Invasion de l'Ukraine par la Russie depuis 2022 — Wikipédia

Invasion de l'Ukraine par la Russie de 2022
Description de cette image, également commentée ci-après
Carte de la guerre russo-ukrainienne.
(carte détaillée par ville)
Informations générales
Date Depuis le
(1 an, 3 mois et 8 jours)
Lieu Ukraine (et quelques régions frontalières en Russie[1],[2])
Issue En cours (liste des engagements - contrôle des villes - chronologie des événements)
Belligérants
Drapeau de la Russie Russie Drapeau de l'Ukraine Ukraine
Commandants
Vladimir Poutine
Sergueï Choïgou
Valeri Guerassimov
Alexandre Dvornikov
Guennadi Jidko
Sergueï Sourovikine
Oleg Salioukov
Nikolaï Ievmenov
Igor Kostioukov
Nikolaï Patrouchev
Sergueï Narychkine
Mikhaïl Mizintsev
Drapeau de la République populaire de Donetsk Denis Pouchiline
Drapeau de République populaire de Lougansk Leonid Passetchnik
Ramzan Kadyrov
Evgueni Prigojine
Dmitri Outkine
Forces en présence
Drapeau de la Russie
~175 000[6] à 190 000 hommes (en février 2022)[7]

600 000 à 800 000 (en )[8]


Drapeau de la Tchétchénie 10 000 Kadyrovtsy[9]
50 000 mercenaires du Groupe Wagner[10]
Drapeau de la République populaire de Donetsk 20 000 soldats[11]
Drapeau de République populaire de Lougansk 14 000 soldats[11]
Drapeau de l'Ukraine
300 000 hommes (en )[12]
700 000 à 1 000 000 d'hommes (en juillet 2022)[13]
Pertes
Drapeau de la Russie
5 937 morts
(selon la Russie, à la date du 21 septembre 2022)[58]

9 023 morts confirmés
(selon Important Stories, à la date du 2 décembre 2022)[59]

17 375 morts confirmés
(selon la BBC News Russian, à la date du 16 mars 2023)[60]

15 000 morts
45 000 blessés
(selon les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Estonie, à la date du 20 juillet 2022)[61],[62],[63]

70 000 à 80 000 morts et blessés (20 000 morts)
(selon les États-Unis, à la date du 8 août 2022)[64]

85 000 morts
98 000 à 117 000 blessés
(selon l'Ukraine, à la date du 22 novembre 2022)[65],[66]

180 000 morts et blessés
(selon les Forces armées norvégiennes, à la date du 22 janvier 2023)[67]


10 000 morts au moins
(selon le Groupe Wagner, à la date du 23 mai 2023)[68]

Drapeau de la République populaire de Donetsk
2 767 morts
11 595 blessés
(selon la RPD, à la date du 18 août 2022)[Note 5]

Drapeau de République populaire de Lougansk
500 à 600 morts
(selon la Russie, à la date du 5 avril 2022)[Note 6]


Drapeau de l'Iran
~ 10 morts[72]


Pertes matérielles russes
Drapeau de l'Ukraine
10 000 morts
30 000 blessés
(selon l'Ukraine, à la date du 3 juin 2022)[73],[74]

+ de 23 000 morts
(selon la Russie, à la date du 16 avril 2022)[75]

+ de 193 000 morts et blessés
(selon la RPD, à la date du 8 août 2022)[76]

100 000 morts et blessés
(selon les Forces armées norvégiennes, à la date du 22 janvier 2023)[67]
Pertes matérielles ukrainiennes
Civils :
Drapeau de l'Ukraine 12 000 à 28 521 morts au moins
(estimation du gouvernement de l'Ukraine, à la date du 7 août 2022)[14][Note 2]
Drapeau de la République populaire de DonetskDrapeau de République populaire de Lougansk 913 morts
3 011 blessés (selon la RPD et la RPL, sur leurs territoires à la date du 18 août 2022)[36][Note 3]
500 000 déportés en Russie (selon l'Ukraine)[39]
51 citoyens étrangers tués[Note 4]
≈ 5,8 millions de réfugiés et + de 6 millions de déplacés internes
(selon l'ONU, à la date du 15 mars 2022)[55],[56]
5 587 civils tués et 7 890 blessés confirmés (dont 302 tués dans les provinces séparatistes, selon l'ONU au 21 août, mais le HCDH estime que les chiffres réels sont considérablement plus élevés)[57]
Pertes humaines

Guerre russo-ukrainienne

Batailles


Offensive du Nord (Jytomyr, Kiev)


Offensive du Nord-Est (Tchernihiv, Soumy, Kharkiv)


Campagne de l'Est (Donetsk, Louhansk)


Campagne du Sud (Mykolaïv, Kherson, Zaporijjia)


Frappes aériennes dans l'Ouest de l'Ukraine


Guerre navale


Crimée


Débordement


Massacres


L'invasion de l'Ukraine par la Russie de 2022 est un conflit aérien, maritime et terrestre initié le par l'ordre du président russe Vladimir Poutine, à partir de la Russie, de la Biélorussie et des territoires ukrainiens occupés par les Russes depuis la guerre russo-ukrainienne de 2014, à savoir la Crimée et les autoproclamées républiques populaires de Donetsk et de Lougansk.

Malgré la chute de Kherson dans les premiers jours de l'invasion, les Ukrainiens repoussent les offensives russes contre Kiev, contre Kharkiv et contre le nord. Ils retardent l'avancée des Russes avec des défenses prolongées de Marioupol et de Severodonetsk, contrecarrant les espoirs russes d'une victoire rapide.

À la fin de l'été 2022, les Russes occupent des parties de cinq oblasts d'Ukraine : l'essentiel des oblasts de Kherson et de Louhansk, une grande partie des oblasts de Zaporijjia et de Donetsk ainsi que des parties de l'oblast de Kharkiv. Cherchant à couper l'Ukraine de son accès à la mer, les Russes prennent le contrôle de la côte de l'Ukraine continentale sur la mer d'Azov ; cependant leur avancée vers Odessa et le Danube, le long de la côte de la mer Noire, est entravée par leur incapacité à s'emparer rapidement de Mykolaïv ou à tenir l'île des Serpents.

L'invasion intervient huit ans après le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne qui suit l'invasion et l'annexion russes de la Crimée, ainsi que le début de la guerre du Donbass à partir du printemps 2014 ; ces actions sont nées de l'opposition russe au mouvement Euromaïdan de 2013-2014. En 2021, les tensions s'intensifient, d'abord par un renforcement militaire russe prolongé aux frontières ukrainiennes avec la Russie, la Biélorussie et la Crimée sous occupation russe, puis, le , par la reconnaissance russe de l'indépendance des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, deux zones séparatistes de la région du Donbass, dans l'est de l'Ukraine. Après une incursion des forces armées russes dans le Donbass, une offensive générale aérienne, maritime et terrestre est déclenchée sur l'ensemble du territoire ukrainien le .

À son déclenchement, cette invasion est considérée comme la plus importante opération militaire qu'ait connue l'Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La Russie est accusée, par les Occidentaux — notamment l'Union européenne (UE), le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada et l'Australie — ainsi que par le G7, de mener une guerre d'agression contre l'Ukraine[77], action condamnée ou déplorée par la grande majorité de la communauté internationale. Une série sans précédent de sanctions économiques, culturelles et sportives est progressivement mise en place contre la fédération de Russie, tandis que plusieurs pays, parmi lesquels des États membres de l'OTAN et des États membres de l'Union européenne, apportent leur aide à l'Ukraine attaquée en fournissant notamment du matériel militaire, de la nourriture, du matériel médical et d'importantes aides financières. La solidarité européenne s'exprime également par l'accueil de réfugiés ukrainiens. En préalable aux discussions ou négociations, le régime de Poutine exige le renversement du régime ukrainien, ce qu'il appelle la « dénazification » de l'Ukraine, la dissolution de son armée, la neutralité du pays, la reconnaissance de l'appartenance de la Crimée à la Russie et l'indépendance des deux « républiques populaires » du Donbass dont les séparatistes ne contrôlaient qu'une partie depuis 2014.

Les forces russes sont accusées de nombreux crimes de guerre pendant le conflit, notamment des frappes visant délibérément les populations civiles dans les villes encerclées[78], ainsi que de massacres de civils (comme dans les environs de Kiev) découverts après qu'elles se sont retirées pour se repositionner à l'est et au sud[79]. Ce repositionnement russe est destiné à conquérir l'intégralité du Donbass et créer une continuité territoriale le long de la côte de la Mer d'Azov, jusqu'à la péninsule de Crimée annexée par la Russie en 2014[80], voire plus loin, jusqu'à Odessa et au-delà, pour rejoindre la république séparatiste russophone autoproclamée[81] de Transnistrie[82].

En Russie, l'invasion est officiellement appelée « opération militaire spéciale » et, dans le cadre de la propagande d'État et du strict contrôle du récit imposé à la population, l'utilisation de plusieurs mots, parmi lesquels « invasion », « guerre », « bombardements de villes » ou « pertes civiles », est réprimée par la loi et passible de prison, tandis que les réseaux sociaux sont censurés, tout comme l'ensemble des médias locaux, dont plusieurs qui ne sont pas dans la ligne du régime ont dû fermer[83],[84],[85].

L'invasion a des répercussions internationales, aussi bien dans la crise énergétique mondiale de 2021-2022 que dans la crise alimentaire de 2022. En septembre 2022, après une contre-offensive de l'armée ukrainienne qui lui a permis de reconquérir plusieurs milliers de kilomètres carrés dans la région de Kharkiv, Vladimir Poutine décrète la « mobilisation partielle » de la population masculine russe, tandis que des référendums sont organisés à la hâte dans quatre régions occupées de l'est et du sud ukrainiens. Ceux-ci, jugés fictifs et illégaux par la communauté internationale, débouchent sur un processus d'annexion au territoire russe, concrétisé officiellement à Moscou le 30 septembre 2022, et à des menaces de le défendre comme tel, en n'excluant pas l'usage de l'arme nucléaire. La seule capitale régionale occupée (puis annexée) par la Russie, Kherson, est reprise en novembre par les forces ukrainiennes. Le même mois et le suivant, la Russie mène une intense campagne de bombardements sur toutes les infrastructures civiles (électricité, eau) du pays.

Contexte

Événements survenus après l'effondrement de l'URSS

Ukraine et Russie, nouveaux pays

Dislocation de l'URSS et conséquences

Avant la dislocation de l'Union soviétique, la république socialiste fédérative soviétique de Russie conclut, le , avec la république socialiste soviétique d'Ukraine un traité de reconnaissance mutuelle de la souveraineté de chaque État[86], puis un accord de reconnaissance des frontières ukrainiennes par la Russie entériné par les accords d'Alma-Ata du et l'accord établissant la Communauté des États indépendants[86]. Après la dislocation en 1991, l'Ukraine et la Russie continuent à entretenir des liens étroits. En 1994, l'Ukraine accepte d'abandonner son arsenal nucléaire et signe en échange le mémorandum de Budapest assurant le respect de son intégrité territoriale et de son indépendance politique par la Russie[86],[87]. Cinq ans plus tard, la Russie est l'un des signataires de la charte de sécurité européenne, où sont notamment affirmés l'inviolabilité des frontières et des territoires, ainsi que « le droit naturel de tout État participant de choisir ou de modifier librement ses arrangements de sécurité, y compris les traités d'alliance, en fonction de leur évolution »[86],[88]. Le , un traité d'amitié russo-ukrainien est signé, réaffirmant un engagement bilatéral à « respecter l'intégrité territoriale et l'inviolabilité des frontières », plus contraignant que le mémorandum qui incluait d'autres pays et ne créait pas d'obligation réciproque[86]. D'autres traités bilatéraux sont signés après 2000, comme l'accord sur la frontière entre l'Ukraine et la Russie du ou encore les accords concernant la flotte de la mer Noire, donnant à la Russie des droits de location sur des bases en Crimée, ce qui implique de facto une reconnaissance de la souveraineté de l'Ukraine sur la péninsule[86].

La révolution de février 2014, en Ukraine.

Bien que l'Ukraine soit un pays indépendant reconnu depuis 1991, elle est perçue par les dirigeants russes comme faisant partie de leur sphère d'influence en raison du fait qu'elle est une ancienne république constitutive de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). En 2008, le président russe Vladimir Poutine se prononce contre l'adhésion des anciennes républiques socialistes soviétiques de l'URSS à l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN)[89]. Les États-Unis sont favorables à l'adhésion de l'Ukraine[90], tandis que d'autres pays, notamment la France et l'Allemagne, s'y montrent réticents à la suite de la deuxième guerre d'Ossétie du Sud, qui avait éclaté cette même année en Géorgie[91].

Évolution des relations entre la Russie et l'Ukraine après Euromaïdan

Après des semaines de manifestations de grande ampleur lors du mouvement Euromaïdan (entre 2013 et 2014), la situation se durcit lors de la révolution ukrainienne de 2014 : plus de 80 morts le 20 février lors de la répression des manifestations place de l'Indépendance à Kiev. Viktor Ianoukovytch, le président ukrainien pro-russe de l'époque, et les dirigeants de l'opposition parlementaire ukrainienne signent, le , un accord de règlement prévoyant des élections anticipées. Mais le lendemain, Ianoukovytch fuit Kiev après un vote du parlement ukrainien le destituant de sa fonction présidentielle[92].

Cependant, les dirigeants de certaines régions russophones de l'est de l'Ukraine déclarent rester fidèles à Ianoukovytch, ce qui provoque des manifestations[93]. L'abrogation, le 23 février 2014, de la loi de 2012 sur les langues régionales, retirant le statut de langue officielle à de nombreuses langues dont le russe dans 13 des 27 régions, provoque un émoi dans ces communautés russophones de par leur attachement culturel à la Russie[94], menant à la création de « brigades d'autodéfense » en opposition avec les brigades révolutionnaires à Kiev[95].

Ces événements sont suivis par l'annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014. Ensuite vient la guerre du Donbass, qui débute en avril 2014 avec la création des républiques populaires de Donetsk (la RPD) et de Lougansk (la RPL) par des forces séparatistes qui s'autoproclament État, et qui sont soutenues militairement par la Russie[96],[97], marquant ainsi le début du conflit russo-ukrainien.

Les deux pays ont accru leurs dépenses militaires depuis 2014. Elles pèsent en 2021 pour 4,1 % du PIB en Russie et pour 3,2 % en Ukraine, soit une hausse de 72 % depuis 2014 pour ce pays[98].

Évolution des relations après l'arrivée au pouvoir du président Zelensky

Le , le Président de la République française Emmanuel Macron réuni au Palais de l'Élysée à Paris, le Président de l’Ukraine Volodymyr Zelensky, le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine, et la Chancelière de la République fédérale d’Allemagne Angela Merkel, pour relancer le processus de paix dans le Donbass, dans une configuration de Format Normandie[99]. Au terme de cette journée, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait regretté le peu d'avancées obtenues : « Pour moi, je le dis honnêtement, c'est très peu: je voudrais résoudre un plus grand nombre de problèmes »", de son côté, Vladimir Poutine s'était voulu plus optimiste, saluant un "pas important" vers une désescalade[100].

Le , le président ukrainien Volodymyr Zelensky approuve une nouvelle stratégie de sécurité nationale de l'Ukraine qui prévoit « le développement du partenariat distinctif avec l'OTAN avec pour objectif l'adhésion à l'OTAN »[101]. Le , il signe un décret approuvant la « stratégie de désoccupation et de réintégration du territoire temporairement occupé de la république autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol ».

En , Poutine publie un essai intitulé De l'unité historique des Russes et des Ukrainiens, dans lequel il réaffirme son opinion que les Russes et les Ukrainiens sont « un seul peuple » (Nation de tous les Russes)[102]. L'historien américain Timothy Snyder qualifie les idées de Poutine d'impérialistes[103]. Le journaliste britannique Edward Lucas les décrit comme du révisionnisme historique[104]. D'autres observateurs arguent que le dirigeant russe a une vision déformée de l'Ukraine moderne et de son histoire[105],[106],[107].

Pandémie de Covid-19

En parallèle, l'Ukraine fait face à un pic épidémique dû au variant Omicron du SARS-CoV-2, virus responsable du Covid-19, avec 60 % de tests positifs à la mi-février. Cela s'explique en partie par le faible taux de vaccination de la population (seulement 35 %)[108], et ce pic était prévu depuis début janvier par les institutions sanitaires ukrainiennes[109]. Il affaiblit à la fois la population et les soldats ukrainiens.

Concentration de troupes aux frontières

Alertes des États-Unis

En octobre 2021, les services de renseignement américains et britanniques informent leurs alliés européens de « la possibilité d'une intervention russe en Ukraine », sans toutefois partager les preuves avant qu'une décision de la Maison-Blanche n'entérine la création d'un processus de collaboration avancé à la mi-novembre entre les agences de renseignement américaines, britanniques, françaises, allemandes et italiennes[110]. Ce « groupe des cinq » se réunit régulièrement avec comme membres Simon Gass (en) pour les services britanniques (Joint Intelligence Committee), Avril Haines comme directeur du renseignement national américaine (DNI), Elisabetta Belloni du Département de l'information pour la sécurité italien, Laurent Nuñez de la Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRTL) française et Johannes Geismann chargé des services de renseignement allemands[110]. Le , des documents du renseignement américain fuitent dans la presse[111]. Selon un article du Washington Post publié en , le directeur de la Central Intelligence Agency, William Joseph Burns, déclare au président Zelensky le que l'invasion russe commencerait par une attaque contre l'aéroport de Hostomel. Selon Burns, la bataille de Kiev débuterait à Hostomel, dont les pistes accueillent des avions de transport militaire lourds pouvant transporter de nombreux soldats russes[112],[113]. Le , le cercle de réflexion Center for Strategic and International Studies publie une analyse d'un possible plan d'invasion de l'Ukraine par la Russie, fondé sur des images satellitaires montrant les positions des forces russes, et détaillant la possibilité qu'un des axes de l'offensive emprunte le territoire biélorusse[114].

Entre mi-janvier et mi-février 2022, le gouvernement des États-Unis alerte publiquement et régulièrement au sujet d'une possible invasion imminente de l'Ukraine par la Russie, détaillant qu'elle « commencerait probablement par des bombardements aériens et des tirs de missiles qui pourraient évidemment tuer des civils », voire qu'elle pourrait inclure un « assaut rapide », et conseillant à l'Ukraine de « se préparer à des jours difficiles »[115],[116],[117]. Dans le groupe des cinq, les renseignements américains communiquent à leurs homologues qu'ils s'attendent à une attaque lorsque les conditions météorologiques seront favorables aux Russes, c'est-à-dire lorsqu'il fera froid. Cette prévision se révèlera parfaitement juste[118]. Les Européens restent sceptiques quant à cette possibilité, estimant qu'une résolution diplomatique est encore possible, même après la reconnaissance de l'indépendance des républiques séparatistes du Donbass et de Lougansk par la Russie le [119],[120],[121], ce que le journal Der Spiegel qualifie de « diplomatie de dernière minute »[122]. Même l'Ukraine, par la voix de Zelensky, dénonce le les accusations américaines anxiogènes, déclarant « qu'aucune information certaine à 100 % » ne leur est parvenue[123]. D'après le chef d'état-major des armées françaises Thierry Burkhard, il y a eu des divergences entre les renseignements français et anglo-saxons, les premiers pensant que le coût pour les Russes d'une conquête militaire de l'Ukraine serait bien trop élevé, et que ceux-ci avaient d'autres options qu'ils privilégieraient[118],[124]. Pour plusieurs analystes, le manque de réceptivité des Européens vis-à-vis des alertes répétées des Américains et Britanniques peut s'expliquer par la communication anglo-saxonne autour de leurs précédentes guerres, notamment de la guerre d'Irak, déclenchée sur un mensonge concernant la présence d'armes de destruction massive[118],[125],[126]. Pour Dominic Grieve, ancien président du comité parlementaire chargé du contrôle des services de renseignement britanniques (ISC), la justesse des prédictions des plans du gouvernement russe par les renseignements anglo-saxons s'explique par leur rapprochement antérieur à celui des Européens avec l'Ukraine[110]. Toutefois, certaines prédictions américaines ne se sont pas réalisées, par exemple la chute rapide de l'Ukraine[127], la participation directe de la Biélorussie au conflit[128] ou des essais russes d'armes nucléaires à la frontière[129].

De son côté, la Russie dément à plusieurs reprises tout projet d'invasion de l'Ukraine[130],[131],[132]. Le , Valeri Guerassimov, le chef de l'État-major général des forces armées russes, déclare que : « Les informations diffusées dans les médias faisant état d'une prétendue invasion imminente de l'Ukraine par la Russie sont un mensonge »[133]. Le , une semaine seulement avant le début de l'offensive, le ministère russe des Affaires étrangères déclare : « Aucune « invasion russe » de l'Ukraine, qu'annoncent depuis l'automne dernier des responsables américains et leurs alliés, n'a lieu et n'est prévue »[134],[130].

Préparations stratégiques

En préparation de l'invasion, les Russes commencent une reconnaissance satellite détaillée de l'Ukraine à partir de la mi-2021[135]:25.

À la mi-janvier 2022, la Russie et la Biélorussie amassent des troupes pour une nouvelle série d'exercices militaires conjoints à la frontière ukrainienne le mois suivant[136],[137], dont des tests de missiles[138]. Des vidéos témoignant de mouvements de troupes et d'armes lourdes russes en direction de la frontière ukrainienne circulent sur les réseaux sociaux[139].

Le 22 janvier, The Times rapporte que le chef de l'Opération des forces conjointes, le lieutenant-général Oleksandr Pavliouk, a déclaré au journaliste britannique Anthony Loyd (en) à Popasna que les Russes commenceraient l'invasion le [140]. Les exercices militaires conjoints russo-biélorusses doivent se terminer à cette date, tout comme les Jeux olympiques d'hiver de 2022 à Pékin ; selon The Times, Poutine ne souhaite peut-être pas gâcher le spectacle de son allié chinois potentiel[140]. Selon Pavliouk, les Russes avaient déjà déployé 54 groupes tactiques de bataillon (BTG), et Kiev est désormais à portée de certains des 36 systèmes de missiles balistiques à courte portée Iskander dont ces BTG sont équipés[140]. Pavliouk déclare que les Russes attaqueront probablement depuis plusieurs directions afin de s'emparer de huit régions orientales de l'Ukraine et de couper l'accès à la mer Noire. Une telle invasion — occupant les villes de Kharkiv, Odessa et Dnipro — donnerait à la Russie la plupart des capacités militaires et industrielles de l'Ukraine[140].

Pavliouk affirme que la Russie subirait de lourdes pertes, car les Ukrainiens sont prêts à résister. Il affirme qu'un demi-million d'Ukrainiens avaient jusqu'alors souffert de la guerre, ont déjà beaucoup perdu dans la guerre du Donbass, et étaient prêts à combattre les Russes « à mains nues »[140]. Pavliouk lui-même commande 52 000 soldats dans le cadre de l'Opération des forces conjointes et déclare que 100 000 volontaires ukrainiens étaient prêts à rejoindre la Force de défense territoriale. En référence à la décision de l'Allemagne de bloquer la fourniture d'armes à l'Ukraine par le biais de l'Agence OTAN de soutien et d'acquisition, Pavliouk critique la réponse des nations européennes aux plans d'invasion russes — la comparant à la réticence des nations européennes à agir en 1939 — et déclarant que le Royaume-Uni et les États-Unis avaient été les seuls alliés indéfectibles de l'Ukraine. Dans le cas d'une victoire russe, Pavliouk prédit une invasion russe des pays baltes et la fin de l'Union européenne[140].

Fin janvier, le gouvernement chinois nie officiellement avoir demandé au gouvernement russe de retarder son invasion de l'Ukraine jusqu'après le , date à laquelle les Jeux olympiques se termineraient. (L'invasion russe de la Crimée au début de la guerre russo-ukrainienne commence à la fin des Jeux olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi.)[141],[142],[143],[144],[145].

Le , les dirigeants européens et américains estiment alors que plus de 100 000 soldats russes sont massés près de la frontière ukrainienne, ce que les Américains voient comme une préparation de l'armée russe à l'invasion de l'Ukraine[146],[147]. Face à l'augmentation de tension à la frontière, les Britanniques ainsi que les pays baltes envoient, avec l'accord des États-Unis, plus de 850 millions de dollars de missiles et autres armes américaines à l'Ukraine fin janvier 2022[115],[148].

Dans ce contexte, les États-Unis envoient un premier contingent de soldats en Pologne en renfort pour défendre les pays de l'OTAN « contre toute agression » le [149],[150], puis d'autres contingents de 7 000 soldats parmi les alliés de l'OTAN en Europe de l'Est le [151].

Évacuation des républiques de Donetsk et Lougansk

Le , le chef de la république populaire de Donetsk (RPD), Denis Pouchiline, enregistre une vidéo annonçant l'évacuation de la RPD, en raison d'une prétendue attaque ukrainienne imminente. La vidéo n'est pas publiée[152]. Le même jour, Leonid Passetchnik, chef de la république populaire de Lougansk (RPL), enregistre une vidéo similaire annonçant l'évacuation du territoire séparatiste[153],[154]. Le Pouchiline et Passetchnik publient les vidéos enregistrées le , avec leurs métadonnées originales[152],[153] Selon BBC News et Libération, le préenregistrement par les autorités pro-russes des vidéos annonçant l'évacuation suggère que l'escalade précédant l'invasion russe sont planifiées à l'avance[152],[153],[155].

Incidents précurseurs

Le , la Russie prétexte une agression ukrainienne après qu'un présumé ou prétendu obus d'artillerie ukrainien a atterri dans la région russe de Rostov près de la frontière russo-ukrainienne, alors que les deux pays sont entrés dans une crise diplomatique[156].

Le , le gouvernement russe affirme que les bombardements ukrainiens ont détruit une installation frontalière du Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie (FSB), à la frontière russo-ukrainienne et que les forces russes ont abattu cinq soldats ukrainiens qui tentaient de franchir la frontière. L'Ukraine nie être impliquée dans les deux incidents et les a qualifiés d'opérations sous fausse bannière.

Le même jour, dans un discours précédant l'invasion russe de l'Ukraine, Poutine développe sa vision de l'Histoire niant l'existence d'une identité ukrainienne, l'Ukraine moderne ayant à ses yeux « été entièrement créée par la Russie, plus précisément par l'URSS. Lénine, Staline, Khrouchtchev ont successivement façonné l'Ukraine en arrachant à la Russie des parties de son territoire historique », expose-t-il[157]. Ses allégations, comme le prétendu « génocide » des populations russophones du Donbass, « la volonté de l'Ukraine de se doter de l'arme nucléaire », « la volonté de l'OTAN d'y intégrer l'Ukraine, menaçant la sécurité de la Russie » et le fait de comparer l'Ukraine à un « pays à dénazifier » (en référence aux faits de collaboration en Ukraine durant la Seconde Guerre mondiale et à l'actuelle milice ukrainienne du Régiment Azov[158],[159]), relèvent du pur mensonge selon le chercheur Jean-Sylvestre Mongrenier de l'Institut Thomas-More. Celui-ci explique que Poutine se pose de longue date en « rassembleur des terres russes » et qu'il « veut s'emparer de territoires autrefois conquis et dominés, en dépit du fait que les États post-soviétiques sont reconnus sur le plan international et représentés à l'Organisation des Nations unies »[160]. À son apogée, le Régiment Azov aurait compté jusqu'à 4 000 membres, le parti d'extrême-droite Svoboda soupçonné d'être néonazi n'a récolté que de très faibles suffrages aux élections législatives de 2019, au profit de la victoire historique de Zelensky, d'origine juive[158].

Reconnaissance russe de l'indépendance de la RPD et de la RPL

Le 22 février, ayant officiellement reconnu les deux républiques populaires comme indépendantes, Poutine ordonne aux forces armées russes d'entrer ouvertement en Ukraine pour « maintenir la paix ». Le 22 février marque le huitième anniversaire d'une réunion nocturne en 2014, au cours duquel Poutine prétendra plus tard s'être résolu à envahir l'Ukraine pour opérer « le retour » de la Crimée par la force des armes[161],[162]. La date était également le jour où le président ukrainien pro-Poutine avait fui Kiev et avait été démis de ses fonctions par le parlement ukrainien lors de la révolution ukrainienne de 2014. Le 27 décembre 2021, Vladimir Jirinovski déclare à la Douma d'État que l'année à venir « ne sera pas une année pacifique, ce sera l'année où la Russie redeviendra une puissance », a prédit précisément que l'attaque russe commencerait à quatre heures du matin du 22 février 2022[163],[164].

Forces en présence

Ukraine

Selon la publication spécialisée The Military Balance, l'Ukraine se classe, pour ce qui est de l'importance de ses forces armées, au deuxième rang des pays de l'ex-URSS avec 196 000 militaires au début de 2022, 4,5 fois inférieure à la Russie et trois fois supérieure à l'Azerbaïdjan, qui occupe la troisième place. Concernant l'effectif total des forces armées, les forces terrestres comptent environ 125 600 soldats, les troupes d'assaut aéroportées 20 000, l'armée de l'air 35 000 et la marine 15 000. Selon le New York Times, les Forces armées ukrainiennes sont parmi les plus importantes d'Europe. Elles comprennent 70 000 militaires d'active et 100 000 réservistes et membres des forces de défense territoriale, dont au moins 100 000 militaires sont des anciens combattants, et 27 000 formés par des spécialistes américains, selon Business Insider, notamment sur la conduite de la guérilla.

Selon The Military Balance, fin 2021-début 2022, l'Ukraine avait de 124 à 132 avions militaires, de 46 à 55 hélicoptères et 3 309 véhicules blindés de combat en service.

Le budget militaire de l'Ukraine pour 2022 était d'environ 5 milliards de dollars, soit 10 fois moins que celui de la Russie.

Sur l'année 2022, l’Ukraine a multiplié par sept ses dépenses militaires, qui ont bondi à 44 milliards de dollars. Elle a également pu compter sur plusieurs dizaines de milliards de donations d’armement venues de l’étranger[165].

Russie

À la fin de 2021 et au début de 2022, les forces armées de la fédération de Russie comptaient environ 900 000 personnes en service actif, dont 280 000 dans les forces terrestres, 45 000 dans les forces aéroportées et 165 000 dans les Forces aérospatiales. Les troupes internes[pas clair] et autres formations militaires et paramilitaires compteraient 410 000 hommes[réf. nécessaire]. Le nombre total de la réserve est de deux millions de personnes.

Selon le site Internet Global Firepower Index, la Russie se classe au premier rang mondial quant au nombre de chars (plus de 13 000), de pièces d'artillerie automotrices (plus de 6 000) et de systèmes de missiles (environ 4 000). Les données de The Military Balance donnent les estimations suivantes du volume d'équipements militaires en service dans le pays :

  • avions militaires : de 1 172 à 1 391 ;
  • hélicoptères : de 821 à 948 ;
  • véhicules blindés de combat : plus de 15 847 ;
  • artillerie : plus de 4 894.

Le budget militaire de la fédération de Russie pour 2022 était de 48 milliards de dollars.

Sur l'année 2022, les dépenses militaires russes ont progressé de 9,2 %, selon les estimations[165].

Selon la BBC, environ 35 000 soldats russes sont déployés aux frontières avec l'Ukraine en temps normal. Cependant, au , la Russie a concentré près des frontières de l'Ukraine (y compris sur le territoire de la Biélorussie et en Crimée), de 169 à 190 000 soldats selon les États-Unis et 149 000 selon le ministre de la Défense de l'Ukraine. Le 28 février, le représentant officiel du ministère de la Défense de la fédération de Russie, Igor Konachenkov, a déclaré que seuls les militaires de carrière participent aux hostilités, mais le 9 mars, il a admis que plusieurs conscrits avaient été capturés par les autorités ukrainiennes, tout en affirmant que la plupart avaient été ramenés en territoire russe[166].

Le 26 mars l'Ossétie du Sud fait savoir qu'elle envoie des troupes pour combattre aux côtés des Russes[167].

Selon l'Institut pour l'étude de la guerre (ISW) en , le recrutement de bataillons de volontaires russes était en cours pour reconstituer les forces russes en Ukraine sans mobilisation générale en Russie. Au , l'Ossétie du Nord-Alanie avait déjà déployé un bataillon de volontaires en Ukraine et la Tchétchénie avait déployé plus d'un de ces bataillons. Le kraï du Primorié entraînait un bataillon de volontaires. Le Tatarstan, la Bachkirie, le kraï de Perm et l'oblast de Tcheliabinsk entraînaient déjà plusieurs de ces bataillons, tandis que la Tchouvachie, le kraï de Krasnoïarsk, l'oblast de Nijni Novgorod, l'oblast de Koursk et l'oblast de Mourmansk avaient tous annoncé le début du recrutement de leurs propres bataillons[168].

Mobilisation

Dans la matinée du , un discours pré enregistré de Vladimir Poutine est diffusé, dont la principale annonce est une « mobilisation partielle » des citoyens réservistes. Le gouvernement russe entend mobiliser 300 000 réservistes (sur un potentiel de 25 000 000 mobilisables) ; les hommes ayant une formation spécialisée (tankistes, servants de pièces anti-aériennes...) seront mobilisés en priorité[169],[170]. La veille, en vertu d'amendements adoptés par la Douma, la loi prévoit désormais dix ans de prison pour les citoyens qui ne répondent pas à l'ordre de mobilisation. Et la même peine pour ceux qui se rendent sans combattre[171].

Républiques séparatistes du Donbass

L'effectif des forces armées de la RPD au début de 2022, selon The Military Balance, était de 20 000 personnes ; pour la RPL, 14 000 personnes. Les troupes des deux républiques quasi-étatiques disposaient de véhicules blindés de combat, d'artillerie et de lance-roquettes, ainsi que de systèmes de défense aérienne. Selon la partie ukrainienne, entre fin 2019 et mi-2020, la RPD et la RPL étaient armées de :

  • plus de 480 chars ;
  • 914 véhicules blindés de combat ;
  • 720 pièces d'artillerie et mortiers ;
  • plus de 200 systèmes de lance-roquettes multiples.

Russie et alliés

Drapeau de la Russie Russie
(président Vladimir Poutine)
Drapeau de la République populaire de Donetsk RPD
(président Denis Pouchiline)
Drapeau de République populaire de Lougansk RPL
(président Leonid Passetchnik)
Ministère de la défense
(Sergueï Choïgou)
Ministère de l'intérieur
(Vladimir Kolokoltsev)
Forces supplémentaires Forces séparatistes de la guerre du Donbass

Ukraine et alliés

Drapeau de l'Ukraine Ukraine (président Volodymyr Zelensky) Volontaires étrangers
Ministère de la Défense (Oleksiy Reznikov)
Ministère de l'Intérieur (Denys Monastyrsky)
Forces supplémentaires

Comparatif des pertes militaires matérielles

Selon Oryx

Cette liste ne comprend que les véhicules et équipements détruits pour lesquels des preuves photographiques ou vidéographiques sont disponibles. Par conséquent, la quantité d'équipements détruits est supérieure à celle enregistrée ici. Les armes légères, les missiles antichars, les MANPADS, les munitions, les véhicules civils, les remorques et les équipements abandonnés (y compris les aéronefs) ne figurent pas dans cette liste.

Pertes au 10 avril 2023
Russie et alliés (10 018)[174] Équipements Ukraine et alliés (3 153)[175]
1 929 Chars 479
828 Véhicules blindés de combat 265
2 289 Véhicules de combat d'infanterie 521
304 Véhicules blindés de transport de troupes 243
44 Véhicules blindés de haute protection contre les mines 48
189 Véhicules de transport de troupes 280
240 Postes de commandement et postes de communication 10
298 Véhicules et équipements du génie 48
37 Systèmes de missiles antichars automoteurs 21
97 Véhicules et équipements de soutien d'artillerie 23
194 Artillerie tractée 121
383 Artillerie automotrice 136
192 Lance-roquettes multiples 42
17 Canons antiaériens 4
24 Canons antiaériens automoteurs 5
104 Systèmes de missiles sol-air 89
30 Radars et équipements de communication 52
31 Moyens de brouillage radar 1
79 Aéronefs 61
81 Hélicoptères 29
7 Drones de combat 17
203 Drones de reconnaissance 81
6 Trains logistiques -
2 409 Camions, autres véhicules dont tout-terrain 553
12[Note 7] Navires de guerre[176] 25[177],[Note 8]

Selon l'État-major ukrainien

Au 15 novembre 2022, l'état-major de l'armée ukrainienne affirme que depuis le début de la guerre, « environ 82 080 militaires russes ont été liquidés ainsi que 2 861 chars, 1 850 systèmes d'artillerie, 208 systèmes de défense antiaérienne et 393 lance-roquettes multiples automoteurs et blindés, 278 avions, 261 hélicoptères, 1 511 drones, 399 missiles de croisière, 4 351 véhicules et réservoirs de carburant et 160 pièces d'équipement spécial ont été détruits. Il indique également avoir tué plus de 700 militaires russes lors des combats de la dernière journée »[178].

Au 10 avril 2023, l'état-major ukrainien affirme que les pertes russes depuis le début de l'agression russe sont de 178 820 soldats éliminés, 3 637 chars, 7 028 véhicules blindés de combat, 2 750 système d'artillerie, 534 lance-roquettes multiples, 282 système de défense antiaérienne, 307 avions, 292 hélicoptères, 2 323 drones, 911 missiles de croisière, 18 bateaux de guerre, 5 607 véhicule et réservoirs de carburant et 311 équipements spéciaux[179].

Selon le ministère de la défense russe

De son côté, en date du 13 janvier 2023, le ministère russe de la Défense affirme avoir détruit 372 avions, 200 hélicoptères, 2 876 drones, 400 systèmes de missiles sol-air, 7 495 chars et autres véhicules blindés de combat, 982 lance-roquettes multiples, 3 820 pièces d'artillerie de campagne et mortiers et 8 027 véhicules militaires spéciaux depuis le début du conflit[180].

Le Ministère russe de la Défense déclare que les pertes ukrainiennes pour le mois de janvier 2023 sont de 6 500 soldats, 26 avions, 7 hélicoptères, 208 véhicules aériens sans pilote, 341 chars et autres véhicules blindés et 40 lance-roquettes multiples[181].

Déroulement chronologique détaillé

Allocution du président russe Vladimir Poutine déclarant le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022 (sous-titrée en russe et en anglais)[182].

Dans une allocution télévisée surprise, vraisemblablement préenregistrée, le président russe Vladimir Poutine annonce le vers h 30 heure de Moscou (UTC+3) le début de l'invasion de l'Ukraine par les forces russes[183],[184]. À son déclenchement, cette attaque militaire est considérée comme la plus importante qu'ait connue l'Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale[185],[186],[187],[188].

Le bombardement russe de Kiev a commencé peu après h du matin le [189],[190]. Le premier groupe tactique de bataillon régulier des forces terrestres russes à entrer en Ukraine pendant la guerre du Donbass a traversé la frontière dans la nuit du 24 août 2014 — le jour de l'Indépendance ukrainienne[189].

L'opération militaire complète consiste à déployer des divisions d'infanterie, soutenues par des unités blindées et un soutien aérien dans l'est de l'Ukraine, appuyés par des dizaines d'attaques de missiles dans l'est et l'ouest de l'Ukraine[191],[192]. Les principales attaques d'infanterie et de division de chars sont lancées par quatre offensives distinctes, créant un front nord (lancé vers Kiev), un front sud (lancé depuis la Crimée), un front sud-est et un front de l'est (lancés depuis l'oblast de Louhansk et le Donbass)[193],[194]. Ces quatre incursions traversent l'Ukraine en s'enfonçant de 100 à 200 kilomètres à l'intérieur des frontières ukrainiennes, encerclant ainsi les principales villes. Le 20 mars, les quatre fronts forment un périmètre de manière significative à l'intérieur de toute la frontière de l'est de l'Ukraine, les forces russes commençant à consolider les lignes de communication et de soutien entre les quatre principaux fronts tout en assiégeant Marioupol, Kiev, Louhansk et de nombreuses autres villes d'importance stratégique[193],[194]. Une vaste campagne de bombardements est également menée avec des dizaines de frappes de missiles à travers toute l'Ukraine, jusqu'à Lviv, à l'ouest du pays[195],[196].

La composante militaire conventionnelle de l'invasion n'est pas initialement destinée à être l'effort principal, mais plutôt une démonstration de force. La plupart des forces russes n'anticipent pas de violents combats et reçoivent l'ordre de contourner les positions militaires ukrainiennes. Les Russes avancent en colonnes administratives, plutôt qu'en formation tactique, et de nombreux soldats arrivent dans les zones urbaines avec des armes non prêtes[135]:26.

Le deuxième jour de l'invasion, Poutine appelle l'armée ukrainienne à ne pas résister à l'invasion russe : la neutralisation de la direction militaire ukrainienne était d'une importance stratégique pour le plan d'invasion. Des officiers supérieurs russes envoient des messages à de nombreux généraux ukrainiens les assurant des bonnes intentions de la Russie et les exhortant à se rendre. Presque tous les colonels et officiers supérieurs ukrainiens reçoivent des messages anonymes similaires. Cette stratégie échoue et s'appuie sur une évaluation erronée par les services de renseignement russes de la psychologie des forces ukrainiennes avant l'invasion[135]:25.

Le , alors que l'armée russe est forcée de se retirer des alentours de Kiev[197],[198], le ministère russe de la Défense annonce que la « première étape » de ce qu'ils appellent « l'opération militaire en Ukraine » est accomplie avec succès, l'armée russe se concentrant désormais sur la « libération du Donbass »[199],[200]. Le 8 avril 2022, le général Alexandre Dvornikov est nommé à la tête des opérations militaires en Ukraine, menées sur quatre fronts[201],[202],[203] :

Le 7 avril, les troupes russes déployées sur le front nord menées par le district militaire est, comprenant les 29e, 35e et 36e armées combinées, sont retirées de l'offensive de Kiev pour un réapprovisionnement apparent et un redéploiement ultérieur dans la région du Donbass, afin de renforcer les fronts Sud et Est pour mener un nouveau front d'invasion du sud-est de l'Ukraine. Le front Nord-Est, y compris le district militaire central, comprenant la 41e armée combinée et la 2e armée blindée de la Garde, y sont également retirées pour un réapprovisionnement et un redéploiement dans le sud-est de l'Ukraine[204],[205].

Le , 133e jour de l'invasion, aucune avancée russe n'a été mentionnée dans les déclarations officielles des états-majors russes et ukrainiens. Selon l'Institut pour l'étude de la guerre (ISW), c'est le premier jour où les Russes n'ont réalisé aucun gain territorial nulle part en Ukraine, bien qu'ils aient poursuivi leurs assauts[207].

Front Sud et Est (24 février 2022 -...)

Au début de l'invasion le 24 février, la campagne militaire du Sud-Est est menée sur deux fronts distincts comprenant un front Sud venant de Crimée et un front Est à partir des régions de Louhansk et du Donbass. Le 8 avril, le ministère russe annonce que ses troupes et divisions déployées dans le sud-est de l'Ukraine seront réunies sous le commandement et le contrôle du général Dvornikov. Il est chargé des opérations militaires combinées, y compris celles des forces déployées dans les fronts Nord et Nord-Est, réaffectées sur le front Sud-Est au début du mois d'avril[208]. Le 17 avril, les progrès russes sur le front Sud-Est semblent être entravés par des troupes isolées qui continuent de lutter dans la zone industrielle de Marioupol, refusant les ultimatums de reddition[209].

Front Sud

Le 24 février, les forces russes prennent le contrôle du canal de Crimée du Nord, permettant l'approvisionnement en eau de la Crimée, précédemment coupé depuis 2014[210]. Le 26 février, un siège à Marioupol débute alors que l'attaque se déplace vers l'est en direction de la ville, tout en reliant simultanément le front aux régions tenues par les séparatistes du Donbass[211]. En route vers Marioupol, les forces russes entrent dans Berdiansk avant de s'en emparer le lendemain[212]. Le 1er mars, les forces russes se préparent à une attaque contre Melitopol et d'autres villes voisines[213]. Le maire de la ville annoncera plus tard la prise de la ville par les Russes[214]. Le matin du 25 février, des unités russes de la RPD avancent vers Marioupol et rencontrent des forces ukrainiennes près du village de Pavlopil, où elles sont vaincues[215],[216],[217]. Dans la soirée, la marine russe lance un assaut amphibie sur les côtes de la mer d'Azov à 70 kilomètres à l'ouest de Marioupol. Selon un responsable américain de la défense, les forces russes pourraient déployer des milliers de marines à partir de cette tête de pont[218],[219],[220].

Char russe endommagé par les troupes ukrainiennes à Marioupol, le 7 mars.

Un groupe opérationnel russe avance vers le nord depuis la Crimée, le 22e corps d'armée russe s'approchant de la centrale nucléaire de Zaporijjia le 26 février[221]. Deux jours plus tard débute le siège d'Enerhodar pour tenter de prendre le contrôle de la plus puissante centrale nucléaire d'Europe en 2022[222]. L'installation est victime d'un bombardement russe, occasionnant un incendie. D'après l'Agence internationale de l'énergie atomique celui-ci n'a provoqué aucun dommage des équipements essentiels, la centrale électrique n'enregistrant aucune fuite de rayonnement[223]. Le 4 mars, la centrale nucléaire tombe sous contrôle russe. Un troisième groupe opérationnel russe de Crimée se déplace vers le nord-ouest, où il capture des ponts enjambant le Dniepr[224]. Le 2 mars, les troupes russes remportent une bataille stratégique à Kherson. Elle demeure, au , la seule ville ukrainienne d'importance passée sous contrôle russe[225]. Elle n'est pas coupée du reste de l'Ukraine, les citoyens transitant avec un filtrage au bon vouloir des occupants russes[225]. Sa reconquête par l'État ukrainien représente un dilemme, étant donné les potentielles conséquences qu'auraient les combats sur les populations civiles, et ne semble donc pas pour le moment une priorité[225]. Les troupes russes avancent ensuite vers Mykolaïv et attaquent la ville deux jours plus tard, avant d'être repoussées par les forces ukrainiennes[226]. Le 2 mars également, les forces ukrainiennes lancent une contre-offensive sur Horlivka[227], principalement contrôlée par la RPD depuis 2014[228]. À la suite d'une nouvelle attaque de missile sur Marioupol[229], le gouvernement ukrainien annonce le 14 mars la mort de plus 2 500 civils depuis le début du siège[230].

Le 18 mars, Marioupol est entièrement encerclée et les combats atteignent le centre-ville, entravant les efforts d'évacuation des civils[231]. Le 20 mars, une école d'art de la ville, abritant environ 400 personnes, est détruite par un bombardement russe[232]. Le même jour, alors que les forces russes poursuivent leur siège de la ville, le gouvernement russe exige une reddition complète, ce que plusieurs responsables du gouvernement ukrainien refusent[193],[194]. Le 24 mars, les forces russes entrent dans le centre de Marioupol dans le cadre de la deuxième phase de l'invasion[233]. Le 27 mars, selon la vice-première ministre ukrainienne Olha Stefanychyna, les habitants de Marioupol n'ont ni accès à l'eau, ni à des approvisionnements alimentaires. Plus de 85 % de toute la ville est détruite[234]. Lors d'une conversation téléphonique entre Emmanuel Macron et Poutine le 29 mars, ce dernier déclare que le bombardement de Marioupol prendra fin en cas de reddition complète des troupes ukrainiennes, étant donné l'état de dévastation avancé de la ville[235].

Le 3 avril, après le retrait des forces russes de Kiev à la fin de la première phase de l'invasion militaire, la Russie commence à étendre l'attaque sur le front sud de l'Ukraine plus à l'ouest, notamment par une augmentation des bombardements et des frappes contre Odessa, Mykolaïv et la centrale nucléaire de Zaporijjia[236],[237]. Une attaque de missiles russes contre la gare de Kramatorsk a lieu le 8 avril 2022, à l'aide d'une bombe à fragmentation. Selon des informations, au moins 52 civils ont été tués[238] et 87 à 300 autres blessés[239]. Le 10 avril, l'aéroport international de Dnipro est détruit par une frappe de missile[240],[241]. Le 13 avril, les forces russes intensifient leur attaque contre l'usine métallurgique Azovstal de Marioupol, utilisée par les défenses ukrainiennes résiduelles dans la ville[242]. Les forces russes encerclent l'usine où les dernières forces ukrainiennes sont retranchées, qui annoncent le 17 avril continuer le combat jusqu'au dernier homme[209].

Le 18 avril, avec la quasi-victoire russe de la bataille de Marioupol, le gouvernement ukrainien annonce le début de la deuxième phase de l'invasion renforcée dans les régions de Donetsk, Louhansk et Kharkiv[243].

Le 3 mai, l'armée russe et les forces séparatistes prorusses, appuyées par des bombardements aériens, terrestres et maritimes, lancent une offensive par terre et par mer contre les défenseurs de l'usine Azovstal à Marioupol[244],[245].
Le lendemain, le commandant adjoint du régiment Azov de la Garde nationale de l'Ukraine, Svyatoslav Palamar (uk), indique : « Un puissant assaut sur le territoire d'Azovstal est en cours, avec le soutien de véhicules blindés, de chars et des tentatives de débarquement de troupes, avec l'aide de bateaux et d'un grand nombre d'éléments d'infanterie »[246]. Des combats au corps à corps auraient lieu dans les sous-sols de l'usine[247].

Le siège de Marioupol entre dans sa conclusion à partir du 16 mai lorsque les unités ukrainiennes commencent à se rendre progressivement aux forces russes. Selon les Russes, ils auraient capturés 2 439 soldats ukrainiens entre le 16 et le 20. Sviatoslav Palamar s'est également rendu aux forces Russes malgré la publication d'une vidéo la veille de se reddition où il indique qu'il restera dans l'usine avec d'autres officiers[248].

Le 23 juillet, les Ukrainiens entament une contre-offensive dans la région de Kherson. Cette contre-offensive, annoncée plusieurs jours auparavant par de nombreux officiels ukrainiens, ne rencontrera qu'un succès très limité sur le terrain. En effet, entre le 23 juillet et le 23 août, aucune avancée significative des Ukrainiens n'a été confirmée. Ceux-ci ont tout de même enregistré quelques victoires en effectuant des frappes en profondeur sur des points stratégiques russes notamment à l'aide des HIMARS américains. [réf. souhaitée]

Depuis le 20 juillet les Russes ont intensifié leur campagne aérienne au-dessus de Mykolaïev[249]. Le 29 juillet 2022, tôt dans la journée, la Russie décide de bombarder un abribus dans la ville de Mykolaïv, le gouverneur du secteur Vitaly Kim reprochera à l'ennemi russe de bombarder la ville en pleine journée. Cet incident fera 5 morts et 8 blessés.

Front du Donbass

Bombardement russe en périphérie de Kharkiv, le 1er mars.

À l'est, les troupes russes tentent de capturer Kharkiv, à moins de 35 kilomètres de la frontière russe[250],[251]. Les chars russes se heurtent à une forte résistance ukrainienne. Le 28 février, la ville est la cible d'attaques de missiles faisant plusieurs morts[252]. Le 1er mars, Pouchiline annonce que les forces séparatistes ont quasiment encerclé la ville de Volnovakha[253]. Le 2 mars, les forces russes sont repoussées de Sievierodonetsk lors d'une attaque contre la ville[254]. Selon le ministère russe de la Défense, la Russie est prête à compter du 25 mars à entrer dans la deuxième phase des opérations en cherchant à occuper les principales villes ukrainiennes dans l'est de l'Ukraine[255]. Le 31 mars, PBS News rapporte que Kharkiv est visée par de nombreux bombardements et attaques de missiles, le jour même où les négociations de paix doivent reprendre à Istanbul[256].

Alors que s'intensifient les bombardements russes de Kharkiv le 31 mars 2022, la Russie signale une attaque par hélicoptère contre un dépôt pétrolier à environ 40 kilomètres au nord de la frontière à Belgorod[257]. Le Kremlin accuse l'Ukraine de l'attaque, qui nie cependant toute responsabilité[258]. Le 7 avril, le nouveau rassemblement des troupes russes et des divisions de chars autour des villes d'Izioum, Sloviansk et Kramatorsk conduit les responsables du gouvernement ukrainien à conseiller à tous les résidents vivant près de la frontière orientale de l'Ukraine d'évacuer les lieux et de se réfugier dans l'ouest de l'Ukraine[259].

Le 11 avril, Zelensky annonce que l'Ukraine s'attend à une nouvelle offensive russe majeure à l'est[260]. Selon des responsables américains, la Russie prépare une nouvelle phase de ses opérations militaires en se concentrant dorénavant sur l'est, en raison d'une concentration de leurs forces et donc d'une chaîne logistique plus efficaces des divisions d'infanterie et blindées sur les fronts du sud-est de l'Ukraine le potentiel offensif de la Russie est décuplé[261],[262]. Des satellites militaires montrent de longs convois russes d'unités d'infanterie et mécanisées se déployant au sud de Kharkiv à Izioum le 11 avril, dans le cadre du redéploiement russe du nord-est sur le front sud-est[263]. Les troupes ukrainiennes annoncent le 14 avril avoir détruit un pont stratégique entre Kharkiv et Izioum, dont les Russes se servaient pour se redéployer à Izioum.

Le 18 avril 2022, la Russie lance une nouvelle offensive dans le Donbass[264],[265],[266]. Le même jour, des troupes russes et les forces séparatistes de la RPL pénètrent dans la ville de Kreminna, et la prennent quelques heures plus tard après des affrontements avec l'armée ukrainienne[267].

Le 7 mai les Russes remportent la bataille de Popasna, cette victoire leurs permet de créer un saillant dans le front ukrainien et à développer de nombreuses offensives notamment en direction de Lyssytchansk et de la centrale thermique de Vuhlehirska dans la périphérie de Donestk. Dans le secteur de Sloviansk-Kramatorsk les Russes réussissent à capturer Lyman le 27 mai avant dernière ville à l'est du Donets de plus de 10 000 habitants encore aux mains de Ukrainiens. Cette défaite expose la garnison ukrainienne de Sviatohirsk qui tombe le 7 juin aux mains des forces russes.

Le 14 juin, les forces ukrainiennes ont annoncé avoir abandonné le centre de Sievierodonetsk à la suite d'une nouvelle offensive russe. L'état-major ukrainien indiquait ainsi qu'avec le soutien de l'artillerie, l'ennemi a mené un assaut à Sieverodonetsk, a enregistré un succès partiel et repoussé nos unités du centre-ville. Les hostilités se poursuivent". Selon Serhiy Haïdaï, gouverneur de la région de Louhansk, environ 70 à 80 % de la ville serait contrôlée par les forces russes[268]. Le 21 juin la ville cruciale de Tochkovka tombe aux mains de Russes ce qui met en péril tout le système de défense ukrainien au sud de Lyssytchansk ce qui leur permet d'entamer un encerclement des bastions de Hirske et Zolote.

Le 25 juin, Les forces ukrainiennes se replient de Sieverodonetsk laissant la ville aux mains des Russes[269],[270] afin de se replier sur la ville de Lyssytchansk où des combats ont lieu et une bataille commence[271],[272] mais aussi pour éviter un encerclement par le sud à la suite de l'importante avancée russe dans les villes de Hirske et Zolote[273]. Après la chute des poches de Hirske et Zolote la ville de Lyssytchansk est beaucoup trop exposé à un encerclement et les Ukrainiens décident de se retirer de Lyssytchansk le 3 juillet pour se replier sur la ligne de défense Siversk, Soledar, Bakhmout plus propice à une défense. Le lendemain Vladimir Poutine annonce une pause opérationnelle pour les unités russes du Donbass[274].

Le 16 juillet les Russes annoncent la fin de la pause et relancent lentement leur offensive sur la nouvelle ligne de défense. Fin juillet début aout les Russes relancent également des offensives sur les localités adjacentes à la ville de Donetsk[275],[276]. Il se serait emparé de Pisky le 10 aout même si les Ukrainiens réfutent cette information.

Front Nord-Est (24 février - 6 avril 2022)

Champs jonchés d'entonnoirs dans la région de Kharkiv

Les forces russes avancent dans l'oblast de Tchernihiv le 24 février et assiègent sa capitale administrative. Le lendemain, la deuxième plus grande ville de l'oblast, Konotop, qui se trouve à 90 kilomètres de la frontière russe, est attaquée et prise par les forces russes[277],[278]. Une offensive distincte est menée dans l'oblast de Soumy le même jour, et la ville de Soumy, à seulement 35 kilomètres de la frontière russo-ukrainienne, est attaquée par des unités russes. L'avancée russe s'enlise dans les combats urbains et les forces ukrainiennes réussissent à tenir la ville. Selon des sources ukrainiennes, plus de cent blindés russes sont détruits et des dizaines de soldats capturés[279]. Okhtyrka est également attaquée, et des armes thermobariques y sont employées par les forces russes[211].

Dans une évaluation de la campagne du 4 mars, Frederick Kagan estime que l'axe d'attaque de Soumy est actuellement « la voie d'avance russe ayant rencontré le plus de succès, qui s'avère être l'offensive la plus menaçante pour la ville de Kiev ». La géographie favorise les progressions mécanisées car le terrain « est plat et peu peuplé », offrant peu de bonnes positions défensives[191]. Les forces russes font plusieurs percées profondes depuis l'oblast de Soumy, remportant plusieurs engagements. Depuis le long des grands axes, les forces russes atteignent Brovary, une banlieue est de Kiev, le 4 mars[192],[191]. Le 17 mars, Izioum aurait été capturé par les forces russes[280], malgré la poursuite des combats[281]. Le 1er avril, l'armée ukrainienne confirme qu'Izioum passe sous contrôle russe[282],[283].

Le 6 et 7 avril, la totalité des troupes russes ont quitté les oblasts de Tchernihiv et de Soumy, tandis que l'oblast de Kharkiv demeure contesté, selon le Pentagone et le gouverneur Dmytro Jyvytsky[284],[285].

Front Nord (24 février - 3 avril 2022)

Situation militaire autour de Kiev le 2 avril 2022.

Les efforts russes visant à capturer Kiev comprennent une offensive principale lancée depuis le sud de la Biélorussie le long de la rive ouest du fleuve Dniepr, dans le but probable d'encercler la ville par l'ouest. Ce mouvement est appuyé par des forces progressant le long de deux axes distincts depuis la Russie et passant le long de la rive est du Dniepr : à l'ouest à Tchernihiv et à l'est à Soumy. Ces forces cherchent probablement à encercler Kiev par le nord-est et l'est[192],[191]. Le premier jour de l'invasion, les forces russes avançant vers Kiev depuis la Biélorussie prennent le contrôle des villes fantômes de Tchernobyl et de Prypiat[286],[287]. Après leur percée à Tchernobyl, les forces russes sont retenues à Ivankiv, une banlieue nord de Kiev. Les forces aéroportées russes tentent de s'emparer de deux aérodromes clés autour de Kiev, lançant un assaut aéroporté sur l'aéroport d'Antonov[288],[289], puis sur Vassylkiv, près de la base aérienne de Vassylkiv au sud de Kiev, le 26 février[290],[291].

Ces attaques semblent avoir pour objectif de s'emparer rapidement de Kiev, les Spetsnaz s'infiltrant dans la ville, soutenues par des opérations aéroportées et une avance mécanisée rapide depuis le nord. Cependant, elles échouent[292]. Au cours de ses premiers assauts contre Kiev, la Russie aurait tenté à plusieurs reprises d'assassiner le président Volodymyr Zelensky en déployant des mercenaires du groupe Wagner et des forces tchétchènes ; selon le gouvernement ukrainien, ces tentatives auraient été partiellement contrecarrées grâce à l'appui de responsables du Service fédéral de sécurité russe, qui s'opposent à la guerre et fournissent des renseignements à l'Ukraine[293].

Début mars, de nouvelles timides avancées russes le long du côté ouest du Dniepr ont lieu, après des revers infligés par la défense ukrainienne[192],[191]. Au 5 mars, un grand convoi russe de 64 kilomètres de long rencontre de nombreuses difficultés logistiques et s'embourbe à une trentaine de kilomètres du centre de la ville de Kiev[294]. Les avancées le long de l'axe de Tchernihiv sont en grande partie arrêtées alors que débute le siège de la ville. Les forces russes continuent cependant à avancer depuis le nord-ouest de Kiev, capturant Boutcha, Hostomel et Vorzel le 5 mars[295],[296], bien qu'Irpin demeure toujours contestée au 9 mars[297]. Le 11 mars, le long convoi est partiellement redéployé, prenant des positions sous un couvert forestier. Des lance-roquettes sont également identifiés[298]. Le 16 mars, les forces ukrainiennes lancent une contre-offensive pour repousser les forces russes s'approchant de Kiev depuis plusieurs villes environnantes[299].

Le 20 mars, l'armée russe semble relancer une invasion rapide pour atteindre son objectif principal apparent de la prise de Kiev et de l'est de l'Ukraine, et contraindre le gouvernement ukrainien à abandonner la capitale. Mais les forces russes sont rapidement bloquées à l'approche de Kiev en raison de plusieurs facteurs, notamment un moral et une combativité très inférieurs à ceux des Ukrainiens, l'utilisation par ceux-ci d'armes portables sophistiquées fournies par les alliés occidentaux, les mauvaises performances de la logistique et de l'équipement russes, l'incapacité des Russes à exploiter leur supériorité aérienne et l'usure de leurs troupes lors des combats urbains[300],[301],[302]. Incapables d'emporter la décision à Kiev, les forces russes adoptent une autre stratégie et commencent à utiliser des armes à longue portée, mènent des bombardements aveugles et des combats de siège[300],[303],[304].

Le 25 mars, la contre-offensive ukrainienne à Kiev chasse les Russes de plusieurs villes, dont Makariv[197], à l'est et à l'ouest de Kiev[198]. Les forces russes au nord de Kiev se replient, poussées par l'armée ukrainienne, ainsi que celles de la région de Boutcha, qui reculent vers le nord à la fin de mars[305]. Les forces ukrainiennes entrent dans Boutcha le 1er avril et y découvrent des centaines de cadavres de civils jonchant les rues[306]. Le 2 avril, la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Ganna Maliar déclare notamment que les localités « d'Irpin, Boutcha, Hostomel et toute la région de Kiev ont été libérées de l'envahisseur ». Des opérations de déminage suivent le retrait des troupes ennemies[307].

L'objectif de ce « retrait rapide » des troupes russes des régions de Kiev et de Tchernihiv, dans le nord de l'Ukraine, est un redéploiement vers l'est et le sud, estime le gouvernement ukrainien[307]. La prise de Kiev était un objectif majeur pour l'état-major russe, et cette défaite russe constitue un revers militaire important[308],[309].

Guerre aérienne

Au premier jour de l'invasion, les forces russes attaquent la base aérienne de Tchouhouïv, qui abrite des drones Bayraktar TB2, endommageant les zones de stockage de carburant et les infrastructures[310].

Le 25 février 2022, l'attaque de la base aérienne de Millerovo par les forces militaires ukrainiennes est appuyée par des missiles OTR-21 Tochka, qui d'après des sources ukrainiennes détruisent plusieurs avions de l'armée de l'air russe et incendient la base aérienne[195],[196]. Lors de l'attaque de l'aéroport de Jytomyr le 27 février, la Russie a utilisé des systèmes de missiles 9K720 Iskander, situés en Biélorussie, pour attaquer l'aéroport civil[311]. Le 5 mars, la Russie annonce avoir perdu au moins dix avions[312] ; l'état-major général des forces armées ukrainiennes revendique quant à lui 88 avions russes détruits depuis le début de la guerre[313]. Cependant, un haut responsable de la défense américain anonyme déclare au journal Reuters le 7 mars que la Russie dispose encore de la « grande majorité » de ses avions de combat et hélicoptères massés près de l'Ukraine[314].

Le 26 février la Russie dénonce l'usage de drones américains fournissant des renseignements à la marine ukrainienne pour viser des navires de guerre russes qui opèrent en mer Noire, accusation que les États-Unis réfutent[315].

Dans les premiers jours de l'invasion, la défense aérienne ukrainienne basée au sol est réprimée par les frappes aériennes russes et les avions russes à voilure fixe mènent de nombreuses opérations de frappe. Les avions de combat de l'armée de l'air ukrainienne sont totalement dépassés sur le plan technologique et largement dépassés en nombre par ceux de l'armée de l'air russe. Les Ukrainiens subissent de lourdes pertes et infligent quelques pertes aux Russes[316].

Début mars, les missiles anti-aériens ukrainiens sont de plus en plus efficaces, mobiles et bien dispersés. La guerre anti-aérienne russe devient également plus efficace début mars, mais en raison de l'échec de la Russie à supprimer complètement les capacités ukrainiennes, l'armée de l'air russe perd sa capacité à opérer dans l'espace aérien contrôlé par l'Ukraine. Par la suite, les avions russes sont obligés d'opérer à basse altitude pour échapper aux missiles anti-aériens, ce qui les rend vulnérables aux attaques des MANPADS. Les défenses aériennes ukrainiennes et les MANPADS signifient que les sorties d'avions et d'hélicoptères russes à basse altitude au-delà des zones de première ligne deviennent d'un coût prohibitif en mars et s'arrêtent complètement autour du mois d'avril 2022[316]. Les mauvaises performances de l'armée de l'air russe sont attribuées par The Economist à la supériorité des batteries de missiles sol-air à moyenne portée ukrainiennes (SAM), aux sites SAM ukrainiens qui forcent les avions à voler en rase-motte, ce qui les rend vulnérables aux Stinger et autres missiles sol-air tirés à l'épaule. À cela s'ajoute le manque d'entraînement des pilotes russes, inexpérimentés pour ce type de missions d'appui au sol rapproché typiques des forces aériennes modernes, et qui ne disposent que de très peu de bombes à guidage de précision[317].

Après les premières frappes russes et pour déjouer de nouvelles attaques, les Ukrainiens remplacent les hangars détruits dans les bases aériennes militaires par de nouvelles structures aux mêmes positions, dont les toits sont imprimés avec des photographies du bâtiment endommagé. Les avions militaires ukrainiens peuvent ainsi opérer sans être détectés, tandis que les russes cherchent en vain des hangars souterrains[135]:25. Les Russes détruisent de nombreux mannequins de systèmes de défense aérienne. Afin de gaspiller les munitions russes et de protéger les véritables capacités de défense aérienne, les signaux ukrainiens — interceptés par les Russes — confirment faussement la destruction des systèmes[135]:25-26.

Le 9 août, de nombreux avions militaires russes de la base aérienne de Novofedorivka en Crimée explosent au sol, faisant fuir les touristes russes de la plage de Saki[318]. La force aérienne ukrainienne annonce sur Facebook la destruction de neuf avions russes[319]. Basé là-bas, le 43e régiment d'aviation de chasse (ru) de la flotte de la mer Noire — principale force de frappe aéronavale de la flotte — est gravement endommagé[320],[321],[322]. Selon CNN, la Russie n'a pas perdu autant d'avions en une seule journée depuis l'implication de l'Union soviétique dans la Seconde Guerre mondiale[323]. En conséquence, le commandant de la flotte de la mer Noire — l'amiral Igor Ossipov — est démis de ses fonctions et remplacé par le vice-amiral Viktor Nikolaïevitch Sokolov[320],[321].
Le 11 août, huit explosions sont signalées dans la base aérienne de Pribytki[324] biélorusse à 30 kilomètres de la frontière ukrainienne. La Biélorussie affirme que les explosions sont dues à un « incident technique » impliquant un moteur de véhicule[325]. Des images satellites publiées le 13 août par Maxar Technologies montrent cependant les traces d’un incendie et d'une explosion survenue sur la piste principale de l'aérodrome[réf. nécessaire].

Dans une allocution télévisée le 28 octobre, Zelensky déclare que la Russie a effectué 4 500 frappes de missiles et 8 000 raids aériens depuis le début de l'invasion[326],[327].

En décembre 2022, la mort de plus de 100 pilotes militaires russes a été annoncée publiquement[328].

Guerre navale

L'Ukraine borde la mer Noire, qui n'a d'accès au reste des mers et océans que par les détroits turcs du Bosphore et des Dardanelles. Le 28 février, la Turquie invoque la Convention de Montreux de 1936 et ferme le détroit aux navires de guerre russes non enregistrés dans les ports d'attache de la mer Noire et ne retournant pas dans leurs ports d'origine, refusant le passage de quatre navires de la marine russe dans le détroit turc[329],[330],[331].

Le 24 février 2022, le Service national des gardes-frontières d'Ukraine annonce qu'une attaque sur l'île des Serpents par des navires de la marine russe est en cours. Le croiseur lance-missiles Moskva, navire amiral de la flotte russe en mer Noire[332], et le patrouilleur Vassili Bykov bombardent l'île avec leurs canons de pont[333]. Lorsque le Moskva entre en contact avec la garnison de l'île par radio et exige sa reddition, les soldats ukrainiens répondent : « Navire de guerre russe, va te faire foutre ». Après cet échange, tout contact est perdu avec l'île des Serpents et la garnison de treize membres est capturée[334]. Après le bombardement, un détachement de soldats russes débarque et prend le contrôle de l'île[335].

Le , au lendemain de la bataille de Berdiansk, la Russie capture au moins huit navires de guerre ukrainiens : deux canonnières rapides de la classe Gyurza-M, deux patrouilleurs de la classe Zhuk, un remorqueur de la classe Sorum et six petits patrouilleurs. Russia Today ne mentionne pas le deuxième patrouilleur de la classe Zhuk ni les six patrouilleurs légers, mais affirme que parmi les navires capturés se trouvent un navire de débarquement de la classe Polnochny, un navire de débarquement de la classe Ondatra, une corvette de la classe Grisha, un patrouilleur lance-missile de la classe Matka et un dragueur de mines de la classe Yevgenya[336].

Le 3 mars, la frégate Hetman Sahaydatchniy, le vaisseau amiral de la marine ukrainienne, est sabordée dans le port de Mykolaïv pour empêcher sa capture par les forces russes[337].

Le 24 mars, l'Ukraine affirme avoir détruit dans le port de Berdiansk le navire de guerre amphibie russe Saratov (BDK-65), de la classe Alligator[338],[339] et endommagé un navire de débarquement de la classe Project 775 Ropucha[340].

Dans la nuit du , les autorités ukrainiennes annoncent que le croiseur russe Moskva est en feu et évacué par son équipage, il aurait été touché par des missiles Neptune mais selon le ministère russe de la Défense, le croiseur a été « gravement endommagé » par une explosion de munitions causée par un incendie[332]. Alors qu'il est remorqué vers un port russe, les graves avaries que le navire a subies, additionnées au mauvais temps font que le croiseur coule dans la journée du 14 avril, d'après un communiqué du ministère de la défense russe[341].

Le 2 mai, l'Ukraine affirme avoir coulé « deux patrouilleurs russes de classe Raptor » avec des drones de combat Bayraktar, près de l'île des Serpents. La Russie ne confirme pas ces pertes[342],[343].

Le 6 mai, l'état-major ukrainien affirme avoir touché près de l'île des Serpents, la veille au soir, le navire russe Amiral Makarov, une frégate de la classe Amiral Grigorovitch, avec des missiles R-360 Neptune[344].

Résistance populaire

Civils ukrainiens préparant des cocktails Molotov à Kiev le 26 février.

Les civils ukrainiens prennent une part active contre l'invasion russe, se portant volontaires pour des unités de défense territoriale, fabriquant des cocktails Molotov, distribuant de la nourriture, construisant des barricades telles que des hérissons tchèques[345] et aidant au transport des réfugiés[346]. Répondant à un appel de l'agence ukrainienne des transports, Ukravtodor, des civils ont démantelé ou modifié des panneaux de signalisation, construit des barrières de fortune et bloqué des routes. Les médias sociaux rapportent des manifestations de rue spontanées dans les zones d'occupation, qui tournent souvent à l'affrontement physique avec les troupes russes[347].

Dans certains cas, des personnes bloquent physiquement des véhicules militaires russes, les forçant parfois à battre en retraite[347],[348],[349]. La réponse des soldats russes à la résistance civile non armée varie de la réticence à engager les manifestants[Quoi ?][347], au tir de sommation ou directement dans la foule[350]. Des détentions massives de manifestants ukrainiens sont signalées, les médias ukrainiens rapportant des disparitions forcées, des simulacres d'exécution, des prises d'otages, des exécutions extrajudiciaires et des violences sexuelles perpétrées par l'armée russe[351].

Contre-offensives ukrainiennes à Kherson et Kharkiv (août à novembre 2022)

Le 29 août, l'armée ukrainienne lance une contre-offensive dans la région de Kherson, au sud[352]. Les derniers ponts sur le Dniepr sont détruits par les HIMARS et 20 000 soldats russes se retrouvent enfermés sur la rive droite du fleuve, sans aucune voie de repli[353]. Des combats intenses éclatent alors : les Ukrainiens réalisent une percée au niveau du village de Vyssokopillia et progressent lentement dans la région[354].

Le 6 septembre 2022, les Ukrainiens lancent une autre offensive dans la région de Kharkiv, au nord[355],[356]. Le 6 et le 7 septembre, les défenses russes sont percées sur une longueur de 15 kilomètres[356]. En quelques jours, les forces russes s'effondrent dans la région, abandonnant derrière elles de nombreux véhicules et munitions et des centaines de soldats russes sont fait prisonniers[357],[358]. Le 8 septembre, les Ukrainiens reprennent la ville de Balaklia[359]. Le 10 septembre, ils reprennent Koupiansk et atteignent les abords de Lyman, Lyssytchansk et Vovtchansk[358]. Les Russes évacuent également la ville d'Izioum[358], qui est reprise le 11 par les Ukrainiens[360]. C'est une prise majeure étant donné qu'elle constituait « la base arrière du Kremlin pour attaquer le nord du Donbass voisin »[357]. Une fosse commune et 445 tombes ont été découvert le 15 septembre dans une pinède près d'Izioum dont certains corps présentent des signes de torture. Une majorité des victimes seraient des civils et plusieurs personnes exhumées avaient les poignés liés par une corde. Deux autres fosses communes, minées, sont découvertes dans la ville, ainsi que 10 centres de torture[361],[362].

Le , le ministère de la défense britannique indique que « les forces russes qui se sont retirées de l'oblast de Kharkiv sont des éléments de la 1re armée blindée de la Garde, qui fait partie de la région militaire ouest, basé à Odintsovo, ville de l'oblast de Moscou. Cette unité, qui a subi de lourdes pertes dans la phase initiale de la guerre, n’a pas pu être entièrement reconstituée avant la contre-offensive ukrainienne à Kharkiv ». La 1re armée blindée de la Garde est l'une des plus prestigieuses des armées russes. Affectée à la défense de Moscou, elle est destinée à mener des contre-attaques en cas de guerre avec l'OTAN[363].

Le , les Ukrainiens reprennent Iatskivka, à une quinzaine de kilomètres à l'Est d'Izioum[364].

Les Ukrainiens poursuivent ensuite leur offensive sur la ville de Lyman, qui constitue un important nœud ferroviaire. La ville est encerclée, puis entièrement reprise le 2 octobre[365],[366],[367].

Le 9 novembre 2022, Sergueï Choïgou, ministre russe de la Défense, ordonne le retrait des forces russes de la rive droite du fleuve Dniepr de la ville et de la région ukrainienne de Kherson[368],[369].

Le vendredi 11 novembre, l'armée ukrainienne reprend le contrôle de la ville de Kherson[370] alors que plus de 30 000 soldats russes se sont retirés de la rive occidentale du Dniepr[371],[372]. En raison de la rapidité du retrait des forces russes, annoncée deux jours plus tôt, le ministère de la défense du Royaume-Uni suppose que « Le processus de retrait avait probablement déjà commencé dès le 22 octobre 2022, lorsque des représentants installés par les Russes à Kherson ont exhorté les civils à quitter la ville. Il est tout à fait possible que des équipements et des forces militaires russes en tenue civile aient été évacués en même temps que les 80 000 civils déclarés évacués au cours des dernières semaines »[373].

Pont de Crimée

Le lendemain de l'anniversaire de Vladimir Poutine, après avoir évoqué qu'« une citerne de carburant » aurait pris feu sur le pont de Crimée, les agences de presse russes indiquent, par l'intermédiaire du Comité national antiterroriste russe[374] :

« Aujourd'hui à 6h07 (3h07 GMT) sur la partie routière du pont de Crimée.... a eu lieu l'explosion d'un camion piégé[375], qui a entrainé l'incendie de sept citernes ferroviaires qui allaient vers la Crimée[376]. »

Le pont sert de voie, notamment, pour le transport d'équipement militaire pour l'armée russe combattant en Ukraine[377],[378]. Les parties routières et ferroviaires du pont seraient en partie effondrées, paralysant totalement le trafic sur les deux voies.
Le 17 août 2022 le conseiller de la présidence ukrainienne Mykhaïlo Podoliak avait menacé d'attaquer le pont de Kertch construit par la Russie en 2018, considérant le pont comme étant une cible militaire légitime et que « ce pont est une structure illégale et l'Ukraine n'a pas donné sa permission pour sa construction. Il porte préjudice à l'écologie de la péninsule et doit donc être démantelé. Peu importe comment : volontairement ou non »[379]. Il avait également ajouté que le début de la « démilitarisation en action » de la Crimée avait débuté (faisant état des explosions de Novofedorivka, à l'explosion d'un dépôt de munition russe près de Djankoï....) en référence à la terminologie utilisée par la Russie pour justifier son invasion de l'Ukraine déclenchée le 24 février[380].

Quatre semaines après l'explosion sur le pont, une voie est toujours utilisable mais le trafic reste limité. Les services de renseignements britanniques estiment à ce moment-là que « le trafic routier devrait rester perturbé jusqu’en mars 2023 » tandis que la réparation du pont pourrait durer jusque septembre 2023[381].

Négociations de paix

Le , Zelensky accepte de participer à des pourparlers à la frontière entre l'Ukraine et la Biélorussie, à la suite d'une conversation téléphonique avec le président biélorusse Alexandre Loukachenko, et ce, malgré un sentiment de scepticisme du côté ukrainien[382]. Le président ukrainien exige que les négociations se déroulent en territoire neutre, d'où son refus de participer aux discussions proposées auparavant à Homiel ou à Minsk[383].

Au quatrième jour de l'offensive, lors d'un entretien avec ses chefs militaires retransmis à la télévision russe, Poutine ordonne, en réponse aux différentes sanctions des pays occidentaux, « au ministre de la Défense et au chef d'état-major de mettre les forces de dissuasion de l'armée russe, qui comprennent un volet nucléaire, en régime spécial d'alerte au combat »[384]. Les forces de dissuasion russes sont un ensemble d'unités dont le but est de décourager une attaque contre la Russie, « y compris en cas de guerre impliquant l'utilisation d'armes nucléaires »[385].

La Biélorussie modifie sa constitution pour pouvoir stocker l'arsenal nucléaire russe à partir du 27 février 2022[386].

Le , une deuxième séance de pourparlers a eu lieu à Belovejskaïa Pouchtcha, municipalité biélorusse à proximité de la Pologne ; le principal résultat de cette séance étant un commun accord pour l'établissement de couloirs humanitaires, en raison des besoins criants d'obtenir des médicaments et de la nourriture, ainsi que d'évacuer les civils. Cet accord prévoirait également la possibilité d'un cessez-le-feu temporaire pour permettre les évacuations. Zelensky interpelle son homologue russe, souhaitant vouloir négocier directement avec lui. Dans un communiqué de presse, Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, exprime sa certitude qu'une entente sera conclue entre les belligérants, mais évoque la possibilité d'un conflit nucléaire[387],[388].

Le , Israël se propose en tant que médiateur, en invoquant de solides relations avec les deux nations en conflit. Le premier ministre israélien Naftali Bennett, accompagné de Ze'ev Elkin, son ministre du Logement russophone d'origine ukrainienne, se rend à Moscou, devenant ainsi le premier dirigeant étranger à se rendre en Russie depuis le début des hostilités. Avant de s'y rendre, Bennett fait part de ses intentions à l'Allemagne, les États-Unis et la France. Il y rencontre Poutine, téléphone ensuite à Zelensky, puis se rend à Berlin pour rencontrer Olaf Scholz. Peu de détails sont connus de la teneur de ces conversations, autre que la discussion avec Scholz ait « porté sur les résultats de l'entretien que le premier ministre a eu avec le président russe Poutine » et que les chefs allemand, français et israélien continueront d'échanger à ce sujet. Du côté russe, on affirme que les dirigeants se sont entretenus au sujet de la situation ukrainienne de l'« opération militaire spéciale » dans le Donbass et les discussions de Vienne concernant le Programme nucléaire de l'Iran. Cet événement est notable, car le premier ministre israélien observe le jour du shabbat et n'entreprend aucune activité officielle pendant ce jour. Ce dernier fait référence à la « situation des Israéliens et des communautés juives à la suite du conflit » comme justification à ces visites[389],[390].

Les relations entre Israël et la Russie se tendent début mai lorsque Lavrov déclare à propos du président Zelensky, qu'être à la fois juif et nazi n'est pas incompatible, en déclarant que « Hitler avait aussi du sang juif »[391]. L'État hébreu s'alarme alors de propos « scandaleux, impardonnables et une horrible erreur historique », tandis que le gouvernement ukrainien dénonce des « théories du complot » révélatrices d'un « antisémitisme profondément enraciné au sein des élites russes »[391]. Moscou répond alors en accusant Israël de soutenir le « régime néonazi de Kiev » en affirmant dans un communiqué que « l'histoire connaît malheureusement des exemples tragiques de coopération entre Juifs et nazis »[392].

Lors des pourparlers « substantiels » à Istanbul le , la Russie promet de « réduire radicalement » son offensive vers Kiev, à la suite de la proposition de l'Ukraine de s'engager à une neutralité sous réserve que sa sécurité soit garantie par des puissances étrangères[393]. Ce statut empêcherait l'Ukraine de rejoindre l'OTAN[394], objectif demandé par la Russie avant l'invasion. Les autorités ukrainiennes ont également demandé que les différends sur la Crimée et les territoires séparatistes fassent l'objet de négociations séparées[393].

Après la signature à Moscou des « accords d'accession des nouveaux territoires [anciennement ukrainiens] à la fédération de Russie », le 30 septembre 2022, le président Zelensky précise qu'il ne négociera pas avec la Russie tant que Vladimir Poutine est au pouvoir[395].

Impact sur les populations civiles

Pompier polonais avec un enfant ukrainien dans ses bras.
Un volontaire polonais aide un réfugié à la gare de Przemyśl.

Le , Zelensky appelle l'ensemble des citoyens à se battre et à fournir des armes aux civils afin de s'opposer aux offensives russes[396]. Par la suite, les hommes de 18 à 60 ans sont mobilisés et interdits de quitter le territoire ukrainien.

Le , Zelensky affirme que l'armée russe vise également des zones civiles, et pas seulement des points militaires stratégiques, ce que démentent les autorités russes[397].

L'Ukraine et la Russie ont convenu à plusieurs reprises de couloirs humanitaires sur les villes assiégées, mais plusieurs annulations, reports et incidents ont été à déplorer[398].

Le , le président ukrainien s'adresse en visio-conférence au Congrès américain réuni au Capitole. Tout en demandant de l'aide et en réitérant sa volonté que le ciel de son pays soit fermé aux avions russes, il diffuse une vidéo où l'on voit les bombardements de l'armée russe sur des immeubles d'habitations, des hôpitaux et des écoles, et des tirs d'artillerie sur des civils sans défense[399]. Pour Julien Pomarède, chercheur en sciences politiques de l'Université libre de Bruxelles et d'Oxford : « La Russie en Syrie a bombardé des quartiers résidentiels, des hôpitaux, des convois humanitaires. Et c’est exactement ce qu’on voit en Ukraine aujourd’hui. Les Russes visent de manière intentionnelle des sites civils, ils ont bombardé des couloirs humanitaires à Marioupol, ils bombardent des hôpitaux et des maternités »[400]. Il ajoute : « La population est considérée comme un levier stratégique, c’est-à-dire que faire peur aux populations, les attaquer, c’est un moyen de pression sur le politique, c’est une manière de dire si vous ne pliez pas, si vous ne capitulez pas, on augmentera la souffrance des civils. C’est vraiment une logique de destruction pure et totale »[400].

Pertes civiles

Au moins 18 civils ukrainiens sont morts lors du premier jour de l'invasion : 13 en Ukraine du Sud[401], 3 à Marioupol et 2 à Kharkiv[402],[403].

L'ONU rapporte au moins 25 morts et 102 blessés parmi les civils pour la première journée de combat, en précisant que le bilan réel est probablement bien supérieur[404].

Des attaques délibérées contre des infrastructures civiles sont avérées, comme l'attaque de l'aéroport de Jytomyr le [405]. Le , l'Organisation mondiale de la santé (OMS) confirme de nombreuses attaques sur des centres de santé et sur des soignants, précisant que ces attaques constituent « des violations de la loi humanitaire internationale ». Ces attaques sont documentées par six rapports officiels, et font état d'au moins six morts et onze blessés[406].

Poutine prétexte pour sa part que les soldats ukrainiens utiliseraient des civils comme boucliers humains, ils les enfermeraient dans des immeubles résidentiels où ils placeraient des armes et du matériel militaire[407].

Au , l'ONU fait état d'au moins 700 civils tués[408].

Le même jour, le parquet général ukrainien annonce que 108 enfants ont été tués en Ukraine depuis le début de l'invasion de ce pays par la Russie, dont 52 dans la région de Kiev. Dans la même journée, le réseau électrique ukrainien est raccordé à celui de l'Union européenne[408].

Au , la CIA dénombre 15 600 victimes civiles[409].

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, du 24 février 2022 au 26 décembre 2022, la guerre en Ukraine a fait au moins 17 831 victimes civiles dont 6 884 personnes tuées et 10 947 blessées[410].

Déplacements de population

Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), près de 100 000 civils ukrainiens ont abandonné leur foyer au premier jour de l'invasion[411]. Les pays de l'Union européenne ainsi que la Moldavie se préparent à l'accueil des réfugiés[412]. Le , la Roumanie annonce avoir accueilli 10 000 réfugiés, la Moldavie près de 16 000[413]. Selon la Pologne, au , 115 000 réfugiés ont déjà passé la frontière polonaise[414].

Le , le HCR annonce que près de 370 000 Ukrainiens ont fui vers les pays voisins[415]. Le même jour, un commissaire européen estime que plus de 7 millions de personnes ont été déplacées à cause de la guerre[416].

Le , le HCR dénombre plus de 500 000 réfugiés ukrainiens dont 281 000 en Pologne[417]. Le 1er mars, on dénombre plus d'un million de civils déplacés, dont 677 000 vers les pays limitrophes[418].

Lviv constitue la principale ville refuge où se sont repliés les civils et la plupart des ambassades[419]. Sa relative proximité avec la Pologne en fait également un point de passage pour les civils souhaitant émigrer à l'étranger pour fuir la guerre[419].

Plusieurs témoignages font état de différences de traitement et de racisme antinoir à l'encontre des ressortissants de pays d'Afrique résidant en Ukraine et qui tentent de fuir le pays[420],[421],[422],[423] vers d'autres pays comme la Pologne et la Hongrie[422], avec des plaintes d'injures racistes, de files d'attente différentes pour les Africains d'un côté et pour les Européens et Ukrainiens de l'autre, ou encore le refus d'embarquer les enfants, femmes et hommes africains dans les bus et trains quitte à les frapper pour laisser passer des Ukrainiens et les laisser attendre dehors toute la nuit sans prise en charge, et la mise en joue par le personnel frontalier[422],[424],[425],[426],[427].

Le , à la suite de la deuxième session de pourparlers russo-ukrainiens, les deux pays se sont accordés pour la création de couloirs humanitaires pour permettre d'évacuer les civils[428],[429]. Le 5 mars, l'évacuation des civils de Marioupol a dû être reportée à cause de multiples violations du cessez-le-feu[430]. Le 7 mars, la Russie met en place d'autres couloirs humanitaires, que l'Ukraine refuse aussitôt car forçant les réfugiés à transiter par la Biélorussie et la Russie, ce que Macron dénonce comme un « cynisme moral et politique »[431],[432]. En réponse, le négociateur russe durant les pourparlers entre les deux nations accuse « les nationalistes [ukrainiens] […] d'y retenir les civils […] comme bouclier humains »[433].

Au , l'ONU estime que le nombre de réfugiés ukrainiens dépasserait 1,5 million en moins de douze jours, ce qui en fait « la crise de réfugiés la plus rapide en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale », d'après le haut-commissaire aux réfugiés Filippo Grandi[434].

L'Union européenne, ainsi qu'Amnesty international et Interpol, s'inquiètent le des risques de trafic humain, et en particulier des enfants ukrainiens émigrants, ces derniers représentant la moitié des 3,3 millions de réfugiés ukrainiens, le reste étant principalement composé de femmes. Les situations particulièrement à risques se situent aux zones aux frontières, où des abus opportunistes ou organisés se placent. De nombreuses organisations criminelles de traite humaine sévissent dans les pays d'Europe de l'Est. Leurs membres se font passer pour des bénévoles ou secouristes, et pourraient profiter des personnes vulnérables en proposant des abris ou du travail[435]. De nombreux cas « alarmants » ont déjà été signalés, et de tels abus ont couramment été observés lors de précédentes migrations massives[435].

Le 20 mars, un total de dix millions d'ukrainiens avaient fui leurs domiciles, devenant la crise migratoire la plus rapide de l'histoire contemporaine[436]. La plupart des hommes ukrainiens âgés de 18 à 60 ans ne peuvent quitter l’Ukraine en raison d'une conscription obligatoire[437], sauf s'ils sont responsables financièrement de trois enfants ou plus, pères célibataires ou parents d'enfants handicapés[438]. Beaucoup d'hommes ukrainiens, y compris des adolescents, décident de rester en Ukraine pour joindre la résistance[439]. À la date du 5 mars 2022, 66 200 hommes ukrainiens sont revenus de l'étranger pour combattre en Ukraine[440].

Le 6 avril, la BBC se basant sur les données du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, rapporte que le nombre total de réfugiés dépasse 4,2 millions, la majorité d'entre eux passant la frontière polonaise[441]. Selon les données, la Pologne accueille 2 490 447 réfugiés, la Roumanie 654 825, la Moldavie 399 039, la Hongrie 398 932, la Slovaquie 202 417 et la Biélorussie 17 317[441] Le 8 avril, la Russie déclare avoir reçu plus de 550 000 réfugiés, beaucoup d'entre eux n'ayant pas eu le choix, devant quitter des villes assiégées comme Marioupol « ou mourir »[442]. Le 17 mars, plus de 270 000 réfugiés sont arrivés en Tchéquie[443] et 58 000 en Turquie le 22 mars[444],[445]. L'Union Européenne invoque pour la première fois de son histoire la Directive de protection temporaire, donnant aux réfugiés ukrainiens le droit de vivre et travailler en Europe pendant trois ans[446].

Des milliers de réfugiés arrivant en Russie semblent avoir été déplacés de force via des « centres de filtration » en territoire ukrainien occupé (voir Camps de filtration russes), rappelant les déportations des peuples en URSS et l'utilisation de tels centres par les russes lors de la seconde guerre de Tchétchénie afin de supprimer les preuves de crimes de guerre[447],[442]. Dans les centres de filtrations, les Ukrainiens sont interrogés, fouillés, torturés. À la date du 8 avril, la Russie a évacué environ 121 000 habitants de Marioupol vers la Russie, certains d'entre eux ayant prétendument été envoyés pour y travailler[442]. Mi avril, le nombre de civils ukrainiens déplacés vers la Russie est estimé à 1,7 million, dont 276 000 enfants. En septembre, les autorités russes, donnent le nombre de 3,4 millions de personnes, dont plus de 550 000 enfants, passés par ces centres de filtration et déplacés vers la Russie[448].

Une autre crise migratoire a été créée à la suite de l'invasion de l'Ukraine et la répression du gouvernement russe, avec la fuite de plus de 20 000 réfugiés politiques russes, le plus grand exode de Russie depuis les Russes blancs à la suite de la révolution d'Octobre de 1917. La plupart d'entre eux sont jeunes et travaillant dans l'industrie technologique ce qui représente une fuite des cerveaux[449]. Ces réfugiés sont partis vers les pays baltes, la Georgie et la Turquie, certain d'entre eux ayant dû faire face à des discriminations à cause de leur nationalité[450],[451].

Santé publique

Médecins sans frontières alerte dès le 27 février sur les dégradations sanitaires en Ukraine à cause de la guerre[108],[452]. Cette dégradation sanitaire, ainsi que la plus grande promiscuité dans les abris où se réfugient les populations, est un terrain idéal pour la propagation d'infections et l'émergence d'un nouveau variant de la COVID-19. La propagation à travers d'autres pays est facilitée par les émigrés fuyant l'Ukraine, de façon analogue aux précédentes guerres pour d'autres maladies[108].

Un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) du 5 mars 2022 détaille les mêmes et d'autres craintes concernant la situation sanitaire en Ukraine sur quatre thématiques :

L'immunologiste Anthony Fauci s'inquiète en particulier de la propagation de souches résistantes de la tuberculose en Europe de l'Est, l'Ukraine étant l'un des pays avec les plus haut taux de prévalence au monde[454].

Concernant la santé mentale, un bilan de l'OMS de 2019 des études à ce sujet montre que les pays qui subissent un conflit au cours des dix années précédentes voient une significative augmentation des troubles mentaux, avec 22 % souffrant de dépression, de troubles anxieux, de syndrome de stress post-traumatique, de troubles bipolaires ou schizophréniques, avec une intensité modérée à grave chez près d'une personne sur dix (9 %)[455]. Outre l'impact sur la santé mentale des Ukrainiens, il y a également un impact moindre de ce conflit considéré comme proche sur la santé mentale des pays européens, y compris occidentaux[455].

Économie

Selon les prévisions d'avril 2022 de la Banque mondiale, l'Ukraine devrait subir une récession de 45,1 % de son PIB en 2022. La Russie devrait quant à elle voir son PIB baisser de 11,2 %[456].

Selon Sergueï Sobianine, qui est le maire de Moscou, au 18 avril 2022, 200 000 emplois seraient menacés dans la capitale russe du fait des sanctions économiques à destination de la Russie[457].

Coupures d'électricité

Le 25 novembre 2022, à la suite de frappes massives sur l'Ukraine, 6 millions de foyers ukrainiens sont affectés par des coupures de courant selon Volodymyr Zelensky. 12 millions de foyers étaient concernés par ces coupures d'électricité le 23 novembre.

La Nasa a pour sa part publié des images satellite montrant un pays en grande partie plongé dans le noir. Ces images sont relayées par des comptes pro-russes sur les réseaux sociaux[458].

Incidents sur les sites nucléaires et impacts sur la sûreté nucléaire

Plusieurs incidents sur des sites nucléaires ukrainiens ont eu lieu durant les combats, ravivant à l'échelle mondiale les inquiétudes sur la sûreté nucléaire[459].

Installations de stockage de déchets radioactifs

Le , l'Ukraine annonce que des missiles russes ont endommagé une installation de stockage définitif de déchets radioactifs dans Kiev, sans qu'il y ait de rejet de matières radioactives. La veille, un transformateur électrique d'une installation similaire près de Kharkiv a été endommagé[460].

Centrale nucléaire de Zaporijjia

Photographie satellite de la centrale nucléaire de Zaporijjia (février 2020) - 1 à 6 : Unités de réacteur - 7 : Pylônes électriques - 8 : Bâtiment de formation bombardé - 9 : Stockage des déchets radioactifs - 10 : Bassin de refroidissement - 11 : Tours de refroidissement - 12 : Réservoir de Kakhovka.

Le vers h, des véhicules militaires russes sont positionnés autour de la centrale nucléaire de Zaporijjia, plus grande centrale nucléaire européenne en service[461].

Les soldats russes procèdent à des tirs, lancent des fusées éclairantes sur le site[459],[461],[462], provoquant l’incendie du centre de formation et d’un laboratoire selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA)[463],[464]. Tout comme dans le cas du dépôt pétrolier de Vassylkiv, les pompiers sont dans un premier temps incapables de combattre le brasier en raison de tirs russes[465]. Ultérieurement, il est confirmé que la centrale est sécurisée, qu'aucun matériel critique n'a été endommagé et que les niveaux de radioactivité ne révèlent aucune anomalie[464],[466].

Le directeur de l'entreprise exploitant la centrale indique que le site a été bombardé par les soldats russes jusqu'à ce qu'il soit sous leur contrôle, l’entrée sécurisée a été détruite et le personnel, environ 800 personnes, travaille depuis lors sous la menace des soldats armés russes[467]. Les forces russes occupent désormais le périmètre de la centrale[468].

L'AIEA appelle à un arrêt immédiat de toute violence dans les environs et Dmytro Kouleba, chef de la diplomatie ukrainienne, fait de même, évoquant une possible catastrophe nucléaire d'une ampleur inédite[469].

À son tour, le secrétaire du Conseil de la sécurité nationale et de la défense d'Ukraine, Oleksiy Danilov, déclare que le bombardement de la centrale électrique a été effectué exclusivement par la Russie[470].

Depuis que la centrale est occupée par l’armée russe, le personnel est autorisé à se relayer, mais il ne reçoit plus de livraisons de médicaments ni de pièces de rechange[460]. Chaque décision technique du personnel ukrainien est soumise à l'approbation des forces russes, ce qui selon le directeur de l’AIEA « n'est pas une manière sûre de gérer une centrale nucléaire » et viole l'un des sept « piliers » de la sûreté et sécurité nucléaire[471]. D'autre part, les communications internes et externes sont coupées[471].

Installation de recherche nucléaire

Le , après une alerte des autorités ukrainiennes, l'AIEA publie un rapport sur l'endommagement d'une installation de recherche nucléaire sur les radio-isotopes par les bombardements russes lors de la bataille de Kharkiv. Puisque les matières nucléaires stockées sur le site sont toujours sous-critiques (voir Criticité (nucléaire)) et que le stock est faible, aucune conséquence radiologique n'a été trouvée par l'évaluation de l'AIEA.

Centrale nucléaire de Tchernobyl

Salle de contrôle de l'unité 3 de la centrale nucléaire de Tchernobyl (2010).

Le , au début de la guerre, l'armée russe investit la centrale nucléaire de Tchernobyl[472].

Au , l'AIEA fait part de ses « vives préoccupations » quant au fait que le personnel, 210 techniciens et gardes, n'a toujours pas pu être relayé depuis le 24 février à la veille de l'entrée des troupes russes, le même personnel vivant et dormant sur site depuis 13 jours[460],[473]. Le manque de repos du personnel accroît drastiquement les risques d'un accident[460]. En effet, de nombreuses études ont démontré que le manque de sommeil était un facteur commun à de précédentes catastrophes industrielles ou nucléaires majeures comme Tchernobyl ou la navette spatiale Challenger[474], et reste à ce jour la première cause de tous types d'accidents de transport[474] ainsi qu'un facteur majeur d'accidents en aviation militaire causant des millions de dollars de pertes matérielles[475]. De ce fait, l'un des sept piliers indispensables de la sûreté et de la sécurité nucléaire inclut la capacité des équipes à prendre des décisions sans pression indue[473]. Bien que le personnel ait accès à l'eau, la nourriture et dans une moindre mesure aux médicaments, sa situation s'est dégradée à cause du manque de roulement pour leur repos[473].

Le 7 mars, le directeur de l'AIEA réagit de la façon suivante :

« Nous voyons ce qu'il se passe sur le terrain en Ukraine. Cette fois, s'il se produit un accident nucléaire, ce ne sera pas à cause d'un tsunami provoqué par Mère Nature, mais ce sera le résultat de l'incapacité des hommes à agir alors que nous savions que nous pouvions agir et que nous devions agir. Les opérations militaires sur le site des installations électronucléaires ukrainiennes font peser un risque d'accident nucléaire sans précédent, mettant en danger la vie des personnes qui vivent en Ukraine et dans les pays voisins, y compris la Russie. »

— Rafael Mariano Grossi, directeur général de l'AIEA, lors de la session ordinaire du Conseil des gouverneurs de l'AIEA à Vienne le 7 mars 2022[471].

D'autre part, la transmission à distance des données des systèmes de contrôles a été coupée au 8 mars[473],[476].

Face à cette situation critique et urgente, l'Ukraine demande le à l'AIEA de « prendre la tête de l'appui international nécessaire pour préparer un remplacement du personnel actuel et doter l'installation d'un système de roulement efficace »[473]. Le , une coupure d'électricité affecte la centrale — électricité qui est essentielle pour maintenir le refroidissement des déchets radioactif submergés dans l'eau[477].

Bien que l'incendie de la centrale de Zaporijjia ait causé l'émoi dans le monde et ravivé les peurs face au risque d'accidents nucléaires, la chercheuse australienne Maria Rost Rublee « doute sérieusement que les Russes visent les centrales nucléaires » dans le cadre de leur guerre contre l'Ukraine, mais note que « les accidents de guerre arrivent tout le temps » et que l'endommagement d'une telle centrale nucléaire pourrait produire de sévères dommages environnementaux, « pires qu'à Tchernobyl »[463].

Le , l'AIEA annonce que l'électricité a été rétablie à la centrale nucléaire de Tchernobyl, sans dommage sur les niveaux radiologiques[478]. Néanmoins, elle annonce au soir que l'équipe épuisée ne procédera plus aux réparations futures[479].

Centrale nucléaire d'Ukraine du Sud

Le 19 septembre, la compagnie publique ukrainienne Energoatom accuse, sur Telegram, la Russie d'avoir bombardé le site de la centrale nucléaire de Pivdennooukraïnsk vers 00h20 (soit 23h20 heure française). L'agence ukrainienne a précisé que « une puissante explosion s’est produite à seulement 300 mètres des réacteurs » ajoutant que cela ne gêne pas leur fonctionnement. Malgré tout, « la frappe a soufflé une centaine de fenêtres dans le bâtiment de la centrale et provoqué un bref débranchement de trois lignes de haute tension à la centrale, selon la même source. »[480],[481],[482],[483]

Réaction de l’AIEA

L'AIEA met l'accent sur les risques qui pèsent sur les installations nucléaires pendant le conflit armé, appelant toutes les parties à coopérer pour autoriser l'AIEA à coordonner la sûreté nucléaire des sites ukrainiens. Son directeur a déclaré qu'il était urgent de « prendre des mesures pour aider à éviter un accident nucléaire en Ukraine, lequel aurait de graves conséquences pour la santé publique et l'environnement […] nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre ». Celui-ci se déclare prêt à se rendre à Tchernobyl ou ailleurs pour obtenir un engagement des parties au conflit et s'assurer de la sécurité des sites. En outre, l'AIEA s'inquiète que toutes les lignes de communications soient rompues avec les entreprises et institutions qui utilisent des sources de rayonnements de catégorie 1 à 3 à Marioupol, depuis le début de son siège par les troupes russes quelques jours auparavant, ce qui l'empêche de s'assurer de la sécurité des installations et de ses personnels. D'après l'AIEA, à ce jour, huit des quinze réacteurs ukrainiens étaient en exploitation, dont deux à Zaporijjia[460], et que les niveaux de radiation étaient normaux sur tous les sites[473].

Pour le directeur de l'AIEA, la désorganisation de la gestion des centrales nucléaires par les forces russes, notamment par la mise sous tutelle des décisions techniques du personnel, ainsi que la coupure des communications internes et externes et notamment des systèmes de contrôle, est « vivement préoccupant » et fait « peser un risque d'accident nucléaire sans précédent » qui n'est « pas tenable à long terme »[471],[473].

Armes nucléaires

Au-delà des incidents sur sites nucléaires, ce conflit peut devenir un « point de rupture rapide » entraînant le monde dans un conflit nucléaire selon un rapport du de l'Horloge de la fin du monde[484],[485]. Le , Poutine fait une allusion à la possibilité d'utiliser des armes nucléaires russes en cas d'escalade du conflit par la participation d'autres pays et en particulier de l'OTAN[486]. L'Ukraine, qui avait décidé en 1994 de se débarrasser de son arsenal nucléaire hérité de l'Union soviétique, a vu un regain de soutien populaire de presque 50 % d'opinions favorables pour le réarmement à la suite de l'annexion de la Crimée en 2014[487]. Bien que cette guerre, qui est la plus large invasion militaire conventionnelle depuis la Seconde Guerre mondiale, apparaisse limitée à l'Ukraine, une réelle possibilité d'escalade vers un conflit globalisé et donc nucléaire existe, d'après des experts et Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN[488],[489].

Ce risque s'inscrit dans un contexte d'accroissement de l'armement et des tensions nucléaires lors de la précédente décennie, avec un arsenal nucléaire mondial pouvant probablement détruire toute vie sur la surface de la Terre s'il venait à être utilisé, avec une estimation a minima « 416 fois plus importante que celle de tous les explosifs utilisés de 1939 à 1945 » lors de la Seconde Guerre mondiale, le conflit le plus meurtrier de l'histoire, et ce, sans compter les conséquences climatiques[490]. Néanmoins, une étude recensant les protocoles de décision d'usage des armes nucléaires des différents pays les possédant rappelle qu'il y a en général la « règle des deux hommes » en sus d'une chaîne de commandement, stratification qui augmente à chaque étape la possibilité que des personnes résistent à un ordre illégitime dans le cas d'une frappe soudaine, et qui a déjà permis d'éviter des frappes nucléaires lors de la crise des missiles de Cuba de 1962[490]. Pour des spécialistes, cela relance le débat sur le postulat de la dissuasion nucléaire, qui semble avoir fonctionné par exemple en Asie du Sud mais au prix de davantage de crises de basse intensité, et avec une nouvelle doctrine de « contre-dissuasion » politique plutôt que stratégique, visant à s'équiper d'armement nucléaire pour empêcher les menaces d'autres pays armés, plutôt qu'à stabiliser les relations comme postulé dans la doctrine de dissuasion.

Crimes de droit international

Crime d'agression

Le crime d'agression qualifie les crimes commis par des personnes ou des États visant à déstabiliser d'autres États souverains par un conflit armé[Note 9],[491].

L'invasion de l'Ukraine constitue un crime d'agression car violant la Charte des Nations unies selon le droit international pénal ; le crime d'agression peut être poursuivi en vertu de la compétence universelle[492],[493],[494]. L'invasion viole également le Statut de Rome, qui interdit « l'invasion ou l'attaque par les forces armées d'un État du territoire d'un autre État, ou toute occupation militaire, même temporaire, résultant d'une telle invasion ou attaque, ou toute annexion par l'utilisation de force du territoire d'un autre État ou d'une partie de celui-ci ». Cependant, l'Ukraine n'a pas ratifié le Statut de Rome et la Russie en a retiré sa signature en 2016[495].

Fin , plus de 11 000 crimes de guerre commis par des soldats russes ont été répertoriés par le bureau du procureur général d'Ukraine[496].

Crimes contre l'humanité : armes non discriminantes, crimes de guerre et crimes contre l'humanité

Définitions et contexte des crimes contre l'humanité

Les Conventions de Genève forment la pierre angulaire du droit international humanitaire, qui régissent la conduite lors de conflits armés et visent à limiter au maximum les conséquences sur les États et leurs populations, notamment via les quatre conventions formant le corpus principal et assurant la protection des soldats blessés ou malades, des prisonniers de guerre, et des populations civiles, notamment en territoire occupé[497]. De nombreuses règles de droit coutumier et des protocoles additionnels viennent compléter ces conventions, notamment le protocole I relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux[497]. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme définit les crimes de guerre comme « des violations graves du droit international humanitaire commises à l'encontre de civils ou de combattants ennemis à l'occasion d'un conflit armé international ou interne », ces violations entraînant la responsabilité pénale de leurs auteurs[497]. L'article 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale définit aussi ces crimes, qui font partie, avec les crimes contre l'humanité et le crime de génocide, des crimes internationaux sur lesquels la Cour a compétence s'ils sont commis sur le territoire d'un État partie ou par l'un de ses ressortissants[497]. De plus, le Conseil de Sécurité de l'ONU peut donner compétence à la Cour pour des crimes qui ne l'étaient pas[497]. À l'échelle nationale, chaque État peut également décider de poursuivre les auteurs présumés devant son propre tribunal[497]. Bien que le droit international soit souvent critiqué pour le manque de contraintes juridiques dans ses décisions, ce pan humanitaire l'est moins grâce à ses nombreux méc