Fernand de Brinon — Wikipédia

Fernand de Brinon
Illustration.
Fernand de Brinon en 1945.
Fonctions
Président de la Commission gouvernementale de Sigmaringen
(Vichy)

(7 mois et 17 jours)
Gouvernement Vichy (en exil)
Délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés
(Vichy)

(4 ans)
Gouvernement Vichy
Biographie
Nom de naissance Marie Fernand de Brinon
Date de naissance
Lieu de naissance Libourne (France)
Date de décès (à 61 ans)
Lieu de décès Montrouge (France)
Nationalité Française
Conjoint Lisette de Brinon
Profession Avocat
Journaliste

Fernand de Brinon est un avocat, journaliste et homme politique français, né le à Libourne et mort par exécution le au fort de Montrouge, près de Paris. Représentant du gouvernement de Vichy auprès du Haut-Commandement allemand dans le Paris sous l’Occupation, il est après la Libération jugé et condamné à mort pour ses actes de collaboration.

Biographie[modifier | modifier le code]

Sa famille, sa jeunesse[modifier | modifier le code]

Fils de Robert de Brinon et de Jeanne Mercier de Lacombe, né à Libourne où son père est inspecteur des Haras, dans une famille de la noblesse du Bourbonnais[1]. Cette famille est considérée comme étant une branche cadette d'une autre famille du même nom à Paris mais sans pouvoir le prouver par actes de filiation[1]. Elle descendrait[2] de « noble homme et sage maître »[1] Guillaume Brinon, avocat en la Cour du Parlement de Paris en 1551, fils de maître Yves Brinon[1]. Son petit-fils, Yves de Brinon, exerça une charge anoblissante[1].

Fernand de Brinon étudie d’abord le droit et les sciences politiques à Paris. Il épouse Jeanne Louise Rachel Franck, d'une famille de la grande bourgeoisie juive belge et cousine d'Emmanuel Berl.

Avant-guerre[modifier | modifier le code]

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, il devient journaliste. Dans le Journal des débats, puis à L'Information de Léon Chavenon, convaincu de l'échec de la politique dite des « réparations » (imposées à l'Allemagne en 1921), il se montre partisan d'un rapprochement et d'une entente pacifique et durable entre la France et l'Allemagne.

C'est dans les colonnes du Matin (quotidien auquel il collaborait épisodiquement) qu'il publie, le 22 novembre 1933, sous le titre « Pour la première fois, le chancelier du Reich reçoit un journaliste français », les « déclarations sensationnelles » qui lui ont été faites par Adolf Hitler, lors de l'entretien qu'il a eu avec celui-ci le 16 novembre 1933. Cette entrevue avait été organisée grâce à Ribbentrop, avec lequel il avait sympathisé en 1932 à l'occasion d'une partie de chasse en Champagne chez un ami commun, le marquis Melchior de Polignac, propriétaire des champagnes Pommery.

À l'issue de cette entrevue, le nouveau Führer invite personnellement une délégation d'anciens combattants français en Allemagne. Brinon devait rencontrer Hitler à cinq autres reprises, entre 1935 et 1937.

Il fonde en 1935, avec Georges Scapini (1893-1976), le comité France-Allemagne.

Collaboration (1940-1945)[modifier | modifier le code]

Fernand de Brinon, en 1943 à Katyń.

Après la défaite de juin 1940, Fernand de Brinon se fait l’avocat de la collaboration avec l’Allemagne.

En juillet 1940, il est appelé par Pierre Laval, membre du gouvernement de Vichy, à représenter le gouvernement français auprès du Haut-Commandement allemand dans le Paris de l’Occupation. Le 5 novembre 1940, il est nommé ambassadeur de France auprès des Allemands (il est parfois surnommé avec dérision « l’ambassadeur de France à Paris »)[3].

Le 18 novembre suivant, il est nommé « délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés ». Brinon a bénéficié de ses relations anciennes avec l'ambassadeur allemand Otto Abetz. Il occupe ce poste jusqu’à la fin de l’Occupation ; il est élevé au rang de secrétariat d'État auprès du chef de gouvernement après le retour de Laval en 1942. Son siège était l'hôtel de Breteuil de Paris (12 avenue Foch) ; il en fera un haut lieu de la collaboration.

Le 15 décembre 1940, il reçoit au nom du gouvernement français, la dépouille du duc de Reichstadt, envoyée de Vienne sur ordre de Hitler pour être inhumée auprès de celle de son père, Napoléon Ier, aux Invalides.

Avec la dénonciation du traité d’armistice et l’occupation de la zone libre par Hitler en novembre 1942, Philippe Pétain, sachant que Brinon a l’estime des Allemands, le nomme secrétaire d’État dans le gouvernement que Laval dirige à son retour aux affaires ; il est ainsi le seul représentant officiel du gouvernement à Paris.

En 1943, Georges Duhamel, secrétaire perpétuel de l'Académie française, s'inquiéta auprès de Brinon du sort de la famille de Léon Reinach, fille, gendre et petits enfants du collectionneur et mécène Moïse de Camondo, alors internée à Drancy. Malgré l'intervention de Brinon par « une note ajoutée au dossier » (Pierre Assouline) auprès des autorités allemandes, les quatre sont internés à Drancy, déportés séparément puis assassinés à Auschwitz[4].

En Russie, il effectue également une revue des troupes de la LVF commandée par le colonel Edgar Puaud[5].

Fernand de Brinon apparaît dans le livre Propos secrets (1977 et 1980), écrit par le diplomate et écrivain Roger Peyrefitte, qui fut un de ses subordonnés au ministère des Affaires étrangères. Selon Peyrefitte démaquillé par André du Dognon, de Brinon dirigeait le Bureau des rapatriements, lequel contrôlait « le départ des Français pour l'Allemagne, et vice versa »[6].

Réfugié à Sigmaringen en août 1944, il y préside la « Commission gouvernementale » (forme de gouvernement en exil). Devant l’avancée des armées alliées, début mai 1945, il essaie dans un premier temps de rejoindre par avion l’Espagne, via l’Autriche et la Suisse. Ses tentatives ayant échoué, il se présente aux autorités américaines le 8 mai 1945 à la frontière austro-suisse, souhaitant rentrer en France et se constituer prisonnier.

Incarcéré, il est jugé par la Haute Cour de justice. Lors de son procès, il lui est notamment reproché, au-delà du qualificatif de « traître à la Nation », d'avoir été un espion au service de l'Occupant. Il est condamné à mort le . Il est fusillé le au fort de Montrouge et inhumé au cimetière de Thiais[7] ; son corps sera par la suite inhumé au cimetière de Saint-Quentin-la-Chabanne dans la Creuse où il possédait le château de La Chassagne. Sur sa tombe est indiqué son titre d’« ambassadeur de France » sans préciser qu’il fut le seul ambassadeur du gouvernement français auprès de l'occupant allemand à Paris.

Sans postérité officielle, ou reconnue, il avait connu au début des années 1930 Jeanne Louise Rachel Franck, juive et cousine d'Emmanuel Berl, connue sous le nom de Lisette de Brinon, alors mariée et mère de deux fils, qui, pour l'épouser en 1934, obtint l'annulation de son premier mariage avec Claude Ullmann et se convertit au catholicisme.

Ses papiers personnels sont conservés aux Archives nationales, à Pierrefitte-sur-Seine, sous la cote 411AP (Inventaire du fonds).

L'écrivain Louis-Ferdinand Céline, en exil à Sigmaringen en même temps que lui, évoque le rôle de Brinon dans son roman D'un château l'autre.

Dans le film Section spéciale (1975), son rôle est interprété par François Maistre.

Il a été décoré de l'ordre de la Francisque[8].

Promu officier de la Légion d'honneur le 6 février 1934, il est condamné le 6 mars 1947 à la dégradation nationale ; la décoration lui est donc retirée par le grand chancelier de l'ordre.

Œuvres[modifier | modifier le code]

  • En guerre. Impressions d'un témoin (Paris, Blond et Gay, 1915) ;
  • France-Allemagne (1918-1935) (Paris, Grasset, 1935 (trad. allemande ; Essen, Essen Verlagsantalt, 1935, übertragen von Albert Koerber) ;
  • À ses amis (notes de prison ; extraits de la sténographie du procès), slnd, in-16 (acquisition BN) ;
  • Mémoires (préface de Simone Mittre), Paris, Déterna (réédition 2001), 1947 et différentes éditions. (Simone Mittre, 1897-1980, fut la maîtresse de Fernand de Brinon et demeura sa secrétaire après qu'il se fut marié. Elle resta d'une exceptionnelle fidélité à sa mémoire, et effectua un important dépôt d'archives aux Archives nationales.)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Henri Amouroux, Les Beaux Jours des collabos (Paris, Robert Laffont, 1978 (tome 3 de La grande histoire des Français sous l’Occupation, 10 volumes) ;
  • Gilbert Joseph, Fernand de Brinon, l'aristocrate de la collaboration, Paris, A. Michel, , 654 p. (ISBN 978-2-226-11695-6, OCLC 401523144) ;
  • Pascal Ory, Les collaborateurs 1940-1945 (Paris, Le Seuil, 1976 ; nouv. éd., 1980) ;
  • Robert O. Paxton, La France de Vichy (éd. du Seuil, « Points », 1999 (1re éd., 1972) ;
  • Entretiens Simone Mittre / Chantal de Tourtier-Bonazzi, archives nationales CHAN 8 cartons (411 AP/1 à 411 AP/8)
  • Roger Maudhuy, Les grands procès de la collaboration, Saint-Paul, Lucien Souny, , 378 p. (ISBN 978-2-84886-228-6, OCLC 635681735) ;
  • Barbara Lambauer-Trimbur, « Trois personnalités de l'entre-deux-guerres vues par des historiens allemands : Paul Reynaud, Fernand de Brinon et Otto Abetz », in Francia, no 29/3, 2002, [lire en ligne].
  • (en) Martin Mauthner, Otto Abetz and His Paris Acolytes : French Writers who Flirted with Fascism, 1930-1945, Brighton ; Chicago ; Toronto, Sussex Academic Press, , 369 p. (ISBN 978-1-84519-784-1 et 978-1-782-84297-2, OCLC 936006192).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d et e Gustave Chaix d'Est-Ange, Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, tome 7, pages 116 à 118 Brinon (de).
  2. Gustave Chaix d'Est-Ange rapporte que plusieurs actes de filiation de cette famille ont été déclarés faux.
  3. « Livres. Fernand de Brinon, aristo et collabo », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le ).
  4. (Pierre Assouline, Le dernier des Camondo, Paris, Gallimard, , 288 p. (ISBN 978-2-07-074554-8, OCLC 246109758), p. 270 et 271).
  5. INA, « voyage de M. Brinon sur le front de l'Est »
  6. Du Dognon, André., Peyrefitte démaquillé, J.-P. Ollivier, (OCLC 731412666, lire en ligne).
  7. France-Soir, 16 avril 1947 : « À 7h. 33, une salve retentit. Justice est faite. Le condamné eut une attitude courageuse. Il ne prononça pas un mot et refusa le bandeau. L'inhumation, une demi-heure plus tard, avait lieu au cimetière de Thiais ».
  8. Henry Coston (préf. Philippe Randa), L'Ordre de la Francisque et la révolution nationale, Paris, Déterna, coll. « Documents pour l'histoire », , 172 p. (ISBN 2-913044-47-6), p. 37 — première édition en 1987.