Franc-Tireur (mouvement de résistance) — Wikipédia

Caricature publiée dans Le Franc-Tireur en septembre 1944, intitulée Bony à l’interrogatoire. Légende : « Peuh ! Vous êtes des enfants... voulez-vous que je vous montre comment on interroge un client ? »

Franc-Tireur est un mouvement de résistance fondé à Lyon en sous le nom « France Liberté »[1] et rebaptisé « Franc-Tireur » en décembre 1941 sur proposition de Jean-Jacques Soudeille.

Le Franc-Tireur est également le nom du journal clandestin du mouvement, qui connaît trente-sept numéros de à [2], devenant l’un des principaux journaux de la Résistance, et continue de paraître jusqu’en 1957, après avoir été rebaptisé Franc-Tireur à la Libération, avec pour devise : « À l’avant-garde de la République ». De 1957 à 1959, il prendra le nom de Paris Journal puis, de 1959 à 1972, celui de Paris Jour.

Le chef du mouvement est Jean-Pierre Lévy. Sous l’égide de Jean Moulin, le mouvement fusionnera avec Libération-Sud et Combat pour créer les Mouvements unis de la Résistance (MUR) début 1943.

Histoire[modifier | modifier le code]

Franc-Tireur est le mouvement de la zone sud qui a le plus d’attaches lyonnaises. Fondé en 1941 par un groupe d’hommes venus d’horizons divers, il regroupe des personnalités ayant la même sensibilité politique, une opposition à l’armistice de 1940 et, dès l’origine, au maréchal Pétain lui-même[3].

Naissance et premiers temps[modifier | modifier le code]

Les initiateurs du mouvement se retrouvent chez eux ou lors de parties de cartes au café du « Moulin joli », place des Terreaux. Les premiers membres sont Antoine Avinin, membre de Jeune République et catholique de gauche, Auguste Pinton, ancien conseiller municipal, Élie Péju et Jean-Jacques Soudeille, anciens communistes devenus radicaux[4].

Eux et quelques autres se regroupent et fondent fin un mouvement qu’ils nomment « France-Liberté » dont le but est de lutter contre la propagande gouvernementale et de mobiliser contre la défaite et l’ordre autoritaire qui s’installe. Le groupe commence par rédiger des tracts contre les nazis et Pétain qui, faute de moyens, ne sont diffusés qu’à de petits nombres d’exemplaires tapés à la main[4].

Arrivée de Jean-Pierre Lévy et naissance du journal[modifier | modifier le code]

Le groupe prend un véritable essor avec l’intégration de Jean-Pierre Lévy, réfugié alsacien qui apporte une ronéo au printemps 1941 et impulse l’édition d’un vrai journal, de plus ample diffusion[4].

Avec le soutien de l’imprimeur Henri Chevalier, le premier numéro sort en à 6 000 exemplaires, imprimé sur quatre pages en format 21 par 27,5 cm (le nom de Franc-Tireur est une allusion aux groupes de volontaires qui se sont formés en 1870 en dehors des cadres légaux pour défendre la patrie et la République). Le ton est humoristique – le journal est ironiquement sous-titré « mensuel dans la mesure du possible et par la grâce de la police du Maréchal »[5] puis « mensuel malgré la Gestapo et la police de Vichy »[6] – et offensif contre le maréchal et les Allemands. Les thèmes défendus sont l’opposition à l’ordre nouveau et à l’occupant, la dénonciation de ces méfaits, l’appel à la résistance de toutes les bonnes volontés. La conclusion de son numéro 1 est « Une seule tâche s'impose : résister, organiser »[4].

Développement du mouvement[modifier | modifier le code]

Le groupe devient un mouvement qui cherche à agir davantage que par les seules armes de l’esprit. Jean-Pierre Lévy prend ainsi contact avec les émissaires de Londres, tel Léon Morandat, dit Yvon Morandat, et les dirigeants des autres mouvements. Cadre commercial de profession, Lévy dispose d’une couverture pour circuler et il crée des antennes dans la région Rhône-Alpes, et plus largement partout où il a de solides relations. Il reçoit une aide considérable de sa famille, notamment de sa sœur et de son beau-frère mais surtout d’un cousin par alliance, Pierre Bernheim, qui implantent le mouvement à Roanne. Rapidement, le mouvement se structure dans la Loire, le Cantal, la Haute-Vienne, sur la côte méditerranéenne[7] et, plus légèrement, en Languedoc-Roussillon et en région toulousaine[8].

Extension du journal dans le cadre de la Résistance[modifier | modifier le code]

Rapidement, à la tête du journal se retrouve un homme de métier, Georges Altman, journaliste au Progrès. Il est secondé efficacement par Élie Péju. Le journal s’améliore pour devenir un organe régulier et professionnel de diffusion d’idées. Ses lieux d’impression se multiplient : Lyon[9], Saint-Étienne, Morez, Albi, Bordeaux, Valenceetc. Après l’installation des bureaux au no 19 boulevard de Sébastopol à Paris, en , le journal y est imprimé à partir de . Le tirage augmente constamment, passant de 15 000 en à 30 000 en novembre, puis 100 000 en et 150 000 exemplaires en [8].

Le ton du journal est très offensif, tant vis-à-vis des Allemands que des hommes de Vichy. Très tôt, le sort des juifs est dénoncé, notamment par la voie d’un tract produit en août 1942 pour protester contre la rafle du Vél’ d’Hiv’ et d’un article paru février 1944 détaillant les camps de concentration nazis. À l’inverse, la démocratie et le régime républicain sont défendus à chaque numéro. L’équipe, par l’intermédiaire du journal, incite la population à se rassembler pour chaque évènement commémoratif et à manifester ainsi son opposition à la situation ; que ce soit pour le ou le . Le journal dispose d’une équipe rédactionnelle très stable et accueille également ponctuellement des plumes extérieures telles Jean Nocher, Albert Bayet ou Marc Bloch, ces deux derniers finissant par devenir membres à part entière du mouvement[10].

Le mouvement publie aussi un journal satirique intitulé Le Père Duchesne (dont paraîtront quatre numéros au total)[11] dont Elie Péju et Yves Farge sont les corédacteurs et auquel collabore, notamment, Marc Bloch. Malgré son faible tirage (6 000 exemplaires), le journal rencontre un succès très important et est régulièrement cité par Radio Londres et par les presses américaine et anglaise[12].

Actions militaires[modifier | modifier le code]

À partir de 1942, le mouvement décide de ne plus se contenter de mots et organise des actions de sabotage, de cache de fuyards et de collecte de renseignements.

Ses membres se distinguent notamment par une action coordonnée importante en à Lyon, Clermont-Ferrand, Roanne, Limoges, Périgueux et Vichy. En , ils parviennent à occasionner de gros dégâts dans l’usine France-Rayonne. À partir de l’été 1942, Jean-Pierre Lévy et ses contacts à Grenoble Léon Martin et Aimé Pupin commencent à organiser des planques en Isère pour dissimuler des jeunes gens qui refusent d’aller en Allemagne[10].

Franc-Tireur et l’unification de la Résistance[modifier | modifier le code]

Le mouvement est réticent d’emblée à l’idée de se rallier à la figure de De Gaulle, et les approches pour s’unir aux autres groupes de résistance sont progressives[10].

Le journal après 1945[modifier | modifier le code]

À la Libération, le journal, maintenu, s’installe dans les locaux de L’Intransigeant. En 1948, il tire à 370 000 exemplaires.

Des tensions quant à l’orientation politique du titre conduisent à la fin de l’année 1948 au départ d’une partie de la rédaction, qui rejoint le quotidien Libération, plus franchement orienté à gauche. Parmi les partants, Madeleine Jacob, André Sauger, Marcel Fournier et Claude Bourdet[13].

En 1957, le journal tire encore à 70 000 exemplaires, mais, en raison de la baisse des ventes connaît des difficultés financières. Il est racheté par Cino Del Duca qui le rebaptise Paris Jour. Altman et Péju quittent la rédaction l’année suivant ce rachat.

Membres[modifier | modifier le code]

Le mouvement est globalement un mouvement situé à gauche politiquement. Il comprend un grand nombre de socialistes, de radicaux et des catholiques de Jeune République. On y trouve un grand nombre de cadres moyens, d’employés municipaux, d’instituteurs ou de professeurs. La place des femmes y est également importante, de même que celle des jeunes[10].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Isabelle von Bueltzingsloewen, Laurent Douzou, Jean-Dominique Durand, Hervé Joly et Jean Solchany, Lyon dans la Seconde Guerre mondiale : villes et métropoles à l'épreuve du conflit, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 361 p. (ISBN 978-2-7535-4359-1, BNF 44499152), p. 274.
  2. Sous-titré sous l'Occupation Organe du Mouvement de la libération nationale puis Organe des Mouvements de Résistance unis
  3. Doré-Rivé et Vivier 2012, Laurent Douzou, p. 78.
  4. a b c et d Doré-Rivé et Vivier 2012, p. 78.
  5. Henri Michel, Histoire de la Résistance en France, PUF, , page 64
  6. « Site Gallica (BNF) : exemplaires du journal pour l'année 1944 »
  7. « limoges-pendant-la-seconde-guerre-mondiale »
  8. a et b Doré-Rivé et Vivier 2012, p. 80.
  9. Plus précisément, à Miribel, grâce à Henri Deschamps.
  10. a b c et d Doré-Rivé et Vivier 2012, p. 81.
  11. dir. François Marcot, Dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, , Notice Franc-Tireur par Dominique Veillon, page 121 et suivantes
  12. Dominique Veillon, Le Franc-tireur, un jounal clandestin, un mouvement de résistance, Flammarion coll. Sciences humaines, , pages 87 et suivantes
  13. "Mémoires d'un franc-tireur: itinéraire d'un résistant" par Jean-Pierre Lévy [1]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Isabelle Doré-Rivé (Dir.) et Marion Vivier (Coord. éditoriale), Une ville dans la guerre : Lyon 1939-1945, Lyon, Fage, , 192 p. (ISBN 978-2-84975-279-1)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]