Front populaire (Tunisie) — Wikipédia

Front populaire
Image illustrative de l’article Front populaire (Tunisie)
Logotype officiel.
Présentation
Chef Safa Dhaouadi
Fondation (coalition)
(parti)
Positionnement Gauche[1]
Idéologie Socialisme démocratique
Site web front-populaire.orgVoir et modifier les données sur Wikidata
Logo jusqu'en 2019.

Le Front populaire (arabe : الجبهة الشعبية), anciennement Front populaire pour la réalisation des objectifs de la révolution (الجبهة الشعبية لتحقيق أهداف الثورة) est une coalition politique tunisienne regroupant à l'origine douze partis politiques et associations de gauche, nationalistes et écologistes, ainsi que de nombreux intellectuels indépendants[2],[3] et fondée le  ; son porte-parole est alors Hamma Hammami[4]. En 2019, le Front populaire devient un parti politique.

Histoire[modifier | modifier le code]

Après la révolution tunisienne de 2011 qui aboutit au départ du président Zine el-Abidine Ben Ali et à l'élection d'une assemblée constituante qui porte les islamistes d'Ennahdha et leurs alliés au pouvoir (troïka), le paysage politique de la Tunisie se transforme : Béji Caïd Essebsi, ancien Premier ministre du deuxième gouvernement de transition, fonde le parti Nidaa Tounes, qui rassemble des représentants de la bourgeoisie, des hauts cadres et des personnalités du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de Ben Ali, dissous après la révolution[5]. Ce nouveau parti, considéré par certains comme le recyclage du RCD, arrive à trouver des alliés auprès de certains partis centristes et de droite, pour la plupart issus de l'éclatement de l'ancien régime[2] et à attirer la sympathie de près de 20 % des Tunisiens selon de premiers sondages[6], juste derrière Ennahdha, au nom de la logique « Tout sauf les islamistes »[2].

Ces faits donnent au paysage politique une réalité bipolaire que les partis de gauche tentent de briser[7] en créant le Front populaire afin de donner aux Tunisiens un choix autre que les islamistes au pouvoir ou Nidaa Tounes et ses alliés, allant davantage dans le sens des revendications sociales de la révolution.

Le Front populaire se compose de douze partis qui conservent leur autonomie, ainsi que de plusieurs associations de gauche, issus de mouvances diverses : marxistes, écologistes, nationalistes arabes et sociaux-démocrates. Sa ligne politique est « la réalisation des objectifs de la révolution » : la justice sociale, la justice transitionnelle, la défense des libertés et l'instauration d'un État démocratique[8].

Le Front populaire devient la troisième force politique de Tunisie à l'issue des élections législatives de 2014, obtenant quinze députés à l'Assemblée des représentants du peuple. Son candidat à la présidentielle, Hamma Hammami, obtient un score de 7 %, se plaçant en troisième position derrière Moncef Marzouki et Béji Caïd Essebsi, malgré la pression du « vote utile » anti-islamiste qui avait poussé une partie de la gauche vers Caïd Essebsi[8].

En 2019, le Front populaire éclate en raison notamment de désaccords stratégiques, les uns étant favorables à un éventuel rapprochement avec Nidaa Tounes pour faire face au parti islamiste Ennahdha, les autres percevant ces deux partis comme étant avant tout néolibéraux et les renvoyant dos à dos. En outre, au nom de la realpolitik et du pragmatisme, une partie des dirigeants souhaite s'adapter aux pressions économiques qui pèsent sur le pays et négocier le controversé Accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) avec l'Union européenne, tandis que d'autres, dont Hamma Hammami, défendent la fidélité aux impératifs sociaux et aux valeurs de la gauche traditionnelle et s'opposent frontalement à l'Aleca[8].

Assassinat de Chokri Belaïd[modifier | modifier le code]

Graffiti sur un mur : « Front populaire contre la misère »

Au matin du , l'un des leaders du Front populaire et secrétaire général du Parti unifié des patriotes démocrates, Chokri Belaïd, est assassiné par balle devant chez lui[9]. La famille et les proches du défunt ainsi qu'une partie des intellectuels et du peuple accusent Ennahdha, le parti au pouvoir, d'être derrière cet assassinat[10],[11].

Le pays est très vite envahi par des réactions d'indignations, des manifestations et des violences visant Ennahdha[9]. Le ministère de l'Intérieur dénombre près de 40 000 personnes ayant assisté aux funérailles de l'opposant alors que le pays observe une grève générale à l'appel de plusieurs partis et de l'Union générale tunisienne du travail ; les médias font état de près d'un million et demi de personnes dans les rues[12]. Le gouvernement Jebali fini par démissionner le 16 février[13].

Assassinat de Mohamed Brahmi[modifier | modifier le code]

Le , un deuxième leader du Front populaire, Mohamed Brahmi, membre de l'assemblée constituante, est assassiné sous les yeux de membres de sa famille avec un mode opératoire qui rappelle celui de l'assassinat de Belaïd[14]. Le lien entre les deux meurtres est plus tard confirmé par les autorités[15].

L'implication du parti au pouvoir est à nouveau envisagée, le chef du gouvernement Ali Larayedh ayant concédé que la CIA avait averti ses services onze jours auparavant de l'existence d'un projet d'assassinat contre la personne de Brahmi et authentifié le document divulgué, ce qui cause un scandale[16],[17].

Assassinat de Mohamed Belmufti[modifier | modifier le code]

Le , lors d'une manifestation organisée à Gafsa en hommage à Brahmi, Mohamed Belmufti, militant du Front populaire et ancienne tête de liste d'Afek Tounes, est tué par un tir de bombe lacrymogène reçu à la tête.

Al Moutawasset, l'une des chaînes de propagande télévisuelle d'Ennahdha[18], déforme l'information en prétendant que Belmufti est un membre de la Ligue de protection de la révolution, milice islamiste favorable au pouvoir[19], et qu'il a été tué par l'opposition[20].

Élections de 2014[modifier | modifier le code]

Hamma Hammami présente sa candidature à l'élection présidentielle de 2014[21],[22]. À l'issue du premier tour, il termine troisième avec 7,82 % des voix[23]. Lors des élections législatives, la coalition obtient quinze sièges.

Scission et transformation en parti[modifier | modifier le code]

Le , neuf députés quittent la coalition du Front populaire, et donc son bloc parlementaire, qui disparaît[24]. Le 1er juillet, ces neuf députés forment un groupe parlementaire portant le même nom[25].

Le 22 juillet, un nouveau parti, dénommé Front populaire, est fondé et dirigé par Safa Dhaouadi[26]. Hamma Hammami accuse alors le gouvernement de chercher à détruire la coalition en ayant permis l'enregistrement du parti[26].

L'ancienne coalition Front populaire change de nom et devient « Le Front » au lieu de « Le Front populaire »[27]. La coalition n'obtient cependant aucun siège lors des élections législatives de 2019, au contraire du Front populaire.

Pour l'élection présidentielle, Mongi Rahoui est dès lors le candidat du Front populaire et obtient 0,81 % des voix, alors que Hammami est le candidat de la coalition Le Front et obtient 0,69 % des voix[28],[29].

Partis membres de la coalition[modifier | modifier le code]

Courant marxiste-léniniste[modifier | modifier le code]

Seuls les trois premiers sont encore actifs au sein du Front populaire.

Autres courants[modifier | modifier le code]

Les trois derniers partis se sont retirés du Front populaire, lequel s'est renforcé par l'arrivée de certains indépendants dont quatre sont têtes de listes pour les élections législatives de 2014. Le choix des têtes de liste, qui a donné lieu à de longues tractations en vue de satisfaire les différentes composantes et éviter l'implosion du Front populaire, a donné la répartition suivante :

Résultats électoraux[modifier | modifier le code]

Élections législatives[modifier | modifier le code]

Année Voix % Rang Sièges Gouvernements
2014 124 654 3,66 % 4e
15  /  217
Opposition
2019 32 365 1,12 16e
1  /  217
Opposition

Élections présidentielles[modifier | modifier le code]

Année Candidat Voix % Résultat
2014 Hamma Hammami 255 529 7,82 3e
2019 Mongi Rahoui 27 346 0,81 13e

Élections municipales[modifier | modifier le code]

Année Voix Rang Conseillers % Maires %
2018 71 551 4e
261  /  7212
3,95
8  /  350
3,60

Groupe parlementaire[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jules Crétois et Oumeïma Nechi, « Tunisie : même affaiblie, la gauche se maintient dans des villes « frondeuses » », sur jeuneafrique.com, (consulté le ).
  2. a b et c Alain Baron, « Tunisie : le regroupement à gauche franchit une nouvelle étape », sur europe-solidaire.org, (consulté le ).
  3. « Tunisie : naissance d'une nouvelle coalition de gauche : le front populaire », sur babnet.net, (consulté le ).
  4. « Hamma Hammami nommé porte-parole du front populaire »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur shemsfm.net, .
  5. Synda Tajine, « Béji Caïd Essebsi : pourquoi fait-il aussi peur ? », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
  6. Seif Soudani, « Tunisie. Sondage 3C : le duel Ennahdha - Nidaa Tounes se précise »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur lecourrierdelatlas.com, .
  7. « Tunisie - Le Front Populaire veut briser la bipolarité entre Ennahdha et Nidaa Tounes », sur espacemanager.com, (consulté le ).
  8. a b et c Hakim Fekih, « Tunisie. Une gauche en perdition », sur orientxxi.info, (consulté le ).
  9. a et b « Tunisie : l'assassinat de Chokri Belaïd provoque une vague de manifestations anti-Ennahdha », sur jeuneafrique.com, (consulté le ).
  10. Tugdual de Dieuleveult, « Le frère de Chokri Belaïd assassiné mercredi : « J'accuse Ennahdha » »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur rmc.fr, .
  11. « Tunisie : le PPDU accuse Ennahdha d'être derrière l'assassinat de Chokri Belaïd », sur babnet.net, (consulté le ).
  12. « Tunisie. Marée humaine aux obsèques de Chokri Belaïd », sur tempsreel.nouvelobs.com, (consulté le ).
  13. Tarek Amara, « Démission du gouvernement tunisien après la mort d'un opposant », sur fr.reuters.com, (consulté le ).
  14. Florence Beaugé, « Assassinat de Mohamed Brahmi : Tunis accuse les salafistes », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  15. « Tunisie : liens confirmés entre les meurtres de Mohamed Brahmi et Chokri Belaïd », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  16. « Tunisie : la CIA avait averti le gouvernement des menaces qui pesaient sur Mohamed Brahmi », sur rfi.fr, (consulté le ).
  17. Hassane Zerrouky, « Le pouvoir éclaboussé. Le gouvernement savait que Mohamed Brahmi devait être assassiné », sur humanite.fr, (consulté le ).
  18. « Tunisie. Bientôt Al Moutawasset, une nouvelle chaîne pro-Ennahdha », sur kapitalis.com, (consulté le ).
  19. Alexia Eychenne, « Tunisie : qui se cache derrière les ligues de protection de la révolution ? », sur lexpress.fr, (consulté le ).
  20. « Tunisie : Un militant du Front populaire tué par une bombe lacrymogène à Gafsa », sur kapitalis.com, (consulté le ).
  21. « Hamma Hammami officiellement candidat à la présidentielle », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
  22. Najma Kousri Labidi, « Plusieurs personnalités annoncent leur soutien à Hamma Hammami pour la présidentielle », sur huffpostmaghreb.com, (consulté le ).
  23. « Présidentielle en Tunisie : Hamma Hammami, le troisième homme », sur rfi.fr, (consulté le ).
  24. « Tunisie : le Front populaire privé de bloc parlementaire à l'ARP », sur tunisienumerique.com, (consulté le ).
  25. « Assemblée : reconstitution du bloc parlementaire du Front populaire », sur kapitalis.com, (consulté le ).
  26. a et b « Tunisie : naissance d'un nouveau parti politique baptisé “Front populaire”, Hamma Hammami s'indigne », sur tunisienumerique.com, (consulté le ).
  27. « Levée du sit-in des militants du Front populaire », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
  28. « Élection présidentielle anticipée 2019 / Résultats », sur isie.tn (consulté le ).
  29. « Mongi Rahoui dépose sa candidature à la présidentielle », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
  30. « Tunisie - Al-Qotb rejoint le Front populaire », sur businessnews.com.tn, (consulté le ).
  31. « Politique : Tunisie Verte dénonce l'hégémonie de Hamma Hammami sur le Front populaire », sur kapitalis.com, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]