Hamidou ben Ali — Wikipédia

Hamidou Ben Ali
Statue d’Hamidou Ben Ali, au Musée central de l'Armée d'Alger, en Algérie.
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Hamidou Ben Ali
Allégeance
Activité
Période d'activité
1795 - 1815
Fratrie
Raïs Hamdan
Autres informations
Arme
Grade militaire
Raïs
Conflits
Plaque commémorative

Hamidou ben Ali, également appelé Raïs Hamidou (en arabe : الرايس حميدو), né vers 1770 à Alger, dans la régence d'Alger, et mort le près du cabo de Gata, en Espagne, est un corsaire algérien.

Il a capturé plusieurs navires durant sa carrière et assuré la prospérité de la régence d'Alger, lui donnant sa dernière gloire avant la conquête française. Sa biographie est relativement bien connue car l'archiviste français Albert Devoulx a retrouvé des documents importants, dont un précieux Registre des prises ouvert par les autorités de la régence en 1765. La chanson et la légende se sont aussi emparés de ce personnage charismatique.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et origines[modifier | modifier le code]

Hamidou ben Ali naît vers 1770 à Alger. La ville fait alors partie de la régence d'Alger. Elle est gouvernée par un dey, terme traditionnellement traduit par « régent d'Alger ».

D'après Albert Devoulx, Hamidou « appartenait à cette classe d’Arabes fixés dans les villes depuis plus ou moins longtemps, que les indigènes appellent citadins et nous Maures »[1], et serait le fils d'Ali[2], un artisan tailleur[3]. Néanmoins, il serait Kabyle d'après des témoignages recueillis plus tard sur ses propres officiers[4]. Il est également décrit comme un « algérien natif » par des sources européennes[5]. Il est un homme de taille moyenne mais robuste, ayant un teint blanc, les yeux bleus et le poil blond. Dans tous les cas, il n'est ni Turc, ni Kouloughli, ni renégat.

Dès l’âge de dix ans, il abandonna le métier de tailleur que lui faisait apprendre son père, pour s’engager comme mousse à bord de l’un des navires de la régence[6]. Le navire pirate est commandé par le Raïs Memmou. Là, il a appris beaucoup de choses différentes et en a tiré une grande expérience[4].


Les débuts dans la carrière[modifier | modifier le code]

Il n’existe pas de document sur l’activité du raïs Hamidou pendant les premières années de ses fonctions de commandant à Alger et on peut supposer qu’il était sous la tutelle d’un corsaire plus ancien, et qu’il faisait son apprentissage[7]. Après avoir réussi l'examen organisé par la taïfa des Raïs (un conseil des capitaines pirates d'Alger), il fut autorisé à devenir lui-même raïs. Son premier succès est survenu peu de temps après sa nomination, lorsqu'il a réussi à guider son navire d'une défaite apparemment certaine face à un ennemi espagnol beaucoup plus important.

En 1790, après la reconquête d'Oran, Hamidou est nommé chef de la marine oranaise, qui comportait alors 3 chébecs et felouques. Le dey lui octroie un chebec de trois mâts armés de 12 canons, pourvu de 60 marins et miliciens[8][réf. à confirmer].

Entre l' et 1796, au retour d'une expédition en Italie, pris dans une tempête, il décide de mouiller à La Calle, ses ancres ripent et son navire, emporté par une tempête, se brise contre les rochers du rivage. Cet événement faillit ruiner les projets d'Hamidou. La perte d’un navire confié à un raïs était le plus souvent très sévèrement punie. Alors qu'il n’était pas rentré faire son rapport, il est rattrapé et ramené de force à Alger. Mais il sut calmer la colère du dey et bientôt, il disposa d'une frégate construite par l'espagnol Maestro Antonio[9], charpentier à Alger qui donna une dimension nouvelle à l'activité de Hamidou.

En 1797, une corvette du dey d'Alger revint au port sans arborer son pavillon ni saluer la mosquée de Sidi Abderrahman, patron de la ville d’Alger. Ceci signifiait la perte de son capitaine. En fait, ce dernier, ayant de nombreux méfaits et de grosses fautes de navigation à se faire pardonner, avait préféré déserter, et alla se réfugier au Maroc. Le pacha désirant récompenser le raïs Hamidou de ses récents succès, le nomma au commandement de ce navire[10]. Le raïs Hamidou est mentionné régulièrement dans le registre des prises, mettant à contribution Génois, Vénitiens, Napolitains et Grecs[11].

Le [12], après quelques jours de croisière, Hamidou fait la rencontre d'un vaisseau de guerre portugais de 44 canons, avec un chébec de 40 canons. Conscient de la supériorité militaire de la frégate portugaise, il emploie la ruse. Il hisse un pavillon anglais pour s'approcher des Portugais. La frégate algérienne se tenant correctement, les Portugais se laissent approcher. Ils prennent conscience bien trop tard qu'ils sont face à des pirates. Les Algériens abordent et dévastent le navire. 282 portugais sont faits prisonniers. Les corsaires capturent le navire[13],[14].

La frégate deviendra une unité de la flotte de la régence sous le nom de La Portugaise. Hamidou obtient de la part des Turcs, un Yatagan d'honneur, et fut reçu en audience solennelle[15]. La frégate portugaise ne fut pas la seule que les Algériens captureront[16], puisque le de la même année, le Rais Hamidou capture une autre frégate portugaise de guerre de 36 canons[17]. Ce succès valut au Rais la direction de la flottille algérienne, et une villa à El Biar, offerte par le dey Hussein[18][réf. incomplète].

À partir de cette époque, et pendant près de deux années, le nom de Hamidou cesse de figurer sur le registre des prises à cause de problèmes internes dans l'Odjak et de la jalousie du Dey[19]. En 1808, l'un des premiers actes du nouveau Dey, Ali ben Mohamed, fut d’exiler Hamidou dont la célébrité l’offusquait[20]. Hamidou est envoyé en exil à Beyrouth, au Liban ; mais Hadj Ali Dey, arrivé au pouvoir en 1809, s’empresse de le rappeler[20].

La consécration[modifier | modifier le code]

De retour à Alger, il reçut le commandement d'une division de quatre navires, une frégate de 44 canons commandée par lui-même, une frégate de 44 canons commandée par le Raïs Ali Gharnaout, la frégate portugaise de 44 canons commandée par le Raïs Ahmad Zmirli, un brick de 20 canons, commandé par le Raïs Mustapha le Maltais. Le dey l’autorisa à aller croiser dans l’océan Atlantique ce que fit le Raïs Hamidou sous le couvert de la nuit[21]. L’escadre algérienne captura trois navires portugais[22]. Les Portugais signeront un traité de paix avec là régence en 1810, contre une lourde indemnité[23].

En 1811, une guerre éclate entre la régence d’Alger et celle de Tunis. Le , Hamidou capture un navire anglais contenant des marchandises tunisiennes. Le , avec une flotte de six navires de guerre, et de quatre canonnières, il capture une frégate tunisienne qu’il ramène à Alger après un rude combat contre une flotte de douze navires de guerre tunisiens. Voici ce qui a été consigné dans le registre des prises :

« L’engagement dura six heures et ne cessa qu’après le coucher du soleil. Nous avons perdu 41 hommes et la frégate tunisienne 230[24]. »

À la suite de cette bataille navale, Hamidou reçut une ovation populaire après que le Pacha l’ai complimenté en audience publique[25]. Hamidou enregistrera un certain nombre d’autres succès entre 1812, et 1815. Il prit part à des attaques contre des navires venant de Grèce, de Sicile, de Suède, d'Hollande, du Danemark, et d'Espagne[26]. Il s'empara au total durant sa carrière, de plus 200 voiliers[27][réf. à confirmer].

La fin de Hamidou ben Ali[modifier | modifier le code]

Le Meshuda, encerclé lors de la bataille du cap Gata par une escadre américaine (1815)

Hamidou écume la mer à bord du Mashouda, frégate de 44 canons construite à Alger par un architecte espagnol lui servant de navire-amiral depuis 1802. Avec sa flottille, il revenait dans la mer Méditerranée venant de l'Atlantique. Les circonstances font, qu'au même moment, l’escadre de Decatur venait elle aussi de l'Atlantique en Méditerranée, demander raison au dey Omar des insultes faites au pavillon américain. L'escadre, qui comptait dix navires, tombe sur Hamidou, le , non loin du cap de Gata. Hamidou réalise trop tard qu'il s'agit d'une escadre américaine. Il tente d'abord de prendre la fuite en direction du port franc de Cartagena. Mais rapidement, Hamidou se trouve engagé et il fait front. Hamidou ordonne à un de ses officiers : « Quand je serai mort tu me feras jeter à la mer. Je ne veux pas que les mécréants aient mon cadavre. »[28]. Hamidou manœuvre, et une lutte s’engage entre le Mashouda et le Constellation. Les Américains tirèrent deux bordées. Les conséquences sont dévastatrices, Hamidou est tué sur son banc de quart et le navire est en partie détruit[29],[30],[31],[32],[33].

Conformément à ses instructions, le corps du Raïs fut jeté à la mer. Des embarcations vinrent prendre possession du navire vaincu. En montant en bord, le chef du détachement demanda le commandant : « Voici tout ce qu'il en reste, dit le second, en montrant une mare sanglante : un peu de sang », rapporte Albert Devoux sur la fin tragique du raïs[34].

Dégradation des relations franco-algériennes[modifier | modifier le code]

En 1798, les relations s’envenimèrent entre la Régence d'Alger et la France, à cause des dettes[35] que cette dernière faisait traîner (redevances de la Compagnie d’Afrique impayées). Cela entraîna inévitablement des tensions entre les deux pays, comme cela se reproduira plus tard pour d’autres dettes (voir les raisons de l’invasion de l’Algérie par la France en 1830)[36],[37].

Hommages[modifier | modifier le code]

Littérature[modifier | modifier le code]

Le raïs Hamidou a très tôt sa place dans la littérature populaire orale d'Alger, comme d'autres raïs avant lui. Henri-Delmas de Grammont signale combien la ferveur populaire s'allumait facilement pour ces aventuriers dont les prises faisaient vivre les habitants de la régence directement ou indirectement.

Albert Devoulx recueille chansons et histoires à son sujet, et en mentionne quelques-unes dans son ouvrage. L'esclavage est pleinement assumé, comme en témoigne la suivante :

« Hamidou resplendit d’orgueil, son cœur est plein d’allégresse ! Il ramène une frégate portugaise et son triomphe est éclatant ! Les mécréants sont vaincus et asservis. Il se rend au palais du Sultan, traînant après lui les esclaves chrétiens et nègres. »

Notes et références[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Devoulx 1859, p. 16.
  2. Devoulx 1859, p. 17.
  3. Devoulx 1859, p. 25.
  4. a et b (en) Frederick C. Leiner, The End of Barbary Terror : America's 1815 War against the Pirates of North Africa, Oxford University Press, , 256 p. (ISBN 978-0-19-029355-0, lire en ligne), p. 208
  5. (en) Frederick C. Leiner, The End of Barbary Terror : America's 1815 War against the Pirates of North Africa, Oxford University Press, , 256 p. (ISBN 978-0-19-804095-8, lire en ligne), p. 92
  6. Devoulx 1859, p. 26.
  7. Paul Desprès, RAIS HAMIDOU : Le dernier corsaire barbaresque d'Alger, Paris, Harmattan, , 221 p. (ISBN 978-2-296-02808-1, lire en ligne), p. 13
  8. Paul Desprès, Rais Hamidou : Le dernier corsaire barbaresque d'Alger, Editions L'Harmattan, , 226 p. (lire en ligne), p. 12
  9. Djamel Souidi, Grands personnages de l'histoire ancienne de l'Algérie : des origines à 1830, Editions du Tell, , 144 p. (lire en ligne), p. 88
  10. Rais Hamidou: Le dernier corsaire barbaresque d'Alger (2007); p. 13.
  11. Devoulx 1859, p. 38-39.
  12. Revue africaine, , 1 080 (lire en ligne), p. 413
  13. Devoulx 1859, p. 86-90.
  14. La piraterie barbaresque en Méditerranée: XVIe-XIXe siècle (2000) ; p. 36. Lire en ligne
  15. Devoulx 1859, p. 81.
  16. Pierre Hubac, Les Barbaresques, Berger-Levrault, , 262 p. (lire en ligne), p. 228
  17. Daniel Panzac, Les corsaires barbaresques : la fin d'une épopée, 1800-1820, CNRS, , 311 p. (lire en ligne), p. 55
  18. Sabrina L. (2011)[réf. incomplète]
  19. Devoulx 1859, p. 97.
  20. a et b Devoulx 1859, p. 102.
  21. Devoulx 1859, p. 103.
  22. Devoulx 1859, p. 104.
  23. Les corsaires barbaresques: la fin d'une épopée, 1800-1820 (1999) ; p. 96.
  24. Devoulx 1859, p. 107.
  25. Devoulx 1859, p. 110.
  26. Devoulx 1859, p. 110-112.
  27. Jean-Louis Beaucarnot et Frédéric Dumoulin, Dictionnaire étonnant des célébrités, Paris, editionsfirst, , 350 p. (ISBN 978-2-7540-7052-2, lire en ligne)
  28. Mahdi Boukhalfa, « Raïs Hamidou, le 17 juin 1815 : Quand je serai mort tu me feras jeter à la mer » dans Huffpost Algeria, 2015
  29. (en) Daniel Panzac, The Barbary Corsairs : The End of a Legend, 1800-1820, Pays-Bas, K. Brill, , 352 p. (ISBN 0-471-44415-4, lire en ligne), p. 270-271
  30. La piraterie barbaresque en Méditerranée: XVI-XIXe siècle (2000); p. 36.
  31. Joshua London, Victory in Tripoli : how America's war with the Barbary pirates established the U.S. Navy and shaped a nation, Hoboken (N. J.), Macmillan, , 288 p. (ISBN 0-471-44415-4, lire en ligne), chap. IX
  32. Roland Courtinat, La piraterie barbaresque en Méditerranée : XVI-XIXe siècle, 2003, p. 36
  33. Article Constellation sur le site « Naval History and Heritage Command », 2004,
  34. Devoulx 1859, p. 125.
  35. Pierre Montagnon, La conquête de l'Algérie, Pygmalion, 1986, p. 50
  36. Lettre du 19 décembre 1827 du dey Hussein au grand Vizir (archives du gouvernement turc) citée par Jeannine Verdès-Leroux, article Coup d'éventail (1827), in L'Algérie et la France, Robert Laffont 2009, p. 246
  37. Henri Nérac, « La Régence turque », La Nouvelle Revue d'histoire, no 4H, printemps-été 2012, p. 54-56.

Sources[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]