Furie anglaise — Wikipédia

Furie anglaise
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La Capture de Malines, par Nicolaas van Eyck
Informations générales
Date
Lieu Malines ( Pays-Bas espagnols)
Issue Victoire anglo-néerlandaise
Belligérants
Drapeau de l'Angleterre Royaume d'Angleterre
Drapeau des Provinces-Unies Provinces-Unies
Drapeau de l'Empire espagnol Empire espagnol
Commandants
John Norreys

Guerre de Quatre-Vingts Ans

Coordonnées 51° 01′ 40″ nord, 4° 28′ 50″ est

La furie anglaise (en néerlandais : engelse furie), qui a lieu le à Malines (duché de Brabant), est un épisode de l'insurrection des Pays-Bas, contre Philippe II, souverain des Pays-Bas ainsi que roi d'Espagne. Il consiste en la prise de Malines par des insurgés calvinistes venus de la capitale, Bruxelles, assistés par un contingent important de mercenaires anglais sous le commandement de John Norreys.

La ville est saccagée et nombre de ses trésors religieux sont détruits ou pillés[1].

Les mercenaires anglais ne sont pas envoyés par la reine Élisabeth Ire, car à cette date, l'Angleterre est en paix avec le roi d'Espagne et souverain des Pays-Bas : ce n'est qu'en 1585, après la prise d'Anvers par le gouverneur général Alexandre Farnèse, neveu de Philippe II, que l'Angleterre entre en guerre aux côtés des insurgés, à la suite du traité de Sans-Pareil (10 août 1585).

Le nom de cet épisode renvoie à la furie espagnole de Malines (1572), ainsi qu'à la furie espagnole d'Anvers (1576), à la furie française d'Anvers (1583), et à la furie iconoclaste de 1566 dans plusieurs des Dix-Sept Provinces.

Contexte[modifier | modifier le code]

Philippe II et les Pays-Bas[modifier | modifier le code]

Philippe II

Il est souverain des dix-sept provinces des Pays-Bas (c'est-à-dire : duc de Brabant, comte de Flandre, comte de Hollande, duc de Luxembourg, etc.), en tant que descendant du duc de Bourgogne Charles le Téméraire[2]. Il est roi d'Espagne en tant que descendant des Rois catholiques d'Espagne, Isabelle et Ferdinand[3].

La capitale des Pays-Bas de Philippe II est Bruxelles, qui est aussi la capitale du duché de Brabant. Malines est cependant une ville importante : siège de l'archevêque primat des Pays-Bas et siège de la Cour suprême, le Grand conseil des Pays-Bas.

Origines de l'insurrection[modifier | modifier le code]

Régnant sur les Pays-Bas depuis l'abdication de son père Charles Quint (octobre 1555), Philippe, catholique intransigeant et roi absolutiste, suscite l'hostilité d'une partie importante de ses sujets néerlandais, surtout les protestants, mais aussi nombre de catholiques.

Après la révolte des Gueux et la furie iconoclaste (1566-1567), une véritable insurrection[4] est déclenchée en 1568, sous la direction du prince Guillaume d'Orange, conseiller d'État, général au service de Charles Quint puis de Philippe II et stathouder de Hollande et de Zélande.

L'insurrection de 1568 à 1578[modifier | modifier le code]

La première offensive de Guillaume d'Orange (1568) échoue. Ce n'est qu'en 1572 que les insurgés parviennent à s'implanter en Hollande et Zélande après la prise de Brielle par les Gueux de mer.

La situation devient alors complexe : dans le conflit entre Guillaume d'Orange (établi à Delft) et les gouverneurs généraux successifs interviennent les aussi les États généraux des Pays-Bas, qui ont leur propre armée.

Guillaume d'Orange et les États généraux sont alliés à partir du sac d'Anvers de 1576 ; mais le camp de Guillaume d'Orange est divisé entre les calvinistes intransigeants et ceux (notamment Guillaume) qui ne veulent pas que les idées religieuses amène une cassure irrémédiable entre patriotes catholiques et protestants.

L'année 1577, très défavorable au camp de Philippe II, voit l'arrivée d'un nouveau gouverneur général, Alexandre, fils de la demi-sœur de Philippe, Marguerite de Parme, qui a elle-même été gouverneur général de 1569 à 1567.

Le gouvernorat d'Alexandre Farnèse d'octobre 1577 à janvier 1579[modifier | modifier le code]

La victoire de Gembloux (janvier 1578)[modifier | modifier le code]

Bataille de Gembloux ()

Son mandat commence avec la mort de Juan d'Autriche, demi-frère de Philippe II, en octobre 1577. À ce moment, le gouverneur général a quitté Bruxelles depuis le mois de mai, ne s'y sentant plus en sécurité. Alexandre Farnèse est décidé à reconquérir les provinces et villes rebelles.

Il remporte une victoire importante à Gembloux le sur l'armée des États généraux. Le duché de Brabant devient alors le principal champ de bataille[5].

Une victoire politique : la formation de l'union d'Arras (janvier 1579)[modifier | modifier le code]

Il consacre le reste de l'année 1578 à des tractations avec les rebelles les plus modérés, qui sont des catholiques redoutant l'emprise des calvinistes sur l'insurrection. Il arrive à ses fins en janvier 1579, lorsque les provinces du sud, Artois et Cambrésis, forment l'union d'Arras, qui affirme sa fidélité absolue à la foi catholique et son ralliement à Philippe II. Quelques jours après, les rebelles forment l'union d'Utrecht, qui réunit les provinces du nord ainsi que la plus grande partie du duché de Brabant et du comté de Flandre. Désormais, le gouverneur général dispose d'une base sûre pour lancer la reconquête.

On peut noter que l'union d'Utrecht est une première étape dans la formation des Provinces-Unies, qui n'ont jamais eu d'autre constitution que l'acte créant cette union. La deuxième étape aura lieu en juillet 1581 : la proclamation de la déchéance de Philippe II aux Pays-Bas (acte de La Haye). La troisième sera l'incapacité de Philippe et de ses successeurs à reconquérir toutes les provinces des Pays-Bas, malgré des décennies de guerre[6].

Préliminaires à l'attaque de Malines (1578-1580)[modifier | modifier le code]

Suites militaires de la défaite de Gembloux dans le duché de Brabant (1578)[modifier | modifier le code]

Après la défaite de Gembloux, les États généraux quittent Bruxelles pour Anvers, mais essaient de renforcer Bruxelles et les villes environnantes afin de résister à l'offensive d'Alexandre Farnèse[5].

L'armée des États récemment vaincue est impopulaire. À la demande des bourgeois de Bruxelles, la défense de la capitale est confié au régiment d'Olivier van den Tympel, au service des États de Hollande[5]. Certaines compagnies des États placées à Malines par Maximilien de Hénin-Liétard sont également remplacées par des compagnies hollandaises, probablement issues du régiment d'IJsselstein, tandis que Pontus de Noyelles (d), seigneur de Bours, devient gouverneur de la ville et commandant de la place[5].[pas clair]

C'est la population qui est censée payer la solde des troupes, mais en novembre 1578, les magistrats de Malines écrivent à Guillaume d'Orange qu'ils ne peuvent pas payer à la fois le coût des deux compagnies de Pontus à Malines et de deux compagnies stationnant à Vilvorde[5].

Départ des soldats hollandais de Malines (janvier-mai 1579)[modifier | modifier le code]

Alexandre Farnèse

En janvier 1579, deux des six bataillons hollandais sont transférés de Malines à Maastricht[7] lorsqu'il apparait qu'Alexandre Farnèse a l'intention d'assiéger cette ville[5].

Pour des raisons religieuses, les relations à Malines entre les protestants (les soldats hollandais qui restent et la minorité calviniste de la ville) et les catholiques (la majorité des habitants)[5]. Cela aboutit à une bataille de rue le , à la suite de laquelle le gouverneur Pontus de Noyelles obtient de Guillaume d'Orange le retrait des troupes hollandaises de Malines[5].

Ralliement de Malines à l'union d'Arras (mai 1579)[modifier | modifier le code]

Après avoir remercié le stathouder d'avoir accepté sa demande, Pontus de Noyelles fait défection en proclamant qu'il se rallie au gouverneur général[5].

Ainsi, au de mai 1579, la seigneurie de Malines se rallie à l'union d'Arras, alors que les grandes villes environnantes, Anvers, Bruxelles et Gand, sont contrôlées par des rebelles calvinistes plus radicaux que Guillaume d'Orange.

Préparations des insurgés pour l'offensive (1580)[modifier | modifier le code]

La ligne de front en 1580

Compte tenu de son importance et de sa situation (à l'est de Gand et entre Bruxelles et Anvers), Malines est un objectif majeur pour l'union d'Utrecht.

En 1580, des plans sont élaborés pour prendre le contrôle de toutes les villes de la région fidèles à Philippe II, afin de priver l'armée de Farnèse[8] de pouvoir compter sur le moindre bastion derrière la ligne de front[9].

Prise de Malines[modifier | modifier le code]

Furie anglaise
Furie anglaise

Juste avant l'aube du , les troupes des États prennent d'assaut la ville de Malines[10]. Elles sont commandées par le bourgmestre calviniste de Bruxelles, Olivier van den Tympel, appuyés par des troupes anglaises sous le commandement de John Norreys et écossaises sous le commandement du capitaine Stuart. Après une courte bataille avec les schutterij de Malines et les troupes espagnoles, la ville est facilement prise[11].

Conséquences[modifier | modifier le code]

Les mercenaires anglais et écossais sous van den Tympel se sont retournés contre la population, pillant les maisons, les églises et les monastères ; certaines pierres tombales sont retirées des cimetières de la ville et vendues en Angleterre. Une soixantaine de civils sont tués et l'archevêque Matthias Hovius doit se cacher dans un placard pendant trois jours avant de fuir la ville, habillé en paysan. Le frère carmélite Petrus de Wolf, qui a participé à la défense de la ville, a été tué à mains nues par John Norreys lui-même[1],[11].

Malines est restée sous la domination calviniste jusqu'à ce qu'elle soit reconquise en 1585 par Alexandre Farnèse, duc de Parme, parmi les dernières villes des Pays-Bas méridionaux[9]. L'événement a été nommé Furie anglaise par analogie avec la Furie espagnole qui a frappé la ville en 1572. Cependant, le pillage commis par les Anglais dans la même ville a été plus long et plus intense que celui perpétré par les Espagnols. Les lois de la guerre de l'époque admettaient trois jours de pillage, tandis que celui commis par les Anglais a duré près d'un mois entier[12].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Craig E. & Eddy F. Harline & Put, Verloren schapen, schurftige herders: de helse dagen van bisschop Mathias Hovius (1542-1620), Davidsfonds/Leuven, (ISBN 9789058750631, lire en ligne) (Dutch)
  • (en) Cathal J. Nolan, The Age of Wars of Religion, 1000-1650: An Encyclopedia of Global Warfare and Civilization, Volume 1, Greenwood Publishing Group, (ISBN 9780313337338)
  • (en) John S. Nolan, Sir John Norreys and the Elizabethan Military World, Liverpool University Press - Liverpool Science Fiction Texts and Studies, (ISBN 9780859895484)
  • (en) J.D. Tracy, The Founding of the Dutch Republic: War, Finance, and Politics in Holland 1572–1588, Oxford University Press., (ISBN 978-0-19-920911-8)

Notes et références[modifier | modifier le code]

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  1. a et b Harline & Put p. 127–129
  2. Philippe II arbore le titre de « duc de Bourgogne » bien que le duché de Bourgogne (Dijon) ait été confisqué dès 1482 par le roi de France. Mais il conserve le comté de Bourgogne (Dole) et les Pays-Bas bourguignons, augmentés de quelques provinces par Charles Quint.
  3. Les Pays-Bas ne sont donc pas une dépendance coloniale du royaume d'Espagne, d'autant moins que ce sont des fiefs du Saint-Empire romain germanique, formant le cercle de Bourgogne. Ce sont des possessions du roi d'Espagne détenues à titre personnel.
  4. Cette insurrection, commencée en 1568, ne prend officiellement fin qu'en 1648 (traité de Münster), lorsque le roi d'Espagne reconnaît la république des Sept Provinces-Unies des Pays-Bas, établie dès 1581-1585. A partir de 1585, c'est en fait une guerre entre les Provinces-Unies et le roi d'Espagne, à laquelle on a donné le nom de « guerre de Quatre-Vingts Ans » (1568-1648).
  5. a b c d e f g h et i Tracy 2008, p. 157.
  6. Après la prise d'Anvers (1585), les frontières sont stables, sauf en ce qui concerne le port d'Ostende, dans le comté de Flandre, qui est reconquis seulement en 1604.
  7. Par l'archiduc Matthias de Habsbourg, désigné par les États généraux comme gouverneur général (insurgé), Guillaume d'Orange (qui est le véritable chef, militaire et politique, de l'insurrection) ne voulant pas se mettre trop en avant. Matthias est un prince catholique (modéré).
  8. Cette armée comprend des unités de l'armée espagnole, le tercio, mais aussi des unités « wallonnes » et des unités de mercenaires.
  9. a et b Nolan, J. p 46
  10. Tracy 2008, p. 157–158.
  11. a et b (en) Knight, Charles Raleigh: Historical records of The Buffs, East Kent Regiment (3rd Foot) formerly designated the Holland Regiment and Prince George of Denmark's Regiment. Vol I. London, Gale & Polden, 1905, p. 18
  12. Nolan, C. p 269

Voir aussi[modifier | modifier le code]