Innu-aimun — Wikipédia

Innu-aimun
Pays Canada
Région Québec, Labrador
Nombre de locuteurs env. 10 000 (2022)
Typologie ordre libre, polysynthétique
Classification par famille
Codes de langue
IETF moe
ISO 639-2 alg[1]
ISO 639-3 moe
Étendue langue individuelle
Type langue vivante
Linguasphere 62-ADA-bb
Glottolog mont1268
Échantillon
Joséphine Bacon, extrait de Tshissinuatshitakana (« Bâtons à message »)

« Apu nanitam ntshissentitaman anite uetuteian muku peuamuiani nuitamakun e innuian kie eka nita tshe nakatikuian. »


« Je ne me souviens pas toujours d'où je viens dans mon sommeil. Mes rêves me rappellent qui je suis. Jamais mes origines ne me quitteront. »

L’innu-aimun, également appelé innu ou montagnais, est une langue parlée par les Innus, un peuple autochtone de l'Est du Canada. Il s'agit d'une langue polysynthétique[2].

Les Innus habitent dans les régions de la Côte-Nord, le Nord-du-Québec et le Saguenay–Lac-Saint-Jean, au Québec, et au Labrador.

L'innu-aimun, le Naskapi, le cri et l'atikamekw forment un continuum linguistique, qui s'étend du golfe du Saint-Laurent, sur le Nord du Québec, jusqu'aux montagnes Rocheuses.

L’innu-aimun est maintenant enseignée dans les institutions telles que le centre de langues à l’Université de Montréal et à l’Institution de Kiuna dans le profil des arts, lettres et communication[3],[4].

Selon Statistique Canada, en 2021, l'innu-aimun est la langue maternelle de 9 490 personnes[5] au Canada. Malgré son nombre de locuteurs relativement élevé comparé à d'autres langues autochtones du Canada, l'innu-aimun est considéré comme étant menacé d'extinction[6].

« Attachez vos enfants » signe en innu-aimun à Nutashkuan au Québec.

Uniformisation[modifier | modifier le code]

À la fin des années 1980 et au début des années 1990, un processus d'uniformisation de la langue a été entrepris par différentes organisations.

Cette uniformisation concerne seulement l'écriture et l'orthographe. Elle ne dicte pas la façon dont les mots doivent être prononcés selon les différents dialectes et ne privilégie pas un mot provenant d'un dialecte ou d'un autre.

C'est ainsi qu'un dictionnaire innu-français a été publié en 1991 par Lynn Drapeau[2].

Grammaire[modifier | modifier le code]

La linguiste Danielle Cyr[7] définit l'innu comme une langue polysynthétique : « On signifie par là que cette langue offre la possibilité de construire des mots si complexes qu'ils incorporent une quantité de sens souvent équivalente à celle qui est contenue dans toute une phrase d'une autre langue, le français par exemple. Ainsi, le mot auass (prononcer « wass »), qui veut dire enfant, prendra différentes significations si on y ajoute des affixes (préfixes, médianes et/ou suffixes) :

  • auass : enfant
  • auassat : (les ou des) enfants
  • nitauassim : mon enfant
  • nitauassimat : mes enfants
  • nitauassimissat : mes jeunes (petits) enfants »

L'ordre des mots est relativement libre en innu. Les trois classes de base des mots sont les noms, les verbes et les particules. Les noms présentent deux genres, animé et inanimé, et peuvent porter des affixes indiquant le pluriel, la possession, l'obviation et la localisation. Les verbes sont divisés en quatre classes basées sur leur transitivité : intransitif animé, intransitif inanimé, transitif inanimé et transitif animé. Les verbes peuvent porter des affixes indiquant l'accord (aussi bien avec le sujet ou avec le complément d'objet), le temps, le mode et l'inversion. Deux ensembles différents d'affixes verbaux peuvent être utilisés selon le contexte syntaxique du verbe.

Alphabet[modifier | modifier le code]

L'alphabet innu comprend 11 consonnes : h, k, kᵘ, m, mᵘ, n, p, sh, ss, t et tsh. Il comprend sept voyelles : a, ā, e, i, ī, u et ū[8].

Consonnes
Lettre h k kᵘ m n p sh ss t tsh
Prononciation /h/ /k/ /kʷ/ /m/ /n/ /p/ /ʃ/ /s/ /t/ /tʃ/
Voyelles longues
Lettre â e î û
Prononciation /a/ /e~ɛ/ /i/ /o/
Voyelles courtes
Lettre a i u
Prononciation /ʌ~ə/ /ɪ~ə/ /o~ʊ~u/

Dialectes[modifier | modifier le code]

L'innu est une langue parlée dans neuf communautés, dans différents dialectes.

Mashteuiatsh et Pessamit sont deux communautés prononçant le « n » en « l » ; Uin (lui) se dit « uil » dans ces deux réserves innues. Ensuite, il y a Essipit, communauté presque totalement francophone.

Uashat mak et Mani-utenam sont situées à Sept-Îles. Dans ces deux villages séparés par 16 km, on peut déjà trouver quelques différences orales.

Ensuite, il y a Ekuanitshit (Mingan), Nutashkuan, Unamen Shipu (La Romaine) et Pakuashipu (Saint-Augustin), tous parlant avec une forte intonation.

Enfin il y a Matimekush (Schefferville) qui se rapproche du dialecte de Uashat mak Mani-utenam.

Il y a en tout 16 412 Innus, en incluant les deux communautés du Labrador Tshishe-shatshit et Natuashish.

Compte tenu des différences linguistiques entre les Innus de la Côte-Nord et les Pekuakamilnuatsh (Ilnus du Lac-Saint-Jean), la communauté de Mashteuiatsh a adopté en 2004 une langue officielle du nom de « nehlueun ».

Proportion de locuteurs[modifier | modifier le code]

Les recensements effectués par le gouvernement canadien permettent de se faire une idée sur l'évolution du pourcentage d'innus continuant à pratiquer la langue.

Les chiffres montrent une bonne transmission de la langue à l'exception de la communauté d'Essipit, faible en nombre et francisée depuis longtemps et de Mashteuiatsh où la langue est en voie de disparition au profit du français.

Province
canadienne
Région
administrative
Réserve
indienne correspondante
% population autochtone
de langue maternelle autochtone
% population autochtone
qui utilise le plus souvent
la langue autochtone à la maison
en 2006[9] en 2011[10] en 2016[11] en 2006 en 2011 en 2016
Québec Saguenay-Lac Saint Jean Mashteuiatsh (Pointe-Bleue) 19 15,9 13,3 7,7 5,4 14,2
Côte-Nord Essipit (Les Escoumins) - - - - - -
Pessamit (Betsiamites) 97,2 96,2 97,1 94,9 94,4 97,6
Uashat et Maliotenam 88,7
88,6
85,3
90
75,2

86,8

77,2
76,7
67,3
75,8
80,3

88,5

Ekuantshit (Mingan) 98,8 97,8 95,4 93,9 98.9 99,1
Nutukuan (Natashquan) 98,8 99,4 99,4 94,4 98,3 99,4
Unamen Shipu (La Romaine) 99,5 100 99,5 98,9 99 99,5
Pakuashipi (St-Augustin) 96,5 - 97,7 96,5 - 97,7
Matimekosh et Lac-John 97 98,1 92,2 93,9 97,1 99,1
Nord-du-Québec Kawawachikamach - 96,6 91,6 - 94,9 97,5
Terre-Neuve-et-Labrador Labrador Sheshatshiu - 89,5 82 - 83,2 81,6
Natuashish 91,7 97,2 92,7 91,7 90,4 93,3

L’absence de données pour les réserves d’Essipit et de Pakuashipi s’explique par le fait qu’elles comptaient moins de 250 habitants au moment du recensement. 

Exemples[modifier | modifier le code]

Extrait d'un texte innu-aimun[modifier | modifier le code]

  • Texte
    • Mashten-atushkan nene, katshi unian ekue mitshishuian. Atauitshuapit ekue ituteian. Mina nitaiati tshetshi minaputsheian. Nimishta-aiati.
    • Katshi takushinian nitshinat, ekue minaputsheian. Nimishta-minaputsheti. Katshi tshishi-minaputsheian ekue tshishtapunitishuian. Nuitsheuakan peikᵘ nitaimikuti tshetshi natshi-kutueiat.
  • Traduction française
    • Dimanche dernier, après m'être levé, j'ai mangé. Puis, je suis allé au dépanneur. J'ai acheté des baies pour faire de la confiture. J'en ai acheté beaucoup.
    • Rendu chez moi, j'ai fait la confiture. J'en ai fait beaucoup. Après en avoir fait, je me suis lavé. Une de mes amies m'a appelé pour aller pique-niquer.

Expressions courantes[modifier | modifier le code]

  • Innu-aimi ma! - Parle donc innu-aimun !
  • Kuei! - Bonjour !
  • Tan eshpanin? - Comment ça va ?
  • Niminupanin - Je vais bien
  • Miam a = Ça va bien
  • Tan eshinikashuin? ou Tan eshinikatikauin? - Comment t'appelles-tu ?
  • Auen tshin? = Qui es-tu ?
  • Tanite uetshipanin? - D'où viens-tu ?
  • Tan etatupipuneshin? - Quel âge as-tu ?
  • Tshekuan etutamin? - Que fais-tu ?
  • Apu tshekuan tutaman - Je ne fais rien
  • Eshe - Oui
  • Mauat - Non
  • Tshinashkumitin - Merci (Je te remercie)
  • Iame ou Niaut - Au revoir
  • Tanite etat? - Où est-il ? (objet animé)
  • Tanite tekuak? - Où est-il ? (objet inanimé)
  • Tshekuan ma ? - Pourquoi ?
  • Tanite nana etutamin nitassi? - Qu'as-tu fait de mon pays ?

Conjugaison[modifier | modifier le code]

Voir

Animé Inanimé Traduction
Nuapamau Nuapaten Je le vois
Tshuapamau Tshuapaten Tu le vois
Uapameu Uapatamᵘ Il le voit
Nuapamanan Nuapatenan Nous le voyons (Exclusif)
Tshuapamanan Tshuapatenan Nous le voyons (Inclusif)
Tshuapamanau Tshuapetenau Vous le voyez
Uapameuat Uapatamuat Ils le voient

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. code générique, correspondant aux langues algonquiennes
  2. a et b Yvette Mollen, « Transmettre un héritage : la langue innue », Cap-aux-Diaments, no 85,‎ , p. 21-25 (ISSN 1923-0923).
  3. « Innu - Centre de langues - Université de Montréal », sur centre-de-langues.umontreal.ca (consulté le ).
  4. (en) « DEC Arts, Lettres et Communication | Collège Kiuna », sur kiuna-college.com (consulté le ).
  5. Statistique Canada, « Langues maternelles selon la géographie, Recensement de 2021 », sur statcan.gc.ca, (consulté le ).
  6. (en) « Montagnais », sur Ethnologue (consulté le ).
  7. Yvette Mollen, « Transmettre un héritage : la langue innue », Cap-aux-Diamants : la revue d'histoire du Québec, n° 85,‎ , p. 21-25 (lire en ligne)
  8. « Montagnais (Innu-Aimun) », sur Omniglot (consulté le ).
  9. « Profil de la population autochtone de 2006 », sur statcan.gc.ca (consulté le ).
  10. « Profil de la population autochtone de l'ENM, 2011 », sur statcan.gc.ca (consulté le ).
  11. Statistique Canada Gouvernement du Canada, « Profil de la population autochtone, Recensement de 2016 », sur statcan.gc.ca, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages :

  • (en) Anne-Marie Baraby, The Process of Spelling Standardization of Innu-Aimun (Montagnais), , 17 p. (lire en ligne [PDF]).
  • Kevin Brousseau, Les Médianes en Nehiramewin, dialecte historique du cri-montagnais-naskapi, Université du Québec à Montréal, 82 p. (lire en ligne [PDF]).
  • (en) Sandra Clarke, North-West River (Sheshatshit) Montagnais: A grammatical sketch, Ottawa, National Museums of Canada, coll. « National Museum of Man, Mercury Series, Canadian Ethnology Service Paper » (no 80), , 185 pages (lire en ligne).
  • (en) Sandra Clarke et Marguerite MacKenzie, Labrador Innu-aimun: An introduction to the Sheshatshiu dialect, Terre-Neuve, Department of Linguistics, Memorial University of Newfoundland, .
  • (en) Sandra Clarke et Marguerite MacKenzie (avec Kanani Penashue et Laurel Anne Hasler), Labrador Innu-Aimun: an introduction to the Sheshatshiu dialect, Memorial University of Newfoundland, , 2e éd. (lire en ligne).
  • Lynn Drapeau, Dictionnaire montagnais-français, Québec, Presses de l'Université du Québec, , 940 p..
  • José Mailhot, Pour une orthographe unique de la langue innue, Sept-Îles, Institut culturel et éducatif montagnais (ICEM), .
  • Genevière Maneau et coll., Énoncé de politique sur la langue innue, Secteur du développement de la langue innue, Sept-Îles, ICEM, .
  • Antoine Silvy, Dictionnaire montagnais-français, Montréal, Les Presses de l'Université du Québec, .

Articles :

  • Alan Ford, Lynn Drapeau et M. Noreau-Hébert, « Phonologie et morphologie des flexions (Rapport préliminaire sur la dialectologie des parlers cri-montagnais du Québec : première partie) », Revue québécoise de linguistique, vol. 10,‎ , p. 85-117.
  • (en) Anne-Marie Baraby, Anne Bellefleur-Tetaut, Louise Canapé et Marie-Paul Mark, « Incorporation of Body-Part Medials in the Contemporary Innu (Montagnais) Language », Papers of the 33rd Algonquian Conference, Winnipeg (Manitoba), H.C. Wolfart,‎ , p. 1-12.
  • Danielle Cyr, « La langue montagnaise : grammaire et ethnographie », Les langues autochtones du Québec, Les publications du Québec,‎ , p. 247-286.
  • (en) David Pentland, « Proto-Algonquian Stop Clusters in Cree-Montagnais », International Journal of American Linguistics, vol. 43, no 2,‎ , p. 154-156.
  • (en) David Pentland, « A Historical Overview of Cree Dialects », Papers of the Ninth Algonquian Conference, Ottawa, William Cowan,‎ , p. 104-126.
  • (en) Lynn Drapeau, « Medials in Innu », Papers presented at the 40th Algonquian Conference, Minneapolis (Minnesota),‎ .
  • (en) Lynn Drapeau, « Passives in Innu », International Journal of American Linguistics, University of Chicago Press, vol. 78, no 2,‎ , p. 175-201 (ISSN 1545-7001)
  • (en) Marguerite Ellen Mackenzie et Sandra Clarke, « Dialect Relations in Cree/Montagnais/Naskapi », Montréal Working Papers in Linguistics, Montréal, Lynn Drapeau,‎ , p. 135-191.
  • (en) Sandra Clarke et Marguerite MacKenzie, « Montagnais/Innu-aimun (Algonquian) », Morphology: An international handbook on inflection and word formation, Berlin, New York, Walter de Gruyter, vol. 2,‎ , p. 1411-1421.
  • (en) Stéphane Goyette, « A Grammatical Study of Innu-Aimun Particles », The Canadian Journal of Native Studies, vol. 30, no 1,‎ , p. 186-189 (lire en ligne [PDF]).
  • (en) Truman Michelson, « Linguistic Classification of Cree and Montagnais-Naskapi Dialects », Smithsonian Institution: Bureau of American Ethnology, Anthropological Papers, vol. 123, no 8,‎ , p. 67-95.
  • Yvette Mollen, « Transmettre un héritage : la langue innue », Cap-aux-Diamants, Les Éditions Cap-aux-Dimants inc., no 85,‎ (ISSN 1923-0923, lire en ligne [PDF]).
  • William Cowan, « *xk/ek proto-algonquian dans le montangnais du 17e siècle », Actes du huitième congrès des algonquinistes, Ottawa, William Cowan,‎ .
  • (en) William Cowan, « Montagnais in the 17th century », Anthropological Linguistics, vol. 25,‎ , p. 404-410.
  • (en) William Cowan, « Two Prayers in 17th century Montagnais », Journal of the Atlantic Provinces Linguistic Association, vol. 10,‎ , p. 16-27.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]