Edith Cavell — Wikipédia

Edith Cavell
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 49 ans)
SchaerbeekVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Nom de naissance
Edith Louisa CavellVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Norwich High School for Girls (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Infirmière, infirmière en chef, gouvernanteVoir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Étape de canonisation
Conflit
Condamnée pour
Site web
Fête
Vue de la sépulture.

Edith Louisa Cavell, née le à Swardeston en Angleterre et morte le à Schaerbeek en Belgique, est une infirmière britannique fusillée par les Allemands pour avoir permis l'évasion de centaines de soldats alliés de la Belgique alors sous occupation allemande pendant la Première Guerre mondiale. Malgré la pression internationale et la publicité donnée par la presse mondiale à l'époque sur son procès en cour martiale, elle est exécutée pour espionnage.

Biographie[modifier | modifier le code]

Études et carrière[modifier | modifier le code]

Edith Cavell (assise à gauche), Antoine Depage (assis au centre) et une partie des infirmières de l'institut médicochirurgical d'Uccle.
Centenaire du décès d'Edith Cavell, infirmière et résistante fusillée (parc Montjoie - Uccle 2015).

Elle naît en 1865 à Swardeston, dans le Norfolk, où son père, le révérend Frederick Cavell, est prêtre anglican pendant 45 ans.

En 1884, la jeune Edith rentre à la Laurel Court de Peterborough et obtient son diplôme d'institutrice. En 1890, elle part à Bruxelles où elle œuvre, pendant cinq ans, comme nourrice dans la famille François. En 1895, elle retourne un an à Swardeston pour soigner son père malade et, en , elle rentre au Royal London Hospital comme aide infirmière. Entre 1903 et 1907, elle travaille comme infirmière libérale.

En 1907, elle revient à Bruxelles et est nommée, par Antoine Depage, infirmière en chef à l'institut Berkendael à Ixelles. Le , Antoine Depage fonde, dans quatre maisons contiguës — nos 143 à 149 — de la rue Franz Merjay à Ixelles, une école d'infirmières. Il en confie la direction générale à Edith Cavell et l'administration des finances à son épouse Marie. L'école déménage, en 1914, à l'endroit de l'actuelle clinique Edith Cavell[1]. L'école comprend cinquante chambres d'internat pour les élèves et est annexée à un institut médicochirurgical, avec deux salles d'opération, capable d’hospitaliser une vingtaine de malades.

Quand la Première Guerre mondiale éclate, l'école et l'institut sont pris en main par la Croix-Rouge de Belgique (dont Antoine Depage était le président). Edith Cavell, qui était partie rendre visite à sa mère à Norwich, entendant la nouvelle de l'invasion de la Belgique par l'Allemagne, revient à Bruxelles le [note 1]. Avec ses élèves et Miss Wilkins (une autre infirmière anglaise), elle soigne les blessés des armées alliées et allemandes.

Résistance[modifier | modifier le code]

Edith Cavell est agent du Secret Intelligence Service britannique (également connu sous la dénomination de MI6)[2]. Cependant, elle abandonne ses devoirs d'espionne afin d'aider des centaines de soldats alliés à passer de la Belgique occupée vers les Pays-Bas neutres grâce à un réseau d’évasion organisé par des Belges de la région de Mons et des Français de la région de Lille et de Valenciennes, en violation de la loi militaire imposée par les occupants politiques. Le mot de passe du réseau était « Yorc » soit, l'anagramme de « Croy » (du nom de famille de la princesse Marie de Croÿ qui participait au réseau).

Arrestation et exécution[modifier | modifier le code]

En , deux hommes se présentent à l'institut comme soldats français en fuite. L'un d'eux est Georges Gaston Quien, un soldat français fait prisonnier en 1914 par les Allemands qui s'est mis au service de ceux-ci comme indicateur, l'autre est un agent allemand infiltré se prétendant aviateur.

Les arrestations des membres du réseau débutent le par celles de Philippe Baucq et Louise Thuliez suivies le 5 août par celles d'Edith Cavell, de la comtesse Jeanne de Belleville et de la princesse Marie de Croÿ. Louise de Bettignies sera, elle, arrêtée le . Remarque importante pour comprendre la suite : dans la mesure où les agents des services britanniques veillaient à bien cloisonner leur entourage, il est surprenant de constater que les services allemands de contre-espionnage, inefficaces de décembre 1914 à juin 1915, d'un seul coup parviennent à arrêter une partie importante du réseau britannique en 3 mois. L'hypothèse la plus plausible étant que ceux-ci aient pu disposer d'informations au plus haut niveau, en effet, il faut relier notamment l'arrestation d'Edith Cavell avec celle de Louise de Bettignies, toutes deux dépendantes des services de Sir Reginald Hall (en), le personnage le plus secret de la Première Guerre mondiale.

Parmi les co-inculpés, figurent également de nombreux autres patriotes comme le pharmacien Louis Severin, l'avocat Albert Libiez, les cafetiers Pansaers et Rasquin, ou l'aubergiste, cabaretier et maçon François Vandievoet, tout comme le jeune Edmond-Charles Lefebvre qui sera condamné à huit ans de travaux forcés.

Tous sont incarcérés à la prison de Saint-Gilles et jugés les 7 et . Edith Cavell ne se défend pas, admettant les actes qui lui sont reprochés. Six des accusés sont condamnés à mort le à 17 h.

Pour faire cesser les protestations internationales conduites par Brand Whitlock et le marquis de Villalobar, les juges Werthmann, lieutenant-colonel, Stoeber, conseiller du conseil de guerre, et Duwe, assesseur du conseil de guerre, font exécuter Philippe Baucq et Edith Cavell le lendemain à h au Tir national, un site militaire (aujourd'hui un mémorial - l'Enclos des fusillés), où elle fut enterrée jusqu'à la fin de la guerre avant le rapatriement de sa dépouille à Norwich.

Louise Thuliez, Jeanne de Belleville, Louis Severin et Albert Libiez voient leur condamnation à mort commuée en peine de prison à perpétuité. Les autres inculpés sont condamnés à des peines de prison ou de travaux forcés. Après un séjour de quelques mois à la prison de Saint-Gilles certains seront déportés en Allemagne.

La nuit précédant son exécution, par l'entremise du nommé Le Seur, le pasteur luthérien de la prison, elle parle au révérend anglican Stirling Gahan qui lui donne la communion et recueille les mots « Le patriotisme n'est pas assez, je ne dois avoir ni haine ni amertume envers quiconque », qui sont gravés sur le mémorial à Edith Cavell (en) St. Martin's Place, près de Trafalgar Square, à Londres.

L’aumônier militaire luthérien précité qui l'assiste jusqu'à l'exécution et procède à son inhumation, rapporte au révérend Gahan « Elle a professé sa foi chrétienne et, en cela, elle était heureuse de mourir pour son pays […] Elle est morte comme une héroïne. »

Le médecin militaire allemand qui assiste au procès et à l'exécution est le poète expressionniste Gottfried Benn (1886-1956) qui a laissé un récit des faits. Brand Whitlock a lui aussi écrit un récit des événements dans ses Mémoires.

Après la guerre, son corps est exhumé et ramené au Royaume-Uni. Après un service à l'abbaye de Westminster en présence du roi George V, sa dépouille est conduite par train spécial à Thorpe Station, à Norwich. Elle est réinhumée à Life's Green, à l'extrémité est de la cathédrale de Norwich. Chaque année, un service est célébré à sa mémoire.

L'affaire Edith Cavell[modifier | modifier le code]

L’exécution d’Edith Cavell et son retentissement dans la presse et dans l’opinion à travers le monde[modifier | modifier le code]

L’exécution choqua le monde entier et déchaina partout contre les Allemands l’opinion publique, déjà choquée dès les premiers jours de la guerre par le massacre de populations civiles belges et la destruction de nombreuses villes, exactions que la propagande alliée avait fait connaître sous l’appellation de Viol de la Belgique. Edith Cavell fut considérée en Grande-Bretagne comme une martyre. Elle « symbolisa le dévouement d’une femme en temps de guerre » et les Britanniques pouvaient par là s’identifier eux aussi avec les « victimes de l’invasion ». Avec les autres atrocités allemandes, comme le massacre de Dinant, cette exécution fit l’objet de nombreux articles dans la presse internationale. Les Allemands, qui ne s’étaient pas attendus à l’indignation du public, furent incapables de la contrecarrer efficacement dans les médias. À la suite de cette exécution le général Sauberzweig fut relevé de ses fonctions ; le haut-commandement militaire n’en prétendit pas moins qu’elle était parfaitement légale.

Du côté allemand par la suite, tout en défendant la légalité de l’exécution, les Allemands convinrent que c’était une grave erreur politique. En 2008, Andreas Toppe, historien du droit, reconnut enfin que la condamnation était contestable en vertu des règlements de La Haye. Même si les actes d’Edith Cavell étaient certainement punissables, il s’étonnait « qu’on eût jugé qu’elle méritait la mort sans faire référence à la moindre disposition du Code pénal ».

Propagande et conséquences internationales[modifier | modifier le code]

Elle devient une martyre populaire et entre dans l'histoire britannique comme une héroïne. L'affaire Edith Cavell et le torpillage du RMS Lusitania où, parmi des centaines de passagers meurt Marie Depage, sont devenus des éléments importants de la propagande britannique anti-allemande et de l'hostilité internationale grandissante à l'égard de l'empire allemand qui contribueront à la décision des États-Unis d'entrer en guerre. Pour Stefan Zweig, « L'exécution de l'infirmière Cavell, le torpillage du « Lusitania » furent plus fatals à l'Allemagne qu'une bataille perdue, grâce à l'explosion d'universelle indignation qu'ils provoquèrent »[3].

Mythe et légende sur son exécution[modifier | modifier le code]

Plusieurs rumeurs circulent sur les circonstances de son exécution :

  • Edith Cavell refuse de se laisser bander les yeux et s'évanouit à la vue des fusils du peloton d'exécution pointés sur elle. Elle tombe par terre et l'officier commandant le peloton l'abat d'une balle de révolver dans la tête ;
  • dans le scénario du film Edith Cavell, Reginald Berkeley (en) écrit qu'un soldat du peloton, qu'il nomme Rammler, refuse de tirer, il est abattu sur place par l'officier dès l'exécution d'Edith Cavell terminée[4] ;
  • selon la version donnée au révérend Gaham par le pasteur luthérien, Edith Cavell et Philippe Baucq sont côte à côte, les yeux bandés, chacun face à huit soldats. Dès l'ordre de tirer, tous font feu et l'officier achève les condamnés d'une balle de revolver dans la tête. C'est aussi la version officielle donnée par le général Moritz von Bissing, gouverneur militaire de la Belgique occupée.

Conséquence[modifier | modifier le code]

Le départ d'Antoine Depage sur le front de l'Yser, les décès d'Edith Cavell et de Marie Depage ont failli causer la disparition de l'école d'infirmières. C'est l'oncle de Marie Depage, le professeur Paul Héger qui sauve la jeune institution. Il a la bonne fortune de trouver « sur place » une directrice qui se révèle exceptionnelle : Jeanne De Meyer. Celle-ci développe l'institution au point que cette dernière est prise en modèle par la Fondation Rockefeller.

Hommages et postérité[modifier | modifier le code]

Monuments[modifier | modifier le code]

Le monument parisien, détruit en 1940 par les Nazis.
  • À Swardeston, depuis 1917, un vitrail de l'église la représente en prière. La partie verticale de la croix en bois qui marquait, au départ, sa tombe au Tir national y est aussi conservée depuis 1919.
  • à Norwich, le premier mémorial a été érigé dès , au pied de la cathédrale.
  • à Paris, dans le jardin des Tuileries, un monument à la mémoire d'Edith Cavell, offert à la Ville de Paris par le journal Le Matin, fut inauguré le . Dû au ciseau de Gabriel Pech, il était adossé au mur oriental du Jeu de Paume. Il fut détruit le par les troupes allemandes dès leur entrée dans Paris. Il n'est pas reconstruit, "sans doute pour ne pas nuire à l'esprit de la nouvelle coopération franco-allemande"[5].
Statue d'Edith Cavell dans le square Lechten de Belfort.

Rues et bâtiments[modifier | modifier le code]

Cinéma[modifier | modifier le code]

  • 1915 : Nurse and Martyr de John Gavin et C. Post Mason ;
  • 1916 : The Martyrdom of Nurse Cavell de John Gavin et C. Post Mason ;
  • 1918 : The Woman the Germans Shot de John G. Adolfi ;
  • 1928 : Dawn de Herbert Wilcox ;
  • 1939 : Edith Cavell de Herbert Wilcox.

Autres[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. À cette date, appelé par le roi Albert Ier, le docteur Depage dirige déjà l’hôpital de l’Océan à La Panne, derrière le front de l’Yser.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Histoire de la clinique Edith Cavell, [(fr) lire en ligne].
  2. Nicholas Rankin, A genius for deception: how cunning helped the British win two world wars., Oxford University Press, (2009) p. 36 – 37.
  3. Stefan Zweig, Le Monde d'hier : souvenirs d'un Européen.
  4. La photo du soldat qui aurait refusé de tirer [lire en ligne].
  5. in Laurent Martin (dir.), Culture, médias, pouvoirs États-Unis et Europe occidentale 1945-1991, ed. Atlande, 2019, p. 398
  6. Christine Rondot, « Edith Cavell, une mémoire anglaise au square Lechten », sur L'Est républicain, (consulté le ).
  7. Philippe Golard, « Edith Cavell, l’héroïne sous-estimée : Mobilisation internationale », Wolvendael, Uccle, Association culturelle et artistique d'Uccle, no 597,‎ , p. 124.
  8. « À la recherche d'un hôpital-école rue Desnouettes ». Résumé d'un article de François de Béruin Bull. Soc. hist. & arch. du XVe arrondt de Paris, no 40.
  9. Archives municipales de Lyon, 959 Wp 140, dactylogramme.
  10. Jean-Dominique Brierre, Édith Piaf. Sans amour on n'est rien du tout, Place des Éditeurs, , p. 1.
  11. « Planetary Names: Corona, coronae: Cavell Corona on Venus », sur planetarynames.wr.usgs.gov (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Philippe Baucq, « Journal de ma captivité », dans, Revue des deux Mondes, Paris, 15 juin 1923, .
  • R.H. Boudin, Edith Louisa CAVELL, Héroïne de guerre entre piété et laïcité, entre mythe et réalité, éditions Memogrames (en partenariat avec PRODOC - centre de documentation du protestantisme en Belgique) 2015, (ISBN 978-2-930698-22-9)
  • Jean-Marc Binot, Les Héroïnes de la Grande Guerre, Paris, Fayard, , 303 p. (ISBN 978-2-213-63714-3 et 2-213-63714-8).
  • (en) Claire Daunton, « Cavell, Edith Louisa (1865–1915) », dans Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, (lire en ligne Inscription nécessaire)
  • Ambroise Got :
    • Edith Cavell, Miss Cavell : from the unpublished documents of the trial: the property of a former commissary of the German government, édité par Hodder and Stoughton, 1920.
    • L'affaire Miss Cavell. D'après les documents inédits de la justice allemande, Paris, Plon, 1921.
    • Face à la mort. Journal de Philippe Baucq, fusillé par les Allemands avec Miss Cavell, Paris, 1924.
  • Jean-Bernard Passerieu, Histoire générale et anecdotique de la guerre de 1914, Berger-Levrault, 1920.
  • (en) Diana Souhami, Edith Cavell, Londres, Quercus Publishing Plc, (réimpr. 2011, 2014) (1re éd. 2010), 417 p. (ISBN 978-1-84916-359-0, OCLC 649804521, BNF 42358344).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]