Douzième provisoire — Wikipédia

Le douzième provisoire est un texte législatif financier permettant au Gouvernement de percevoir les recettes et d'engager les dépenses équivalentes à un douzième du budget prévu par la loi de finances de l'année précédente. Adopté par le Parlement lorsque la loi de finances pour l'exercice budgétaire à venir n'a pas été votée à temps, cet expédient a été particulièrement utilisé en France.

Concept[modifier | modifier le code]

Dans la majorité des régimes démocratiques et républicains, l’État doit voir son budget annuel être adopté avant la fin de l'exercice budgétaire précédent, afin d'assurer une transition complète avec l'exercice budgétaire suivant[1]. L'article 1 du titre V de la Constitution de 1791 disposait par exemple que « les contributions publiques seront délibérées et fixées chaque année par le Corps législatif, et ne pourront subsister au-delà du dernier jour de la session suivante, si elles n’ont pas été expressément renouvelées »[2].

Toutefois, il arrive que la loi de finances de l'année suivante ne soit pas votée à temps. Si certains pays, comme les États-Unis, acceptent d'opérer un shutdown, d'autres ont mis en place une méthode pour engager des dépenses avant le vote effectif de la loi de finances suivante[3]. Dans le but d'assurer la continuité de l’État, la France a créé la méthode du douzième provisoire, consistant à reconduire pour l'année suivante un douzième des crédits du budget de l'année précédente[1].

Cette technique a été créée sous la Troisième République lorsque, du fait d'une absence de rationalisation du parlementarisme, les lois de finances étaient souvent votées en retard[4]. Selon Gaston Jèze, « de 1840 à 1914, le budget a été voté 38 fois en retard. Sous la IIIème République, en 44 années [...] le budget a été voté 22 fois en retard ». Dès lors, il était nécessaire d'utiliser la méthode du douzième provisoire le temps que la loi définitive soit votée[5]. La menace d'un refus de vote par des membres de la majorité ou par des parlementaires importants était un moyen de pression sur le gouvernement[6].

Postérité[modifier | modifier le code]

La Constitution de 1958 et la loi organique relative aux lois de finances encadrent plus strictement le vote des lois de finances et ont mis fin à la méthode du douzième provisoire[7].

Certains pays ou entités inspirées par la France ont adopté cette méthode. Certains territoires disposant d'une culture juridique proche de celle de la France en ont fait ou en font usage ; ainsi de la Roumanie et de la Côte d'Ivoire actuelle[8],[9]. Le Parlement européen l'a utilisée dans les années 1980 à quatre reprises[10],[11].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Les études de la Documentation française, La Documentation française, (lire en ligne)
  2. France, Code des codes ...: avec des notes, analyses, commentaires ... Chaque matière précédée d'un exposé des principes et de l'historique de la législation, et suivie des formules d'actes qui y correspondent, Au Bureau central [etc.', (lire en ligne)
  3. Petit Larousse illustré, Larousse., (lire en ligne)
  4. Stéphanie Damarey, L'essentiel des finances publiques, dl 2021 (ISBN 978-2-297-13221-3 et 2-297-13221-2, OCLC 1236845680, lire en ligne)
  5. Fabienne Bock, Finances publiques en temps de guerre, 1914-1918: Déstabilisation et recomposition des pouvoirs, Institut de la gestion publique et du développement économique, (ISBN 978-2-11-129410-3, lire en ligne)
  6. Gilbert Guilleminault, De Bardot à de Gaulle, Denoël, (lire en ligne)
  7. Yves Guchet, Eléments de droit constitutionnel, Albatros, (lire en ligne)
  8. (en) Report on Economic and Commercial Conditions in Roumania, H.M. Stationery Office, (lire en ligne)
  9. Côte d'Ivoire, Loi de finances de l'année: Rapport de présentation, Ministère de l'économie et des finances, (lire en ligne)
  10. François,. Chouvel, Finances publiques : cours intégral et synthétique, dl 2020 (ISBN 978-2-297-09042-1 et 2-297-09042-0, OCLC 1141404967, lire en ligne)
  11. (en) Manchester Statistical Society (Manchester England), Transactions of the Manchester Statistical Society, Manchester Statistical Society, (lire en ligne)