Haratins — Wikipédia

Haratin, Chouachin
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Haratine, 1955. Tropenmuseum

Populations importantes par région
Autres
Régions d’origine Soudan (région), Zanj
Langues Majoritairement arabe maghrébin, berbère
Religions Islam sunnite, soufi, ibadite
Ethnies liées Afro-Arabes, Akhdam, Zenci, Jalban, Siya, Siddi

Les Haratins, Haratines, Chouachins ou Chouachines (en arabe : حراطين ḥarâṭin, sing. حرطاني ḥârṭani ou شواشين šwašin, sing. شوشان šušan, en berbère isemghan, sing. asemgh), parfois appelés Maures Noirs, sont le groupe ethnique des Noirs vivant au Maghreb et dans l'Ouest du Sahara (du Maroc jusqu'en Libye), de statuts divers selon les régions.

Dénominations[modifier | modifier le code]

L'usage de l'appellation Haratin ou Haratine (sing. Hartani, fém. Hartania ou Hartaniya) est cantonné à l'extrême-ouest saharien[1] : au Maroc, au Sahara occidental, en Mauritanie, en Algérie, tandis qu'au Maghreb oriental, en Tunisie et en Libye, ils sont appelés Chouachin ou Chouachine[2],[3],[4] (sing. Chouchan ou Chouchane, fém. Chouchana).

Étant donné que le Maghreb est un vaste territoire et les dialectes et parlers nombreux, les appellations pour désigner les populations noires, au Sahara et ailleurs au Maghreb, ainsi qu'en Orient, sont très diverses en arabe et en berbère, et peuvent diverger en fonction de leur statut : asmeg, ismeg ou asmegh, plur. isemghan en berbère, ‘abid en arabe, akli plur. iklan (esclave noir) en berbère, khadem (serviteur noir), waṣif (valet), kahluš (francisé kahlouche) mot hybride arabe et berbère, kafûr, ‘atrïya, akaouar (akawar) au Ghât, šušan (chouchane) au Fezzan, aherdan en Kabylie, ahardan en berbère du Moyen-Atlas, du Haut-Atlas, du Tafilalet, du Sud marocain et zenaga de Mauritanie[5], ḥirthan (ḥirṯan) au Hadramaout, agnaw (agnaou), plur. ignawen (ignaouen) pour désigner le Noir en général dans la majeure partie de l'aire d'extension berbérophone[6],[7], ğanew (djanew, djaneou)[8] ou adjanaw (adjanaou) en berbère de Ghadamès[6], akhdam dans tout le Yémen (population d’origine éthiopienne)[9], suqqey (souqeï), abercan (aberchan), adeghmum (adeghmoum), abexxan (abekhan), admam à Figuig, assuqi/assuqʷi/asuqqi (assouqi, assouqoui) plur. issuqin/isuqqiyin (issouqin) dans le Souss[10],[11], abukan (aboukan) au Mzab[12], askiw (askiou) en chaoui de l'Aurès[13], chez les Beni Menacer et dans le dialecte de l'Ouarsenis[14], aččiw (atchiw, atchiou) à Djerba, ismij au Djerid[14], ijmej au Touât, Tementit[14], imuccan (imouchchan) en chelha (chleuh)[14], edegen en zenaga[14].

Dans le monde touaregophone, ce groupe ethnique particulier est aussi désigné par divers termes variant en fonction de leur statut : iderfan, sing. ederef, iɣawellan (ighawellan, ighaouellan), sing. eɣawel (eghawel, eghaouel) pour les affranchis, azeggaɣ (azeggagh), plur. izeggaɣen (izeggaghen) dans le Hoggar, isédîfen, sing. ésedîf, etîfen, plur. itîfenen, ébenher, éhati, plur. ihatan, pour le Noir ne parlant ni l’arabe ni le berbère, akli, plur. iklân pour l’esclave asservi, bella pour l’esclave vivant librement, awnnan (aounnan), plur. iwnnanen (iounnanen) pour le Noir en général[5].

Dans le dialecte berbère zénète parlé dans la région du Gourara, les Haratins sont appelés isemghan (sing. asemgh).

Dans le dialecte berbère de Siwa en Égypte de l'Ouest le terme utilisé relevé a été retranscrit par azetaff/azotaff[15], ou atzethaf (اظطاف)[16], mais la transcription exacte de l'orthographe du mot en alphabet berbère latin est pour l'instant inconnue. En arabe égyptien le terme générique ayant historiquement désigné le groupe ethnique des Noirs déportés est celui de Jalban.

Le terme shwashin (singulier : shushan, au féminin shushana), littéralement « réglisse », « les réglisses »[17], utilisé dans les dialectes arabes de Tunisie et de Libye est dérivé du mot arabe désignant le réglisse en raison de leur couleur noire.

Usage contemporain[modifier | modifier le code]

Au Maroc, les mots hartani et hartania (son équivalent féminin) comportent une connotation péjorative puisqu'ils sont associés à l'esclavage et le fait d'être subalterne[18],[19].

En février 2021, Azzouha El Arrak, députée du Parti de la justice et du développement et conseillère municipale de Dakhla, a été traitée publiquement de hartania par un autre conseiller municipal pour avoir dénoncé ses actions et ses propos racistes. En effet, celui-ci s'est approprié la terre d'un Sahraoui noir en prétextant qu'il y avait droit parce qu'il était l'esclave de sa famille et un hartani[20]. Azzouha El Arrak a répondu en déclarant: « Nous avons la peau noire, mais nous ne sommes les esclaves ou les Hartanis de personne et nul ne peut nous asservir » en rajoutant que ses propos appartenaient à la période antéislamique[21].

Géolocalisation[modifier | modifier le code]

On les retrouve au, Maroc, au Sahara occidental, en Algérie, en Tunisie, en Libye, en Mauritanie, dans l'Azaouad et l'Azaouagh.

Origine[modifier | modifier le code]

La génétique et l’anthropologie modernes démontrent que les Haratins se distinguent des Touaregs, des Zenagas/Senhadjas et des peuples subsahariens ouest-africains, tels que les Wolofs et les Peuls[22],[23]. .

Selon Rachid Bellil, la population du Sahara se composait durant l'Antiquité d'une part de Libyens (Gétules à l'ouest et de Garamantes au sud-est (ancêtres des Berbères), et d'autre part d'Éthiopiens, ancêtres d'une partie des Haratins[24], qui furent razziés et déportés par les Berbères dans les territoires subsahariens. Des peintures rupestres du Maghreb dépeignent en effet des scènes de razzias effectuées par les Libyens sur des populations congoïdes vivant plus au Sud.

Chez les populations berbères chleuhes du sud marocain, et selon leur transmission orale, les populations négroïdes sont réputées allogènes (allochtones, d'origine étrangère et non autochtones). Ainsi, le terme amazigh y désigne uniquement l'homme blanc d'origine locale, par opposition à l'homme noir, déporté[25].

La transmission orale des populations berbères et arabes du Sahara occidental et de la Mauritanie , les noirs (dont les Bafours/Bafots) y seraient autochtones, les Berbères et Arabes ayant migré vers le Sud tour à tour[26][source détournée].

Histoire[modifier | modifier le code]

Les plus vielles représentations artistiques humaines recensée au Sahara maghrébin sont dans les sites Tadrart Acacus et le Tassili dans la période de l'Épipaléolithique. Plus tard, apparaissent dans les représentations artistiques des chasseurs Bubalins mélanodermes et des chasseurs leucodermes. Entre le 7e et 2e millénaire du néolithique, lors de la venue d'un climat plus humide et du développent de l'élevage de bœufs, les représentations d'individus dits « mélanodermes », dénommées Bovidiens, qui y seraient majoritaires d'après certains historiens. Vers la fin du 2e millénaire avant notre ère, les Protoberbères venus du nord-est de l'Afrique prédominent le Sahara maghrébin grâce à l'introduction du cheval. Les populations dites « mélanodermes » commencent à disparaître du Tassili et à migrer vers le Sahel. Selon l'historienne algérienne Malika Hachid[22].

« Toutefois, une partie importante de ce peuplement noir s’est retrouvée peu à peu subjuguée par les Paléoberbères, nouveaux maîtres du Sahara... Ces groupes noirs que l’on retrouve çà et là en Afrique du Nord ce sont ces Tzzaggaren’ou ‘Harratines’ des oasis, une population préhistorique devenue résiduelle mais gonflée plus tard du flot de l’esclavage des temps modernes au point qu’on ne peut plus distinguer aujourd’hui les uns des autres. »

Ses membres étaient spécialisés dans l'agriculture mais exercent aujourd'hui divers métiers, comme forgerons, tanneurs, bijoutiers, menuisiers ou encore propriétaires de terrain.

Ils parlent arabe dialectal ou berbère selon la communauté linguistique dans laquelle ils vivent.

Au Maroc la communauté la plus importante est située dans la vallée du Drâa.

Dans le Sahara algérien, les Haratins qui étaient marginalisés durant la colonisation, connaissent une promotion sociale et politique après l'indépendance du pays[27]. Cette intégration avait commencé durant la guerre de libération ; un discours d'émancipation et l'absence d'un racisme d'État, qui constitue une tradition du nationalisme algérien avaient réussi à mobiliser cette catégorie sociale[27]. La réussite sociale par l'enseignement a permis aux anciens Haratins d'être représentés dans les collectivités locales et d'accéder aux postes les plus influents modifiant ainsi la hiérarchie sociale existante[27].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. M. Gast, « Harṭâni », dans Encyclopédie berbère, vol.22, Aix-en-Provence, Edisud, 2000, p. 3414-3420
  2. Stéphanie Pouessel, Noirs au Maghreb : enjeux identitaires, (lire en ligne)
  3. Noirs au Maghreb : enjeux identitaires, Tunis/Paris, KARTHALA Editions, , 167 p. (ISBN 978-2-8111-0808-3, lire en ligne)
  4. Vincent Bisson. Dynamiques comparées de l’urbanisation en milieu tribal (Tunisie et Mauritanie). Géographie. Université François Rabelais - Tours, 2005
  5. a et b M. Gast, « Harṭâni », Encyclopédie berbère, no 22,‎ , p. 3414–3420 (ISSN 1015-7344, DOI 10.4000/encyclopedieberbere.1704, lire en ligne, consulté le )
  6. a et b Rachid Agrour, « Contribution à l’étude d’un mot voyageur : Chleuh », Cahiers d’études africaines, vol. 52, no 208,‎ , p. 767–811 (ISSN 0008-0055, DOI 10.4000/etudesafricaines.17161, lire en ligne, consulté le )
  7. Gabriel Camps, « Recherches sur les origines des cultivateurs noirs du Sahara », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, vol. 7, no 1,‎ , p. 35–45 (DOI 10.3406/remmm.1970.1056, lire en ligne, consulté le )
  8. M. A. Haddadou. Dictionnaire des racines berbères communes. Suivi d'un index français-berbère des termes relevés. Haut Commissariat à l'Amazighité.
  9. M. Gast, « Harṭâni », in Gabriel Camps (dir.), 22 | Hadrumetum – Hidjaba, Aix-en-Provence, Edisud (« Volumes », no 22) , 2000.
  10. Catherine Taine-Cheikh. ’Hartani’: une enquête au pays des mots. L’Ouest Saharien: Cahiers d’Études Pluridisciplinaires, 2020, Devenir visibles dans le sillage de l’esclavage : la question ḥarāṭīn en Mauritanie et au Maroc, 10–11, p. 73-94. halshs-03087902
  11. (en) Stefania Pandolfo, Impasse of the Angels : Scenes from a Moroccan Space of Memory, University of Chicago Press, , 404 p. (ISBN 978-0-226-64532-2, lire en ligne)
  12. William-Frederic Edwards, Sabin Berthelot, Gustave “d'” Eichthal et Marie Armand Pascal “d'” Avezac, Memoires De La Societe Ethnologique, Veuve Dondey Dupre, (lire en ligne)
  13. Gustave Mercier, La Chaouia de l'Aurès : (dialecte de l'Ahmar-Khaddou) Étude grammaticale, texte en dialecte chaouia, Ernest Leroux, (lire en ligne)
  14. a b c d et e (fa) Luqmān, Loqmân berbère : avec quatre glossaires et une étude sur la légende de Loqmân, E. Leroux, (lire en ligne)
  15. William-Frederic Edwards, Sabin Berthelot, Gustave “d'” Eichthal et Marie Armand Pascal “d'” Avezac, Memoires De La Societe Ethnologique, Veuve Dondey Dupre, (lire en ligne)
  16. Le dialecte de Syouah, René Basset, 1890
  17. Noirs au Maghreb : enjeux identitaires, Tunis/Paris, KARTHALA Editions, , 167 p. (ISBN 978-2-8111-0808-3, lire en ligne)
  18. Jaouad Mdidech, « Les Marocains sont-ils racistes ? », La Vie éco,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  19. (en) Christen M. Allen, Generational Differences Between Beur and North African Francophone Literatures : The New Stories of Immigrants in France, Logan, Utah State University, (lire en ligne), p. 12.
  20. (ar) جمال أمدوري, « مستشار بالداخلة يصف برلمانية من الـPJD بـ”الحرطانية”.. والعراك: ألفاظ جاهلية (فيديو) », Al3omk,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  21. Yassine Benargane, « Les élus du PJD solidaires avec Azzouha El Arrak, victime d'injures raciales », Yabiladi,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  22. a et b M. Gast, « Harṭâni », Encyclopédie berbère,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  23. (en) Georges Séraphin Colin, « ḤARĀṬĪN », dans Encyclopaedia of Islam, vol. 3, B. Lewis, V.L. Ménage, Ch. Pellat et J. Schacht, , 230-232 p. (lire en ligne)
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    .
  24. Rachid Bellil, Les oasis du Gourara, page 63)
  25. S. Chaker, « Amaziɣ (le/un Berbère) », Encyclopédie berbère, no 4,‎ , p. 562–568 (ISSN 1015-7344, DOI 10.4000/encyclopedieberbere.2465, lire en ligne, consulté le )
  26. A.J Lucas, « Considérations sur l'ethnique maure et en particulier sur une race ancienne : les Bafours », Journal des Africanistes, nos 1-2,‎ , p. 151-194 (lire en ligne)
  27. a b et c Badreddine Yousfi, « Les territoires sahariens en Algérie. Gouvernance, acteurs et recomposition territoriale », L’Année du Maghreb [Online], 16 | 2017, Online since 05 July 2017, connection on 22 December 2019. URL ; DOI : 10.4000/anneemaghreb.2951


Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Chouki El Hamel (trad. de l'anglais par Anne-Marie Teewissen, préf. Catherine Coquery-Vidrovitch), Le Maroc noir : Une histoire de l'esclavage, de la race et de l'islam [« Black Morocco: A History of Slavery, Race, and Islam »] [« Le Maroc noir, une histoire de l’esclavage, de la race et de l’islam »], La Croisée de Chemins., , 509 p. (ISBN 978-9920-769-04-4).
  • (en) Anthony G. Pazzanita, « Haratine », in Historical dictionary of Mauritania, Scarecrow Press, Lanham (Maryland) ; Toronto, Plymouth (Royaume-Uni), 2008 (3e éd.), p. 240-242 (ISBN 9780810855960)
  • Ould Saleck El Arby, Le paradoxe de l'abolition de l'esclavage et l'enjeu politique de la question haratine en Mauritanie, Université Paris 1, 2000, 312 p. (thèse de doctorat de Science politique)
  • Ould Saleck El Arby, Les Haratins : le paysage politique mauritanien, L'Harmattan, Paris ; Budapest ; Torino, 2003, 153 p. (ISBN 2-7475-4779-5)
  • M. Gast, « Harṭâni », Encyclopédie berbère,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • M’hamed Oualdi, L’Esclavage dans les mondes musulmans : Des premières traites aux traumatismes, Éditions Amsterdam, coll. « Contreparties », , 256 p. (ISBN 9782354802837, présentation en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]