Genre policier — Wikipédia

Sherlock Holmes (à droite) et le Dr Watson, personnages emblématiques ayant popularisé le genre policier

Le genre policier, ou polar, est un genre caractérisant certaines œuvres narratives et qui se distingue par sa mise en scène d'une énigme que le protagoniste tente de résoudre, souvent par une enquête de police. En ressortent notamment, en littérature le roman policier, au cinéma le film policier, à la télévision la série télévisée policière et en bande dessinée la bande dessinée policière.

Menée par un détective amateur ou professionnel, l'enquête concerne généralement un crime important tel un meurtre par exemple[1]. Il existe plusieurs sous-catégories[2] dans le genre policier tels les whodunits, les drames juridiques, les romans noirs et les polars juridiques. Le suspense et le mystère sont les éléments-clés du genre.

Histoire du polar[modifier | modifier le code]

Le recueil du Moyen Âge Les Mille et Une Nuits contient le premier exemple connu du genre policier[3]. L'histoire intitulée Les Trois Pommes narrée par Scheherazade en est, en effet, une parfaite illustration. Dans ce conte, un pêcheur trouve un imposant coffre fermé à clé au bord du Tigre et le vend au calife abbasside, Hâroun ar-Rachîd qui réussit à l'ouvrir pour y découvrir le corps d'une jeune femme coupée en morceaux. Hâroun demande à son vizir, Jafar ben Yahya d'élucider ce crime et de trouver le meurtrier dans les trois jours faute de quoi il sera exécuté [4]. L'histoire est décrite comme un whodunit ou roman-mystère[5] aux multiples retournements[6].

Le Marchand et le Voleur ainsi qu'Ali Khwaja , deux autres contes des Mille et Une Nuits présentent deux des premiers détectives fictifs qui découvrent divers indices et preuves permettant de confondre un criminel déjà connu des lecteurs. Dans le dénouement de ce dernier, Ali Khwaja, le détective énonce les preuves d'experts judiciaires à la Cour [7]. Le conte du bossu est un autre exemple de drame judiciaire présenté comme une comédie à suspense [3].

Le premier polar moderne connu est la nouvelle Mademoiselle de Scudéri écrite par E. T. A. Hoffmann en 1819. Ensuite, on peut citer Richmond; Or, Scenes in the Life of a Bow Street Officer écrit en 1827 par Thomas Gaspey (en) ainsi que The Rector of Veilbye (en) du Danois Steen Steensen Blicher, publié en 1829.

Plus connues encore sont les œuvres d'Edgar Allan Poe[8]. Son brillant et excentrique détective, le chevalier Auguste Dupin, un précurseur de Sherlock Holmes, apparaît dans les ouvrages tels que Double Assassinat dans la rue Morgue (1841), Le Mystère de Marie Roget (1842), et La Lettre volée (1844). Avec les aventures de Dupin, Poe fournit le cadre des histoires de détective classiques. Le compagnon sans nom du détective est le narrateur de ses aventures et un prototype du personnage du Dr. Watson dans les histoires de Sherlock Holmes à venir[9].

Le roman épistolaire La Femme en blanc de Wilkie Collins a été publié en 1860, et La Pierre de lune, considéré comme son chef-d'œuvre date de 1868. L'ouvrage Monsieur Lecoq (1868) de l'auteur français Émile Gaboriau pose les fondations du détective méthodique et scientifique.

L'évolution des énigmes en chambre close a été une étape décisive dans l'histoire du polar. Le canon de Sherlock Holmes écrit par Conan Doyle a largement popularisé le genre policier.Dans la collection Les Habits noirs (1862-67), Paul Féval, l'un des précurseurs du genre, met en scène des détectives de Scotland Yard et les complots criminels sur lesquels ils travaillent. The Mystery of a Hansom Cab (en) (1886) de Fergus Hume qui se déroule à Melbourne, Australie est le polar qui a été le plus vendu au XIXe siècle.

L'évolution de la presse écrite de masse au Royaume-Uni et aux États-Unis dans la deuxième moitié du XIXe siècle a été cruciale dans la popularisation des policiers et genres associés. Les magazines de variété tel que Strand, McClure's et Harper's sont rapidement venus se placer au centre de la structure du polar populaire dans la société, fournissant, ainsi un médium produit en série pour proposer des publications illustrées peu onéreuses et jetables.

À l'instar des travaux de nombreux auteurs de polar de l'époque — par exemple Wilkie Collins et Charles Dickens — les aventures de Sherlock Holmes sont d'abord apparues sous forme d'épisodes dans le magazine mensuel Strand au Royaume-Uni. Ces épisodes ont rapidement attiré un large public passionné des deux côtés de l'Atlantique et, lorsque Conan Doyle a tué Sherlock Holmes dans Le Dernier Problème, la protestation du public a été si virulente et les offres pour les suites si attractives, que l'auteur n'a eu d'autre choix que de le ressusciter.

En Italie, les premières traductions de polars anglais ou américains étaient publiés avec des couvertures jaunes bon marché d'où le surnom de « livres jaunes ». Le genre a été interdit par les fascistes durant la Seconde Guerre mondiale mais est devenu très populaire après-guerre, essentiellement sous l'influence du hardboiled, sous-genre d'origine américaine. Un courant dominant d'auteurs italiens a ainsi émergé avec la création de romans post-modernes où l'on retrouve un personnage d'anti-détective avec ses imperfections, des énigmes non-résolues et des indices laissés à déchiffrer par le lecteur. Quelques auteurs célèbres en la matière : Leonardo Sciascia, Umberto Eco et Carlo Emilio Gadda.

En Espagne, The Nail and other Tales of Mystery and Crime de Pedro Antonio de Alarcón a été publié en 1853. Le polar, en Espagne, avait ses caractéristiques propres à la culture du pays. Les auteurs espagnols ont mis l'accent sur la corruption et l'incompétence de la police, dépeignant les autorités et les gens aisés en termes très négatifs.

En Chine, le polar moderne a été développé dans les années 1890 sur la base des traductions d'œuvres étrangères[10]. Cheng Xiaoqing, le grand maître du polar du XIXe siècle, a traduit Sherlock Holmes en chinois. À la fin des années 1910, il a commencé à écrire ses propres histoires de détective tel que Sherlock à Shanghai, avec Conan Doyle pour modèle mais adapté au public chinois[11]. Pendant l'ère Mao, les polars étaient interdits, ensuite ils étaient surtout focalisés sur la corruption et les conditions de vie difficiles pendant la période Mao (comme la révolution culturelle).

Psychologie du polar[modifier | modifier le code]

Le polar procure des impressions uniques permettant au lecteur de devenir le témoin privilégié d'un crime. Lire un policier est ressenti comme un exutoire, un moyen de faire face à ses problèmes [12]. Des recherches scientifiques ont indiqué que le policier pouvait servir de "thérapie distrayante" et améliorer la santé mentale du public en évitant la dépression [12].

Catégories[modifier | modifier le code]

  • Detective fiction (en) : sous-catégorie du polar dans lequel un détective professionnel ou amateur enquête sur un crime, souvent un meurtre
  • Cozy mystery (en) : sous-catégorie des romans de détective dans lesquels la grossièreté, le sexe et la violence sont minimisés et traités avec humour
  • le Whodunit : forme la plus commune des romans de détective qui met en scène une intrigue complexe. Le lecteur y découvre des indices au fur et à mesure lui permettant de démasquer le coupable avant que la solution ne soit révélée à la fin du livre
  • le roman policier historique : sous-catégorie du polar pour lequel un aspect historique s'ajoute à la scène de crime et le crime lui-même
  • l'énigme en chambre close : forme particulière du roman policier dans lequel l'intrigue tourne autour d'un meurtre commis dans une pièce hermétiquement close où personne n'a pu entrer ou sortir après le meurtre
  • les fictions hardboiled de l'école américaine : style qui fait un portrait cru et dépourvu de sensiblerie du sexe et de la violence; l’enquêteur est généralement confronté au danger et se livre à la violence
  • le roman noir, issu du hardboiled américain et du roman gothique, naviguant entre le roman d'énigme et le roman à suspense, en s'inscrivant dans une réalité sociale forte
  • le policier procédural : sous-genre de fiction policière dans lequel le héros appartient aux forces de police et qui a pour but de présenter leurs activités au cours des enquêtes d'investigation
  • le policier scientifique : sous-genre de fiction policière similaire au policier procédural qui suit un médecin légiste dans l'analyse des preuves retrouvées sur le corps de la victime et sur la scène de crime afin de trouver le coupable. Ce genre a été initié par Patricia Cornwell
  • le policier juridique ou legal thriller (en) : les principaux protagonistes sont les avocats et leurs employés travaillant sur leurs affaires
  • le roman d'espionnage ou spy fiction (en): les protagonistes sont des espions appartenant généralement au service de renseignement
  • le policier psychologique à suspense ou thriller psychologique : forme particulière du thriller dans lequel l'enquêteur doit résoudre également le conflit psychologique présenté
  • le policier humoristique, parodique ou satirique
  • le polar criminel : les personnages principaux sont mêlés à un crime, soit en tant qu'enquêteur, coupable ou plus rarement en tant que victime

Auteurs anonymes[modifier | modifier le code]

En ce qui concernent les romans policiers, les auteurs hésitent quelquefois à publier sous leur vrai nom et préfèrent généralement avoir recours à un pseudonyme.

Dans les années 1930 et 1940, le juge du tribunal de comté Arthur Alexander Gordon Clark (1900–1958) a publié une série de romans de détective sous le pseudonyme de Cyril Hare dans lesquels il utilisait toutes ses connaissances du système pénal anglais. Lorsqu'il était jeune et encore inconnu, le romancier Julian Barnes a publié quelques policiers sous le nom de Dan Kavanagh. D'autres auteurs se sont amusés à chérir leur alter ego tel que Ruth Rendell (1930–2015) qui est à l'origine d'un style de roman sous le nom de Ruth Rendell et d'un autre sous le pseudonyme de Barbara Vine; John Dickson Carr a utilisé le nom de plume de Carter Dickson et l'auteur Evan Hunter (déjà un pseudonyme) a écrit des romans policiers sous le nom d'Ed McBain.

Disponibilité de romans policiers[modifier | modifier le code]

Qualité et disponibilité[modifier | modifier le code]

Comme pour beaucoup de choses, la qualité des romans policiers n'a rien à voir avec la quantité des romans disponibles. Certains ouvrages considérés comme remarquables, y compris ceux figurant parmi les 100 meilleurs romans policiers jamais écrits (voir bibliographie), ont été épuisés dès leur première publication qui remonte souvent aux années 1920 ou 1930. La majorité des ouvrages que l'on trouve sur les étagères dans la catégorie "policier" sont des publications récentes n'excédant pas quelques années.

Classiques et bestsellers[modifier | modifier le code]

Par ailleurs, seuls très peu d'écrivains réussissent à atteindre le statut "d'ouvrages classiques" pour leurs publications. Est considéré comme classique, tout texte accueilli et reconnu universellement comme transcendant le cadre et le contexte. Agatha Christie en est un exemple populaire bien connu puisque ses textes, publiés à l'origine entre 1920 et 1976, date de sa mort, sont disponibles au Royaume-Uni et aux États-Unis ainsi que dans tous les pays anglophones. Ses livres retraçant les aventures d'Hercule Poirot ou de Miss Marple lui ont conféré le titre de "reine du crime" et lui ont assuré d'être l'un des auteurs les plus importants et créatifs du genre. Parmi ses œuvres les plus célèbres, on retrouve Le Crime de l'Orient-Express (1934), Mort sur le Nil (1937) et Dix Petits Nègres (1939), l'énigme la plus vendue au monde [13].

D'autres auteurs moins célèbres ont vu certaines de leurs œuvres réimprimées du fait de l'immense popularité du genre policier actuellement. C'est le cas de Val McDermid dont le premier ouvrage remonte à 1987 par exemple.

Reprises de classiques[modifier | modifier le code]

De temps à autre, pour des raisons commerciales, les maisons d'édition décident de faire revivre des auteurs oubliés depuis longtemps et réimpriment un ou deux de leurs romans les plus célèbres. Hormis Penguin Books qui, pour l'occasion, ont ressorti leur vieille couverture verte et déterré quelques-uns de leurs anciens auteurs, Pan a commencé une collection intitulée "Pan Classic Crime" en 1999 qui incluait une série de romans de Eric Ambler ou le roman On recherche de l'américain Hillary Waugh.

En 2000, la maison d'édition Canongate Books (en) basée à Édimbourg en Écosse a lancé une collection appelée "Canongate Crime Classics" comportant à la fois des romans d'énigme et des romans noirs autour de l'amnésie et de la folie. Néanmoins, les ouvrages édités par les petites maisons d'édition ne sont généralement pas stockés par les grands distributeurs ni vendus à l'étranger.

Quelquefois, les anciens romans policiers sont ramenés à la vie par les scénaristes et réalisateurs plutôt que par les maisons d'édition. Dans ce cas, les éditeurs embrayent avec une suite qui encouragent le public à lire le livre puis voir le film ou vice-versa. On peut citer par exemple Monsieur Ripley de Patricia Highsmith (publié à l'origine en 1955), Sliver d'Ira Levin (1991) adapté à l'écran en 1993 avec Sharon Stone et William Baldwin ou American Psycho de Bret Easton Ellis. La société Bloomsbury Publishing a lancé la collection "Bloomsbury Film Classics", une série de romans qui ont servi de base à des réalisations filmographiques. On y retrouve par exemple le roman The Wheel Spins d'Ethel Lina White (1936) qu'Alfred Hitchcock a adapté et réalisé Une femme disparaît en 1938 et The Boys from Brazil d'Ira Levin (1976) adapté au cinéma en 1978.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Isabelle Casta, Pleins feux sur le polar, Klincksieck, 2012

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. M. H. Abrams, A glossary of literary terms, , 448 p. (ISBN 978-1-285-46506-7, 1-285-46506-7 et 978-81-315-2635-4, OCLC 892212633, lire en ligne)
  2. (en) Franks, Rachel, « "May I Suggest Murder?: An Overview of Crime Fiction for Readers' Advisory Services Staff". Australian Library Journal. 60 (2) », sur informit.org, (consulté le )
  3. a et b Courttia Newland, Jane Rogers, Carole Angier et Sally Cline, Writing Short Stories : a Writers' and Artists' Companion., Bloomsbury Publishing PLC, , 304 p. (ISBN 978-1-4742-5730-5 et 1-4742-5730-5, OCLC 1027163789, lire en ligne)
  4. (en) David Pinault, Story-telling techniques in the Arabian nights, Leiden, Brill, , 262 p. (ISBN 90-04-09530-6, 978-90-04-09530-4 et 90-04-09527-6, OCLC 24213160, lire en ligne)
  5. Ulrich Marzolph, The Arabian Nights reader, Wayne State University Press, , 398 p. (ISBN 0-8143-3259-5 et 978-0-8143-3259-7, OCLC 63117036, lire en ligne)
  6. (en) David Pinault, Story-telling techniques in the Arabian nights, Leiden, Brill, , 262 p. (ISBN 90-04-09530-6, 978-90-04-09530-4 et 90-04-09527-6, OCLC 24213160, lire en ligne)
  7. (en) Gerhardi, Mia I., The Art of Story-Telling, Brill Archive, , pp. 169-170
  8. (en) T. J. Binyon, Murder will out : the detective in fiction, Oxford, Oxford University Press, , 166 p. (ISBN 0-19-219223-X, 978-0-19-219223-3 et 0-19-282730-8, OCLC 18947696, lire en ligne)
  9. (en) Bailey, Frankie Y., "Crime Fiction", The Oxford Research Encyclopedia of Criminology & Criminal Justice, (lire en ligne)
  10. David E. Pollard, Translation and creation : readings of western literature in early modern China, 1840-1918, J. Benjamins, , 336 p. (ISBN 978-90-272-8347-4 et 90-272-8347-8, OCLC 607119513, lire en ligne)
  11. Xiaoqing Cheng, Sherlock in Shanghai : stories of crime and detection, University of Hawai'i Press, (ISBN 978-1-4356-6620-7, 1-4356-6620-8 et 978-0-8248-6428-6, OCLC 256676525, lire en ligne)
  12. a et b (en) Liz Brewster, « Murder by the book: using crime fiction as a bibliotherapeutic resource », Medical Humanities, vol. 43, no 1,‎ , p. 62–67 (ISSN 1468-215X et 1473-4265, PMID 27799411, DOI 10.1136/medhum-2016-011069, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) « The 21 Best-selling Books of All Time », sur HowStuffWorks, (consulté le )