Fuite et expulsion des Allemands de Pologne après la Seconde Guerre mondiale — Wikipédia

Allemands quittant la Silésie pour l'Allemagne occupée par les Alliés en 1945.
Convoi de réfugiés, à Dantzig et ses environs, février 1945.
Affiches de propagande, Dantzig, février 1945 : « La panique et les rumeurs sont les meilleures alliées des bolchevistes ! »

La fuite et l'expulsion des Allemands de Pologne sont l'épisode le plus important d'une série de déplacements et d'expulsions d'Allemands en Europe pendant et après la Seconde Guerre mondiale. La population allemande fuit ou est expulsée de toutes les régions qui se trouvent actuellement dans les limites territoriales de la Pologne, y compris les anciens territoires de l'Est de l'Allemagne et certaines parties de la Pologne d'avant-guerre par l'Union soviétique.

Contexte[modifier | modifier le code]

Pendant la Seconde Guerre mondiale, des expulsions ont été initiées par l'Allemagne nazie en Pologne occupée. Les Allemands déportèrent 2,478 millions de citoyens polonais des régions polonaises annexées par l'Allemagne nazie[1], assassinèrent 1,8 à 2,77 millions de Polonais de souche[2], 2,7 à 3 millions de Juifs polonais et réinstallèrent 1,3 million d'Allemands ethniques à leur place[3]. Environ 500 000 Allemands étaient stationnés en Pologne dans le cadre de sa force d'occupation ; il s'agissait de personnes telles que des commis, des techniciens et du personnel de soutien[3].

La population allemande à l'Est d'Oder-Neisse est estimée à plus de 11 millions au début de 1945[4]. La première expulsion de masse des Allemands a suivi l'avancée de l'Armée rouge et fut composée à la fois d'une fuite spontanée, motivée par des rumeurs d'atrocités soviétiques et d'une évacuation organisée commençant à l'été 1944 et se poursuivant jusqu'au printemps 1945[5]. Dans l'ensemble, environ 1% (100 000) de la population civile allemande à l'est de la ligne Oder-Neisse a péri dans les combats avant la capitulation en mai 1945[6]. En 1945, les territoires de l'Est de l'Allemagne ainsi que les zones polonaises annexées par l'Allemagne ont été occupés par l'Armée rouge soviétique et les forces militaires polonaises communistes. Des civils allemands ont également été déportés au motif du « travail de réparation » en URSS[7]. L'Union soviétique a transféré d'anciens territoires allemands à l'Est de la ligne Oder-Neisse à la Pologne en juillet 1945[8]. Au milieu de 1945, 4,5 à 4,6 millions d'Allemands sont restés sur les territoires sous contrôle polonais[9] en attendant une conférence de paix finale avec l'Allemagne, qui n'aura finalement jamais lieu[10].

Déportations[modifier | modifier le code]

Les premières expulsions en Pologne ont été entreprises par les autorités militaires communistes soutenues par les Soviétiques en Pologne[11] avant même la conférence de Potsdam (« expulsions sauvages »)[12], pour assurer l'intégration ultérieure dans une Pologne ethniquement homogène[13] telle qu'envisagée par les communistes polonais[14] [15]. Entre 700 000 à 800 000 Allemands ont été touchés[5]. Contrairement à la déclaration officielle selon laquelle les anciens habitants allemands des territoires « dits récupérés » devaient être évacués rapidement pour loger les Polonais déplacés par l'annexion soviétique, les terres ont d'abord fait face à une grave pénurie de population[16].

Au début de 1946, 932 000 personnes avaient été « vérifiées » comme ayant la nationalité polonaise. Lors du recensement de février 1946, 2 288 000 personnes ont été répertoriées comme Allemandes et 417 400 ont fait l'objet d'une vérification visant à établir leur nationalité[17],[18]. À partir du printemps 1946, les expulsions s'organisent progressivement, affectant le reste de la population allemande[5]. En 1950, 3 155 000 civils allemands avaient été expulsés et 1 043 550 naturalisés polonais[19]. Les Allemands considérés comme « indispensables » à l'économie polonaise sont retenus ; pratiquement tous partiront en 1960. Quelque 500 000 Allemands en Pologne, en Prusse orientale et en Silésie ont été employés comme travailleurs forcés dans des camps administrés par les communistes avant d'être expulsés de Pologne[20]. Outre les grands camps, dont certains étaient des camps de concentration allemands réutilisés, de nombreux autres camps de travaux forcés, punitifs et d'internement, des ghettos urbains et des centres de détention constitués parfois seulement d'une petite cave ont été mis en place[21].

Selon la commission Schieder ouest-allemande de 1953, le nombre de morts parmi les civils s'élève à 2 millions[22]. Cependant, en 1974, les Archives fédérales allemandes estiment le nombre de morts à environ 400 000 (y compris les victimes des déportés de Kaliningrad[23],[24],[25]).

Les chiffres du gouvernement ouest-allemand concernant les personnes évacuées, émigrées ou expulsées en 1950 s'élèvent à 8 030 000. (6 981 000 dans les anciens territoires allemands ; 290 800 de Dantzig, 688 000 de Pologne d'avant-guerre et 170 000 Allemands baltes réinstallés en Pologne pendant la guerre[26]). Les recherches du gouvernement ouest-allemand évaluent à 894 000 le nombre d'Allemands émigrés de Pologne de 1951 à 1982 ; ils sont également considérés comme des expulsés en vertu de la loi fédérale allemande sur les expulsés[27].

Attitudes polonaises et soviétiques[modifier | modifier le code]

L'attitude des civils polonais, dont beaucoup avaient subi des brutalités lors de la précédente occupation allemande, s’avéra disparate[28]. Il y eut des incidents où des Polonais, voire d'anciens travailleurs forcés, ont protégé des Allemands, par exemple en les déguisant en Polonais[28]. L'attitude des soldats soviétiques fut ambivalente ; beaucoup ont commis de nombreuses atrocités, surtout des viols et des meurtres[29], et n'ont pas toujours fait la distinction entre les Polonais et les Allemands, les maltraitant souvent de la même manière[30]. D'autres Soviétiques ont été surpris par le traitement brutal des Allemands et se sont engagés dans leur protection[28].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Nowa Encyklopedia Powszechna PWN. Warszawa: Państwowe Wydawnictwo Naukowe, 2004,pages 811–812 (volume 8), s. 709 (volume 6). (ISBN 83-01-14179-4)
  2. « Project InPosterum: Poland WWII Casualties », www.projectinposterum.org (consulté le )
  3. a et b Piotr Eberhardt, Political Migrations in Poland, 1939-1948, Warsaw 2006, p.22
  4. "Dokumentation der Vertreibung der Deutschen aus Ost-Mitteleuropa". In Verbindung mit A. Diestelkamp [et al.] bearb. von T. Schieder Bonn, Hrsg. vom Bundesministerium für Vertriebene, 1953 pages 78 and 155
  5. a b et c Arie Marcelo Kacowicz, Pawel Lutomski, Population resettlement in international conflicts: a comparative study, Lexington Books, 2007, pp.100,101 (ISBN 0-7391-1607-X)
  6. Spieler, Silke. ed. Vertreibung und Vertreibungsverbrechen 1945–1948. Bericht des Bundesarchivs vom 28. Mai 1974. Archivalien und ausgewählte Erlebnisberichte. Bonn: Kulturstiftung der deutschen Vertriebenen. (1989). (ISBN 3-88557-067-X). Pages 23–41
  7. Pavel Polian-Against Their Will: The History and Geography of Forced Migrations in the USSR Central European University Press 2003 (ISBN 963-9241-68-7) Pages 286-293
  8. Kamusella 2004, p. 28.
  9. (pl) Andrzej Gawryszewski. Ludność Polski w XX wieku [PDF], Warszawa, Instytut Geografii i Przestrzennego Zagospodarowania im. Stanisława Leszczyckiego PAN, 2005, p. 455-460 et 466.
  10. Geoffrey K. Roberts, Patricia Hogwood, The Politics Today Companion to West European Politics, Oxford University Press, (ISBN 9781847790323, lire en ligne), p. 50; Piotr Stefan Wandycz, The United States and Poland, Harvard University Press, (ISBN 9780674926851, lire en ligne), p. 303 ; Phillip A. Bühler, The Oder-Neisse Line: a reappraisal under international law, coll. « East European Monographs », (ISBN 9780880331746, lire en ligne), p. 33
  11. Philipp Ther, Deutsche Und Polnische Vertriebene: Gesellschaft und Vertriebenenpolitik in SBZ/ddr und in Polen 1945-1956, 1998, p.56, (ISBN 3-525-35790-7): From June until mid July, Polish military and militia expelled nearly all people from the districts immediately east of the rivers [Oder–Neisse line]
  12. Kamusella 2004, p. 27.
  13. Matthew J. Gibney, Randall Hansen, Immigration and Asylum: From 1900 to the Present, 2005, p. 197, (ISBN 1-57607-796-9), (ISBN 978-1-57607-796-2)
  14. Naimark, Russian in Germany. p. 75 reference 31:
  15. Kamusella 2004, p. 26.
  16. R. M. Douglas, Orderly and Humane. The Expulsion of the Germans after the Second World War, Yale University Press, 261 p.
  17. « Ludność Polski w XX wieku / Andrzej Gawryszewski. Warszawa : Instytut Geografii i Przestrzennego Zagospodarowania im. Stanisława Leszczyckiego PAN, 2005. Page 312 and Pages 452 to 466 » [archive du ] (consulté le )
  18. The quality of the 1946 census data was very low
  19. Pitor Eberhardt in POLITICAL MIGRATIONS IN POLAND 1939-1948 pages 44–45
  20. Polski w XX wieku / Andrzej Gawryszewski. Warszawa : Instytut Geografii i Przestrzennego Zagospodarowania im. Stanisława Leszczyckiego PAN, 2005. Page 312
  21. Kamusella 2004, p. 29.
  22. Dokumentation der Vertreibung der Deutschen aus Ost-Mitteleuropa. Band 1 In Verbindung mit A. Diestelkamp [et al.] bearb. von T. Schieder Bonn, Hrsg. vom Bundesministerium für Vertriebene, 1953 pages 160
  23. Spieler, Silke. ed. Vertreibung und Vertreibungsverbrechen 1945-1948. Bericht des Bundesarchivs vom 28. Mai 1974. Archivalien und ausgewählte Erlebnisberichte, Bonn: Kulturstiftung der deutschen Vertriebenen. (1989). (ISBN 3-88557-067-X). Page
  24. « ^ Ingo Haar, Straty zwiazane z wypedzeniami: stan badañ, problemy, perspektywy. Polish Diplomatic Review. 2007, nr 5 (39) Page 18 » [archive du ] (consulté le )
  25. Ingo Haar, Bevölkerungsbilanzen" und "Vertreibungsverluste. Zur Wissenschaftsgeschichte der deutschen Opferangaben aus Flucht und Vertreibung :Herausforderung Bevölkerung : zu Entwicklungen des modernen Denkens über die Bevölkerung vor, im und nach dem Dritten Reich Verlag für Sozialwissenschaften 2007 (ISBN 978-3-531-90653-9)
  26. Die deutschen Vertreibungsverluste. Bevölkerungsbilanzen für die deutschen Vertreibungsgebiete 1939/50. Herausgeber: Statistisches Bundesamt - Wiesbaden. - Stuttgart: Kohlhammer Verlag, 1958 Pages 38 and 45
  27. Gerhard Reichling. Die deutschen Vertriebenen in Zahlen, Bonn 1995, (ISBN 3-88557-046-7) Page 53
  28. a b et c Matthew J. Gibney, Randall Hansen, Immigration and Asylum: From 1900 to the Present, 2005, p.198, (ISBN 1-57607-796-9), (ISBN 978-1-57607-796-2)
  29. Earl R. Beck, Under the Bombs: The German Home Front, 1942-1945, University Press of Kentucky, 1999, p. 176, (ISBN 0-8131-0977-9)
  30. p. 35 - Stanisław Jankowiak, "Wysiedlenie i emigracja ludności niemieckiej w polityce władz polskich w latach 1945-1970" (Expulsion and emigration of German population in the policies of Polish authorities in 1945-1970), Warszawa, Instytut Pamięci Narodowej, (ISBN 83-89078-80-5)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]