Illectronisme — Wikipédia

L’illectronisme ou inhabileté numérique[1] est la difficulté, voire l'incapacité, que rencontre une personne à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques en raison d'un manque ou d'une absence totale de connaissances à propos de leur fonctionnement. Le terme « illectronisme » transpose le concept d’illettrisme dans les domaines de l’informatique et de l'électronique.

Selon une étude de l'Insee en date du , ce phénomène touche 17 % de la population française, soit près de 13 millions de personnes[2].

Définition[modifier | modifier le code]

On peut recenser trois types de difficultés éprouvées au niveau de la lecture et de l’accès aux ressources électroniques :

  • l'accès aux outils numériques (acquisition d'un ordinateur, d'un smartphone) mais aussi à l'accès Internet[3] ;
  • la pratique et la manipulation de ces nouveaux outils[4] ;
  • la vérification des informations véhiculées[5].

Des difficultés complémentaires sont liées à l'illettrisme.

L’illectronisme résulte aussi de craintes ou d'aversions. Pour certains, Internet est une source d'instrumentalisation ou de complotisme. Pour d’autres, des choix de vie les empêchent de connaître les réseaux sociaux et les privent des usages du partage d’informations. Il faut également compter la crainte, en temps de crise, que fait planer sur les emplois les nouveaux usages de l’informatique et de l’Internet. Ces réticences dépassent la simple ignorance ou l'incapacité à accéder aux informations numériques.

Les croyances et cultures expliquent aussi l'acceptation ou pas des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC/TIC). L'illectronisme se différencie de l'e-exclusion car il provient d'un manque de savoir et non pas d'un manque de moyen ou de souhait pour accéder au domaine de l'information et des services numériques[6].

Le terme inverse, « lectronisme », est peu usité, sauf pour traduire information literacy. Il recouvre une notion proche de l'habileté numérique ou de l'inclusion numérique.

Recherches sur l’illectronisme[modifier | modifier le code]

La fracture numérique trouve sa source dans les fractures socio-economiques.

Aux Etats-Unis, les études ont montrées que l’illectronisme menaçait 50 millions d’Américains. Alors que les milieux favorisés compteraient 83 % d’internautes, seulement 35 % des personnes des couches défavorisées ont accès à Internet. L'illectronisme serait donc une nouvelle cause d’inégalité sociale, culturelle ou économique.

L'illectronisme touche également les jeunes. Selon l'Arcep, 29% des 15-29 ans se déclarent peu ou pas compétents en matière d'administration numérique[7], ce qui peut causer des difficultés d'accès à l'emploi, aux services, aux commerces et loisirs. La France est classée treizième en matière d'illectronisme chez les 16-29 ans au sein de l'Union Européenne, selon Eurostat. La Croatie et l'Islande, en tête de ce classement, ont entamé en 2014 une modification de leurs systèmes administratifs numériques pour les rendre plus accessibles et les intégrer à l'enseignement national[8].

En France, le développement des Maisons France Services marque aussi la prise de conscience des acteurs institutionnels pour l'accompagnement des personnes touchées par l'illectronisme. Des expérimentations sont également menées par les organismes culturels pour maintenir des accès sans réservations préalables par internet.

Des acteurs privés du secteur de l"ecommerce mène aussi une réflexion à l'ouverture d'accueil physique pour développer leur clientèle.

Conséquences[modifier | modifier le code]

L'illectronisme est aujourd'hui encore un tabou[9].

La sociologue Anne-Marie Laulan dans un article d'Hermès en 2006 développe les conséquences sociales de l'illectronisme qui selon elle facilite la méfiance et la discrimination[10].

Une réflexion globale doit donc être menée sur ce thème : Quelles réponses apporter aux usagers exclus des services dématérialisés ? Quelles formations proposées et à quels coûts ? Quelles aides à l'equipements proposer ?

Au-delà de politiques sociales, il s'agit aussi de se re-questionner sur l'accès global aux services digitaux.

En effet, l'adoption de systèmes numériques dans un nombre croissant de domaines fait craindre à certains l'exclusion des populations à la maîtrise limitée de ces outils. Par exemple, le déploiement de caisses automatiques dans les supermarchés ou dans les gares pourrait rendre plus difficile le fait de faire ses achats pour les personnes les plus fragiles sur le plan numérique[11].

Pour les services, la politique du tout numérique est questionnée : l'intelligence artificielle est un nouvel outil qui facile l'offre mais peut-elle ouvrir un meilleur accès  ?

Projets mis en place[modifier | modifier le code]

En Belgique et en France, les « Espaces publics numériques » ont été créés pour lutter contre la fracture numérique et développer les usages des TIC auprès de tous pour que chacun y trouve du sens et de l’utilité. Des projets d'action sont aussi mis en place pour aller à la rencontre des publics prioritaires : personnes âgées, illettrées, isolées, vulnérables ou précaires[12].

Des actions pour le développement économique ciblent aussi les professionnels exclus des outils numériques (développement clientèle et publicité, gestion administrative, ... ).

De nouveaux logiciels se développent à travers le monde pour apporter des solutions « Web2.0 ». Ils permettent de réduire l’analphabétisme tout autant que l’illectronisme et concourent à l'accès aux enseignements les plus poussés de l’informatique.

Les politiques publiques visant à équiper tous les enfants et étudiants d'un d’ordinateur robuste, à bas coût, à basse consommation et pouvant communiquer en réseau sans infrastructure (c.-à-d. « Wi-Fi mesh ») participent à luttent contre l'illectronisme.

Le plan France Num est une reponse apportée aux entreprises[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

[2]

  1. « inhabileté numérique », Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le )
  2. « Comment agir contre l’illectronisme », sur Gouvernement.fr (consulté le )
  3. « Une personne sur six n’utilise pas Internet, plus d’un usager sur trois manque de compétences numériques de base - Insee Première - 1780 », sur www.insee.fr (consulté le )
  4. « Illectronisme : ces Français fâchés avec le Net » (article payant), Madeleine Vatel, Le Figaro.fr, 26 juin 2018.
  5. « Les Bibliothèques contre l'"illectronisme" », Élisabeth Noël, enssib.fr (Enssib), 21 mars 2000.
  6. « L'illectronisme ne disparaîtra pas d'un coup de tablette magique ! », sur Sénat, (consulté le )
  7. « Baromètre du Numérique - data.gouv.fr », sur www.data.gouv.fr (consulté le )
  8. « Les jeunes Français, victimes insoupçonnées de la précarité numérique », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. Guillaume Grallet, « L’illectronisme, ce handicap qui ne doit plus être tabou », sur Le Point, (consulté le )
  10. Anne-Marie Laulan, « Machines à communiquer et lien social », Hermès, La Revue 2006/2 (n° 45),‎ , p. 204 (ISBN 9782271064493).[1]
  11. Fabien Benoît, « Caisses automatiques, la nouvelle fabrique de l’exclusion? », sur Libération (consulté le )
  12. @ Brest.
  13. « Accueil - francenum.gouv.fr », sur www.francenum.gouv.fr (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie et liens extérieurs[modifier | modifier le code]

  • [PDF] Régis Bogot, « Le fossé numérique en France », Cahier de Recherche no 177, CREDOC, , 87 p. [lire en ligne]
  • [PDF] Alain Giffard, « De L’illettrisme à l'illectronisme : une même exclusion ? », [lire en ligne]
  • Nicolas Raffin, « Un «livre blanc» veut en finir avec l’illectronisme, la difficulté à faire des démarches en ligne », 20 minutes,‎ (lire en ligne)
  • Julien Brygo, « Peut-on encore vivre sans Internet ? : Les millions d’oubliés du « tout numérique » », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne)
  • Sonia Kronlund, « L’illectronisme : ceux qui ne s’y font pas », émission Les pieds sur terre France Culture (28 minutes),‎ (lire en ligne)
  • Maxime Tellier, « L’illectronisme : La fracture numérique n'épargne pas les jeunes », France Culture,‎ (lire en ligne)
  • Julien Brygo et Thibaut Soulcié, « Sur la touche : Fracture numérique Les débranchés », La Revue dessinée n° 30,‎ hiver 2020-2021 (lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]