Dion Cassius — Wikipédia

Dion Cassius
Description de l'image Dio Cassius.jpg.
Nom de naissance Lucius Claudius Cassius Dio
Naissance v. 162-163
Nicée (Bithynie)
Décès après 235
Nicée (Bithynie)
Auteur
Langue d’écriture Grec ancien

Œuvres principales

Dion Cassius, en latin Lucius Claudius Cassius Dio (Nicée, Bithynie, v. 162-163 – id., après 235)[1], est un homme politique, consul et historien romain d'expression grecque, proche des empereurs Septime Sévère et Sévère Alexandre[2].

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Né en Bithynie à Nicée (nord de l'Asie Mineure) vers 162-163, Dion Cassius est issu d'une famille sénatoriale : son père Marcus Cassius Apronianus a été consul suffect sous l'empereur Commode en 183-184 puis gouverneur de Lycie-Pamphylie, Cilicie et Illyrie-Dalmatie. Grâce à ce statut, Dion Cassius profita de nombreux voyages à Rome et en Italie tout en préservant un mode de vie grec.

Selon des sources tardives, d'époque byzantine, il serait, par sa mère, le petit-fils — ou encore le neveu — de Dion Chrysostome, mais cette tradition n'est pas acceptée par tous les auteurs. Si elle est vraie, c'est par cette parenté que s'expliquerait son cognomen Dio, ainsi que le second cognomen, assez mal attesté, de Cocceianus. Son nom complet peut être précisé grâce à plusieurs inscriptions. Une inscription de Macédoine[3],[4] précise qu'il portait le gentilice Claudius et un diplôme militaire montre qu'il portait le prénom Lucius[5]. Son nom complet était donc Lucius Claudius Cassius Dio[1]

Il suivit très probablement les leçons de sophistes, lui apprenant la rhétorique et la philosophie, puis partit vers Pergame pour continuer ses études et les finir à Rome où il apprit le droit romain ce qui lui permit de devenir avocat. Bien que Grec et provincial, Dion s'attacha fortement à Rome et à l'Italie, jusqu'à les considérer comme une seconde patrie[6].

Cursus honorum[modifier | modifier le code]

Sa situation familiale le prédestinait à suivre le cursus honorum. Il fut questeur en 188 à Rome ou en Orient selon les sources, puis fut préteur sous Septime Sévère (194 ou 195). Il s'attacha l'estime de celui-ci en écrivant et en lui envoyant son premier écrit : Sur les rêves et présages, ouvrage qui montrait que l'avènement de l'empereur avait été annoncé auparavant. Cette légitimation du nouveau détenteur du pouvoir ne manqua pas de plaire à celui-ci d'autant que le jeune auteur lui dédia ensuite le récit des Guerres civiles (197) qui avaient permis à l'empereur d'accéder au pouvoir. Après quelques années en dehors de Rome (certainement avec la fonction de gouverneur dans une province), il prit les fonctions de consul suffect dans la capitale en 205-206.

Dion Cassius était un brillant haut fonctionnaire, discret mais efficace, qui sut garder sa place dans une époque de fréquents changements de dynastie. Il fut toujours très proche des empereurs, amicus principis (ami du prince) et habitué des salons de Julia Domna, l'épouse de Septime Sévère qui recevait sophistes et hommes de lettres.

En 222, il reprit des fonctions, après seize ans d'absence, en tant que proconsul d'Afrique, puis partit pour la Dalmatie (223-225) et la Pannonie supérieure (225-229) afin de mater les émeutes de soldats.

En 229, il est consul éponyme avec l'empereur lui-même, honneur suprême du cursus honorum. Puis, quelque peu haï pour sa sévérité, Dion Cassius se retire à Nicée pour se consacrer entièrement à son Histoire romaine et meurt vers 234-235.

Œuvres[modifier | modifier le code]

Histoire romaine[modifier | modifier le code]

Dion Cassius est surtout connu pour son Histoire romaine, ouvrage de 80 livres qui retracent les 973 ans de la vie de Rome, de sa fondation à Alexandre Sévère en 229. Ne sont conservés intégralement que les livres 37 à 60, soit de 68 av. J.-C. à la mort de Claude soit 54 ap. J.-C.[7].

Dion Cassius fut intégralement utilisé jusqu'au XIe et XIIe siècles dans l'empire byzantin, notamment par Georges Cédrène, probablement Jean Tzétzès et Eustathe. Les pillages et désastres (sac de Constantinople) firent disparaître ensuite les deux tiers de l'œuvre. Il reste quelques manuscrits comprenant des compilations et divers extraits d'historiens romains, notamment l'Excerpta de Constantin VII pour trouver des fragments. Cependant la collection de Maxime Planude ne cite qu'une fois Dion. Un grand palimpseste fut longtemps attribué à Dion mais fut probablement écrit par Pierre le Patrice. Il subsiste deux épitomé : les byzantins Xiphilin et Zonaras. Le premier abrège les livres XXXVI à LXXX (lacune durant les règnes d'Antonin le Pieux et Marc-Aurèle), son travail est considéré comme médiocre et divise les chapitres selon les règnes d'empereurs. Le second utilise de nombreuses sources mais abrège les vingt premiers livres ainsi que les livres XLIV à LXVII, il semble que les livres XXII à XXXV étaient déjà perdus de son vivant[8],[9].

Il lui fallut préalablement une dizaine d'années de documentation afin de rassembler toutes les informations nécessaires à l'écriture mais on ne sait pas dater précisément la période de rédaction. Il commence peut-être vers 207 après avoir reçu les félicitations de l'empereur pour ses précédents ouvrages et surtout à la suite d'un songe dans lequel une divinité l'aurait encouragé à écrire une histoire des origines de Rome jusqu'à lui.

Prenant modèle sur Thucydide, Dion Cassius va pourtant s'en détacher en partie. Deux temps structurent l'œuvre, les cinquante premiers livres sont dédiés aux 723 premières années de Rome, de sa fondation à la bataille d'Actium en -31 et les trente derniers aux 250 années impériales. Une nette différence se fait sentir entre les deux. La période impériale est bien plus privilégiée que l'autre. Dion Cassius défend la position des sénateurs au sein d'une monarchie qui ne leur laisse finalement que peu de place. Le dialogue fictif entre Mécène et Agrippa au livre 52 permet à Dion Cassius de faire le point sur les différents régimes mais l’œuvre entière témoigne d'un souci constant de préciser la nature du régime politique de Rome, le fonctionnement de ses institutions et ses évolutions.

Grâce à son expérience politique, Dion Cassius est un témoin important de son époque et un précieux commentateur des aspects politiques de l'Histoire et il ne faut pas dédaigner son témoignage sur des périodes plus anciennes et notamment sur les institutions républicaines. Sa version des faits peut parfois mettre au jour une tradition disparue chez les autres historiens. L'œuvre de Dion Cassius est une des sources majeures pour la connaissance de la période impériale et notamment celle de l'époque de l'auteur puisque les détails fourmillent.

En ce qui concerne la guerre des Gaules, les sources de Dion sont contemporaines des faits et s'appuient sur les récits de témoins oculaires[10]. Le récit de la bataille de Sabis (livre 39, 2) montre que les sources de Dion Cassius sont des notices remontant à des officiers de la VIIIe ou de la XIe légion[11].

Sur le plan esthétique, l'Histoire de Dion Cassius emprunte certains traits à Thucydide (emploi d'un style attique et récurrence d'une structure binaire). Son modèle par son goût du merveilleux et par la place qu'il ménage aux prodiges et aux présages et, par ailleurs, son écriture, qui repose beaucoup sur la pratique de la rhétorique et sur les schémas enseignés, ont nui à sa réputation historiographique. La valeur historique de son œuvre et l'intérêt de ses choix de composition sont au centre des recherches actuelles, ce qui contribue fortement à la réhabilitation de cet historien[12].

Toutes ces œuvres sont donc un véritable trésor de la période romaine, même s'il faut toutefois prendre du recul par rapport à ses propos qui ne sont pas toujours objectifs du fait de son rôle et de ses origines. Les récits des historiens romains postérieurs au règne de Néron, tels Dion Cassius, Tacite et Suétone, soulèvent une multitude d'interrogations sur la fiabilité de ces témoignages de « seconde main »[13]. Plus globalement, l'étude des mode de transmission de son œuvre au cours des siècles reste indispensable pour bien en mesurer la portée[14].

Autres œuvres[modifier | modifier le code]

Parmi les ouvrages attribués à Dion Cassius, trois ne sont probablement pas de lui :

  1. Une histoire du règne de Trajan, citée par la Souda : Reimar la regarde comme un écrit de Dion Chrysostome, aïeul maternel de notre historien (?), contemporain et ami de cet empereur.
  2. Un livre intitulé Persica, mentionné par la Souda, mais qui paraît être l'ouvrage de Dinon, souvent cité comme historien de la Perse.
  3. Un autre, ayant pour titre Getica : il en est question dans Jornandès, Suidas et Fréculphe. Philostrate l'attribue à Dion Chrysostome.

Les cinq suivants lui appartiennent :

  1. Une biographie du philosophe Arrien citée par la Souda, qui ne nous est pas parvenue.
  2. Un récit de ses voyages, Enodia, dont le même lexicographe fait mention, mais également perdu.
  3. Un écrit sur les prodiges et sur les songes qui annoncèrent l'avènement de Septime Sévère à l'empire : il est perdu.
  4. L'histoire de Commode : elle fut insérée plus tard dans l'histoire générale de Rome. Nous n'avons que l'abrégé de Xiphilin.

Jacopo Morelli a retrouvé quelques fragments des livres LV et LVI (Bassano, 1798).

Publications[modifier | modifier le code]

Publications anciennes[modifier | modifier le code]

  • En 1490, Georges Merula traduit les pages qui concernent les règnes de Nerva, de Trajan et d'Hadrien (Scriptores Historiae Augustae Latini).
  • En 1542, Claude Deroziers traduit la traduction italienne donnée par Nicolas Léonicène : Dion historien grec des faicts et gestes insignes des Romains..., premièrement traduit de grec en italien, par Messire Nicolas Leonicene,... et depuis, de italien en vulgaire francois, Paris, pour Arnoul et Charles les Angelier.

Les meilleures éditions de Dion Cassius, pour le Dictionnaire Bouillet, sont celles :

Éditions depuis la fin du XIXe siècle[modifier | modifier le code]

Étienne Gros propose, dès 1845, le texte de l'Histoire romaine avec une traduction en français mais cette édition fut interrompue par sa mort (1856). Elle a été continuée par V. Boissée de 1863 à 1866[15].

La base des travaux sur Dion reste l'édition critique complète qu'en donna U.P. Boissevain, Cassii Dionis Cocceiani HIstoriarum romanarum quae supersunt, 1895-1901, Berlin.

C'est en grande partie à partir de ce texte que fut réalisée l'édition et la traduction anglaise dans la collection Loeb, par E. Cary.

Depuis la fin du XXe siècle, plusieurs chercheurs sont associés pour proposer aux Belles Lettres, dans la Collection des Universités de France, une nouvelle édition, fondée sur de nouvelles collations des manuscrits, accompagnée d'une traduction moderne et de notes historiques, de l'intégralité de l'Histoire romaine, y compris des livres fragmentaires. Le travail est toujours en cours mais certains livres sont déjà parus[16].

Sources[modifier | modifier le code]

Fergus Millar, A Study of Cassius Dio, Oxford, Clarendon Press, 1964.

Voir le programme ANR en cours Dioneia (http://dioneia.huma-num.fr/spip.php?rubrique16), Lire Cassius Dion cinquante ans après Fergus Millar.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b M. Molin, «Biographie de l’historien Cassius Dion», in Cassius Dion : nouvelles lectures, Bordeaux, Ausonius Éditions, 2016 [1]
  2. Anouk Delcourt, Lecture des Antiquités Romaines de Denys d'Halicarnasse. : Un historien entre deux mondes, Classe des Lettres, Académie Royal de Belgique, , 419 p. (ISBN 978-2-8031-0214-3, lire en ligne), p. 124
  3. AE, 1971, 430
  4. Alain Gowing, « Dio's Name », Classical Philology, 85, n° 1 (janv. 1990), p. 49–54.
  5. AE, 1985, 821
  6. M.-L. Freyburger-Galland, "L'Italie vue par un Bithynien du IIIe siècle", Bulletin de la Faculté des Lettres de Mulhouse, 19, 1995, p. 4-15 Lire en ligne
  7. Claude Nicolet, Rome et la conquête du monde méditerranéen 264–27 av. J.-C., tome 1, Les Structures de l’Italie romaine, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio, l'Histoire et ses problèmes », Paris, 2001 (1re éd. 1979) (ISBN 2-13-051964-4), p. 20.
  8. Dio Cassius: the Manuscripts of The Roman History
  9. The Lost Books of Cassius Dio, Chiron, 2013
  10. G. Zecchini, « Cassio Dione e la guerra gallica di Cesare », cf. Bibliographie.
  11. J.-Y. Guillaumin, « La reddition de Vercingétorix selon les auteurs anciens », cf. Bibliographie.
  12. M.-L. Freyburger, Dion Cassius, un gréco-romain du IIe siècle, Dialogues d'histoire ancienne, 2013, Supplément (9, p. 77-90), [2]
  13. Bope Katal Shaminga, La justice de Néron d'après Tacite, Presses universitaires du Septentrion, , p. 7
  14. (en) Valérie Fromentin, Estelle Bertrand Ecanvil, Michèle Coltelloni-Trannoy et Michel Molin, Cassius Dion : nouvelles lectures, Bordeaux/Pessac, Ausonius Éditions, , 881 p. (ISBN 978-2-35613-175-1, OCLC 971062763)
  15. Histoire romaine, traduction d'Étienne Gros et V. Boissée, Paris, Firmin-Didot, 1845 à 1870, sur www.mediterranees.net
  16. Livres 36-37, texte édité, traduit et commenté par M. Coudry et G. Lachenaud, 2014. Livres 38, 39, 40, texte édité, traduit et commenté par M. Coudry et G. Lachenaud, 2011. Livres 41-42, texte édité, traduit et commenté par M-L Freyburger, F. Hinard et P. Cordier, 2002. Livres 45-46, texte édité, traduit et commenté par V. Fromentin et E. Bertrand, 2008. Livre 47, texte édité, traduit et commenté par V. Fromentin et E. Bertrand, 2014. Livres 48-49, texte édité, traduit et commenté par M-L Freyburger et J-M Roddaz, 1994. Livres 50-51, texte édité, traduit et commenté par M-L Freyburger et J-M Roddaz, 1991.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Cassius Dion : nouvelles lectures. 2 vol., Fromentin Valérie, Bertrand Estelle, Costelloni-Trannoy Michèle, Molin Michel, Urso Gianpaolo (éd.), Collection Scripta antiqua (94), Bordeaux, Ausonius éditions, 2016 Lire en ligne.
  • Leclant, Jean (dir.), Dictionnaire de l'Antiquité, Paris, PUF, 2008.
  • Howatson, Margaret C.(dir.), Dictionnaire de l'Antiquité: Mythologie, Littérature, Civilisation, Paris, Éditions Robert Laffont, 1993.
  • G. Zecchini, « Cassio Dione e la guerra gallica di Cesare », Milan, 1978.
  • J.-Y. Guillaumin, « La reddition de Vercingétorix selon les auteurs anciens », Latomus, 44, 1985, p. 743.
  • Jesper Majbom Madsen (trad. Marianne Coudry), Dion Cassius, un historien méconnu, Paris, Les Belles Lettres, , 212 p. (ISBN 9782251455204, lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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