Hydroélectricité en France — Wikipédia

Le secteur de l'hydroélectricité en France bénéficie d'un potentiel important grâce à la présence de massifs montagneux : Alpes, Pyrénées, Massif central. Ce potentiel est déjà exploité en très grande partie, avec un parc installé de 25,7 GW en France métropolitaine fin 2022, mais il subsiste un potentiel non négligeable à exploiter en petite hydraulique.

La production hydroélectrique en France représentait 11,9 % de la production électrique totale en 2023.

La France était en 2022 le 4e pays européen pour sa production hydroélectrique avec 8,8 % de la production européenne, derrière la Norvège, la Suède et la Turquie ; au niveau mondial, elle figurait au 14e rang avec 1,1 % du total mondial. En termes de puissance installée, elle était fin 2022 au 3e rang européen avec 9,9 % du total européen, après la Norvège et la Turquie, et au 10e rang mondial avec 1,8 % du total mondial. Ses centrales de pompage-turbinage se classaient au 5e rang européen avec 8,9 % du total européen.

Barrage de Roselend, dans le Beaufortain.
Conduites forcées de la centrale d'Éget, Aragnouet, Hautes-Pyrénées, 2010.

Potentiel hydroélectrique[modifier | modifier le code]

Le potentiel brut hydroélectrique techniquement exploitable de la France est estimé par le Conseil mondial de l'énergie à 100 TWh/an, dont 70 TWh/an sont considérés comme économiquement exploitables. À la fin 2022, la France disposait de 25,9 GW en exploitation[1], qui ont produit 63,5 TWh/an en moyenne sur la période 2008-2020[2], soit 90 % du potentiel économiquement exploitable. La petite hydraulique (< 10 MW) totalise 1,85 GW et produit environ 7 TWh/an.

La Programmation pluriannuelle des investissements pour 2009-2020 fixe l'objectif d'accroître la production de 3 TWh/an et la puissance installée de 3 GW par l'installation de petites unités et des augmentations de capacité d'installations existantes[3]. Le projet de Programmation pluriannuelle de l'énergie de 2019 propose des objectifs d’augmentation des capacités installées de 900 à 1 200 MW d'ici 2028, qui devrait permettre une production supplémentaire de 3 à 4 TWh dont environ 60 % par l'optimisation d'aménagements existants[4].

Une évaluation plus précise du potentiel restant à exploiter a été effectuée dans le cadre de la « convention pour le développement d’une hydroélectricité durable » afin de confronter les différentes études de potentiel hydroélectrique existantes (études menées par les DREAL et l’UFE) et les avis des experts sur la liste des projets réalisables techniquement et la liste des tronçons exploitables. Cette étude, dite « étude de convergence », distingue deux catégories de potentiel hydroélectrique[5] :

  • potentiel technique de développement de nouveaux sites : 2 476 MW, soit 8 950 GWh/an pour les régions ayant réalisé la convergence des études ; pour les autres régions, les études existantes, non encore expertisées, donnent un potentiel majorant d'environ 409 MW et 1 365 GWh/an ; au total, le potentiel est estimé à 2 885 MW et 10 315 GWh/an ;
  • potentiel technique d’équipement de seuils existants (équipement de retenues qui existent pour d’autres usages tels que le maintien d’une cote touristique ou le prélèvement d’eau potable) : 262 MW, soit 922 GWh/an pour les régions ayant réalisé la convergence ; avec les potentiels majorants des autres régions, on arrive à un total de 477 MW et 1 679 GWh/an.

Les régions « avec convergence » ayant les plus gros potentiels pour les nouveaux sites sont :

  • Rhône-Alpes : 753 MW et 2 995 GWh/an ;
  • Provence-Alpes-Côte d'Azur : 613 MW et 2 145 GWh/an ;
  • Midi-Pyrénées : 530 MW et 1 823 GWh/an.

Histoire[modifier | modifier le code]

Entrée monumentale de l'Exposition internationale de la houille blanche en 1925

Aux alentours de l'an mil, les moulins à eau se développèrent en France, comme dans le reste de l'Europe. Guillaume le Conquérant en recensa plus de 5 000 en Angleterre en 1086 (Domesday Book). Ils servaient non seulement à moudre le grain mais aussi à de nombreuses applications industrielles dans le textile ou la métallurgie. Au fur et à mesure que progressait ce que certains ont appelé la Révolution industrielle du Moyen Âge, ruisseaux et rivières furent équipés, avec ou sans dérivation, de dizaines de milliers de moulins. Dès la fin du XIIIe siècle le nombre de moulins est proche de 100 000 en France. En effet 20 000 moulins en Ile-de-France et jusque sur les bords de Loire sont estimés de manière sûre au XIIIe siècle. Du XVIe siècle au XIXe siècle, les besoins énergétiques de la sidérurgie au bois furent à l'origine de la réalisation de très nombreux lacs de forge de plusieurs dizaines d'hectares de superficie. Les turbines centrifuges françaises qui avaient révolutionné la production d'énergie mécanique à partir de 1830, et avaient été vendues dans le monde entier, sont remplacées dans la deuxième moitié du XIXe siècle par la turbine centripète mise au point par l'américain Francis en 1840 et la turbine Pelton conçue en 1880 pour les hautes chutes[6].

En 1869, l'ingénieur Aristide Bergès utilise l'énergie hydraulique sur une chute de deux cents mètres à Lancey pour faire tourner ses défibreurs, râpant le bois afin d'en faire de la pâte à papier. Lorsqu'il ajoute, en 1882, une unité de papeterie à sa râperie, Aristide Bergès met en place une conduite forcée de 500 mètres de dénivelée et adjoint une dynamo Gramme à ses turbines pour produire du courant électrique et éclairer son usine dans un premier temps. Il parle de « houille blanche » en 1878 à Grenoble, puis à la foire de Lyon en 1887 et lors de l'Exposition universelle de Paris de 1889[7].

Les premiers aménagements hydroélectriques se firent en combinant des barrages de prise de faible hauteur et des chutes plus ou moins importantes. Ce n’est que peu à peu qu’apparurent des ouvrages de 20 à 30 mètres de hauteur : La Bourboule (1896), Avignonet (1903), Rochebut (1909, hauteur 50 m, volume de la retenue 26 hm3) sur le Cher qui est le premier réservoir de production d’électricité à des fins commerciales. La France n’a pu s’équiper tout de suite d’une industrie électrique puissante car cette industrie est très capitalistique ; elle a pris un retard sensible par rapport à l’Angleterre, l’Allemagne, la Suisse et les États-Unis, ce qui la conduisit à une politique de transfert de technologie par des filiales de sociétés étrangères, par achat de brevets ou de savoir-faire[8].

L'occupation des régions charbonnières françaises par l'ennemi pendant la Première Guerre mondiale met en évidence la nécessité d'une politique d'indépendance énergétique : pendant la guerre de 1914-1918, la puissance hydroélectrique installée progresse de 80 % passant de 475 MW en 1914 à 852 MW en 1919 ; cette prise de conscience débouche sur le vote de la loi sur l'eau du dont le texte commence par : « Nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’État »[8].

En 1897, le banquier Georges Charpenay soutient la Société des forces Motrices et Usines de l'Arve, de Félix Viallet (industriel), pour la construction d'usines destinées à l'électrolyse, avec rapidement trois cents salariés[9]. Le groupe emploie trois mille personnes, dix fois plus, en 1918[9]. Son associé Aimé Bouchayer fonde en 1918 l’Association des Producteurs des Alpes Françaises (APAF) qui réunira jusqu’à sept cents industriels[9] et son fils Auguste Bouchayer devient dans les années 1920, le meilleur hydraulicien de France grâce à ses travaux sur les nouveautés en conduite forcée. En 1916, les Établissements Bouchayer Viallet ont déjà construit plus de deux cents conduites mais seules quelques-unes dépassant une hauteur de chute de 500 mètres ; Auguste Bouchayer innove en utilisant les centrales thermiques en période creuse pour faire remonter l’eau du bassin aval des centrales hydroélectriques vers la réserve en amont[9]. Grâce à des matériaux plus performants, la conduite forcée monte en puissance de débit. À partir de 1900, le fer rivé est remplacé par l’acier rivé puis, à partir de 1910, la soudure au gaz à l’eau remplace le rivetage jusqu’à ce qu’apparaisse dans les années 1930 la soudure à l’arc électrique, pour utiliser des aciers plus performants[9].

Avant 1914, l’installation hydroélectrique la plus puissante était celle de l’Argentière sur la Durance avec 28 MW (1909). Pendant l'entre-deux-guerres, des centrales de plus grande taille sont construites : Eguzon (53 MW) dans l'Indre en 1926, Sarrans (167 MW) dans l'Aveyron en 1932, Kembs (160 MW) sur le Rhin en 1932, Sautet (74 MW) sur le Drac en 1934, Marèges (140 MW) sur la Dordogne en 1935. La mise en valeur du potentiel du Massif Central est motivée par son utilisation pour la traction électrique des chemins de fer ainsi que par l'alimentation de la région parisienne ; les Alpes ont été une zone pionnière de l’hydroélectricité à cause des besoins de l’électrochimie et de l’électrométallurgie ; les Pyrénées furent équipées pour les chemins de fer : barrage des Bouillouses pour la ligne du « Train Jaune », puis barrage d'Artouste pour les chemins de fer du Midi, et des industries électrochimiques[8].

Après la Seconde Guerre mondiale, suivie de la nationalisation du secteur électrique, l'hydroélectricité française connait son âge d'or : de 1945 à 1960, 120 grands barrages furent construits, dont 58 barrages voûtes ; 44 de ces derniers furent conçus par André Coyne. L'aménagement du Rhin, commencé avec Kembs en 1932, se poursuivit avec au total huit barrages et usines, terminés en 1970. La mise en valeur du Rhône a commencé avant guerre avec sept aménagements dont le barrage-usine de Jonage à Cusset (16 MW) mis en service en 1905, qui était à l'époque une des centrales les plus puissantes du monde. La création en 1933 de la Compagnie nationale du Rhône lance l'aménagement systématique du Rhône depuis l'ouvrage de tête de Génissiat (420 MW), construit de 1936 à 1948, jusqu'à la mer, avec 19 barrages et usines associés à des écluses permettant la circulation de chalands à grand gabarit ; l'aménagement de Donzère-Mondragon (1947-1952, 354 MW) fut le plus grand chantier de terrassement de France. L'aménagement de la Durance, envisagé depuis le milieu du XIXe siècle pour la protection contre les crues ainsi que pour l'irrigation et l'alimentation en eau potable, fut enfin justifié par l'énergie hydroélectrique : le était constituée la Société pour la Régularisation de la Durance, mais c'est seulement de 1955 à 1960 qu'est construit le barrage de Serre-Ponçon grâce à une technique de rideau d'injection mise au point progressivement à partir des années trente[8].

Les années 1970 voient la fin des grands aménagements ; la construction de centrales de pompage-turbinage dans les années 1970 et 1980 fait la transition avec la période du programme nucléaire.

Production hydroélectrique[modifier | modifier le code]

La production hydroélectrique en France métropolitaine s'est élevée à 58,8 TWh en 2023, soit 11,9 % de la production électrique totale ; elle augmente de 18,5 % par rapport aux 49,6 TWh produits en 2022, qui avaient représenté le niveau le plus faible depuis 1976 ; elle reste toutefois inférieure de 5,2 % à celle de 2021 et de 4,8 % à la moyenne de la période 2014-2019. Elle a été très faible de janvier à mars, mais exceptionnellement élevée à partir d'octobre, en raison de précipitations plus favorables qui ont permis de reconstituer les stocks. Cette hausse a surtout concerné les centrales de type lac (+42,8 %) et éclusée (+29,2 %) ; les centrales au fil de l'eau ont vu leur production augmenter de 14,5 %[10].

La France s'est classée en 2022 au 4e rang européen pour sa production hydroélectrique avec 50 TWh, soit 8,8 % du total européen (Europe géographique), derrière la Norvège (22,7 %), la Suède (12,3 %), la Turquie (11,6 %) et devant l'Autriche (6,3 %), la Suisse (6,0 %) et l'Italie (5,3 %) ; au niveau mondial, elle figurait au 14e rang avec 1,1 % du total mondial, loin derrière la Chine, no 1 avec 1 354 TWh[11].

Évolution de la production hydroélectrique en France (TWh)
Année 1973[12] 1990 2000 2010 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
Production brute[13] 48,1 57,4 71,1 67,5 60,5 65,7 55,1 70,5 61,6 67,1 64,0 51,1
Part de la prod. élec. (%) 26,4 13,6 13,2 11,9 10,4 11,6 9,8 12,1 10,8 12,6 11,5 10,7
Production nette[10] 67,6 58,5 63,4 53,0 67,8 59,5 64,9 62,0 49,6 58,8
Part de la prod. élec. (%)[10] 12,4 10,8 12,0 10,1 12,5 11,2 13 12 11,1 11,9
Dont renouvelable[14] nd 53,9 59,3 48,6 63,1 55,5 60,8 58,4
Production hydroélectrique par type de centrale (TWh)[10]
Type 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
Lac 17 14,8 16 13,5 19 14,5 18,6 16,3 10,5 15,0
Fil de l'eau 32,8 29 31,6 25,6 31,3 30,2 30,4 30,7 25,7 29,5
Éclusée 10,3 8,1 9,4 7,4 10,9 8,8 9,6 9,2 6,6 8,6
STEP 7,3 6,6 6,5 6,5 6,6 6,1 6,3 5,8 6,7 5,7

La production hydroélectrique s'est élevée à 62,5 TWh en 2021 (-5 %), soit 12 % de la production électrique totale ; la part renouvelable[n 1] de la production hydroélectrique est de 58,4 TWh, soit 11 % de la production totale[14].

La France s'est classée en 2021 au 3e rang européen pour sa production hydroélectrique avec 9,7 % du total européen (Europe géographique) ; au niveau mondial, elle figurait au 10e rang avec 1,5 % du total mondial[15].

La production hydroélectrique a atteint 65,1 TWh en 2020 (+8,4 %), soit 13 % de la production électrique totale ; sa part renouvelable est de 60,8 TWh, soit 12,1 % de la production totale. Elle progresse de 9,1 % par rapport à 2019[16].

La production hydroélectrique varie fortement d'une année à l'autre en fonction des précipitations : sur la période 2008-2020, le maximum annuel a été de 75,5 TWh en 2013 et le minimum de 50,3 TWh en 2011[2].

Taux de couverture de la consommation[modifier | modifier le code]

Le taux de couverture de la consommation par la production hydraulique atteignait 13,7 % en France sur la période - ; ce taux était en moyenne de 17,6 % en Europe (zone ENTSO-E), contre 15,7 % sur les 12 mois précédents ; il atteignait 104 % en Norvège, 72,9 % en Islande, 62,2 % en Suisse, 59,7 % en Autriche, 48,3 % en Suède[17].

Sur la période -, il est tombé à 11,49 % en France ; il était supérieur à 40 % dans cinq pays européens : Norvège (105,13 %), Islande, Suisse, Autriche et Lettonie ; en moyenne, il atteignait 15,7 % contre 17,7 % l'année précédente, à cause d'un déficit pluviométrique dans le sud de l’Europe : l'Italie a chuté de 18 % à 12,76 % et l'Espagne de 15 % à 9,44 %[18].

Taux de couverture de la consommation par la production hydroélectrique par région (%)[19]
Région 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
Auvergne-Rhône-Alpes 44,21 38,6 41,83 34,34 44,81 41,36 47,72 43,46 35,3
Occitanie 34,88 27,67 28,51 23,67 35,51 24,89 30,63 25,44 23,14
Corse 22,31 15,3 20,2 15,74 28,36 16,94 23,33 22,11 14,94
Grand-Est 20,03 18,14 20,18 17,9 16,27 19,64 18,6 19,46 17,38
Provence-Alpes-Côte d'Azur 27,38 21,96 22,3 18,97 26,9 20,82 28,93 21,89 14,5
Nouvelle-Aquitaine 10,98 8,01 10,38 7,25 9,74 8,1 9,61 10,17 6,79
Bourgogne-Franche-Comté 3,76 3,39 4,3 2,83 3,59 3,92 3,41 4,57 3,62
Bretagne 2,88 2,77 2,82 2,85 2,8 2,83 3,01 2,85 3,0
Normandie 0,58 0,43 0,46 0,45 0,48 0,38 0,41 0,39 0,41
Centre-Val de Loire 0,69 0,47 0,66 0,34 0,72 0,41 0,66 0,64 0,32
Île-de-France 0,08 0,08 0,08 0,08 0,07 0,09 0,07 0,11 0,09
Pays de la Loire 0,09 0,06 0,07 0,04 0,07 0,07 0,08 0,09 0,06
Hauts-de-France 0,03 0,03 0,03 0,02 0,03 0,02 0,03 0,03 0,03

Puissance installée[modifier | modifier le code]

Le parc hydraulique français comprenait 25 669 MW de centrales fin 2022, dont 5 050 MW de centrales de pompage-turbinage ; il se classait au 3e rang en Europe avec 9,9 % du total européen, derrière la Norvège (13,1 %), et la Turquie (12,4 %), et au 10e rang mondial avec 1,8 % du total mondial, loin derrière la Chine, no 1 avec 414 811 MW[11].

La puissance installée des centrales hydroélectriques françaises était au 31/12/2020 de 25 732 MW, soit 18,9 % de la puissance de l’ensemble des centrales électriques de France ; la capacité du parc hydraulique a progressé de 28,2 MW en 2020, avec la mise en service de la centrale hydroélectrique de Romanche Gavet (97 MW)[16].

La centrale hydroélectrique de Romanche Gavet a été mise en service en octobre 2020, avec une première turbine mise en service en 2019, remplaçant cinq anciennes centrales le long de la Romanche. En 2019, une nouvelle turbine Pelton de 240 MW a été inaugurée dans la centrale de pompage-turbinage de La Coche, remplaçant d'anciennes unités et augmentant la puissance du site de 20 %[20].

Un appel d'offres a sélectionné 37 MW de projets de petite hydraulique en 2018. En , EDF a dévoilé un plan de stockage d'énergie prévoyant 10 GW de stockages supplémentaires d'ici 2035, dont 2 GW de pompage-turbinage[21].

Fin 2018, avec 25 519 MW, la France se classait au 2e rang en Europe avec 12 % du total européen, derrière la Norvège (32 256 MW), et au 10e rang mondial avec 2,0 % du total mondial[21].

La France a déjà exploité 95 % de son potentiel hydroélectrique, mais travaille à augmenter la capacité d'ouvrages existants et développer de petits projets ; ainsi, EDF a commencé en 2016 l'installation d'un nouveau générateur à la centrale de pompage-turbinage de La Coche en Savoie, afin d'augmenter la puissance de la centrale de 20 % ; un projet en cours à la centrale de La Bathie ajoutera 50 MW, et l'inauguration de la Centrale hydroélectrique de Romanche Gavet en 2020 a ajouté 92 MW[22].

Le parc est constitué de plus de 2 400 centrales, mais 95 centrales de taille moyenne (50 à 600 MW) concentrent à elles seules 58 % de la puissance totale et 4 centrales de plus de 700 MW en représentent encore 17 % ; près de 1 600 installations ont moins de 1 MW et représentent seulement 1,8 % de la puissance installée[23]. Sur les 25 545 MW installés au , 23 644 MW sont raccordés au réseau de transport, 1 569 MW au réseau de distribution d'Enedis, 93 MW aux réseaux des ELD, 223 MW au réseau d'EDF-SEI en Corse[24].

En 2009, environ 80 % de ces barrages étaient exploités par EDF. La Société hydroélectrique du Midi (Shem), qui a été rachetée par le groupe belge Electrabel (groupe Suez)[25], exploite 50 usines hydroélectriques et 12 barrages des Pyrénées. La Compagnie Nationale du Rhône, société publique dont 49,97 % du capital est détenu par GDF Suez, exploite les barrages au fil de l'eau du Rhône que lui concède l'État.

La répartition géographique de ces centrales est figurée par une carte par département dans le rapport 2013 du ministère de l'Écologie sur les EnR[26] : la plus forte concentration est située dans les Alpes du Nord (Isère et Savoies + Ain), suivie par la Vallée du Rhône, puis le Massif Central, les Pyrénées, les Alpes du Sud et l'Alsace.

Répartition régionale du parc hydraulique (MW)
Région au 30/06/2016[27] au 31/12/2018[28] au 31/12/2019[29] au 31/12/2020[2]
Auvergne-Rhône-Alpes 11 590 11 614 11 641 11 794
Occitanie 5 394 5 388 5 392 5 411
Provence-Alpes-Côte d'Azur 3 225 3 255 3 269 3 273
Grand-Est 2 303 2 306 2 312 2 309
Nouvelle-Aquitaine 1 762 1 763 1 765 1 766
Bourgogne-Franche-Comté 519 521 523 523
Bretagne 277 271 275 275
Corse 223 223 223 223
Centre-Val de Loire 93 93 93 92
Normandie 50 43 30 30
Île-de-France 19 20 20 20
Pays de la Loire 9 9 11 11
Hauts-de-France 4 4 4 4
Total France 25 468 25 510 25 557 25 732

La puissance des projets hydrauliques en développement s’élève à 912 MW au 30/06/2019, dont 811 MW sur le réseau de RTE, 97 MW sur celui d'Enedis et 3,4 MW sur le réseau de Corse. La seconde session de l’appel d’offres petite hydraulique a retenu 13 projets totalisant une puissance de 36,6 MW avec un prix moyen de 87,1 €/MWh[24].

Types de centrales hydroélectriques[modifier | modifier le code]

Le critère principal utilisé pour catégoriser les centrales hydroélectriques est la durée de remplissage de leurs réservoirs, qui détermine la capacité de modulation et de fonctionnement en pointe de l'ouvrage[27]. La puissance installée du parc raccordé au réseau de transport se répartit en 40 % pour les centrales de lac, 16 % pour les centrales d'éclusée, 26 % pour celles au fil de l'eau et 18 % pour les STEP[24].

Centrales au fil de l'eau[modifier | modifier le code]

Près de 90 % des 2 400 centrales de France sont installées « au fil de l’eau »[23], autrement dit turbinent l'eau d'un cours d'eau comme elle arrive, n'étant pas dotées d'un réservoir[n 2] ; elles totalisent environ 7 500 MW installés (30 % du parc) et produisent 30 TWh en moyenne annuelle (33 TWh, soit 52 % en 2012)[30].

Centrales de lac[modifier | modifier le code]

Panorama du lac de Serre Ponçon pris depuis Savines-le-lac.

Les centrales dotées d'un réservoir, totalisant 18 000 MW de puissance de pointe, ont une valeur économique bien supérieure à celle des centrales au fil de l'eau, car elles permettent de concentrer leur production pendant les périodes de forte consommation. De plus, elles ont des performances dynamiques exceptionnelles, c'est-à-dire qu'elles sont capables de passer de l'arrêt à leur puissance maximale en quelques minutes, et donc de faire face aux variations parfois très rapides de la demande (par exemple lorsqu'un match débute à la TV, plusieurs millions de consommateurs allument leur téléviseur en quelques secondes) ou de l'offre (par exemple, lorsqu'un réacteur nucléaire tombe en panne, le réseau perd plus de 1 000 MW quasi-instantanément) ; ces caractéristiques les rendent indispensables à la sécurité du système électrique[31].

EDF distingue deux sous-catégories[32] :

  • les « centrales à éclusées » (ou de moyenne chute), situées principalement en moyenne montagne et dans les régions de bas relief, avec un débit moyen et un dénivelé de 30 à 300 mètres, qui disposent d'un réservoir amont de taille moyenne (entre 2 heures et 400 heures de production)[33] et assurent une fonction de modulation journalière ou hebdomadaire : elles stockent l'eau en période de faible consommation et la turbinent en période de forte consommation, selon les cycles journaliers (stockage la nuit, turbinage en journée) ou hebdomadaires (stockage la nuit et les jours de week-end, turbinage en jours ouvrables) ;
  • les « centrales de lac » ou de haute chute, situées en haute montagne, avec un débit faible et un dénivelé très fort (plus de 300 mètres, dotées d'un réservoir amont de taille supérieure à 400 heures de production, apportent la garantie de pouvoir disposer de leur puissance indépendamment des conditions hydrologiques.

Les centrales dont la valeur économique est la plus élevée sont celles dont le réservoir est de très grande capacité, au point de permettre une régulation inter-saisonnière de la production ; les réservoirs se remplissent au printemps, grâce à l'eau produite par la fonte des neiges ; ils atteignent leur cote maximale à l'automne, puis turbinent leurs réserves pendant les périodes les plus chargées, en hiver. Des modèles informatiques complexes optimisent l'utilisation de ces précieuses réserves en fonction de l'ensemble des paramètres décrivant les ressources et les contraintes. Le réservoir le plus précieux est celui de Serre-Ponçon, d'un volume de 1 272 Mm3, deuxième lac artificiel d'Europe par sa capacité[34].

Centrales de pompage-turbinage[modifier | modifier le code]

Barrage de Grand'Maison, entre les massifs de Belledonne et des Grandes Rousses dans le département de l'Isère.

Les centrales de pompage-turbinage, appelées aussi STEP (stations de transfert d'énergie par pompage), disposent d'un réservoir supérieur et d'un réservoir inférieur, reliés par une conduite forcée au bas de laquelle sont installés des groupes réversibles qui pompent l'eau du réservoir inférieur vers le réservoir supérieur pendant les heures creuses (la nuit, le week-end) puis la turbinent pendant les heures de pointe. La première STEP installée en France est celle du Lac Noir (Vosges), construite entre 1928 et 1933, d'une puissance de 80 MW ; actuellement en reconstruction, elle aura une puissance de 55 MW et une capacité de 0,6 GWh[n 3],[35].

Le stockage hydraulique retrouve de l'intérêt pour gérer l'intermittence de la production solaire et éolienne ; la première Programmation pluriannuelle de l'énergie issue de la loi de transition énergétique considère que « l'hydroélectricité pourrait contribuer de manière décisive à répondre au besoin de flexibilité du système électrique à l'horizon 2030, notamment grâce aux STEP ». L'État a déposé à Bruxelles une demande de prolongation de la concession d'EDF sur la Truyère, qui permettrait à EDF construire une STEP de près d'un gigawatt, pour des investissements évalués à près de 1 milliard d'euros. Cependant les professionnels pensent que les STEP n'ont pas vraiment d'intérêt, tant que les prix de marché sont bas ou que RTE ne rémunère pas suffisamment les services au réseau[36].

Les centrales de pompage-turbinage françaises totalisent fin 2022, selon l'International Hydropower Association (IHA), une puissance installée de 5 050 MW, au 5e rang européen avec 8,9 % du total européen, derrière l'Italie (7 891 MW), l'Allemagne (6 414 MW), l'Espagne (6 164 MW) et l'Autriche (5 596 MW), mais loin derrière la Chine (44 741 MW), le Japon (27 470 MW) et les États-Unis : 22 008 MW. En novembre 2022, l'une des turbines Pelton de la centrale de Grand’Maison a été remplacée ; c'est la troisième des quatre turbines à remplacer, apportant un gain de puissance de 9 %, de 156 MW à 170 MW[11].

Fin 2018, l'IHA comptabilisait 6 985 MW de pompage-turbinage, au 2e rang européen avec 13 % du total européen, derrière l'Italie (7 555 MW) et devant l'Allemagne (6 806 MW)[21].

Les six principales centrales (Grand Maison, Montezic, Super-Bissorte, Revin, Le Cheylas, La Coche) représentent une puissance maximale cumulée en turbinage de 4 173 MW[30].

Principales centrales de pompage-turbinage de France
Nom Puissance
(MW)
Département Mise en service Capacité de stockage
(GWh)
Volume d'eau utile
(millions m3)
Hauteur de chute
(m)
Grand'Maison[37] 1 800 Isère 1988 36 14,3 925
Montézic[38] 910 Aveyron 1983 23 30 423
Superbissorte[39],[40] 750 Savoie 1986 40 1 150
Revin[41],[42] 800 Ardennes 1976 4,7 6,9 250
Le Cheylas[43] 480 Isère 1979 5 261
La Coche[44],[45],[46] 384 Savoie 1975 2,1 927

La centrale de pompage-turbinage du Cheylas[47], mise en service à l’origine en 1979, a été modernisée en 2019, ses turbines à vitesse constante ayant été remplacées par des modèles à vitesse variable[48].

EDF installe une turbine Pelton de 240 MW à la centrale de La Coche, qui viendra s'ajouter aux quatre turbines existantes totalisant 320 MW et accroîtra la production de 20 % à partir de la mise en service prévue en 2019[49].

En , EDF a dévoilé un plan de stockage d'énergie prévoyant 10 GW de stockages supplémentaires d'ici 2035, dont 2 GW de pompage-turbinage[21].

En mars 2023, la Direction générale de l'Énergie et du Climat lance une consultation des acteurs du secteur sur les modalités de soutien public à mettre en œuvre pour relancer les investissements dans le pompage-turbinage : un système d'aide à l'investissement ou un régime de complément de rémunération. Le gouvernement avait fixé comme objectif d'engager d'ici à 2023 le développement de 1,5 GW de nouvelles capacités pour une entrée en service entre 2030 et 2035, mais les investissements tardent à se matérialiser à cause d'une part du contentieux qui oppose la France à la Commission européenne sur la remise en concurrence de plusieurs concessions échues, d'autre part à un problème de modèle économique. Dans un référé publié au début de 2023, la Cour des comptes pointe la nécessité de considérer ces ouvrages non pas comme des centrales hydroélectriques ordinaires, mais comme des « équipements destinés à contribuer à la flexibilité du réseau », afin de leur octroyer un mode de rémunération particulier et créer un cadre incitatif aux investissements privés[50].

Microcentrales sur réseau d'eau potable[modifier | modifier le code]

Une première turbine hydroélectrique de ce type en France a été inaugurée sur un réseau de distribution d'eau potable en , dans l'usine de production d'eau potable d'Annonay (Ardèche) pour produire de l'électricité en profitant de l'énergie cinétique de l'eau (au niveau des réducteurs de pression)[51]. Le projet, de 26 kW de puissance, a été monté par Hydrowatt, la turbine fabriquée par Perga (Espagne) et dans ce cas vendue par Saint-Gobain-Pont-à-Mousson). Une production de 132 000 kWh/an est attendue, soit environ 30 % des besoins électriques de cette usine.

D'autres réseaux d'eau au dénivelé important pourrait être ainsi équipés : la ville d'Hyères, dans le Var se prépare à en installer une[51].

Principales centrales hydroélectriques[modifier | modifier le code]

Le programme d'aménagement des ressources hydroélectriques française mis en œuvre pour l'essentiel au cours des années 1950 et 60 a réalisé des opérations complexes mettant à profit l'ensemble des potentiels de vallées entières, ou même de plusieurs bassins versants.

Rhône[modifier | modifier le code]

Profil du Rhône avec ses différents aménagements

La Compagnie nationale du Rhône (CNR), créée en 1933 par l'État qui l'a chargée d'aménager et d'exploiter le Rhône, a reçu trois missions solidaires : production, navigation, irrigation et autres usages agricoles ; elle exploite 19 centrales hydroélectriques construites sur le cours du Rhône et exploitées jusqu'en 2002 par EDF pour le compte de la CNR, puis par Electrabel, filiale de GDF Suez qui en est devenue l'actionnaire principal (49,97 %). Ses 19 centrales hydroélectriques totalisent 3 009 MW et produisent en moyenne 14,9 TWh par an, un quart de l'hydroélectricité nationale, soit 3 % de la production française. La principale de ces centrales est Génissiat (420 MW) ; les autres centrales sont « au fil de l'eau ».

Principales centrales de la Compagnie nationale du Rhône, d'amont en aval[52],[53],[54]
Nom Puissance
(MW)
Prod.moyenne
(GWh/an)
Département Mise en service Hauteur de chute
(m)
Génissiat 420 1 786 Ain 1948 64,5
Seyssel 45 165 Haute-Savoie 1951 7,5
Anglefort 90 487 Ain 1980 17
Brens-Virignin 90 453 Ain 1982 18
Brégnier-Cordon 70 324 Ain 1983 13,7
Porcieu-Amblagnieu 45 249 Isère 1986 7,5
Pierre-Bénite 84 528 Métropole de Lyon 1966 9
Vaugris 72 332 Isère 1980 6,7
Sablons 160 885 Isère 1977 12,2
Gervans 120 668 Drôme 1971 11,5
Bourg-lès-Valence 180 1 082 Drôme 1968 11,7
Beauchastel[55] 198 1 211 Ardèche 1963 11,8
Logis-Neuf 215 1 177 Drôme 1960 11,7
Châteauneuf-du-Rhône 295 1 575 Drôme 1957 16,5
Donzère-Mondragon (Bollène) 348 2 032 Vaucluse 1952 22,5
Caderousse 156 843 Vaucluse 1975 8,6
Sauveterre 52 257 Gard 1973 9,5
Avignon 126 543 Vaucluse 1973 9,5
Beaucaire 210 1 269 Gard 1970 11,3

Le 1er décembre 2023 débute la consultation publique de trois mois sur le projet de barrage hydroélectrique sur le Rhône à Loyettes (Ain), en amont de Lyon, lancé par la Compagnie nationale du Rhône. Ce sera le dernier barrage de grande taille sur le Rhône. La centrale sera construite rive droite, à Loyettes, et sera raccordée au réseau par des câbles souterrains sur 4 km. Le productible est évalué à 140 GWh par an et le début des travaux est prévu en 2027[56].

Rhin[modifier | modifier le code]

Dix centrales au fil de l'eau ont été construites entre 1932 et 1977 sur les 185 km du Rhin, entre Bâle et Lauterbourg[57], dont quatre sur le Grand canal d'Alsace : Kembs, Ottmarsheim, Fessenheim et Vogelgrun, les six autres sur le Rhin lui-même : Marckolsheim, Rhinau, Gerstheim, Strasbourg, Gambsheim et Iffezheim[58]. Les centrales de Gambsheim et d'Iffezheim sont franco-allemandes ; les deux pays se partagent leur production ; en pratique, l'électricité produite à Gambsheim, sur le territoire français, est injectée dans le réseau français, et celle produite à Iffezheim, sur le territoire allemand, est injectée dans le réseau allemand. Les 8 autres centrales, gérées par EDF, produisent un peu plus de 8 TWh/an en moyenne, soit les deux-tiers de la consommation électrique de l’Alsace et 20 % de la production hydroélectrique française[59]. En 2019, l'hydroélectricité a fourni 7,7 TWh dans la collectivité européenne d'Alsace[60].

Principales centrales du Rhin, d'amont en aval[57],[59],[61]
Nom Puissance
(MW)
Prod.2009
(GWh/an)
[62]
Cours d'eau Mise en service Hauteur de chute
(m)
Kembs[63],[64] 156,6 900 Grand canal d'Alsace 1932 14,3
Ottmarsheim 156 980 Grand canal d'Alsace 1952 15,5
Fessenheim 183 1020 Grand canal d'Alsace 1956 15,7
Vogelgrun 140,4 820 Grand canal d'Alsace 1959 12,3
Marckolsheim 152,3 920 Rhin 1961 13,2
Rhinau 152 940 Rhin 1964 13,3
Gerstheim 143,4 815 Rhin 1970 11,75
Strasbourg[63] 148 800 Rhin 1970 13,25
Gambsheim 96 685 Rhin 1974 11,4
Iffezheim 148 740 Rhin 1977[65] 12,5

Alpes[modifier | modifier le code]

Les principaux aménagements dans les Alpes sont :

Tarentaise[modifier | modifier le code]

La Tarentaise, haute vallée de l'Isère, n'a reçu jusqu'aux années 1930 que de petits aménagements sur le Doron de Bozel ; c'est seulement après guerre que l'aménagement complet de la vallée a été entrepris[66].

Principales centrales de l'aménagement de la Tarentaise
Nom Puissance
(MW)
Production moyenne
(GWh/an)
Mise en service Volume de la retenue
(hm3)
Hauteur de chute
(m)
Les Brévières 96 194 1952 233
Malgovert 332 680 1952 230 (barrage de Tignes) 750
Pralognan 45 100 1950 724
La Coche[46] 384 STEP 1978, 2019 2,1 (réservoir de la Coche) 916
La Bâthie 600 1100 1961 185 (barrage de Roselend) + 27 1 250
Randens 130 500 1954 154

L'Aménagement de Roselend - La Bâthie, complexe hydroélectrique construit de 1955 à 1967 dans le Beaufortain (600 MW), comprend trente prises d'eau, trois réservoirs : barrage de Roselend (185 hm3), barrage de la Gittaz (13,7 hm3) et barrage de Saint-Guérin (13 hm3), et trois centrales : La Bâthie, La Sauce et Pierre Giret, reliés par 42 km de canalisations souterraines.

Maurienne[modifier | modifier le code]

La vallée de la Maurienne est équipée de huit barrages sur l'Arc et ses affluents et d'une quinzaine de centrales totalisant une puissance de 2 300 MW et un productible de 3 800 GWh/an ; dès la fin du XIXe siècle des usines d'électrochimie et électrométallurgie se sont installées pour bénéficier de la richesse hydraulique de la vallée, qui est rapidement devenue la « vallée de l'aluminium »[67].

Principales centrales de l'aménagement de la Maurienne
Nom Puissance
(MW)
Production moyenne
(GWh/an)
Mise en service Volume de la retenue
(hm3)
Hauteur de chute
(m)
Villarodin 364 580 1968 315 (barrage du Mont Cenis) 880
Aussois 78 1952 4 (barrage du Plan d'Aval) 850
Combe d'Avrieux 120 290 1976 8 (Barrage du Plan d'Amont) 850
Orelle 62 170 1970 0,225 117
Bissorte 1 75 140 1935 40 1 144
Bissorte 2 (Super-Bissorte) 600 pompage-turb. 1987 1 144
Bissorte 3 150 1987 1 144
Saussaz II 140 410 1973 212
l'Échaillon 120 380 1975 166
Cheylas[n 4] 480 675 1979 4,8 (bassin de Flumet) 260

Romanche[modifier | modifier le code]

La vallée de la Romanche a attiré dès la fin du XIXe siècle les industries fondées sur l'énergie électrique. L'ingénieur Charles Albert Keller fut l'un des principaux artisans du développement industriel de la vallée[68], dont l'ouvrage emblématique est l'ancienne centrale des Vernes.

La centrale hydroélectrique de Romanche Gavet, mise en service en 2020, sur la commune de Livet-et-Gavet, entre Grenoble et l'Oisans, consiste en une seule centrale alimentée par une amenée d'eau souterraine de 10 km. Elle est équipée de deux turbines Francis de 97 MW qui produisent 560 GWh/an, soit 40% de plus que les anciennes centrales du début du XXe siècle, qu’elle a remplacé avec une sécurité d’exploitation accrue et un moindre impact environnemental. Le montant de l'investissement s'est élèvé à 400 M€[69].

Principales centrales de l'aménagement de la Romanche
Nom Puissance
(MW)
Production moyenne
(GWh/an)
Mise en service Volume de la retenue
(hm3)
Hauteur de chute
(m)
Pont-Escoffier 53 1944 402
St-Guillerme II 116 208 1983 54 (barrage du Chambon) 280
l'Eau d'Olle 1 800 STEP 1985 137 (barrage de Grand'Maison) 402
Romanche Gavet 97 560 2020 266
Péage-de-Vizille 46 300 1949 144

Drac[modifier | modifier le code]

Le bassin du Drac, avec quatre barrages et quatorze centrales, produit en moyenne 1 700 GWh/an[70].

Principales centrales de l'aménagement du Drac
Nom Puissance
(MW)
Production moyenne
(GWh/an)
Mise en service Volume de la retenue
(hm3)
Hauteur de chute
(m)
Le Sautet 75 175 1935 108 94
Cordéac 67 186 1946 92
Cognet 100 295 1957 28 (barrage de St Pierre de Méaroz) 90
Monteynard-Avignonet 360 495 1962 275 127
St Georges de Commiers 60 265 1964 34 82

Durance-Verdon[modifier | modifier le code]

L'aménagement hydroélectrique Durance-Verdon a été décidé en 1955 par une loi qui confiait trois missions à EDF : produire de l’électricité, assurer l'irrigation des cultures et l'alimentation en eau potable des villes et enfin réguler les crues parfois dévastatrices de la Durance et du Verdon. La réalisation complète de cet aménagement prit plus de trente ans et fut achevée en 1992. Il comprenait la construction de 23 barrages et prises d’eau, du canal EDF de la Durance, alimentant 33 centrales hydroélectriques d'une puissance totale de 2 000 MW, et de plusieurs stations de commande. Il produit 6 à 7 milliards de kWh par an (10 % de la production hydroélectrique française) ; les barrages réservoirs fournissent de l’eau potable à toute la région, et irriguent toute la Provence (un tiers de l’irrigation française) ; les lacs sont une attraction touristique ; les crues faibles et moyennes sont parfaitement contrôlées, seules les crues très importantes subsistent.

Principales centrales de l'aménagement hydroélectrique Durance-Verdon[71]
Nom Puissance
(MW)
Productible
(GWh)
Département Mise en service Volume de la retenue
(Mm3)
Hauteur de chute
(m)
Barrage de Serre-Ponçon 380 700 Hautes-Alpes 1960 1 272 128
Barrage de Castillon 60 77 Alpes-de-Haute-Provence 1948 149
Sisteron-Météline 256 760 Alpes-de-Haute-Provence 1975 6,2 114,3
Salignac 88 250 Alpes-de-Haute-Provence 1976 29,5
Barrage de Sainte-Croix 158 170 Alpes-de-Haute-Provence 1974 761 83
Curbans 165 450 Alpes-de-Haute-Provence 1966 8 (barrage d'Espinasses) 83
Sainte-Tulle 97 350 Alpes-de-Haute-Provence 1922-1965 37
Jouques 78 365 Bouches-du-Rhône 1959 32,6
Saint-Estève-Janson 156 720 Bouches-du-Rhône 1963 64
Mallemort 102,6 450 Bouches-du-Rhône 1972 44
Salon-de-Provence 102 360 Bouches-du-Rhône 1965 44,5
Saint-Chamas 165 610 Bouches-du-Rhône 1965 72

Alpes-Maritimes[modifier | modifier le code]

Le lac du Boréon et son barrage, près de Saint-Martin-Vésubie, 2009.

La plupart des aménagements des Alpes-Maritimes sont de taille modeste ; ils totalisent 320 MW et un productible de 1 000 GWh/an[72].

La vallée de la Roya comprend quatre barrages et cinq centrales, dont celle de St-Dalmas de Tende (46 MW ; 123 GWh/an ; hauteur de chute : 720 m), mise en service en 1914[73].

La vallée de la Tinée comprend trois centrales totalisant 106 MW et 541 GWh/an : Valabres, Bancairon (50 MW ; 250 GWh/an ; hauteur de chute : 315 m) et Courbaisse[74].

La vallée de la Vésubie comprend cinq barrages et quatre centrales, dont celle de St-Martin-Vésubie (52 MW ; 170 GWh/an ; hauteur de chute : 730 m), alimentée par le barrage du Boréon[75].

Massif central[modifier | modifier le code]

Truyère[modifier | modifier le code]

L'aménagement de la Truyère comprend sept barrages et produit en moyenne 1 706 GWh/an :

Principales centrales de l'aménagement de la Truyère[76]
Nom Puissance
(MW)
Production moyenne
(GWh/an)
Mise en service Volume de la retenue
(hm3)
Hauteur de chute
(m)
Grandval 64 144 1959 270 73
Sarrans 180 270 1934 300 85
Brommat[77] 444 800 1933 ; 1974 8 260
Montézic 910 Pompage-turb. 1982 32,5 423
Couesques 124 280 1950 56 65
Cambeyrac 36 33,5 1950 2,74 11

Dordogne[modifier | modifier le code]

L'aménagement de la Dordogne comprend dix barrages qui stockent 950 Mm3 et produisent 2 000 GWh/an pour la seule vallée de la Dordogne, 3 000 GWh/an avec les aménagements des affluents (Maronne, Rhue, Cère, Vézère, etc.)[78] :

Principales centrales de l'aménagement de la Dordogne
Nom Rivière Puissance
(MW)
Production moyenne
(GWh/an)
Mise en service Volume de la retenue
(hm3)
Hauteur de chute
(m)
Bort-les-Orgues Dordogne 230 400 1952 477 115
Coindre[n 5] Rhue 46,5 120 1927 4 125
Marèges Dordogne 272 330 1935 ; 1982 47 82
L'Aigle[79] Dordogne 349 500 1946 220 80
Chastang Dordogne 300 590 1951 187 85
Saint-Étienne-Cantalès Cère 105 87 1947 133 63
Laval-de-Cère[n 6] Cère 132 228
Val Beneyte[n 7] la Diège 30 80 1927 7,5 130

Les centrales de Marèges et de Coindre sont exploitées par la SHEM, les autres par EDF.

Tarn / Aveyron[modifier | modifier le code]

Dans l'Aveyron, le complexe hydroélectrique EDF du Pouget comprend huit barrages sur cinq cours d'eau, dont le barrage de Pont-de-Salars sur le Viaur, le barrage de Pareloup sur le Vioulou, le barrage de Villefranche-de-Panat sur l'Alrance, le barrage de Saint-Amans et les barrages de Pinet et du Pouget sur le Tarn, et cinq centrales, dont la centrale du Pouget mise en service en 1952 sur le Tarn et suréquipée en 1983 (377 MW, 345 GWh/an, plus un groupe réversible de 35 MW pour le pompage-turbinage vers le lac de Saint-Amans).

Loire[modifier | modifier le code]

Le bassin de la Loire n'a que des aménagements modestes, à l'exception de la centrale de Montpezat (140 MW et 279 GWh/an) qui collecte les eaux du lac d'Issarlès, de la Loire (barrage de la Palisse) et d'un affluent (barrage du Gage) pour les turbiner sous une hauteur de chute de 630 m dans la vallée de la Fontaulière, affluent de l'Ardèche[80].

Pyrénées[modifier | modifier le code]

Barrage de Cap-de-Long en 2010.
Lac d'Orédon, dans les Pyrénées, en aval du lac de Cap-de-Long.

Dans les Pyrénées, des aménagements très complexes ont été réalisés[84] :

Aménagement EDF de Pragnères 185 MW
337 GWh/an[85], le plus complexe et le plus puissant des Pyrénées : les prises d'eau, au nombre d'une trentaine, cueillent l'eau des massifs du Néouvielle, du Vignemale et de l'Ardiden. La centrale hydroélectrique de Pragnères, mise en service en 1953 à Gèdre (Hautes-Pyrénées), dispose d'un réservoir principal (Cap-de-Long, à 2 160 m d'altitude), trois réservoirs annexes (Aumar, Aubert, Escoubous) et un réservoir « journalier » : Ossoue. La capacité de stockage totale des barrages est de 78 Mm3 et le réseau de collecte d'eau comprend 40 km de galeries[86]. Au printemps, à la fonte des neiges, l'eau excède les besoins ; celle provenant de la rive gauche (Gavarnie, Vignemale, Ardiden), après avoir été turbinée à Pragnères, est remontée vers les réservoirs de la rive droite (Aumar et Cap de Long) par la station de pompage équipée de 3 pompes (28 MW) ; une autre station de pompage remonte les eaux du secteur d'Escoubous pendant les heures creuses. En hiver, les eaux stockées dans le réservoir de Cap de Long sont turbinées à Pragnères pendant les heures de pointe, apportant 195 MW au réseau en moins de 3 minutes ; ensuite, elles sont turbinées par les centrales aval de Luz, du Pont de la Reine et de Soulom (135 MW)[87].
Aménagement de la Neste d'Aure
Il utilise également les eaux du lac de Cap-de-Long, comprend 4 barrages et 13 centrales dont celle des Echarts à Eget (39 MW), construite en 1919 et rénovée en 1968[88].
Aménagement de la Pique (Luchon)
Il comprend quatre barrages, dont le lac du Portillon et le lac d'Oô, et recueille les eaux de 6 autres lacs ; il les turbine dans 4 centrales d'une puissance totale de 88 MW[89].
Aménagement de l'Ariège
Il comprend six barrages et neuf centrales, dont la centrale d'Orlu (89 MW, 116 GWh/an), celle d'Aston (101 MW, 392 GWh/an), celle de l'Hospitalet (93 MW, 110 GWh/an) et celle de Merens (42 MW, 84 GWh/an)[90].
Lac d'Artouste en 2006.
Aménagement d'Arrens et Ossau
Il comprend cinq barrages, dont le lac d'Artouste et le lac de Fabrèges, et 8 centrales dont celles d'Artouste (43 MW), de Camps (42 MW) et de Miégebat (79 MW)[91].
Aménagement de l'Aude
Il comprend quatre barrages, dont celui de Matemale et celui de Puyvalador, et neuf centrales, dont celle d'Escouloubre (44 MW, 89 GWh/an) et celle de Nentilla (54 MW, 137 GWh/an)[92].

Le Groupe d’Exploitation Hydraulique Garonne d'EDF exploite 11 barrages d'une capacité totale de 50 millions de m3 et 37 centrales produisant en moyenne 1 800 GWh/an[93].

Une grande part des nombreuses centrales des Pyrénées appartiennent à la Société hydroélectrique du Midi (SHEM), ex-filiale de la SNCF qui les avait reçues en 1938 lors de la nationalisation de la Compagnie du Midi ; cette dernière les avait construites à partir de 1902 pour électrifier ses lignes de chemin de fer des Pyrénées ; la SNCF a vendu la SHEM à Engie progressivement de 2002 à 2006[94].

Autres régions[modifier | modifier le code]

Barrage de Vouglans en 1997.
Ain
Six barrages d'une puissance totale de 425 MW produisant en moyenne 750 GWh/an[95], le principal étant le barrage de Vouglans, construit de 1963 à 1969 (228 MW plus un groupe réversible pompe/turbine de 64 MW ; productible : 300 GWh/an)[96].
Corse
Quatre vallées sont équipées par EDF[97] : l'aménagement hydroélectrique du Golo (57 MW) : centrales de Castirla, Corscia et Sovenzia, alimenté par le barrage de Calacuccia ; l'aménagement hydroélectrique du Prunelli (39 MW) : centrales de Tolla, Ocana et Pont de la Vanna ; l'aménagement hydroélectrique de Sampolo (43 MW) : centrale de Trevadine ; le barrage du Rizzanese (55 MW), construit par EDF de 2008 à 2013, produit en moyenne 80 GWh/an[98]. D'autres producteurs ont 26 MW de puissance hydraulique.
Guyane
Le Barrage de Petit-Saut (116 MW), sur le fleuve Sinnamary, a été mis en service en 1994 ; son productible est de 560 GWh/an[99].
La Réunion
Sept centrales hydroélectriques EDF dont les principales sont celles de Rivière-de-l'Est (82 MW), Takamaka I (17 MW) et Takamaka I (24 MW)[100].

Mise en concurrence des concessions hydrauliques[modifier | modifier le code]

Le régime juridique de la production électrique est, pour les centrales de puissance supérieure à 4,5 MW, le régime des concessions hydroélectriques, institué par la Loi du relative à l'utilisation de l’énergie hydraulique, première loi cadrant l'hydroélectricité, votée pendant la période de reconstruction qui a suivi la Première Guerre mondiale. Les centrales de puissance inférieure à 4,5 MW relèvent d'un régime d’autorisation administrative. En France, on compte près de 400 concessions hydroélectriques qui représentent plus de 95 % du total de la puissance hydroélectrique installée, soit environ 24 GW. Ces concessions ont été, la plupart du temps, attribuées pour une durée de 75 ans, à l’issue de laquelle les biens de la concession font retour à l’État qui peut alors décider de renouveler la concession.

En , en application d'une procédure en manquement émanant de la Commission européenne, le gouvernement a décidé[101] de mettre en concurrence l'attribution des concessions hydroélectriques à leurs échéances[102]. Pour cela, il a regroupé les concessions hydroélectriques par vallées. Les premiers regroupements de concessions devraient être soumis à concurrence avant 2013 (barrages de la vallée d'Ossau, barrages de la vallée du Louron, barrages de l'aval de la rivière de La Truyère (dont Brommat et Sarrans), la haute et la moyenne Dordogne et les barrages du Drac). Au , la concession de Bissorte Super Bissorte (883 MW) sera renouvelée dans la vallée de l'Arc[103].

Le projet de loi sur la transition énergétique a finalement convergé vers un compromis « public-privé » favorable à la mise en concurrence des concessions, mais par le biais de SEM ad hoc, en tout cas pour les lots les plus importants. La Commission européenne a déclaré ne pas s’opposer à ce projet[104].

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte promulguée le , prévoit la possibilité de création d’une nouvelle catégorie de sociétés d’économie mixte (SEM), dont l’objet est d’exploiter des contrats de concessions hydroélectriques sur une vallée. Cette disposition permettrait de mieux associer les collectivités territoriales à la gestion des usages de l’eau, et de renforcer le contrôle public sur le patrimoine commun que constitue le parc hydroélectrique français. Aux côtés des entités publiques (collectivités locales, mais également d’éventuels investisseurs publics), les actionnaires privés sont sélectionnés à l’issue d’une procédure de mise en concurrence, conformément à la législation européenne. Dans certains cas, la loi prévoit également la possibilité de regrouper des concessions afin d’optimiser l’exploitation de chaînes d’aménagements hydrauliquement liés[23].

Le décret relatif aux concessions d’énergie hydraulique et approuvant le modèle de cahier des charges est paru au Journal Officiel le  ; il précise les conditions du regroupement des concessions lorsque des aménagements sont hydrauliquement liés et doivent être exploités de manière coordonnée. Il établit également la procédure de création de sociétés d’économie mixte (SEM) hydroélectriques lors du renouvellement de concessions[27].

Alors que la Commission européenne a mis en demeure la France, en 2015 puis en 2019, de mettre en concurrence les concessions arrivant à échéance, le gouvernement maintient le statu quo, les barrages servant aussi à gérer la ressource en eau. EDF produit plus de 80 % de l'hydroélectricité française, contre 3 % pour la Shem et 14 % pour la Compagnie nationale du Rhône, détenue à 49,97 % par Engie au côté de la Caisse des dépôts et des collectivités. Dans les discussions en cours en 2020 avec Bruxelles, le gouvernement envisagerait une réorganisation d'EDF en trois entités dans le projet Hercule, dont un ensemble « azur » pour les concessions hydroélectriques qui seraient placées dans une quasi-régie non soumise à la concurrence européenne. La Société hydroélectrique du Midi (Shem), filiale d'Engie basée à Toulouse, qui exploite 56 centrales dans les Pyrénées, sur le Lot et la Dordogne, se plaint d'être tenue à l'écart des discussions entre l'État et l'Europe sur l'avenir des concessions hydroélectriques ; le projet de quasi-régie serait décidé à la fin de 2020 et mis en œuvre fin 2022. Le cas de la Compagnie nationale du Rhône, dont la concession se termine en 2023, « serait considéré séparément » car elle gère aussi la navigation sur le Rhône et l'irrigation ; par conséquent, seule la SHEM resterait concernée par la mise en concurrence. Or elle a trois concessions arrivées à échéance dans les vallées d'Ossau, du Louron et de la Têt dans les Pyrénées, qui représentent 40 % de sa puissance installée de 780 MW[105].

En décembre 2022, la Cour des comptes appelle le gouvernement, dans un référé rendu public en février 2023, à « sortir rapidement » du contentieux avec Bruxelles « afin d'éviter que la gestion d'ensemble du parc hydroélectrique ne se dégrade et qu'il ne puisse jouer pleinement son rôle dans la transition énergétique ». Elle recommande de ne plus considérer les STEP comme des centrales électriques ordinaires, mais comme des « équipements destinés à contribuer à la flexibilité du réseau », pour leur conférer un statut concurrentiel et un mode de rémunération particulier. Elle alerte également sur les risques que comporterait la mise en place d'une quasi-régie pour exploiter les barrages d'EDF et éviter leur mise en concurrence[106].

En mai 2023, pour sortir du contentieux entre la France et la Commission européenne, qui bloque la modernisation des ouvrages existants, susceptible de dégager près de 3 GW de capacités supplémentaires, soit une augmentation de 10 % du parc installé, la nouvelle direction d'EDF plaide pour une approche radicalement nouvelle : passer d'un régime de concessions à un régime d'autorisations d'exploitation, permettant à EDF de devenir propriétaire des actifs hydroélectriques en lieu et place de l'État[107]. Le 15 novembre 2023, la ministre Agnès Pannier-Runacher déclare devant la commission des affaires économiques du Sénat être « sur la même ligne qu'EDF » et avoir « envoyé une note à la Commission européenne » pour annoncer cette préférence. Elle précise que le régime d'autorisation concernera EDF et ses concurrents. Le gouvernement compte augmenter les capacités françaises en hydroélectricité de 2,8 GW d'ici à 2035, dont 1,7 GW de STEP[108].

Aides au développement de la petite hydraulique[modifier | modifier le code]

Comme pour les autres énergies renouvelables, la petite hydraulique bénéficie de l'obligation d'achat par les fournisseurs d'électricité à des tarifs réglementés fixés par le gouvernement[109] sur avis de la Commission de régulation de l'énergie[110].

Le tarif de rachat garanti de la production de la petite hydraulique est à 6,07 c€/kWh en 2015, plus des primes pour les petites installations et la production régulière en hiver ; les contrats ont une durée de 20 ans[111].

Pour les petites installations, la définition d’un nouveau type de contrat d’obligation d’achat, adapté tant à la rénovation de sites existants qu’à la création de nouveaux ouvrages, est en cours. Les conditions tarifaires seront définies par arrêté. Concernant les installations de plus de 500 kW, à la suite de l’adoption le par la Commission européenne de nouvelles lignes directrices encadrant le soutien aux énergies renouvelables électriques, l’électricité sera vendue directement sur le marché tout en bénéficiant d’une prime variable ex-post. La formule de calcul de cette prime devait être arrêtée d’ici fin 2015 en application de la loi no 2015-992[23] mais elle a pris du retard. La délibération de la CRE du sur le projet d'arrêté réformant les conditions d'achat de l'hydroélectricité donne un avis favorable aux dispositions prévues pour les installations nouvelles sous réserve que le plafond de production rémunéré soit ajusté à la baisse et un avis défavorable aux dispositions relatives aux installations existantes, en raison des niveaux de rentabilité induits et du niveau trop élevé du plafond, ainsi qu'au niveau de la prime de gestion et à la formule d'indexation ; elle recommande de procéder par appels d'offres[112].

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit des appels d'offres périodiques pour développer la petite hydraulique. Le premier appel d'offres, lancé en , comportait trois lots pour une puissance totale de 55 MW[27].

Les résultats des appels d'offres déclinent d'année en année : 19 lauréats en 2016, 14 en 2017, 13 en 2018 et seulement 8 sur la dernière tranche d'appel d'offres. Selon Anne Penalba, vice-présidente du syndicat « France Hydro Électricité », la cause de cette désaffection est le durcissement des conditions d'attribution de nouveaux projets. Obtenir une autorisation d'exploitation peut réclamer jusqu'à sept ans d'instruction et des mesures compensatoires jugées « disproportionnées » par les professionnels du secteur. Selon France Nature Environnement, « le développement de cette source d'énergie aurait des impacts rédhibitoires sur la biodiversité aquatique et sa résilience face aux effets du changement climatique »[113].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. La part non renouvelable est celle produite par les centrales de pompage-turbinage, qui consomment plus d'électricité qu'elles n'en produisent ; la convention adoptée en Europe consiste à soustraire de la production de ces centrales 70 % de la consommation du pompage.
  2. Plus précisément, RTE considère comme « au fil de l’eau » toute centrale dont le réservoir amont a une capacité inférieure à deux heures de production.
  3. Volume d'eau utile 2 Mm3, hauteur de chute 108 m.
  4. Les deux groupes de 240 MW de la centrale sont réversibles ; ils turbinent les apports gravitaires (675 GWh/an) et fonctionnent en pompage-turbinage.
  5. Barrages des Essarts et de Journiac.
  6. Barrages de Candes et de Camps.
  7. Barrage des Chaumettes.

Références[modifier | modifier le code]

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Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]