Divine surprise — Wikipédia

Charles Maurras (1868-1952).

La « divine surprise » est une expression employée par le journaliste et homme politique français Charles Maurras, directeur de L'Action française. La formule saluait originellement l'accession au pouvoir du maréchal Pétain le . De nos jours, elle sert surtout à insister sur le caractère inattendu et sidérant d'un événement.

Présentation[modifier | modifier le code]

Contexte[modifier | modifier le code]

Le vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain a lieu le 10 juillet 1940. Le lendemain, Pétain se proclame chef de l'État français et s'arroge tous les pouvoirs. Il proclame la Révolution nationale, saluée par Maurras dès juillet 1940[1]

La formule « divine surprise » est écrite pour la première fois par Maurras dans l'hebdomadaire Candide du pour saluer comme une « divine surprise » l'arrivée du maréchal Pétain au pouvoir d'un État « dont les Juifs et les Métèques ne seraient plus maîtres, ni chefs, ni profiteurs », à la faveur du « suicide » de la démocratie républicaine en juillet 1940[2],[3]. Il développe ensuite cette formule dans Le Petit Marseillais du 9 février 1941[4],[5]. Il la cite en avril 1941 dans un article de son quotidien, L'Action française, pour en préciser le sens et répondre à des critiques[6]. Enfin, Maurras reprend l'expression dans son livre De la colère à la justice publié en 1942[7],[8].

Analyse[modifier | modifier le code]

L'historien Olivier Dard souligne que l'expression « renvoie non à la défaite et à l'effondrement de la République mais à « celui auquel tout le monde faisait crédit », le Maréchal Pétain »[5].

Le journaliste François Honti confirme que Maurras ne se réjouit aucunement de la défaite de la France face à l'Allemagne nazie et commente uniquement « le fait que dans leur malheur les Français aient trouvé en Pétain un chef autour de qui ils pouvaient se rassembler »[9].

Caricature de Charles Maurras à son procès relative à son pétainisme dans Les Lettres françaises du 20 janvier 1945.

Pour le sociologue Julien Damon, Maurras voyait dans cette accession au pouvoir de Pétain, « une revanche sur la Révolution – selon lui le plus grand malheur de l’histoire, cause principale de la dissolution des liens sociaux – et sur la République – selon lui responsable de tous les maux, en particulier de la défaite de 1940 »[2].

Mésinterprétations[modifier | modifier le code]

L'expression a été l'objet de nombreuses polémiques dès l'Occupation[10]. Marcel Déat cite l'article de Maurras publié dans Candide et détourne le sens de l'expression dès le dans un article paru dans L'Œuvre pour la retourner contre son auteur et dénigrer le régime de Vichy, affirmant que Maurras et ses amis « tiennent en bonne et ferme tutelle » ce régime, qu'ils se réjouissent du succès de leurs idées et de la fin de la République grâce à la défaite : « Que pèse le désastre, du moment que la vieille ennemie est morte, la République ? La France est pantelante, mais elle est aux mains de M. Maurras. Bénie soit donc la blessure, bienvenue l'agonie (...) »[11].

Par méconnaissance, certaines individus font référence à cette expression comme une célébration de la victoire nazie ou de la défaite française. Le , l'abbé François Varillon, dénonce « le poète qui baptisa la défaite une divine surprise » sur Radio-Lyon[7].

Postérité[modifier | modifier le code]

Cette formule est parfois employée dans le langage courant pour insister sur le caractère inattendu et sidérant d'un événement. À titre d'exemples, la qualification de Mathieu Burgaudeau en troisième place lors du Tour de France 2023 est saluée comme une « divine surprise » dans La Voix du Nord[12] ou encore la victoire de Marketa Vondrousova lors du tournoi de Wimbledon 2023 dans L'Equipe[13].

En 2002, le critique de cinéma Pierre Murat emploie l'expression maurrassienne dans une critique de l'hypermédiatisation et du matérialisme[14].

Lors des élections présidentielles de 2022, le journaliste Thomas Legrand l'emploie pour qualifier l'irruption de la candidature d'Éric Zemmour[15].

Le 4 juillet 2024, le Parti des indigènes de la République présente les émeutes pour Nahel Merzouk comme une « divine surprise, qui remet la question raciale au centre du débat politique »[16],[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Ch. Maurras, « L'esprit de la Révolution nationale », Candide, 24 juillet 1940 (la formule « divine surprise » n'apparait pas dans ce texte).
  2. a et b Julien Damon, « La pensée de… Charles Maurras (1868-1952): », Informations sociales, vol. n° 121, no 1,‎ , p. 119–119 (ISSN 0046-9459, DOI 10.3917/inso.121.0119, lire en ligne, consulté le )
  3. Charles Maurras, « La grande besogne », Candide, 15 janvier 1941.
  4. Le Petit Marseillais, (lire en ligne)
  5. a et b Olivier Dard, Charles Maurras: Le maître et l'action, Armand Colin, (ISBN 978-2-200-29030-6, lire en ligne)
  6. L'Action française, 15 avril 1941
  7. a et b Albert Marty, L'Action française racontée par elle-même, Nouvelles Éditions Latines, (ISBN 978-2-7233-0325-5, lire en ligne), p. 437
  8. Charles Maurras, De la colère à la justice, édition du Milieu du Monde, Paris, 1942, p. 85-93.
  9. François Honti, « Charles Maurras et son Action française », sur Le Monde diplomatique, (consulté le )
  10. « La « divine surprise » en fut-elle une ? », Le Crapouillot,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. Marcel Déat, « La divine surprise », L'Œuvre, 28 janvier 1941
  12. Sylvain Liron et à Saint-Gervais, « Tour de France : Mathieu Burgaudeau, divine surprise, deuxième podium », sur La Voix du Nord, (consulté le )
  13. « Marketa Vondrousova victorieuse à Wimbledon : la divine surprise », sur L'Équipe (consulté le )
  14. Pierre Murat, « Divine surprise », Les cahiers de mediologie, vol. 13, no 1,‎ , p. 189–199 (ISSN 1270-0665, lire en ligne, consulté le )
  15. Thomas Legrand, « Eric Zemmour, la «divine surprise» de Marine Le Pen », sur Libération (consulté le )
  16. PIR, « Amnistie générale pour les Révoltés de la Dignité, Justice et Réparations pour notre jeunesse et nos familles ! », sur Indigènes de la République, (consulté le )
  17. Atlantico, « Les émeutes urbaines sont une « divine surprise » pour les Indigènes de la République », sur Atlantico, (consulté le )