Gustav Hertz — Wikipédia

Gustav Ludwig Hertz
Description de l'image Gustav Hertz.jpg.

Naissance
Hambourg (Empire allemand)
Décès (à 88 ans)
Berlin-Est (République démocratique allemande)
Nationalité Allemand puis est-allemand
Domaines physicien
Institutions Université Martin-Luther de Halle-Wittemberg
Renommé pour Expérience de Franck et Hertz
Distinctions Prix Nobel de physique

Compléments

Carl Hellmuth Hertz et Johannes Hertz (fils)

Gustav Ludwig Hertz, né le à Hambourg (Empire allemand) et mort le à Berlin-Est, est un physicien allemand.

Neveu d’Heinrich Hertz, il fut colauréat avec James Franck du prix Nobel de physique de 1925 « pour leur découverte des lois régissant la collision d'un électron sur un atome[1] ».

Biographie[modifier | modifier le code]

Études et service militaire[modifier | modifier le code]

Hertz étudia à l'université de Göttingen (1906–1907), l’Université Louis-et-Maximilien de Munich (1907–1908) et à l’Université Humboldt de Berlin (1908–1911). Il obtint son doctorat en 1911 sous la direction de Heinrich Rubens[2],[3].

De 1911 à 1914, Hertz fut l’assistant de Rubens à l’Université de Berlin. C'est à cette époque qu'avec James Franck il réalisa les expériences de collisions inélastiques d’électrons dans les gaz[4], connues depuis comme l’Expérience de Franck et Hertz, et qui leur valut le prix Nobel de physique en 1925[5].

Au cours de la Première Guerre mondiale, Hertz servit dans le génie militaire (Pionierregiment 35) dans les unités chargées de l'emploi de gaz de combat, sous le commandement de Fritz Haber[6]. Gazé sur le front russe (actuelle Pologne) le , il fut démobilisé en 1917[7] et exerça à l’Université de Berlin comme privat-docent. En 1920, il fut recruté comme chercheur aux usines Philips de lampe à incandescence d’Eindhoven, jusqu'à ce qu'en 1925, il obtienne la chaire de professeur titulaire et directeur de l’Institut de Physique de l’Université de Halle-Wittemberg[8].

L'entre-deux-guerres[modifier | modifier le code]

Puis en 1928, il fut nommé professeur titulaire de physique expérimentale et directeur de l’Institut de Physique de l’Université technique de Berlin à Berlin-Charlottenbourg. Là, il mit au point un procédé de séparation isotopique fondé sur la diffusion gazeuse. En tant qu'officier de la Première Guerre mondiale, Hertz fut temporairement épargné par la politique raciale des nazis et l'adoption d'une Loi allemande sur la restauration de la fonction publique du 7 avril 1933, mais finalement les lois antisémites se firent de plus en plus restrictives, le contraignant à démissionner de l'université en 1934 en tant que « juif au second degré » (son père avait des origines juives, mais était de confession luthérienne, et sa mère n'était pas juive). Il trouva un emploi de chercheur chez Siemens, en tant que directeur du Laboratoire de Recherches no II. Là, il poursuivit ses recherches en physique atomique et sur les ultrasons, mais interrompit ses études sur la séparation des isotopes. Il devait conserver ce poste jusqu'à son départ pour l’Union soviétique en 1945[3],[8],[9].

Au service de l'Union soviétique[modifier | modifier le code]

Hertz, préoccupé par sa sécurité personnelle, cherchait depuis des années à fuir l'Allemagne avec son collègue et co-lauréat Franck. Après le débarquement allié, ils conclurent un pacte avec d'autres physiciens allemands : Manfred von Ardenne, directeur du laboratoire de physique électronique de Lichterfelde ; Peter Adolf Thiessen (en), membre du parti nazi, professeur ordinaire de l’Université Humboldt de Berlin et directeur de l’Institut Kaiser-Wilhelm de Chimie physique et d’Électrochimie (KWIPC) de Berlin-Dahlem ; et Max Volmer, professeur et directeur de l'Institut de Chimie physique de l’Université technique de Berlin[10]. Ils convinrent que ceux d'entre eux qui parviendraient à contacter les Russes parleraient au nom de leur groupe, avec un triple objectif :

  1. éviter le pillage et la destruction de leurs instituts,
  2. leur permettre de poursuivre leurs recherches sans grande interruption, et
  3. se protéger des persécutions pour tout acte politique commis antérieurement à 1945[11].

Or, au début de 1945, Thiessen parvint à nouer des contacts avec les Soviétiques[12]. Le , Thiessen arriva à l’institut von Ardenne dans un blindé de l'Armée rouge, accompagné d'un commandant soviétique, qui était un chimiste d'un certain renom[13]. Les quatre physiciens unis par le pacte furent emmenés en Union soviétique. Hertz prit la tête de l’Institut G, centre de recherches nucléaires installé à Agoudzeri, un faubourg de Goulripchi, à 10 km au sud-est de Soukhoumi (en Abkhazie/Géorgie)[13],[14]. Les tâches incombant à l’Institut G étaient :

  1. La séparation d’isotopes de l’uranium par diffusion dans un courant de gaz inertes, technique dont Gustav Hertz était un pionnier,
  2. La fabrication d'une pompe à condensation, tâche attribuée à Justus Mühlenpfordt,
  3. La conception et la fabrication d'un spectromètre de masse pour déterminer la composition isotopique de l’uranium enrichi, confiée à Werner Schütze,
  4. La fabrication de cellules de diffusion en matériau amorphe (céramique) pour les filtres, confiée à Reinhold Reichmann, et
  5. la maîtrise de la stabilité et le contrôle d'une cascade de diffusion, confiée à Heinz Barwich, collaborateur de Hertz chez Siemens[13],[15],[16]. Parmi les autres membres de l'Institut G, on trouvait Werner Hartmann (en) et Karl-Franz Zühlke[17].

Von Ardenne fut mis à la tête d'un Institut A, chargé de :

  1. la séparation électromagnétique des isotopes, confiée à von Ardenne,
  2. le développement des techniques de fabrication de barrières poreuses pour la séparation des isotopes, confié à Peter Adolf Thiessen, et
  3. le développement des techniques moléculaires d’enrichissement de l’uranium, confié à Max Steenbeck.

Lors de leur première entrevue Lavrenti Beria, l’idéologue du stalinisme, demanda à von Ardenne de participer à la fabrication de la bombe atomique soviétique ; mais le physicien allemand, pressentant que son implication dans un tel projet lui aliénerait à jamais ses compatriotes, suggéra qu'il travaillerait plus efficacement à ce projet en se concentrant sur l’enrichissement de l’uranium, ce dont son interlocuteur convint. Ainsi, vers la fin des années 1940, près de 300 Allemands étaient employés par l'institut de Soukhoumi, et encore n’étaient-ils pas les seuls « raflés » de l’ancien Reich. L’Institut A, basé dans le faubourg historique de Sinople, forma le noyau de l’institut physico-technique de Soukhoumi[13],[14]. Quant à Volmer, il fut affecté[18] à l'Institut 9 (NII-9), à Moscou ; on lui confia un bureau chargé de la production d’eau lourde. Au sein de l'Institut A, Thiessen était chargé des techniques de fabrication des barrières poreuses de séparation d’isotope[13].

En 1949, six savants allemands de Soukhoumi, dont Hertz, Thiessen, et Barwich furent appelés comme experts à l'usine d'enrichissement d’uranium Sverdlovsk-44. De taille plus modeste que l’usine de diffusion gazeuse américaine d’Oak Ridge, ce centre n’atteignait qu'à peine la moitié des 90 % d’enrichissement exigés pour la bombe[19].

En 1950, Hertz put emménager à Moscou, et l’année suivante, sa collaboration fut saluée par l'attribution du prix Staline de deuxième classe, attribuée conjointement à son collègue Barwich[13]. Simultanément, James Franck et lui-même étaient récompensés de la médaille Max-Planck par la Deutsche Physikalische Gesellschaft. Hertz demeura en Union soviétique jusqu'en 1955[3].

De retour en République démocratique allemande, Hertz obtint la chaire de professeur de physique de l’Université de Leipzig. De 1955 à 1967, il présida la Société de physique de la République démocratique allemande, et en demeura président honoraire jusqu’en 1975[5].

Vie privée[modifier | modifier le code]

En 1919, Hertz épouse Ellen Dihlmann (1892-1941). Ils ont deux enfants, Carl Hellmuth Hertz et Johannes Hertz, tous deux physiciens[8]. Il épouse ensuite Charlotte Jollasse (1897-1977)

Affiliations académiques[modifier | modifier le code]

Hertz fut membre de l’Académie des sciences de la RDA, membre correspondant de l’Académie des sciences de Göttingen, membre honoraire de l’Académie hongroise des sciences, membre de l’Académie tchécoslovaque des sciences, et membre étranger de l’Académie des sciences d’URSS[8].

Publications[modifier | modifier le code]

  • J. Franck and G. Hertz Über Zusammenstöße zwischen Elektronen und Molekülen des Quecksilberdampfes und die Ionisierungsspannung desselben, Verh. Dtsch. Phys. Ges. 16 457–467 (1914).
  • Gustav Hertz Über das ultrarote Adsorptionsspektrum der Kohlensäure in seiner Abhängigkeit von Druck und Partialdruck. (thèse de doctorat). (Vieweg Braunschweig, 1911)
  • Gustav Hertz (éditeur) Lehrbuch der Kernphysik I-III (Teubner, 1961–1966)
  • Gustav Hertz (éditeur) Grundlagen und Arbeitsmethoden der Kernphysik (Akademie Verlag, 1957)
  • Gustav Hertz Gustav Hertz in der Entwicklung der modernen Physik (Akademie Verlag, 1967)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « for their discovery of the laws governing the impact of an electron upon an atom » in Personnel de rédaction, « The Nobel Prize in Physics 1925 », Fondation Nobel, 2010. Consulté le 15 juin 2010
  2. Gustav Hertz Über das ultrarote Adsorptionsspektrum der Kohlensäure in seiner Abhängigkeit von Druck und Partialdruck. (mémoire de thèse). (Vieweg Braunschweig, 1911)
  3. a b et c Mehra and Rechenberg, 2001, 197.
  4. J. Franck and G. Hertz Über Zusammenstöße zwischen Elektronen und Molekülen des Quecksilberdampfes und die Ionisierungsspannung desselben, Verh. Dtsch. Phys. Ges. 16 457–467 (1914).
  5. a et b Hentschel, 1996, annexe F; cf. la notice consacrée à Hertz.
  6. Cf. le site allemand « pro-physik » [1], consulté le 16 août 2009
  7. D'après William van der Kloot, « April 1915: Five future Nobel prize-winners inaugurate weapons of mass destruction and the academic-industrial-military complex », Notes & Records of the Royal Society of London, vol. 58, no 2,‎ , p. 149-160 (lire en ligne).
  8. a b c et d D'après la biographie de Hertz sur le site des Prix Nobel.
  9. Hentschel, 1996, 23 et annexe F; cf. la notice consacrée à Hertz.
  10. Hommage à Manfred von Ardenne sur le site de la région de Saxe.
  11. Heinemann-Grüder, 2002, 44.
  12. Hentschel, 1996, Annexe F : Cf. la notice consacrée à Thiessen.
  13. a b c d e et f D'après Oleïnikov, 2000, p. 5, 10–13, 18, 21
  14. a et b Naïmark, 1995, 213.
  15. Kruglov, 2002, p. 131.
  16. Naïmark, 1995, 209.
  17. Maddrell, 2006, 179–180.
  18. Aujourd'hui, l'institut NII-9 est devenu l'Institut Bochvar de recherche scientifique pan-russe de la matière inorganique, en abrégé Bochvar VNIINM. Cf. Oleïnikov, 2000, 4.
  19. Holloway, 1994, 191–192.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Ulrich Albrecht, Andreas Heinemann-Grüder, and Arend Wellmann Die Spezialisten: Deutsche Naturwissenschaftler und Techniker in der Sowjetunion nach 1945 (Dietz, 1992, 2001) (ISBN 3-320-01788-8)
  • Heinz et Elfi Barwich Das rote Atom (Fischer-TB.-Vlg., 1984)
  • Klaus Beneke, Die Kolloidwissenschaftler Peter Adolf Thiessen, Gerhart Jander, Robert Havemann, Hans Witzmann und ihre Zeit (Knof, 2000)
  • Andreas Heinemann-Grüder, Die sowjetische Atombombe (Westfaelisches Dampfboot, 1992)
  • Andreas Heinemann-Grüder, Keinerlei Untergang: German Armaments Engineers during the Second World War and in the Service of the Victorious Powers in (en) Monika Renneberg (dir.) et Mark Walker (dir.), Science, technology, and national socialism, Cambridge England New York, NY, USA, Cambridge University Press, , 442 p. (ISBN 978-0-521-52860-3, lire en ligne)
  • (en) Klaus Hentschel et Ann M. Hentschel (assistante et traductrice), Physics and national socialism : an anthology of primary sources, Basel Boston, Birkhäuser Verlag, coll. « Science networks, historical studies » (no 18), , 460 p. (ISBN 978-3-7643-5312-4 et 978-0-817-65312-5, OCLC 889689876, lire en ligne)
  • (en) David Holloway, Stalin and the bomb : The Soviet Union and atomic energy 1939 - 1959, New Haven, Yale University Press, , 464 p. (ISBN 978-0-300-06056-0 et 0-300-06056-4, OCLC 916704529)
  • (en) Arkadiĭ Kruglov (trad. Andrei Lokhov), The history of the Soviet atomic industry, London New York, Taylor & Francis, , 282 p. (ISBN 978-0-415-26970-4 et 0-415-26970-9, OCLC 50952983, lire en ligne)
  • Paul Maddrell, Spying on Science : Western Intelligence in Divided Germany 1945-1961, Oxford New York, Oxford University Press, , 330 p. (ISBN 978-0-19-926750-7, OCLC 939032727, lire en ligne)
  • (en) Jagdish Mehra et Helmut Rechenberg, The historical development of quantum theory, New York Berlin Heidelberg Barcelona Hong Kong London Milan Paris Singapore Tokyo, Springer, , 504 p. (ISBN 978-0-387-95175-1 et 978-0-387-95174-4, lire en ligne)
  • Norman M. Naïmark, The Russians in Germany: A History of the Soviet Zone of Occupation, 1945–1949 (Belknap, 1995)
  • Pavel V. Oleïnikov, « German Scientists in the Soviet Atomic Project », The Nonproliferation Review, vol. 7, no 2,‎ , p. 1 – 30 (lire en ligne)
    L’auteur était chef de projet à l'Institut Physico-technique du centre d'études nucléaires de Snejinsk (Tcheliabinsk-70) de la fédération de Russie.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]