Erwan Dianteill — Wikipédia

Erwan Dianteill, né en 1967 à Brest, est un anthropologue et sociologue français[1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Ancien élève de l'ENS Paris-Saclay, agrégé de sciences sociales, il fait sa thèse de doctorat à l'Université Paris-Nanterre et à l'ENS Cachan sous la direction de l'historienne et anthropologue Carmen Bernand. Erwan Dianteill a enseigné à l’EHESS en tant que Maître de Conférences avant d'être nommé, en 2008, Professeur d’anthropologie à Université Paris Cité, où il dirige actuellement le département de sciences sociales au sein de la Faculté de Sciences humaines et sociales. En tant que professeur invité, il a également enseigné à l'université de Californie (Santa Barbara), à l'université Tulane (La Nouvelle-Orléans), à l'université Nationale du Honduras, à l'Université de Buenos Aires, à l'université de Vienne et à l'université Harvard[2]. Il a été deux fois lauréat senior de l'Institut universitaire de France[3], en 2012 puis en 2023.

Il a été le premier directeur du Canthel (Centre d'anthropologie culturelle), qu'il a dirigé de 2010 à 2018. Il a créé avec Francis Affergan la revue d'anthropologie culturelle cArgo.

Anthropologie des religions[modifier | modifier le code]

Ses recherches portent sur les théories anthropologiques et sociologiques de la religion, sur les relations entre pouvoir politique et pouvoir religieux, sur les ressorts symboliques de la domination et de la résistance. Il mène des enquêtes sur les cultures afro-américaines[4] (Cuba[5], États-Unis[6], Brésil[7]), sur l'évolution des religions autochtones en Afrique Occidentale (Bénin) et sur les nouveaux christianismes.

Son ouvrage sur la santeria cubaine (Des dieux et des signes, 2000 ; Dioses y signos, 2019), et en particulier l'étude très précise de l'émergence d'une tradition écrite au sein de cette religion afro-cubaine, est une "référence incontournable" dans le domaine[8]. Selon Roberto Motta, spécialiste des religions africaines au Brésil, ce livre est un "véritable traité sur les religions afro-cubaines (...) Il n'y a pas un seul Brésilien qui ait un peu fréquenté le Candomblé à Bahia et Rio, ou le Xangô à Recife, qui ne puisse se retrouver dans les gens, dans les temples, dans les rituels, dans les initiations décrites ici, et dans l'enthousiasme d'Erwan Dianteill."[9] Pour Bertrand Hell, il s'agit d'un "ouvrage majeur", qui "privilégie une méthode singulière combinant analyse classique d’entretiens, de textes et de données chiffrées avec un investissement religieux personnel", tout en renouvelant "le regard anthropologique posé sur les religions afro-cubaines et, plus largement, sur tous les systèmes de communication avec les esprits"[10]

En outre, Dianteill est l'un des rares chercheurs à avoir étudié les églises spirituelles afro-américaines de La Nouvelle-Orléans, qui intègrent des éléments catholiques, protestants et une influence du vaudou sous-jacente[11].

Il a aussi montré comment, en se créolisant, l'Épiphanie catholique est devenu la fête la plus populaire de la ville de Porto-Novo, au Bénin. Son ouvrage sur ce sujet (L'Epiphanie de Porto-Novo : Textes, histoire et ethnologie / Fifanixwe xɔgbonu tɔn : Kinkan, otan kpóɖɔ akɔnúwiwazínzán, 2017) est le premier livre intégralement bilingue en Gun-gbe et en Français[12].

Depuis 2007, Dianteill conduit également une recherche de terrain à Porto-Novo sur la transformation d’une religion africaine dans la modernité urbaine : le culte de Fa. Il a en particulier établi le lien astrologique de cette forme de divination avec la géomancie médiévale européenne et arabe[13]. En outre, il a retracé l'histoire de l'Eglise d'Ifa depuis sa fondation au début des années 1930 au Nigeria et au Bénin. Cette approche est complétée par une ethnographie précise de la liturgie contemporaine de cette institution religieuse, qui s'est constituée à partir de la mythologie d'Ifa, reprise dans une forme théologique et ecclésiale protestante[14]. L'enquête permet de repenser la question du syncrétisme religieux à nouveaux frais, en reformulant les catégories d'acculturation matérielle et d'acculturation formelle (Roger Bastide).

Les trois ouvrages de Dianteill, sur La Havane dans les années 1990 (Des dieux et des signes, 2000), La Nouvelle-Orléans dans les années 2000 (La Samaritaine noire, 2006) et Porto-Novo dans les années 2010 (L'oracle et le temple, 2024), constituent une trilogie d'anthropologie religieuse afro-atlantique. L'enquête ethnographique et historique s'est en effet développée dans trois villes coloniales et portuaires, insérées dans le commerce triangulaire et lieux de rencontre des civilisations africaines et européennes. La conclusion de L'oracle et le temple rend compte de cet itinéraire et développe une analyse comparative des religions afro-américaines et africaines, entre l'Amérique Latine, l'Amérique du Nord et l'Afrique de l'Ouest. Loin de chercher les origines historiques des religions afro-américaines, il s'agit à l'inverse de prendre pour modèle les processus de transculturation et de créolisation à l'œuvre dans les Amériques coloniales et post-coloniales pour mieux comprendre les transformations des religions africaines contemporaines, dans des environnements urbains, pluriethniques et caractérisés par une grande diversité religieuse.

Parallèlement à ces enquêtes de terrain, il poursuit en collaboration avec Michael Löwy un travail de relecture critique de l’histoire de l’anthropologie et de la sociologie des religions[15].

Dianteill et Löwy ont aussi montré dans leur ouvrage Le Sacré fictif (2017) tout l'intérêt de la fiction littéraire (romans, nouvelles) pour comprendre le phénomène religieux. Selon Yves-Charles Zarka, "on ne saurait trop souligner l’importance de ce livre dans le contexte actuel des sciences sociales. Revenir sur l’apport de la littérature à la compréhension du réel social est indispensable à une époque où la sociologie entend imposer une prétendue scientificité en s’opposant à tout apport venant des récits de fiction, voire à tout apport résultant d’approches conceptuelles, comme celle de la philosophie (..) On y trouvera ainsi des analyses passionnantes de J. K. Huysmans, Thomas Mann, Bertold Brecht, Jorge Luis Borges, Isaac Bashevis Singer, Umberto Eco et d’autres. À lire absolument."[16].

Responsabilités à l'UNESCO[modifier | modifier le code]

Erwan Dianteill est conseiller pour les sciences humaines et sociales à la Commission Nationale Française de l'UNESCO[17].

Il représente la France au Conseil Intergouvernemental de Gestion des transformations sociales (Management of Social Transformations - MOST), qui comprend 31 États membres de l'UNESCO. Il a été élu Président du Conseil Intergouvernemental MOST en novembre 2019 pour un mandat de deux ans (2019-2021)[18]. Il a succédé à ce poste à Wan Azizah Wan Ismail, Vice-Première Ministre de la Malaisie.

Il était précédemment Vice-Président du Conseil Intergouvernemental MOST, représentant de l'Europe occidentale et de l'Amérique du Nord (2016-2019).

Erwan Dianteill (Université de Paris, Président du conseil intergouvernemental MOST) et Ndri Thérèse Assié Lumumba (Cornell University, Présidente du conseil scientifique MOST) ont été les organisateurs du colloque mondial sur les sciences sociales face à la pandémie de COVID 19[19], réunissant des chercheurs de 19 pays membres de l'UNESCO (21-22 octobre 2021).

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • L'Oracle et le Temple - De la géomancie médiévale à l'Eglise d'Ifa (Nigeria, Bénin). Genève, Labor & Fides, 2024, 336 p.
  • Dioses y signos: Iniciación, escritura y adivinación en las religiones afrocubanas, Madrid, Ediciones de la Universidad Complutense, 2019, 470 p., préface de Carmen Bernand. (édition augmentée, revue et corrigée de l'ouvrage publié en français en 2000).
  • Le sacré fictif. Sociologies et religion, approches littéraires, Paris, Éditions de l'Éclat, collection "Philosophie imaginaire", 2017 (avec Michael Löwy).
  • L'Épiphanie de Porto-Novo, Textes, histoire et ethnologie / Fifanixwe xɔgbonu tɔn : Kinkan, otan kpóɖɔ akɔnúwiwazínzán, Editions des Lagunes, Porto-Novo & Paris, 2017 ; 2e édition revue et corrigée, 2018 (ISBN 978-99919-7166-7), préface de Paulin Hountondji.
  • Eshu, dieu d'Afrique et du Nouveau Monde, Paris, Larousse, collection "Dieux, mythes et héros", 2011 (avec Michèle Chouchan)[20].
  • Sociologies et religion III - Approches insolites, Paris, PUF, 2009 (traduit en espagnol) (avec Michael Löwy).
  • La Samaritaine noire - Les Églises spirituelles noires américaines de La Nouvelle-Orléans, Paris, Éditions de l'EHESS, 2006[21].
  • 100 titres pour la sociologie et l'anthropologie, Paris, ADPF / Ministère des affaires étrangères, 2006 (ISBN 2-914935-73-0)
  • Sociologies et religion II - Approches dissidentes, Paris, PUF, 2005 (traduit en espagnol et en arabe) (avec Michael Lôwy)[22].
  • Des dieux et des signes - Initiation, écriture et divination dans les religions afro-cubaines, Paris, Éditions de l'EHESS, 2000.
  • Le savant et le santero - Naissance de l'étude scientifique des religions afro-cubaines (1906-1954), Paris, L'Harmattan, 1995.

Direction d'ouvrages collectifs et de numéros spéciaux de revues[modifier | modifier le code]

  • Povos da Amazônia e sua ciência para o equilíbrio da água e da biodiversidade planetária, Curitiba (Paraná, Brésil), Editora CRV, 2023 (avec Maria Soeli Farias-Lemoine, Maria Ludetana Araujo & Arikleyton de Oliveira Ferreira).
  • La violence insidieuse - Anthropologie et psychologie de la sorcellerie et du harcèlement moral, Paris, Archives Karéline, 2023 (avec Serena Bindi & Thierry Lamote).
  • cArgo, revue internationale d'anthropologie culturelle et sociale, numéro 6-7, dossier L'anthropologie de Georges Balandier, hier et aujourd'hui, 2017 (avec Delphine Manetta).
  • Une anthropologie des traverses - L'œuvre de Francis Affergan. Cargo, Revue internationale d'anthropologie culturelle et sociale, numéro hors série (14 articles), 2016.
  • Revue Européenne de Sciences Sociales, 2015, 53 (2), dossier Les symboles et les choses (avec Francis Affergan).
  • Marcel Mauss, en théorie et en pratique - Anthropologie, sociologie, philosophie, Paris, Archives Kareline, 2014.
  • Marcel Mauss – L’anthropologie de l’un et du multiple, Paris, PUF, collection « Débats philosophiques », 2013[23].
  • La culture et les sciences de l'homme – Un dialogue avec Marshall Sahlins, Paris, Éditions Archives Karéline, 2012.
  • Revue L’Année sociologique, 2012 (2), dossier : Sociologie et anthropologie (avec Francis Affergan).
  • Cartographie de l’utopie – L’œuvre de Michael Löwy, Paris, Éditions du Sandre, 2011 (avec Vincent Delecroix).
  • Revue Gradhiva, 7, avril 2008, dossier : Le possédé spectaculaire : possession, théâtre et globalisation (avec Bertrand Hell).
  • Interpretar la modernidad religiosa – teorías, conceptos y métodos en América Latina y Europa, Montevideo, Ediciones del CLAEH, 2007 (avec N. Dacosta & V. Delecroix).
  • Brésil, l'héritage africain (Catalogue de l'exposition au musée Dapper), Paris, Éditions Dapper, 2005 (avec C. Falgayrette-Leveau).
  • La modernité rituelle. Rites politiques et religieux des sociétés modernes, Paris, L'Harmattan, 2004 (avec Danièle Hervieu-Léger & Isabelle Saint-Martin).
  • Archives de Sciences Sociales des Religions, 117, 2002, dossier : Les religions afro-américaines (avec Marion Aubrée).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Erwan Dianteill », sur data.bnf.fr (consulté le )
  2. « Erwan Dianteill | Harvard Divinity School », sur web.archive.org, (consulté le )
  3. « IUF » edianteill », sur web.archive.org, (consulté le )
  4. Denis-Constant Martin, « Erwan Dianteill, La Samaritaine noire. Les Églises spirituelles noires américaines de la Nouvelle-Orléans », L’Homme. Revue française d’anthropologie, nos 185-186,‎ , p. 511–514 (ISSN 0439-4216, DOI 10.4000/lhomme.18382, lire en ligne, consulté le )
  5. Winnie Lambrecht, « Des Dieux et des Signes: initiation, ecriture et divination dans les religions afro-cubaines (review) », Journal of American Folklore, vol. 117, no 463,‎ , p. 103–103 (ISSN 1535-1882, DOI 10.1353/jaf.2004.0015, lire en ligne, consulté le )
  6. André Mary, « Review of La Samaritaine noire. Les Églises spirituelles noires américaines de la Nouvelle-Orléans », Archives de sciences sociales des religions, vol. 51, no 136,‎ , p. 167–171 (ISSN 0335-5985, lire en ligne, consulté le )
  7. « Brésil : l'héritage africain », sur Afrik, (consulté le )
  8. (es) LÓPEZ y SEBASTIÁN, Lorenzo E., « Reseña del libro : Des dieux et des signes », Revista Española de Antropología Americana,‎ 2004 (vol. 34), p. 252 (lire en ligne)
  9. (pt) Roberto Motta, « SciELO - Brasil - », Revista de Antropologia, vol. 44,‎ , p. 203–222 (ISSN 0034-7701 et 1678-9857, DOI 10.1590/S0034-77012001000200008, lire en ligne, consulté le )
  10. Bertrand Hell, « Erwan Dianteill, Des dieux et des signes. Initiation, écriture et divination dans les religions afro-cubaines », L’Homme. Revue française d’anthropologie, no 166,‎ , p. 268–270 (ISSN 0439-4216, lire en ligne, consulté le )
  11. (es) Fernando Giobellina Brumana, « La sammaritaine noire: les églises spirituelles noires Américaines de la Nouvelle-Orleans », Revista de Antropologia, vol. 50,‎ , p. 445–452 (ISSN 0034-7701 et 1678-9857, DOI 10.1590/S0034-77012007000100013, lire en ligne, consulté le )
  12. La Nouvelle Tribune, « "L’Epiphanie de Porto-Novo" : L’histoire d’une fête créole populaire révélée »
  13. Erwan Dianteill, « Venus, Issa, and the Moon Dog: Why Is There a Seventeenth Sign of Fa? Essay on the Historical Anthropology of Geomancy (Gulf of Benin, Islamized West Africa, Western Europe) », International Journal of Divination and Prognostication, vol. 3, no 2,‎ , p. 125–170 (ISSN 2589-9198 et 2589-9201, DOI 10.1163/25899201-12340025, lire en ligne, consulté le )
  14. « L’Oracle et le Temple », sur Les éditions Labor & Fides (consulté le )
  15. Jean Séguy, « Erwan Dianteill, Michael Löwy, Sociologies et religion. T. II. Approches dissidentes: Paris, PUF, coll. « Sociologie d’aujourd’hui », 2005, 188 p. », Archives de sciences sociales des religions, no 138,‎ , p. 97–251 (ISSN 0335-5985 et 1777-5825, DOI 10.4000/assr.6032, lire en ligne, consulté le )
  16. Yves Charles Zarka, « Erwan Dianteill et Michael Löwy, Le Sacré fictif. Sociologies et religion : approches littéraires, Paris, Éditions de l’Éclat, 2017 », Cités, vol. 75, no 3,‎ , p. 167 (ISSN 1299-5495 et 1969-6876, DOI 10.3917/cite.075.0167, lire en ligne, consulté le )
  17. « Présentation de l’équipe de la CNFU », sur La France à l’UNESCO (consulté le )
  18. « Nomination d’Erwan Dianteill à l’UNESCO | Canthel - Centre d'Anthropologie Culturelle » (consulté le )
  19. « Retour sur le colloque « Les sciences sociales et la pandémie de Covid-19 : État des connaissances et propositions d’action » », sur La France à l’UNESCO (consulté le )
  20. Marc Michel, « Dianteill Erwan, Chouchan Michèle, Eshu, dieu d’Afrique et du Nouveau Monde, 2011 », Outre-Mers. Revue d'histoire, vol. 99, no 374,‎ , p. 346–347 (lire en ligne, consulté le )
  21. Neal Santamaria, « Dianteill, Erwan. – La Samaritaine noire, les Églises spirituelles de la Nouvelle-Orléans », Cahiers d’études africaines, vol. 48, no 191,‎ , p. 622–624 (ISSN 0008-0055, DOI 10.4000/etudesafricaines.13432, lire en ligne, consulté le )
  22. Alternatives économiques, « Les religions sont-elles solubles dans la modernité ? »
  23. Carmen Bernand, « Erwan Dianteill (Coord.), Marcel Mauss. L’anthropologie de l’un et du multiple », Archives de sciences sociales des religions,‎ (lire en ligne)

Liens externes[modifier | modifier le code]