Hamida Djandoubi — Wikipédia

Hamida Djandoubi
Proxénète et meurtrier
Image illustrative de l’article Hamida Djandoubi
Information
Nom de naissance Hamida Djandoubi
Naissance
Tunis
Décès (à 27 ans)
Prison des Baumettes à Marseille
Cause du décès Décapitation (guillotine)
Surnom « Le tueur maquereau »
Condamnation
Sentence Peine de mort
Actions criminelles Proxénétisme, viol, tortures, homicide volontaire
Victimes Élisabeth Bousquet
Période Début 1973-
Pays Drapeau de la France France
Régions Bouches-du-Rhône
Ville Marseille
Lançon-de-Provence
Arrestation

Hamida Djandoubi (arabe : حميدة جندوبي), né le à Tunis et mort guillotiné le à Marseille dans la prison des Baumettes[1], est un Tunisien condamné à mort en France pour crimes. Responsable du viol, de la torture puis du meurtre de son ancienne compagne âgée de 21 ans, Djandoubi est le dernier condamné à mort exécuté sur le sol français ainsi que le dernier exécuté en Europe au moyen d'une guillotine[2].

Histoire[modifier | modifier le code]

Contexte[modifier | modifier le code]

En , Hamida Djandoubi, employé chez un pépiniériste, est victime d'un grave accident du travail : une de ses jambes est happée par un motoculteur et doit subir une amputation sur place[1]. Lors de son hospitalisation, il fait la connaissance d'Élisabeth Bousquet, âgée de 18 ans, dont le père partage la chambre d'Hamida Djandoubi. Elle devient sa compagne[3].

Assassinat[modifier | modifier le code]

Un soir de , Djandoubi contraint Élisabeth à avoir des relations sexuelles tarifées avec huit autres hommes. La jeune femme porte plainte pour proxénétisme en . Après avoir été convoqué au commissariat de police, il est poursuivi et condamné à plusieurs mois de prison. La même année, il fréquente deux adolescentes, Annie et Amaria, auxquelles il impose la prostitution. Commence alors une relation à trois, dans laquelle progressivement la violence vient s'immiscer.

Djandoubi, qui avait juré de se venger, retrouve Élisabeth presque par hasard. Sous un prétexte fallacieux, il la convainc de le suivre à son domicile, le . Élisabeth y subit une longue séance de torture en présence d'Annie et Amaria ; elle est frappée à coups de bâton et de ceinture, violée et brûlée sur certaines parties du corps[4]. Elle est ensuite transportée, nue et sans connaissance, dans la campagne, à Lançon-de-Provence près de Salon-de-Provence, à une quarantaine de kilomètres de Marseille. Djandoubi l'entraîne dans un cabanon de pierres, où il l'achève en l'étranglant. Le cabanon étant utilisé ponctuellement par des prostituées pour leur activité, le corps non identifiable y est retrouvé quelques jours plus tard[5]. Le , Djandoubi recueille une adolescente en fugue âgée de quinze ans, Houria, la séquestre et la viole.

Arrestation et instruction[modifier | modifier le code]

Le , alors qu'Annie s'est absentée, Houria convainc Amaria de fuir et de porter plainte au commissariat du VIe arrondissement de Marseille pour viol aggravé sur une adolescente de quinze ans, séquestration, coups et blessures et menaces de mort[4],[5]. Deux jours plus tard, Djandoubi est arrêté. Il reconnaît les faits et accepte de collaborer avec les autorités, notamment lors d'une reconstitution le , espérant ainsi obtenir la clémence. Lors de son discours de 1981, Robert Badinter voit en Hamida Djandoubi un « unijambiste […] qui, quelle que soit l'horreur – et le terme n'est pas trop fort – de ses crimes, présentait tous les signes d'un déséquilibré[6] ». Le procureur général Chauvy parle à l'époque d'« une âme démoniaque », les experts psychiatres considérant qu'il avait « une intelligence supérieure à la normale mais constituait un colossal danger social ».

Condamnation[modifier | modifier le code]

Ses avocats, Émile Pollak et Jean Goudareau, ne peuvent lui éviter d'être condamné à mort, le , par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône pour « assassinat après tortures et barbarie, viol et violences avec préméditation ». L'affaire commence alors à être médiatisée sur le plan national : des articles lui sont consacrés dans des quotidiens comme Le Figaro ou Libération. Le pourvoi en cassation est rejeté le de la même année[7]. Le , la grâce lui est refusée par le président de la République de l'époque, Valéry Giscard d'Estaing.

Exécution[modifier | modifier le code]

Le , le procureur de la République de Marseille adresse aux avocats de Djandoubi une notification pour les informer que la grâce a été rejetée et que la date de l'exécution est fixée le lendemain à h 15, afin qu'ils puissent « assister leur client ». Le , à h 40[8], Djandoubi est guillotiné dans la cour de la prison des Baumettes par l'exécuteur Marcel Chevalier[9], à douze jours de son 28e anniversaire[10].

Après l’exécution de Djandoubi, quinze criminels seront encore condamnés à mort en France, mais aucun n'est exécuté : quatre – tous défendus par Robert Badinter – ont bénéficié des circonstances atténuantes au terme d'un second procès après cassation, entre 1977 et 1980 ; deux ont vu leurs condamnations annulées en puis ont été rejugés après l'abolition de la peine capitale ; un, Philippe Maurice, a bénéficié de la grâce présidentielle en peu après l'entrée en fonction de François Mitterrand ; un autre, Paul Laplace, est mort en prison le  ; enfin, les sept derniers condamnés à mort ont vu leur sentence commuée en réclusion criminelle à perpétuité en vertu de l'article 9 de la loi no 81-908 du portant abolition de la peine de mort. Hamida Djandoubi est donc le dernier exécuté de France et d'Europe de l'Ouest[11],[9],[12].

Témoignages[modifier | modifier le code]

Le quotidien Le Monde publie en 2013 la transcription d'un témoignage de Monique Mabelly, à l'époque doyenne des juges d'instruction à Marseille. Dans ce document[13], l'intéressée relate sa désignation d'office par le président du tribunal, le , comme témoin de l'exécution, puis fait brièvement état de ses réticences et, enfin, rend compte du déroulement des faits[10], tôt le lendemain, à la prison des Baumettes.

Son récit, transmis au cours de l'été 2013 par son fils à Robert Badinter, avocat puis ministre de la Justice de François Mitterrand, qui avait porté à l'automne 1981 la loi abolissant la peine de mort en France, est ensuite communiqué au Monde[14], avec l'accord de la famille Mabelly. Le quotidien y voit un « document historique de premier plan » et Badinter considère que « son authenticité et sa qualité sont indiscutables ».

L'ancien garde des Sceaux a remis le ce document historique à l'École nationale de la magistrature à l'occasion du 35e anniversaire de l'abolition de la peine de mort[15].

En août 2020, pour la première fois, Houria, la jeune fille de quinze ans qui s'est échappée de chez Hamida Djandoubi 46 ans auparavant, en août 1974, raconte son calvaire au micro de Dominique Rizet[16]. La victime du dernier guillotiné de France y relate comment elle s'est enfuie, ainsi que son parcours difficile (avant et après son enlèvement), et sa reconstruction, ce qui permet de mieux comprendre le contexte de cette époque[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « La dernière exécution capitale date de 30 ans », sur rfi.fr, (consulté le ).
  2. « Abolition de la peine de mort : il y a 44 ans, le dernier condamné à mort de France était exécuté à Marseille », sur france3-regions.francetvinfo.fr, (consulté le ).
  3. Mathieu Olivier, « Qui était Hamida Djandoubi, le dernier condamné à mort exécuté en France, le 10 septembre 1977 », sur jeuneafrique.com, (consulté le ).
  4. a et b « Il y a 30 ans, avait lieu la dernière exécution », Le Nouvel Observateur,‎ (ISSN 0029-4713, lire en ligne).
  5. a et b « Le fait divers - Ép. 1/2 - Hamida Djandoubi, une toute dernière peine », sur franceculture.fr, (consulté le ).
  6. [PDF] Séance de l'Assemblée nationale du 17 septembre 1981, Journal officiel de la République française, 18 septembre 1981, p. 1140.
  7. Cass. crim., pourvoi no 77-91008, 9 juin 1977, sur Légifrance.
  8. Jacques Expert et Élise Karlin, « Hamida Djandoubi, le dernier condamné à mort », L'Express,‎ (ISSN 0014-5270, lire en ligne).
  9. a et b Mathieu Olivier, « Qui était Hamida Djandoubi, le dernier condamné à mort exécuté en France, le 10 septembre 1977 ? », Jeune Afrique,‎ (ISSN 1950-1285, lire en ligne).
  10. a et b Monique Mabelly, « C'est à ce moment qu'il commence à réaliser que c'est fini », Le Monde, no 21376,‎ , p. 19 (ISSN 0395-2037, lire en ligne, consulté le ).
  11. Philippe Poisson, « Hamida Djandoubi : le dernier guillotiné », sur criminocorpus.hypotheses.org, (consulté le ).
  12. « La dernière exécution capitale date de 30 ans », sur rfi.fr, (consulté le ).
  13. Nicolas Truong, « La dernière exécution en France », Le Monde, no 21376,‎ , p. 18 (ISSN 0395-2037, lire en ligne).
  14. Robert Badinter et Nicolas Truong (auteur de l'interview), « Comme la torture hier, la peine de mort est vouée à disparaître », Le Monde, no 21376,‎ , p. 18 (ISSN 0395-2037, lire en ligne, consulté le ).
  15. « Peine de mort : Robert Badinter remet un document historique à l'ENM », sur enm.justice.fr, (consulté le ).
  16. « L'instant où - L'otage du dernier condamné à mort s'est échappée », sur bfmtv.com, (consulté le ).
  17. Matilde Meslin, « Podcast : entretien avec la victime du dernier guillotiné de France », sur telerama.fr, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Filmographie[modifier | modifier le code]

  • Cédric Condom (réalisateur) et Jean-Yves Le Naour (scénariste), Le Dernier guillotiné (documentaire), Kilahom et Planète+Justice, 2011, 56 min
  • Peter Dourountzis, Le Dernier raccourci, Année Zéro, 2015, 18 min

Émissions radiophoniques[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]