Edward Gibbon — Wikipédia

Edward Gibbon
Edward Gibbon (1773).
Fonctions
Membre du Parlement de Grande-Bretagne
-
Membre du 14e Parlement de Grande-Bretagne (d)
14e Parlement de Grande-Bretagne (d)
Membre du 15e Parlement de Grande-Bretagne (d)
15e Parlement de Grande-Bretagne (d)
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 56 ans)
LondresVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Nationalité
Domicile
Formation
Magdalen College
Westminster School
Kingston Grammar School (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Père
Edward Gibbon (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Judith Porten (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Parti politique
Membre de
Influencé par
Œuvres principales
signature d'Edward Gibbon
Signature
plaque commémorative à Lausanne

Edward Gibbon, né le à Putney et mort le à Londres, est un historien et homme politique britannique. Il est surtout connu pour son ouvrage Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain.

Biographie[modifier | modifier le code]

Gibbon est né le à Putney, un village près de la Tamise proche de Londres et aujourd'hui un quartier du borough londonien de Wandsworth[1]. Son grand-père fit la fortune de la famille dans la South Sea Company et la perdit après l'explosion de la bulle spéculative dont elle faisait l'objet. Fils d'Edward et Judith Gibbon, il eut cinq frères et une sœur, tous décédés en bas âge. Seul à avoir atteint l'âge adulte[2], il se désignait lui-même comme un « enfant faiblard » dans ses mémoires. Sa mère mourut alors qu'il était âgé de 10 ans, après quoi il entra à la Kingston Grammar School et séjourna à la pension de sa « tante Kitty ». À l'âge de 14 ans, il fut envoyé par son père au Magdalen College (Oxford) où il s'inscrivit en tant que « gentleman commoner » (roturier de classe sociale élevée).

L'atmosphère de l'école ne s'accordait pas au caractère de Gibbon. Événement remarquable à l'époque, il se convertit au catholicisme romain le . Les controverses religieuses faisaient alors rage sur le campus d'Oxford et plus tard, son goût pour les sous-entendus ironiques lui fit dire qu'il était un « fanatique de la chicane religieuse ».

Peu après sa conversion, son père le retira d'Oxford et l'envoya chez Daniel Pavillard, un pasteur calviniste et précepteur à Lausanne habitant pas loin de la Cathédrale, où Gibbon resta cinq ans. Ce temps passé à Lausanne laissera une marque profonde sur le caractère et la vie de Gibbon[3]. Il se reconvertit très vite au protestantisme, mais, plus important, il y gagna le goût de l'étude et de l'érudition. Durant ce séjour, il apprit notamment la langue française et le grec, perfectionna ses connaissances du latin et étudia les écrits d'historiens anciens et modernes anglais, français, suisses et italiens[4],[2]. De plus, il y rencontra l'amour de sa vie en la personne de la fille d'un pasteur, Suzanne Curchod, qui deviendra plus tard la femme de Necker et la mère de Madame de Staël. Son père s'opposa à ce mariage et intima au jeune Gibbon de retourner immédiatement en Grande-Bretagne. Gibbon aurait écrit : « J'ai soupiré comme un amant, j'ai obéi comme un fils. »

Peu après son retour en Grande-Bretagne, Gibbon publia son premier livre en 1761, Essai sur l’étude de la littérature. Il passa les années de 1759 à 1763 dans la milice du Hampshire. Ensuite, il s'embarqua pour un tour de l'Europe qui incluait la visite de Rome. C'est là que Gibbon conçoit pour la première fois l'idée d'écrire sur l'histoire de l'Empire romain.

« C'était le , dans l'obscurité mystérieuse de la soirée, alors que j'étais assis à méditer sur le Capitole, tandis que des fidèles aux pieds nus chantaient leurs litanies dans le temple de Jupiter, que m'est venue la première conception de mon histoire. »

— Edward Gibbon, Memoirs of My Life

Durant ce voyage, il eut l'occasion de séjourner une deuxième fois à Lausanne entre le 25 mai 1763 et le 18 avril 1764. Il logea à cette occasion à la pension Crousaz de Mézéry, située à la rue du Bourg. Durant cette période il devint membre du Cercle de la rue du Bourg et étudia attentivement la géographie et la topographie de la Rome antique à travers Roma Vetus de Nardini et Italia Antiqua de Cluver[2].

En 1772, son père mourut, et bien que les affaires ne fussent pas florissantes, il restait néanmoins au jeune Gibbon de quoi s'installer confortablement à Londres. Il commença à écrire son histoire en 1773, et le premier volume de l'Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain parut en 1776.

En 1783, en difficulté financière engendrée par son style de vie à Londres, Gibbon accepta l'invitation de son ami de jeunesse Georges Deyverdun et s'installa une troisième fois à Lausanne, où il resta jusqu'en 1793. Deyverdun l'accueillit et le logea à la Grotte, une grande maison située au sud de la place Saint-François. Historien et intellectuel reconnu internationalement, il fréquenta régulièrement les théâtres, concerts et bals de la ville vaudoise, devenant rapidement un figure incontournable de sa haute société. Esprit vif, il tissa plusieurs amitiés dont celles avec Catherine Charrière de Sévery et Samuel Auguste Tissot. Durant ce long séjour, il écrivit une grande partie de son œuvre majeure et la Grotte devint son centre d'activité, pourvu de sa bibliothèque personnelle et d'un salon de discussion très fréquenté[2]. En 1793, il rentra au Royaume-Uni, afin d'offrir son support à son ami John Baker Holroyd qui venait de perdre brusquement sa femme. Virginia Woolf a consacré une nouvelle à cette amitié[5].

La Grotte devint après la mort de Gibbon un lieu de pèlerinage pour des nombreux érudites anglais en visite à Lausanne[3]. La maison sera démolie et remplacée par l'Hôtel des Postes de Saint-François en 1896[4].

Gibbon souffrait d'une maladie que l'on a identifiée comme étant une hydrocèle. Cette maladie faisait que ses testicules se remplissaient de liquide dans des proportions qui lui causaient gêne et douleur dans les dernières années de sa vie[6].

Cette inflammation chronique lui causa beaucoup d'inconfort physique à une époque où la mode était aux haut-de-chausses serrés. Il y fait référence indirectement dans ses mémoires avec ce commentaire : « Je ne puis me souvenir que de quatorze jours vraiment heureux dans ma vie […] Je ne suis jamais si content que quand j'écris dans la solitude ». L'hygiène personnelle durant le XVIIIe siècle était au mieux facultative, et pour Gibbon elle était marginale. L'humiliation sociale que Gibbon endura du fait de son absence d'hygiène et de sa protubérance fut chroniquée. Dans un temps où la manière de monter à cheval donnait la valeur d'un homme, Gibbon était un genre à part. Un incident le vit faire une révérence à une dame ; alors qu'il était appuyé sur un genou, elle lui intima : « Monsieur, relevez-vous, s'il vous plaît. », Gibbon répondit : « Madame, je ne le puis. » Alors que le mal empirait, Gibbon entreprit en vain diverses opérations pour soulager sa condition. Au début du mois de janvier de 1794, la troisième opération déclencha une péritonite incurable, dont il mourut.

Vue de la place St. François à Lausanne, avec son église et l'Hôtel Gibbon. Lithographie.

Les sujets et écrits de Gibbon ont subi l'influence de Hieronymus Wolf[7] et de sa conversion de 1753 (même s'il est revenu à la Réforme par la suite) : il emploie anachroniquement le mot « catholique » pour désigner le christianisme nicéen (alors qu'il décrit des événements antérieurs à la dislocation de l'église du premier millénaire par la séparation des Églises d'Orient et d'Occident), il écrit que le général musulman Oqba a « mis fin à ce qui avait été autrefois la province romaine de Maurétanie tingitane »[8] occultant ainsi le rôle de l'exarchat de Carthage dans l'histoire du Maghreb (alors que les Berbères autochtones y jouèrent un rôle essentiel), il décrit l'Empire byzantin comme un État dégénéré et purement « grec » (dans le sens péjoratif du mot) n'ayant rien légué à l'Occident, et il attribue exclusivement à la civilisation arabo-musulmane la transmission vers l'Occident des savoirs antiques[9]. Les idées ainsi que le style d'Edward Gibbon ont influencé bon nombre d'autres écrivains, dont Winston Churchill, et il fut un modèle pour Isaac Asimov dans l'écriture de son Cycle de Fondation.

Le premier Grand Hôtel de la ville de Lausanne, construit en 1839, sera nommé Hôtel Gibbon en son honneur, et sera construit en proximité de son ancienne maison dite la Grotte[3].

Œuvres[modifier | modifier le code]

  • Essai sur l’étude de la littérature (1761).
  • Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain (volume I, 1776 ; volumes II et III, 1781 ; volumes IV, V et VI, 1788).
  • A Vindication of Some Passages in the Fifteenth and Sixteenth Chapters of the History of the Decline and Fall of the Roman Empire (1779).
  • Mémoire justificatif pour servir de réponse à l’exposé, &c de la cour de France (1779).
  • Memoirs of My Life (1796, posthume, au début de Miscellaneous Works of Edward Gibbon, Esq., publié deux ans après la mort de Gibbon par son ami John Holroyd, premier comte de Sheffield).

Hommages[modifier | modifier le code]

  • (10334) Gibbon, astéroïde.
  • Rue Edward-Gibbon, 1003 Lausanne
  • Hôtel Gibbon, Place Saint-François, Lausanne[10]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Gibbon, Edward », sur hls-dhs-dss.ch (consulté le )
  2. a b c et d « Gibbon, Edward (1737 - 1794) | Fiche biographique | Lumières.Lausanne », sur lumieres.unil.ch (consulté le )
  3. a b et c Béla Kapossy (dir.) et Béatrice Lovis (dir.), Edward Gibbon et Lausanne. Le Pays de Vaud à la rencontre des Lumières européennes, Gollion, Infolio, , 528 p.
  4. a et b David Spring, « La vie lausannoise d'Edward Gibbon », sur news.unil.ch, (consulté le )
  5. (en) Virginia Woolf, Reflections at Sheffield Place, (lire en ligne)
  6. Cf. E.H. Jellinek, « 'Varnish the business for the ladies': Edward Gibbon's decline and fall », J. Roy. Soc. Med., vol. 92,‎ , p. 374–79 (PMID 10615283, PMCID 1297297, lire en ligne [PDF]) ; depuis plus de deux siècles, la nature exacte de la maladie de Gibbon reste débattue : Patricia Craddock, dans la description très détaillée qu'elle donne de l'agonie de l'historien, relève que le diagnostic de Sir Gavin de Beer (1949) « garantit que Gibbon ne souffrait pas d'un véritable hydrocèle (...) mais beaucoup plus probablement d'une importante hernie compliquée d'une cirrhose du foie. » Il faut ajouter que malgré ses souffrances, Gibbon ne se départait pas de son sens de l'humour. Les deux auteurs citent ce mot d'esprit de l'historien : « Quelle est la différence entre un homme obèse et une circonscription des Cornouailles? aucune, ils ne voient jamais leurs membres. » Cf. Womersley, Oxford Dictionary of National Biography, p. 16; Craddock, Luminous Historian, 334–342; et Beer, "Malady."
  7. Hieronymus Wolf, Corpus Byzantinæ Historiæ, 24 tomes, 1557
  8. Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, vol. 10, 1828, page 285
  9. Bernard Flusin, La civilisation byzantine, PUF 2006, (ISBN 213055850X) ; Évelyne Patlagean, Un Moyen Âge grec, Albin Michel 2007, (ISBN 2-226-17110-X)
  10. « Hôtel Gibbon, Lausanne », sur notrehistoire.ch, (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Sources[modifier | modifier le code]

Fonds : Gibbon (Edward) (1737-1912) [0.50 mètre linéaire]. Cote : CH-000053-1 P Gibbon. Archives cantonales vaudoises (présentation en ligne).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Francis Haskell, « Gibbon et l'histoire de l'art », in De l'art et du goût, jadis et naguère, Paris : Gallimard, 1989.

Liens externes[modifier | modifier le code]