Henri Wallon (psychologue) — Wikipédia

Henri Wallon
Fonctions
Député français

(7 mois et 4 jours)
Élection 21 octobre 1945
Circonscription Seine
Législature Ire Constituante
Groupe politique COM
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance 5e arrondissement de Paris (France)
Date de décès (à 83 ans)
Lieu de décès 16e arrondissement de Paris (France)
Parti politique SFIO - PCF
Conjoint Germaine Wallon
Résidence Seine

Henri Wallon, né le à Paris 5e et mort le à Paris 16e, est un psychologue, médecin et homme politique français. Il est directeur d'études à l'École pratique des hautes études et professeur au Collège de France. Son nom est associé au plan Langevin-Wallon, projet de réforme du système éducatif français (1947).

Biographie[modifier | modifier le code]

Henri Wallon naît à Paris[1], dans une famille républicaine et catholique originaire du Nord. Il est le petit-fils de l'homme politique et historien Henri Wallon, dont la contribution à la création de la Troisième République est décisive : il fait notamment adopter l'amendement Wallon, qui consacre l’existence de la République[2]. Wallon s'engage politiquement au moment de l'affaire Dreyfus, aux côtés de son ami d'enfance Henri Piéron, avec qui il a passé l'agrégation de philosophie[2].

Le beau-frère d'Henri Wallon était le géographe Albert Demangeon[3]. Sa nièce, Simone Wallon, était conservatrice du département de musique de la Bibliothèque nationale de France[4]. Il est inhumé au Cimetière du Montparnasse (division 29).

Formation et parcours de recherche[modifier | modifier le code]

Henri Wallon est élève au lycée Louis-le-Grand, puis à l'École normale supérieure (1899). Agrégé de philosophie en 1902, il enseigne cette discipline durant une année au lycée de Bar-le-Duc, puis il reprend des études de psychologie et médecine, grâce à une bourse de la Fondation Thiers. Il soutient en 1908 sa thèse de médecine intitulée Délire de persécution : le délire chronique à base d'interprétation à l'hôpital de la Salpêtrière. Il est mobilisé comme médecin durant la Première Guerre mondiale et s'intéresse à la neurologie[5],[6]. La thèse d'Etat de l'historien Lucien Febvre, publiée en 1912, lui est dédiée[7].

Il débute en psychologie par des consultations dans un centre médico-psychologique (1908-1931). En 1920, il est chargé de cours à la Sorbonne. Il soutient en 1925 sa thèse de doctorat ès lettres intitulée L'enfant turbulent puis est nommé directeur d'études à l'École pratique des hautes études (1927), où il fonde le laboratoire de psychobiologie de l'enfant en 1922. Il est nommé professeur au Collège de France (1937)[8] et prend sa retraite en .

Il préside en 1936 une commission interministérielle visant à recenser les enfants considérés comme « déficients » ou « retardés » en France et à mettre au point des méthodes (tests) utilisables pour une telle enquête. L'étude est annulée faute de crédits, mais elle est relancée en 1943, durant la Seconde Guerre mondiale sous la direction du Dr Mande, à l'initiative de deux anciens membres de la commission : Henri Decugis et le Dr Georges Heuyer[9].

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Henri Wallon est interdit d'enseignement par le régime de Vichy et rejoint la Résistance, sous le pseudonyme « Hubert »[10]. Ses deux carrières politiques et de chercheur scientifique se rejoignent en 1944, lorsqu'il est nommé membre de la commission de réforme de l'enseignement qui élabore le plan Langevin-Wallon, d'abord comme vice-président, puis comme président à la mort de Paul Langevin.

Il crée en 1948 la revue Enfance. Il est président du Groupe français d'éducation nouvelle de 1946 à 1962.

Engagement politique[modifier | modifier le code]

Henri Wallon devient membre de la SFIO en 1931, puis il adhère au PCF en 1942, à la suite de l'exécution de Georges Politzer et Jacques Solomon : « Deux jeunes ont été assassinés. Il faut combler les vides… »[11]. Il quitte son laboratoire sur ordre de la Résistance afin de ne pas être arrêté. Après s'être caché pendant quelques jours, il rentre avec sa femme, Germaine Wallon, à son domicile de la rue de la Pompe à Paris, sans réintégrer son laboratoire[11].

À la libération, il fait partie du Gouvernement provisoire de la République française présidé par Charles de Gaulle en tant que secrétaire général de l'Éducation nationale, jusqu'au . En il siège à l'Assemblée consultative provisoire en remplacement de Frédéric Joliot-Curie. Il est ensuite élu député communiste (-1946).

Positions théoriques[modifier | modifier le code]

Henri Wallon énumère différents stades de construction de la personnalité[12] :

Le « stade de l'impulsivité motrice », de 0 à 6 mois, se caractérise par un « désordre gestuel » du bébé, des gestes impulsifs qui ne sont pas orientés. Puis, sous l'influence de l'entourage de l'enfant, se développe le « stade émotionnel », de 3 mois à 1 an, où les réactions motrices deviennent le moyen d’expression des émotions et de communication. Succède le « stade sensori-moteur et projectif », de 1 à 3 ans, correspondant à la période d’acquisition de la marche et du langage. L'enfant acquiert alors deux types d'intelligence : « l’intelligence des situations », par la manipulation d'objets, l'autre « discursive », par la faculté de les nommer.

L'enfant affirme ensuite de plus en plus sa personnalité : c'est le « stade du personnalisme » durant la tranche d'âge de 3 à 6 ans, qui commence par une première crise dans le développement avec la période du « non » au cours de laquelle l’enfant s’affirme comme différent d’autrui. Puis vers 4 ans, il entre dans une phase de séduction pour plaire à son entourage. Vers 5 ans s'instaure une période d'imitation de l'adulte. C'est un stade d’élaboration intime de l’individu.

Durant le « stade catégoriel », de 6 à 11 ans, l'activité intellectuelle prend le pas sur l'affectif. L'enfant scolarisé acquiert des capacités de mémoire volontaire et d'attention. Son intelligence accède à la formation des « catégories mentales » qui conduisent aux capacités d'abstraction.

Le « stade de l'adolescence » commence après 11 ans et se caractérise par une deuxième crise dans le développement. L'adolescent affirme sa personne et a acquis un mode de raisonnement abstrait.

En insistant sur la discontinuité et la notion de crise qui sous-tend cette discontinuité, Henri Wallon se montrait fidèle aux thèses hégéliennes de la dialectique. Il se distingue en cela de Jean Piaget, qui valorise plutôt, dans sa propre description des stades du développement infantile, les interactions au détriment des ruptures.

Relation avec Freud et la psychanalyse[modifier | modifier le code]

Henri Wallon semble avoir surtout une connaissance livresque de la psychanalyse. Il adresse plusieurs critiques à Freud, rejetant ainsi l'opposition entre libido et pulsions du moi comme origine du conflit intrapsychique. Il reproche aussi au psychanalyste de fixer le destin du sujet dans son enfance et de défendre une vision idéaliste du psychisme qui tendrait à minorer la part du biologique et du social dans la formation de la personnalité. Néanmoins, sa pensée converge en ce qui concerne la reconnaissance du rôle du conflit dans le développement, la dimension pré-logique du mode de pensée infantile et les potentialités pratiques de la thérapeutique. L'approche génétique de la psychopathologie, qui précède la théorisation par stades, rejoint également la pensée freudienne[13].

Une observation faite par Wallon, publiée en 1931 sous l'intitulé « Comment se développe chez l'enfant la notion de corps propre »[14], a inspiré le concept de « stade du miroir », que le psychiatre et psychanalyste Jacques Lacan a particulièrement développé[15].

Publications[modifier | modifier le code]

  • Délire de persécution. Le délire chronique à base d'interprétation, thèse doctorale de médecine, Baillière, Paris, 1909.
  • La Conscience et la vie subconsciente, in Georges Dumas, Nouveau traité de psychologie, PUF, Paris, 1920-1921.
  • L'Enfant turbulent, thèse de doctorat ès lettres, Alcan, Paris, 1925, rééd. PUF-Quadrige, Paris, 1984. (ISBN 2130384501)
  • Les Origines du caractère chez l'enfant. Les préludes du sentiment de personnalité, Boisvin, Paris, 1934, rééd. PUF-Quadrige, Paris, 2002. (ISBN 2130528171)
  • La Vie mentale, Éditions sociales, Paris, 1938, rééd. 1982.
  • Principes de psychologie appliquée, Armand Colin, Paris, 1938.
  • L'Évolution psychologique de l'enfant, A. Colin, Paris, 1941, rééd. 2002, Ed.: Armand Colin, 1941, rééd. 2002. (ISBN 2200263031)
  • De l'acte à la pensée, essai de psychologie comparée, Flammarion, Bibliothèque de philosophie scientifique, Paris, 1942, rééd. 1970.
  • Les Origines de la pensée chez l'enfant, PUF, Paris, 1945, rééd. 1963.
  • Niveaux de fluctuation du moi, 1956, L'Évolution psychiatrique, p. 607-617 , octobre . (ISSN 0014-3855)
  • Écrits de 1926 à 1961 - Psychologie et dialectique, présentés par Émile Jalley et Liliane Maury, Messidor, 1990.
  • Oeuvres d'Henri Wallon, 6 tomes, L'Harmattan, 2015.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Archives numérisées de l'état civil de Paris, acte de naissance no 5/1879/1615, date et lieu du décès mentionnés en marge de l’acte (consulté le 5 janvier 2013).
  2. a et b Charmasson, Méchine et Parot 2001.
  3. Généalogie de la famille Wallon, sur le site consacré à Henri Wallon (1812-1904).
  4. « Simone Wallon », sur data.bnf.fr (consulté le )
  5. Christophe Charle, Eva Telkès, « Wallon (Henri, Paul, Hyacinthe) [note biographique] », Publications de l'Institut national de recherche pédagogique, no 3,‎ , p. 239-241 (lire en ligne, consulté le ).
  6. Nicole Racine, « WALLON Henri, Paul, Hyacinthe », sur maitron.fr, 30 novembre 2010, dernière modification le 29 juin 2020 (consulté le ).
  7. « Philippe II et la Franche-Comté », (consulté le )
  8. Décret du 14 février 1937, archives du Collège de France.
  9. R. Mande, « À propos d'une enquête pour le recensement des enfants anormaux », Cahiers de la Fondation française pour l'étude des problèmes humains, Paris, Librairie de Médicis, no 4,‎ , p. 83-95.
  10. « Wallon, Henri (1879-1962) », BnF, .
  11. a et b R. Zazzo, « Henri Wallon alias Hubert », dans René Zazzo, Où en est la psychologie de l'enfant?, Mediations, , p. 229-231.
  12. Virginie Laval, « La théorie d’Henri Wallon (1879-1962) », dans La psychologie du développement. Modèles et méthodes, Dunod, (lire en ligne), p. 69 à 86.
  13. Daniel Widlocher, « Wallon et Freud », Enfance, vol. 32 « Centenaire d'Henri Wallon », no 5,‎ , p. 335-345 (DOI https://doi.org/10.3406/enfan.1979.2681, lire en ligne, consulté le ).
  14. Enfance, 1963, no 1-2, p. 121-150.
  15. Marie-Christine Laznik, « Stade du miroir », dans Alain de Mijolla, Dictionnaire international de la psychanalyse, vol. 2 : M/Z, Calmann-Lévy, (ISBN 2-7021-2530-1), p. 1627-1628.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrage[modifier | modifier le code]

  • Émile Jalley
    • Wallon lecteur de Sigmund Freud et Jean Piaget. Trois études suivies des textes de Wallon sur la psychanalyse, Éditions La Dispute, coll. «Terrains», 1981, (ISBN 2209054060)
    • Wallon : La vie mentale, Les Éditions sociales, Paris, 1982
    • Freud, Wallon, Lacan. L'Enfant au miroir, Éditions EPEL, Paris, 1998
  • Régis Ouvrier-Bonnaz, Jean-Yves Rochex et Stéphane Bonnery, Henri Wallon dans La Pensée, Éditions Manifeste, 2022.
  • René Zazzo, Psychologie et marxisme : la vie et l’œuvre d’Henri Wallon. Paris, Denoël Gonthier, 1975.

Articles[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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