni Saltarelli, orfèvre de la via Vacchereccia. L'accusation était grave puisque les coupables risquaient la peine de mort, à savoir le bûcher, mais cette peine était rarement appliquée[7].

Une première audience eut lieu. La dénonciation étant anonyme, le tribunal civil, contrairement aux tribunaux de l’Inquisition, ne pouvait condamner sans preuves[11] et il fut ainsi retenu qu'il n’y avait ni preuve, ni témoignages déclarés. Les accusés furent donc « absoluti cum conditione ut retamburentur »[12] en première instance[13]. Léonard dut cependant passer quelques jours en prison (qu'il supporta très mal comme il le raconta dans son Journal en 1505) en attendant l’enquête judiciaire jusqu'à ce qu'une nouvelle dénonciation eut lieu le , mettant à nouveau en cause les mêmes personnes[7]. Mais elle fut faite toujours sous le couvert de l'anonymat et les juges en appel, faute de preuves, prononcèrent un non-lieu[13]. Il n'est pas exclu que cette dénonciation soit le fruit de la jalousie suscitée par la gloire qui assaille vite Léonard ou qu'elle vise au tout premier chef Leonardo de Tornabuoni, et à travers lui Laurent de Médicis dont la mère était une Tornabuoni[14].

Léonard et Jacopo[modifier | modifier le code]

Même si « l'affaire Saltarelli » ne prouve rien sur son homosexualité[15], Léonard écrivit en 1505 :

« Quand je l’ai bien fait, étant enfant, vous m’avez mis en prison ; maintenant que je le fais grand, vous me ferez bien pis. »

— Cod. Atl. 284 a.

Car ce non-lieu n'impliquait pas que la plainte était ou non fondée. Les fiches de police de l'Uffiziali da Notte indiquent qu'un homme avait déjà avoué avoir sodomisé Jacopo[16]. Cependant les minutes du procès indiquaient que Jacopo Saltarelli, « la victime », était un prostitué notoire, ce qui peut à l'inverse suggérer qu'il s'agissait d'un coup monté par les ennemis de la famille Vinci[8].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Abbott, Elizabeth, A History of Celibacy. Da Capo Press, 2001. (ISBN 0306810417)
  • Crompton, Louis, Homosexuality and Civilization. Harvard University Press, 2006. (ISBN 0674022335)
  • Creighton, Gilbert and Michelangelo Merisi da Caravaggio, Caravaggio and His Two Cardinals. Penn State Press, 1995. (ISBN 0271013125)
  • Wittkower, Rudolph and Margaret Wittkower, Born Under Saturn: The Character and Conduct of Artists : A Documented History from Antiquity to the French Revolution. New York, New York Review of Books, 2006. (ISBN 1590172132)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Danielle Hunebelle, Les clairs obscurs d'une vie géniale et solitaire in Léonard de Vinci, Éd. Hachette, Paris, 1973, p. 55.
  2. Lara Mercanti, Giovanni Straffi, Le torri di Firenze e del suo territorio, Éd. Alinea, Florence, 2003
  3. Fortunato Grimaldi, Le case-torri di Firenze, Éd. Tassinari, Florence, 2005.
  4. Urne en forme de tambourin, d'où l'appellation, destinée à recevoir les récriminations et les plaintes de la population.
  5. Bouches de la Vérité
  6. Giuseppina Fumagalli, Eros di Leonardo, Éd. Garzanti, Milano 1952, pp. 97-98, à partir des Archives d'État de Florence, « Uffiziali de Notte », XVIII (2), f° 46 v°, 9 avril 1476,
  7. a b c et d Marc-André Fournier, Léonard de Vinci en Toscane, Vol. 2, Guide MAF, Boulogne-Billancourt, 2007, p. 114, (ISBN 295237001X)
  8. a et b Léonard de Vinci et ses deux amours
  9. Ce fils de famille est décrit comme étant habillé de noir
  10. manet cum Andrea del Verrochio
  11. Elizabeth Abbott, A History of Celibacy. Éd. Da Capo Press, 2001, p. 340. (ISBN 0306810417)
  12. « Les accusés furent absous jusqu'à ce que le cas fut réexaminé, c'est-à-dire remis au tambour avec une requête signée »
  13. a et b Danielle Hunebelle, « Les clairs obscurs d'une vie géniale et solitaire » in Léonard de Vinci, Éd. Hachette, Paris, 1973, p. 64.
  14. (en) Alessandro Vezzosi, Leonardo da Vinci: the mind of the Renaissance, Harry N. Abrams, , p. 40
  15. ibid. , p. 63.
  16. Michael Rocke Forbidden friendships. Homosexuality and male culture in Renaissance Florence, Oxford University Press, New York, 1996, p. 298, note 120.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]