Éon (mythologie) — Wikipédia

Éon, Aiôn ou aïon
Dieu du temps, de l’éternité et du zodiaque.
Éon, dieu de l’éternité dans une sphère céleste décorée avec les signes du zodiaque entre un arbre vert et un arbre sans feuilles (représentant l’été et l’hiver). Devant lui se tient la Terre Mère, Tellus (Gaïa romaine), avec quatre enfants, personnifications des quatre saisons.
Éon, dieu de l’éternité dans une sphère céleste décorée avec les signes du zodiaque entre un arbre vert et un arbre sans feuilles (représentant l’été et l’hiver). Devant lui se tient la Terre Mère, Tellus (Gaïa romaine), avec quatre enfants, personnifications des quatre saisons.

Éon (grec moderne : Αἰών) est une divinité grecque associée au temps, au firmament et au zodiaque.

Le « temps » représenté par Éon est illimité, contrairement à celui de Chronos qui est un temps empirique divisé en passé, présent et futur[1]. Il est ainsi le dieu de l'éternité, associé aux cultes à mystères qui s'intéressent à la vie après la mort, comme les mystères de Cybèle, Dionysos, Orphée et Mithra.

En latin, l’équivalent de cette divinité pourrait être Aevum ou Saeculum (en)[2].

Il est habituellement accompagné d’une déesse de la terre, ou déesse mère, comme Tellus ou Cybèle. Une illustration le montre sur le plat de Parabiago[3].

Iconographie et symbolique[modifier | modifier le code]

Dessin représentant le dieu mithriaque léontocéphale trouvé au mithraeum de C. Valerius Heracles and sons, inauguré en à Ostia Antica, Italie (CIMRM 312).
Détails du plat de Parabiago montrant Éon ; Tellus (non visible) apparaît en bas du plat dont le centre représente le char de Cybèle.

Éon est habituellement représenté comme un jeune homme nu, ou à moitié nu, à l'intérieur d'un cercle représentant le zodiaque, ou le temps éternel et cyclique. On peut citer en exemples deux mosaïques romaines de Sentinum (l'actuelle Sassoferrato) et Hippo Regius en Afrique romaine, ainsi que le plat de Parabiago.

On le figure aussi en vieil homme, puisqu’il représente le temps cyclique. Dans les Dionysiaques, le poète Nonnos associe Éon aux Heures. Une citation de Nonnos apparaît dans la traduction anglaise des Dionysiaques :

« changes the burden of old age like a snake who sloughs off the coils of the useless old scales, rejuvenescing while washing in the swells of the laws [of time][4],[5]. »

L'image du serpent entortillé est lié à un gouvernail ou à un cerceau à travers l'ouroboros, un anneau formé par un serpent tenant le bout de sa queue dans sa gueule. Servius, un grammairien latin du IVe siècle, note que l'image d'un serpent se mordant la queue représente la nature cyclique de l'année[6].

Dans son œuvre sur les hiéroglyphes (Ve siècle), Horapollon fait une distinction plus poussée entre un serpent qui cache sa queue sous le reste de son corps, qui représente Éon, et l’ouroboros qui représente le « cosmos »[7].

Identifications[modifier | modifier le code]

L'écrivain Martianus Capella (Ve siècle) identifie Éon à Cronos (en latin Saturne), nom qui l'a conduit à être assimilé à Chronos (« Temps »), de la même façon que le souverain du monde souterrain Pluton était confondu avec Ploutos (Plutus, « Richesse »). Martianus présente Cronos-Éon comme le conjoint de Rhéa (en latin Ops), identifiée à Phusis[8].

L'historien Franz Cumont, dans sa reconstitution très spéculative de l’univers mithraïque, assimile Éon à l’Éternité (parfois représentée en tant que Saeculum (en), Cronos, ou Saturn). Ce serait le dieu qui a émergé du Chaos primordial, et qui, en retour, a créé le Paradis et la Terre. Ce dieu est représenté ailé et torse nu, avec une tête de lion (léontocéphale) et entouré par un serpent. Il tient en général dans ses mains un sceptre, des clefs ou un éclair[9]. Dans la théologie mithraïque, la figure du Temps « jouait un rôle important, bien que sa nature exacte reste obscure[10] ».

Alexandrie d'Égypte[modifier | modifier le code]

L'encyclopédie de la Souda identifie Éon à Osiris. À Alexandrie, sous les Ptolémée, il existait un oracle des rêves, où le dieu syncrétique hellénistique Sérapis était reconnu comme Aion Plutonius[11]. L’épithète Plutonius souligne les aspects fonctionnels partagés avec Pluton, maître des Enfers et époux de Perséphone dans les traditions d’Éleusis. L'évêque Épiphane de Salamine dit qu’à Alexandrie, la mise au monde d’Éon par Perséphone était célébrée le 6 janvier[12] : « Ce jour-là, à cette heure-là, la Vierge donna naissance à Éon ». La date, qui coïncide avec l’Épiphanie, clôturait les célébrations du nouvel an, terminant le cycle du temps incarné par Éon[13].

À Alexandrie, Éon était une forme d’Osiris-Dionysos, qui renaissait chaque année[14]. Il était représenté avec des croix sur les mains, sur les genoux et sur le front[15]. Le théologien Gilles Quispel en a conclu que sa représentation était le résultat d’une intégration de Protogonos qui, comme Éon, est associé à un serpent enroulé dans le mithraïsme à Alexandrie. Il « assure l’éternité de la cité »[16].

Empire romain[modifier | modifier le code]

Cet Éon syncrétique est devenu le symbole et le garant de l'immortalité dans l'Empire romain. Des empereurs comme Antonin le Pieux ont frappé des pièces de monnaie avec pour légende le nom d'Éon, dont l’homologue féminin romain était Éternité[17],[18]. D'autres pièces de monnaie romaines associent Éon et Aeternitas au phénix, comme un symbole de renaissance et de renouvellement cyclique[19].

Dans les derniers discours des Grecs, Éon apparaît comme une personnification divine, une sorte de « représentant créatif du grand projet cosmique »[20]. L’importance d’Éon repose sur sa flexibilité : c’est une conception à travers laquelle différentes idées sur le temps et la divinité se rencontrent à l’époque hellénistique, dans le contexte des tendances monothéistes[19].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Doro Levi, « Aion », Hesperia, no 13.4,‎ , p.274.
  2. Levi 1944, p. 274.
  3. Levi 1944.
  4. Nonnos, Les Dionysiaques, 41.180ff.
  5. Levi 1944, p. 306.
  6. L'annotation de Servius dans l’Énéide 5.85, dit que « d’après les Égyptiens, avant l’invention de l’alphabet l’année était symbolisée par une image, un serpent mordant sa propre queue, parce qu’elle se répète sur elle-même » (annus secundum Aegyptios indicabatur ante inventas litteras picto dracone caudam suam mordente, quia in se recurrit), Danuta Shanzer, A Philosophical and Literary Commentary on Martianus Capella's, De Nuptiis Philologiae et Mercurii, Livre 1, University of California Press, 1986, p. 159.
  7. Horapollon, Hieroglyphica 1.1 et 1.2 dans l’édition de 1940 de Sbordone, Shanzer, A Philosophical and Literary Commentary on Martianus Capella, p. 154.
  8. Schanzer, A Philosophical and Literary Commentary on Martianus Capella, p. 137.
  9. Résumé par Jaime Alvar Ezquerra, Romanising Oriental Gods : Myth, Salvation, and Ethics in the Cults of Cybele (Brill, 2008), p. 78.
  10. Ezquerra, Romanising Oriental Gods, p. 128.
  11. Roman d'Alexandre, I.30–33, cité par Jarl Fossum, The Myth of the Eternal Rebirth : Critical Notes on G.W. Bowersock, Hellenism in Late Antiquity, Vigiliae Christianae, 53.3 (1999), p. 309, note 15. Voir Irad Malkin, Religion and Colonization in Ancient Greece (Brill, 1987), p. 107, notamment la note 87 pour les passages sur l'oracle où Aion Plutonius est évoqué.
  12. Fossum, The Myth of the Eternal Rebirth, p. 306–307.
  13. Gilles Quispel, Hermann Hesse and Gnosis dans Gnostica, Judaica, Catholica : Collected Essays (Brill, 2008), p. 258 ; Gary Forsythe, Time in Roman Religion : One Thousand Years of Religious History (Routledge, 2012), p. 122.
  14. Fossum, The Myth of the Eternal Rebirth, p. 309.
  15. Fossum, The Myth of the Eternal Rebirth, p. 306–307, 311.
  16. Quispel, Hermann Hesse and Gnosis, p. 258.
  17. Fossum, The Myth of the Eternal Rebirth, p. 314.
  18. Ittai Gradel, Emperor Worship and Roman Religion (Oxford University Press, 2002), p. 310–311.
  19. a et b Levi 1944, p. 307-308.
  20. J. Rufus Fears, The Cult of Virtues and Roman Imperial Ideology, Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II.17.2 (1981), p. 939.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Nock, Arthur Darby (), A Vision of Mandulis Aion, The Harvard Theological Review, 27 (1).
  • Zuntz, Günther (1989), Aion, Gott des Römerreichs (in German), Carl Winter Universitatsverlag, (ISBN 3533041700).
  • Zuntz, Günther (1992), AIΩN in der Literatur der Kaiserzeit (in German), Verlag der Osterreichischen Akademie der Wissenschaften, (ISBN 3700119666).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]