Enele Sopoaga — Wikipédia

Enele Sopoaga
Illustration.
Enele Sopoaga en 2014.
Fonctions
Premier ministre des Tuvalu

(6 ans, 1 mois et 18 jours)
Monarque Élisabeth II
Gouverneur Sir Iakoba Italeli
Teniku Talesi Honolulu (intérim)
Gouvernement Sopoaga
Prédécesseur Willy Telavi
Successeur Kausea Natano
Biographie
Nom de naissance Enele Sosene Sopoaga
Date de naissance (68 ans)
Nationalité Tuvaluane
Parti politique Indépendant
Conjoint Salilo Enele
Diplômé de Université d'Oxford
Université du Sussex

Enele Sopoaga
Premiers ministres des Tuvalu

Enele Sosene Sopoaga (né le [1]) est un diplomate et homme d'État tuvaluan. Il est brièvement (de septembre à ) vice-Premier ministre et Ministre des Affaires étrangères, de l'Environnement et du Travail, dans le gouvernement du Premier ministre Maatia Toafa ; puis chef de l'Opposition au gouvernement de Willy Telavi.

Le , dans le contexte d'une crise constitutionnelle, il est nommé Premier ministre par intérim[2]. Le , il obtient la confiance du Parlement pour conserver ce poste[3].

Éducation et carrière dans l'administration[modifier | modifier le code]

En 1980, peu après l'accès des Tuvalu à l'indépendance, il débuta une carrière dans la haute fonction publique, devenant Administrateur chargé de l'Éducation dans le Ministère des Services sociaux de 1980 à 1986, puis Secrétaire assistant dans ce même ministère en 1986, avant d'être nommé Secrétaire assistant au Ministère des Affaires étrangères, chargé des relations avec l'Union européenne. En 1992, il obtint le poste de Secrétaire permanent (fonctionnaire supérieur le plus gradé) au Ministère des Affaires étrangères, toujours chargé des relations avec l'Union européenne. Il conserva ce poste jusqu'en 1995[1].

Dans le même temps, il entreprit des études au Royaume-Uni, et reçut un certificat d'Études diplomatiques à l'Université d'Oxford en 1990, puis un diplôme de maîtrise en arts à l'Université du Sussex en 1994[1].

En 1995, il fut nommé Secrétaire permanent au Ministère de la Santé, des Sports et du Développement des Ressources humaines. À partir de la fin des années 1990, toutefois, il fut nommé à des postes de représentant de son pays auprès d'instances internationales[1].

Carrière diplomatique[modifier | modifier le code]

À partir de 1998, il représenta les Tuvalu auprès d'instances telles le Forum des îles du Pacifique, et lors de conférences internationales, telles des réunions des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, la convention de l'Union européenne sur l'avenir de la convention de Lomé, la Conférence générale de l'UNESCO, le Sommet mondial des Nations unies sur l'avancement des femmes, ou encore le Conseil du Programme des Nations unies pour le développement[1].

Il fut également Haut commissaire (ambassadeur) des Tuvalu aux Fidji, et conjointement auprès de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et des Samoa[1].

Il a, par la suite, été représentant permanent (ambassadeur) de son pays auprès des Nations unies[4],[1], et vice-président de l'Alliance des Petits États Insulaires[5]. Il a été décrit comme le « négociateur des Tuvalu en matière de changement climatique »[6], chargé d'éveiller la conscience de la communauté internationale quant aux dangers encourus par les Tuvalu et les autres petits États insulaires face aux conséquences du changement climatique. Il fut le principal porte-parole de l'ensemble de ces nations lors de la conférence de Copenhague de 2009 sur le climat, et fut perçu comme un « héros national » aux Tuvalu en raison de ses efforts diplomatiques[7]. À Copenhague, il fut en effet « l’un des principaux négociateurs demandant une action globale sur le changement climatique », permettant aux Tuvalu de « saisir […] l’attention du monde en raison de son fort engagement sur cette question »[8].

Dans le même temps, il fut à nouveau Secrétaire permanent du Ministère des Affaires étrangères[9].

Carrière politique[modifier | modifier le code]

Au gouvernement (2010)[modifier | modifier le code]

Frère cadet de l'ancien Premier ministre Saufatu Sopoaga (2002-2004)[10], il entra en politique à son tour en 2010, postulant pour être député au Parlement national. Il fut élu député de la circonscription de Nukufetau[11]. Certains commentateurs estimaient qu'il pourrait aspirer au poste de Premier ministre[8],[7]. Il ne fut toutefois pas candidat au poste, et ce fut Maatia Toafa qui fut élu Premier ministre par les députés. Toafa forma un gouvernement composé en grande partie de députés élus pour la première fois, et qui lui avaient apporté leur soutien. Parmi eux, Sopoaga, qui reçut le poste de vice-Premier ministre[12] et de Ministre des Affaires étrangères, de l'Environnement et du Travail[13].

En , en qualité de ministre des Affaires étrangères et de l'Environnement, il mena la délégation tuvaluane à la conférence de Cancun sur le climat. Ayant déclaré que les résultats de la conférence de 2009 à Copenhague n'avaient pas été satisfaisants[14], il informa les médias qu'il avait été, à Cancun, « plutôt encouragé par le changement qui a eu lieu. Cela aurait pu être pire, et je pense que les volontés étaient bonnes […] même si de nombreux problèmes demeurent »[15].

Chef de l'opposition (2010-2013)[modifier | modifier le code]

Quelques jours plus tard, le , le gouvernement fut renversé par une motion de censure parlementaire, adoptée par huit députés contre sept. Le Ministre de l'Intérieur, Willie Telavi, avait en effet quitté le gouvernement pour rejoindre l'opposition et permettre à celle-ci de démettre Toafa. Les députés protestaient ainsi contre certaines des dispositions du budget qui venait d'être voté, craignant notamment que le gouvernement ne finance plus entièrement le traitement de patients hospitalisés à l'étranger[16]. Un nouveau premier ministre devant être choisi, Toafa annonça qu'il ne briguerait pas le poste, mais qu'il espérait voir les députés choisir Sopoaga pour lui succéder[12]. Sopoaga se porta candidat, et obtint les voix de sept députés ; il fut battu par Telavi, qui en obtint huit[17].

Il devint alors chef de l'opposition. Il continua à appeler la communauté internationale à agir en réponse au changement climatique, notamment à travers des « techniques d'adaptation », un transfert de technologies durables à un prix abordable vers les pays en développement. Ceci permettrait un mode de vie durable, dit-il, et réduirait la dépendance des Tuvalu sur des pays donateurs. Il expliqua à Radio Australia que les Tuvalu souffraient désormais de périodes de sécheresse « longues et sévères », affectant l'agriculture. Il suggéra également qu'en réponse à la surpopulation de Funafuti, les Tuvaluans sur les autres îles et atolls devraient se voir attribuer les moyens financiers de rester sur leur île natale plutôt que de migrer vers la capitale. Lors d'un entretien avec Radio Australia, il évoqua par ailleurs le besoin de médias indépendants aux Tuvalu, qui présenteraient les actualités de manière objective plutôt qu'excessivement positive comme le souhaiterait, selon lui, le gouvernement. Il affirma que « le droit à des informations exactes est restreint par la censure »[18],[19].

Cette dernière inquiétude le mena, avec deux autres personnes, à établir l'entreprise médiatique Tala o Matagi (« Histoire des Vents ») en . Insistant sur le droit des citoyens à une « information digne de confiance », sur des sujets politiques ou autres, il expliqua que le journal qu'il fondait ainsi prendrait initialement pour forme une lettre d'information hebdomadaire de quelques pages, en tuvaluan et en anglais, avec un tirage d'environ cent ou deux cents exemplaires (la population du pays n'étant que de quelques milliers)[20].

Début 2012, il critiqua la décision du gouvernement Telavi d'établir des relations diplomatiques officielles avec « des pays ayant des problèmes politiques irrésolus qui inquiètent la communauté internationale » - l'Abkhazie, l'Ossétie du sud et l'Arménie (cette dernière dans le contexte de son différend territorial avec l'Azerbaïdjan). Sopoaga suggéra que la décision d'établir des relations diplomatiques avec un pays, quel qu'il fût, devrait être prise par le Parlement, et non pas exclusivement en conseil des ministres[21].

La crise constitutionnelle de 2013[modifier | modifier le code]

Le , le décès du ministre des Finances Lotoala Metia prive le gouvernement de Willy Telavi d'une majorité claire au Parlement : il ne dispose plus que de sept sièges, soit autant que l'opposition dirigée par Sopoaga. Dès lors, le gouvernement ne convoque plus le Parlement. Une élection partielle doit se tenir pour le siège laissé vacant par Metia, à Nukufetau ; Telavi parvient à retarder sa tenue jusqu'à ce qu'une décision de justice le contraigne à permettre cette élection, le . Le siège est remporté par le candidat de l'opposition, Elisala Pita. L'opposition demande alors que le Parlement soit convoqué, afin que le gouvernement puisse être destitué par une motion de censure déposée par la nouvelle majorité[22]. Telavi répond que la Constitution prévoit que le Parlement siège au minimum une fois par an : il considère donc ne pas avoir à convoquer l'assemblée avant [23]. Le , face à ce refus, le gouverneur général Sir Iakoba Italeli fait usage de ses prérogatives constitutionnelles pour convoquer le Parlement pour le [24].

Ce jour-là, alors que l'opposition s'apprête à déposer une motion de censure, le ministre de la Santé Taom Tanukale démissionne de son poste de député, et donc également de son ministère. À la suite de la mort de Metia, et le ministre de l'Éducation Falesa Pitoi étant à l'étranger pour cause de maladie depuis , la démission de Tanukale ne laisse que quatre ministres en poste et actifs : le Premier ministre, le vice-Premier ministre, Kausea Natano, le ministre des Affaires étrangères, Apisai Ielemia, et la ministre de l'Intérieur, Pelenike Isaia. Le gouvernement, désormais nettement minoritaire, dispose par ailleurs du soutien du président du Parlement, mais n'a aucun simple député dans son camp[25]. Le lendemain, la raison de la démission de Tanukale est révélée. Le président du Parlement, Kamuta Latasi, rejette la demande de l'opposition qu'une motion de censure soit votée ; il évoque l'existence d'un siège vacant. Latasi ajourne le Parlement, statuant que celui-ci ne se réunira à nouveau qu'après la tenue d'une élection partielle dans la circonscription de Tanukale. Il prolonge ainsi la survie politique du gouvernement Telavi[26].

L'opposition se tourne vers le gouverneur général, Sir Iakoba Italeli. Le 1er août, Telavi annonce son intention de limoger Sir Iakoba. Celui-ci prend les devants, et limoge le Premier ministre ; il nomme le chef de l'opposition officielle, Enele Sopoaga, Premier ministre par intérim[2]. Le , le Parlement retire officiellement sa confiance dans le gouvernement Telavi, et l'opposition, majoritaire, prend le pouvoir[27].

Premier ministre (2013-2019)[modifier | modifier le code]

Le , le Parlement confirme Sopoaga au poste de premier ministre, par huit voix contre cinq. Il prête serment et nomme son gouvernement le lendemain[3]. Ce premier mandat est très bref, puisque des élections doivent se tenir début 2015. Sopoaga consacre cette année et demi à dresser un bilan des priorités, focalisant les efforts de son gouvernement sur le développement des infrastructures sur les îles éloignées de la capitale, et sur un meilleur accès à l'éducation, y compris au moyen de bourses pour étudier à l'étranger[28]. Il continue par ailleurs à attirer l'attention de la communauté internationale sur le danger que pose le réchauffement climatique pour son pays. Il participe à ce titre à la conférence de Lima en [29]. Il y signe l'amendement Doha qui vise à reconduire le protocole de Kyoto jusqu'en 2020[30].

Pour les élections législatives de mars 2015, il est l'un des deux seuls candidats dans sa circonscription de Nukufetau, qui élit deux députés. Il est donc reconduit sans élection à son poste de député[31]. Le , la nouvelle assemblée le reconduit au poste de Premier ministre, avec une majorité parlementaire de douze sièges sur quinze. Il annonce pour priorités de « rendre les Tuvalu moins vulnérables au changement climatique et aux forces économiques mondiales »[32],[33].

En il accueille et préside à Funafuti le sommet du Forum des Îles du Pacifique, qui se clôt sur un désaccord entre les petits États insulaires en développement et l'Australie du Premier ministre Scott Morrison quant à l'approche à adopter face au réchauffement climatique[34],[35].

Chef de l'opposition (depuis 2019)[modifier | modifier le code]

Il conserve son siège de député aux élections législatives de septembre 2019, mais trois de ses ministres perdent le leur. Le , la nouvelle majorité parlementaire élit au poste de Premier ministre Kausea Natano, le chef de l'opposition parlementaire sortante, par dix voix contre six pour Enele Sopoaga[36]. Ce dernier devient alors le chef de l'opposition au Parlement[37].

Le , le Premier ministre Natano signe avec le Premier ministre australien Anthony Albanese le traité de l'Union falepili. Par celui-ci, en réponse au réchauffement climatique, l'Australie permet à tout citoyen tuvaluan d'émigrer en Australie et d'y bénéficier pleinement de droits sociaux, avec un quota de 280 migrants par an. L'Australie s'engage à aider les Tuvalu à s'adapter au réchauffement climatique, notamment en construisant de nouvelles terres suffisamment au-dessus du niveau de la mer à Funafuti. Enfin, l'Australie se rend garante de la sécurité intérieure et de la défense des Tuvalu, les Tuvalu s'engageant en retour à ne signer aucun accord de sécurité et de défense avec un pays tiers sans l'accord de l'Australie[38]. Enele Sopoaga décrit cet accord comme une expression du « défaitisme » de Kausea Natano face au réchauffement climatique, et dénonce ce qu'il qualifie de « pacte militaire déguisé en réponse au changement climatique » et attentatoire à la souveraineté des Tuvalu. De ce fait, le traité devient un enjeu de campagne pour les élections législatives de janvier 2024[39].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f et g (en) "H.E. Ambassador Enele Sosene Sopoaga", New Century Institute
  2. a et b (en) "GG appoints Sopoaga as Tuvalu’s caretaker PM", Islands Business, 1 août 2013
  3. a et b (en) "ENELE SOPOAGA SWORN-IN TODAY AS TUVALU’S NEW PM", Islands Business, 5 août 2013
  4. (en) "Statement by His Excellence Enele Sosene Sopoaga", Assemblée générale des Nations unies, 27 septembre 2006
  5. (en) Bureau of the Alliance of Small Island States, Nations unies
  6. (en) "PRNGO’s propose a new definition for climate refugees", Pacific Islands News Association, 29 octobre 2009
  7. a et b (fr) "Élections à Tuvalu", Australian Broadcasting Corporation, 17 septembre 2010
  8. a et b (en) "Polls close in Tuvalu elections", Radio Australia, 16 septembre 2010
  9. (en) "Taiwan Indigenous Television Reporters Visited Tuvalu", Ministère des Affaires étrangères de la République de Chine (Taiwan), 3 avril 2008
  10. (en) "Tuvalu Profile - Leaders", BBC News, 18 novembre 2014
  11. (en) "Tuvalu Election Results", Tuvalu News, 16 septembre 2010
  12. a et b (en) "Tuvalu’s deposed PM seeks majority to vote in his deputy", Radio New Zealand International, 22 décembre 2010
  13. (en) "New-look government for Tuvalu", Radio New Zealand International, 29 septembre 2010
  14. (en) "Interview with Hon. Enele Sopoaga, Minister of Environment, Foreign affairs and Labors", Tuvalu News, 23 novembre 2010
  15. (en) "Tuvalu's views on Cancun climate change talks", ABC Radio Australia, December 15, 2010
  16. (en) "Nominations open for new Tuvalu PM", Radio New Zealand International, 22 décembre 2010
  17. (en) "Willie Telavi the new prime minister in Tuvalu", Radio New Zealand International, 24 décembre 2010
  18. (en) "Tuvalu needs sustainable agriculture to cut import bill - Sopoanga", ABC Radio Australia, 18 mai 2011
  19. (en) Audio: Enele Sopoaga sur Radio Australia (18 mai 2011)
  20. (en) "The Organization of the Local Newspaper company “Tala o Matagi"", Tuvalu News, 21 juin 2011
  21. (en) "Tuvalu opposition wary about diplomatic ties with Caucasians", Radio New Zealand International, 3 avril 2012
  22. (en) "Tuvalu’s Opposition waiting to hear from GG", Islands Business, 1 juillet 2013
  23. (en) "Parliament needs one yearly meeting only says defiant Tuvalu PM", Radio New Zealand International, 2 July 2013
  24. (en) "Tuvalu’s parliament convenes July 30", Islands Business, 3 juillet 2013
  25. (en) "Tuvalu govt bombshells", Islands Business, 30 juillet 2013
  26. (en) "Tuvalu in constitutional crisis, says opposition", Radio New Zealand International, 31 juillet 2013
  27. (en) "Tuvalu opposition votes out government", Radio New Zealand International, 2 août 2013
  28. (en) "Tuvalu's PM confident he'll remain after election", Radio New Zealand International, 5 février 2015
  29. (en) "Engulfed by Rising Seas, Islands Gain Moral Voice at UN", Bloomberg, 10 décembre 2014
  30. (en) "World on Track to New Universal Climate Agreement with Lima Call for Climate Action", Programme des Nations unies pour l'Environnement, 14 décembre 2014
  31. (en) "Two unopposed seats for Tuvalu election", Radio New Zealand International, 4 mars 2015
  32. (en) "Cabinet position could await new Tuvalu MP", Radio New Zealand International, 10 avril 2015
  33. (en) Annonce de la réélection de Sopoaga, et de sa nouvelle majorité de douze sièges sur Fenui News, 10 avril 2015
  34. (en) "Pacific forum turns into row with Australia over climate goals", BBC News, 16 août 2019
  35. (en) "Pacific leaders, Australia agree to disagree about action on climate change", Australian Broadcasting Corporation, 16 août 2019
  36. (en) "Kausea Natano new PM of Tuvalu; Sopoaga ousted", Radio New Zealand, 19 septembre 2019
  37. (en) "Former PM of Tuvalu Announced as ACFID Keynote Speaker", Australian Council for International Development, 4 octobre 2019
  38. (en) "Albanese opens borders in landmark ‘climate refuge’ deal with Tuvalu", The Australian Financial Review, 10 novembre 2023
  39. (en) "Australia-Tuvalu falepili union 'shameful' - former Tuvalu PM", Radio New Zealand, 27 novembre 2023