Ernest Reyer — Wikipédia

Ernest Reyer
Portrait photographique de Reyer par Carjat.
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 85 ans)
Le LavandouVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Nom de naissance
Louis Étienne Ernest ReyVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
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Genre artistique
Distinctions
Œuvres principales
signature d'Ernest Reyer
Signature de Reyer dans son dossier de Légion d’honneur.

Louis Étienne Ernest Rey, dit Ernest Reyer, né le à Marseille et mort le au Lavandou, est un compositeur français.

Biographie[modifier | modifier le code]

Son père, notaire marseillais, ne désire pas voir son fils embrasser une carrière musicale. Il ne lui fait pourtant pas obstacle et lui permet de suivre les cours du Conservatoire de six à seize ans. Il est inscrit au lycée Thiers de Marseille au cursus de commerce nouvellement créé.

En , à l'âge de seize ans, Ernest part pour l’Afrique travailler sous les ordres de son oncle maternel Louis Farrenc, chef de la comptabilité à la Trésorerie centrale du gouvernement de l'Algérie. Cet emploi ne lui convient pas et Reyer montre les plus parfaites indiscipline et nonchalance. On dit de lui que les papiers administratifs ne lui servent qu'à écrire d'innombrables essais de jeunesse, romances peu originales ou morceaux de danse. Ces premiers écrits d'autodidacte authentique lui permettent de se faire une notoriété locale et les milieux algérois apprécient notamment une messe restée inédite, exécutée à la cathédrale Saint-Philippe lors de l'arrivée du duc d'Aumale en .

L’entrée dans le milieu des artistes parisiens[modifier | modifier le code]

Lors des événements de 1848, il monte à Paris. Cette période le voit introduit, à moins de trente ans, dans le milieu bohème des artistes parisiens, comme Gustave Flaubert, le chansonnier Dupont ou Théophile Gautier. Il parvient tout de même à conserver son allure toute provençale (d'aucuns diraient « populaire »), continuant à fréquenter les petites gens avec lesquels il adore jouer aux dominos tout en fumant la pipe, cette pipe dont il dit qu'il lui doit ses meilleures inspirations.

Sa tante, Louise Farrenc, professeure de piano au Conservatoire et compositrice de talent, dirige ses études, et dès , il compose la musique d'une ode symphonique avec chœurs, signée Théophile Gautier, le Sélam, exécutée au théâtre italien. En , il compose la musique d'un opéra en un acte, Maître Wolfram, dont le libretto est de Joseph Méry. L'œuvre est jouée à l'Opéra-Comique. Sur cette œuvre, le maître, Hector Berlioz, repère Reyer. Il déclare que la musique du Marseillais n'avait « rien de commun avec la démarche tantôt affectée, tantôt dégingandée de la muse parisienne […]. Ses mélodies ont du naturel […]. Il y a du cœur et de l'imagination là-dedans[1]. »

Peu à peu, une certaine renommée s'installe. En , Charles Monselet écrit de lui : « Est-ce un musicien qui écrit ou un écrivain qui fait de la musique ? Je ne sais, mais je le tiens pour un garçon d'esprit, qui fera son chemin en chantant et en écrivant[2]. » Certes, Reyer ne fait pas (encore) l'unanimité et quelques critiques pointent du doigt son orchestration qui n'est pas, semble-t-il, au niveau de son génie musical.

Les meilleures années[modifier | modifier le code]

L'année suivante, il compose un ballet, Sakountala, dont le mimodrame était une fois de plus de Théophile Gautier, d'après La Reconnaissance de Shâkountalâ. Le ballet est joué vingt-quatre fois jusqu'en .

En , il s'attelle à un opéra-comique en trois actes et six tableaux, La Statue, dont le libretto est tiré des Mille et Une Nuits. Les paroles sont signées Michel Carré et Jules Barbier. En moins de deux ans, La Statue totalise une soixantaine de représentations, un chiffre impressionnant pour l'époque.

L'œuvre de Reyer est enfin unanimement reconnue, et la consécration vient en . Le , le compositeur marseillais devient chevalier de la Légion d'honneur. Cette même année, il compose Érostrate, un opéra en deux actes, joué le au théâtre de Baden-Baden, sous le regard des grandes familles d'Europe, ce qui lui vaut de recevoir la distinction de l'Aigle Rouge des mains de la reine de Prusse.

Peu à peu, pourtant, sa renommée commence à décliner. Le même Érostrate échoue complètement à Paris et ne peut totaliser trois représentations, ce qui prive l'œuvre de sa présentation à l'Opéra.

Le retour après le désert et la consécration[modifier | modifier le code]

Sans doute sous le coup de la déception, et de la fatigue aussi peut-être, Reyer cesse alors de composer durant plus de vingt années, hormis quelques compositions sans ambition aucune. Il entre dans la presse artistique, à la Revue française, au Moniteur universel, à la Gazette musicale, au Journal des débats, ou au Courrier de Paris. Il devient membre de l'Académie des beaux-arts en remplacement de Félicien David, le .

C'est seulement en (à 61 ans) qu'il fait représenter son œuvre majeure à La Monnaie de Bruxelles : Sigurd, un opéra en 4 actes et 9 tableaux esquissé en . Le livret est de Camille du Locle et Alfred Blau et, en mai suivant, Sigurd est donné au Covent Garden de Londres, puis au théâtre de Lyon en , et enfin à l'Opéra de Paris, le de la même année.

Il doit son succès tant à la magie de la musique qu'au talent incomparable de ses interprètes. À cet égard, la cantatrice Rose Caron donne un véritable souffle épique à l'œuvre dans le rôle de Brunehilde et emporte l'adhésion de tous les spectateurs. En deux ans, Sigurd obtient cinquante représentations et en aurait sans doute eu davantage sans le retour de la cantatrice à Bruxelles.

Sa dernière œuvre : Salammbô[modifier | modifier le code]

La dernière grande œuvre de Reyer, Salammbô, toujours avec sa cantatrice vedette, la Caron, est représentée quarante-six fois de mai à . L'œuvre est pourtant antérieure de plusieurs années, mais les mêmes résistances qui ont retardé l'admission de Sigurd sont reparues[3]. Elle est représentée d'abord à La Monnaie de Bruxelles, en , puis au théâtre des Arts de Rouen, le suivant. Son arrivée à Paris date du .

Fin de vie[modifier | modifier le code]

Ernest Reyer chez lui par Dornac au début des années 1890.

Peu à peu, le déclin pointe. Sur la fin du siècle, Maître Wolfram et La Statue sont repris, mais les œuvres ont soudain une allure bien vieillotte. Reyer n'a certes plus rien à prouver. Il fait alors de bien brefs séjours à Paris, préférant vivre l'hiver au Lavandou et l'été à Mouthier-Haute-Pierre, où il rencontre Césaire Phisalix, qui a mis au point le sérum contre les morsures de vipères. Il se rend aussi occasionnellement à Marseille, où il garde de nombreux amis.

À sa mort, le , à son domicile du Lavandou, il conserve auprès de ses pairs une réputation de grand compositeur, mais également de grand homme. Théophile Gautier parle, à son sujet, de « l'amour de son art poussé jusqu'à la passion et au fanatisme, un enthousiasme pour le beau que rien ne décourageait, et la résolution immuable de ne jamais faire de concession au mauvais goût du public[4] ». Commentaires auxquels Henry Roujon, secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts, ajoute : « Louera-t-on jamais assez l'unité morale de sa vie, la rigueur de ses principes, la dignité de son attitude, son mépris de la réclame, et cette austérité artistique qui fut inébranlable, sans se draper jamais[5]. »

Il repose au cimetière Saint-Pierre de Marseille. Il a été promu au grade d’Officier de la Légion d’honneur, le , de Commandeur, le , élevé à la dignité de Grand Officier le 10 août 1899, et enfin de Grand'Croix, le 22 juillet 1906 [6].

Hommages[modifier | modifier le code]

En , l'avenue Ernest-Reyer à Paris a reçu son nom en hommage. Il existe également une rue Ernest Reyer à Hyères, ainsi qu'à Mouthier-Haute-Pierre et à Cannes. Une avenue du 9e arrondissement de Marseille, sa ville natale, et une place du 1er arrondissement sur laquelle est situé l'opéra de Marseille portent aussi son nom. Une statue est implantée sur le plateau du parc Longchamp à Marseille. Au Lavandou, commune où il s'éteignit, la place devant l'hôtel de ville porte également son nom ; son buste y est présent. Une rue Ernest Reyer existe aussi à Alger.

Anecdote[modifier | modifier le code]

Reyer a composé, à l'occasion des funérailles du maréchal Gérard, en une marche funèbre, dont la musique a été reprise pour une chanson licencieuse, La Mort, l’apparition et les obsèques du capitaine Morpion, attribuée à Théophile Gautier et plus connue sous le nom de De profundis morpionibus.

Notes[modifier | modifier le code]

  1. La Revue de Paris, t. 186, Paris, Desmengeot et Goodman, , 272 p. (lire en ligne), p. 226.
  2. Charles Monselet, La lorgnette littéraire : dictionnaire des grands et des petits auteurs de mon temps, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, , xviii-240, 1 vol. in-16 (lire en ligne), p. 188.
  3. Comme Sigurd, Salammbô a été l'objet des appréciations les plus contradictoires. Abandonnant les traditions anciennes, l'auteur n'y avait pas placé de morceaux proprement dits. Tout s'y tenait et on ne trouvait plus, dans ces opéras, les mélodies dont les maîtres français et italiens se plaisaient à émailler leurs partitions. La musique de Reyer rappelle certaines pages de Gluck et de Weber, et ses procédés sont empruntés aux théories et à la manière de Wagner. Or, ce système a d'enthousiastes admirateurs comme de tenaces adversaires.
  4. Archives départementales des Bouches-du-Rhône, Les Bouches-du-Rhône : encyclopédie départementale, t. 11, Marseille, Paul Masson, (lire en ligne).
  5. Henry Roujon, « Discours de M. Henry Roujon », Le Temps, no 18395,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. Base Léonore, « Reyer, Ernest », sur Légion d’honneur, (consulté le ).

Œuvres[modifier | modifier le code]

Œuvres musicales pour la scène
  • Maître Wolfram, (opéra en 1 acte, Paris, ).
  • Sakountala, (ballet-pantomime, Paris, ).
  • La Statue, (opéra-comique en 3 actes, Paris, ).
  • Erostrate, (opéra en 2 actes, paroles de Joseph Méry et Émilien Pacini créé à l'opéra de Baden-Baden, ).
  • Sigurd, (opéra en 4 actes, Bruxelles, ).
  • Salammbô, (opéra en 5 actes, Bruxelles, ).
Œuvres vocales
  • Chœur des buveurs, v. 1848.
  • Le Sélam, (ode symphonique pour soprano, ténor, baryton, chœur et orchestre, Paris, ).
  • Chœur des assiégés
  • Chant des paysans (pour Les Volontaires de 1814, de V. Séjour), 1861.
  • L'Hymne du Rhin, paroles de Joseph Méry, 1865.
  • La Madeleine au désert, poésie d’Édouard Blau, 1874.
  • Marche tzigane.
  • Recueil de mélodies et de fragments d'opéras.
  • Tristesse, poésie d’Édouard Blau, 1884.
  • L'Homme, poésie de Georges Boyer, 1892.
  • Trois sonnets, poésies de Camille du Locle.
Musique sacrée
  • Messe pour l'arrivée du duc d'Aumale à Alger (1847)
  • Victoire, cantate (1859)
  • L'Union des arts (1862)
Œuvres littéraires
  • Notes de musiques, Charpentier, 1875.
  • Notice sur Félicien David, Académie des Beaux-Arts, .
  • Berlioz, Revue des Revues, .
  • Quarante ans de musique (1857-1899), publication posthume avec préface et notes d'Émile Henriot, Paris, Calmann-Lévy, 1910, in-8°.

Sources[modifier | modifier le code]

  • G. Kordes, « Ernest Reyer : progressiste ou conservateur ? Son esthétique de l'opéra réalisée dans Sigurd : Figures d'époque (Ernest Reyer : progressist or conservative? His aesthetics of opera in Sigurd : Figures of the epoch) », Bulletin de la société Théophile Gautier, no 15, 1993.
  • Henri de Curzon, La Légende de Sigurd dans l’Edda : l’opéra d’E. Reyer, Paris, Fischbacher, , 280 p. (lire en ligne)
  • Henri de Curzon, « Ernest Reyer, sa vie et ses œuvres », Revue de musicologie,‎ .
  • C. E. Curinier, Dictionnaire national des contemporains, 1899.
  • Edwin Binney, 3rd, Les ballets de Théophile Gautier, Librairie Nizet, Paris, 1965, (pour le ballet "Sakountala"), 442 p., 23 cm.
  • Charles Monselet, La Lorgnette littéraire : dictionnaire des grands et des petits auteurs de mon temps, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, (lire en ligne), p. 188.
  • Theodore Baker et Nicolas Slonimsky (trad. Marie-Stella Pâris, préf. Nicolas Slonimsky), Dictionnaire biographique des musiciens [« Baker's Biographical Dictionary of Musicians »], t. 3 : P-Z, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », (réimpr. 1905, 1919, 1940, 1958, 1978), 8e éd. (1re éd. 1900), 4728 p. (ISBN 978-2-221-07778-8), p. 3411.
  • Frédéric Robert, « Reyer, Louis-Étienne-Ernest Rey, dit », dans Joël-Marie Fauquet (dir.), Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, Fayard, , xviii-1406 (ISBN 2-213-59316-7, OCLC 936927646, BNF 39052242), p. 1065–66.
  • (en) Stanley Sadie (préf. Stanley Sadie), The Grove Concise Dictionary of Music, Londres, Macmillan, (1re éd. 1988), 909 p. (ISBN 0-333-43236-3).

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