Dialogue avec Tryphon — Wikipédia

Dialogue avec Tryphon
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Le Dialogue avec Tryphon est un texte apologétique chrétien du deuxième siècle, documentant les tentatives du théologien Justin de Naplouse (dit aussi « Justin Martyr ») de montrer que le christianisme est la nouvelle loi pour tous les hommes et de prouver par les Écritures que Jésus est le Messie.

Présentation[modifier | modifier le code]

Le Dialogue avec Tryphon est connu par un seul manuscrit du XIVe siècle (le codex Parisinus gr. 450), qui est lui-même repris avec des erreurs par un autre du XVIe siècle[1].

Le Dialogue, rédigé après la première Apologie pour les chrétiens (vers 155[2]), est le premier ouvrage conservé et daté consacré uniquement à la controverse avec le judaïsme[3],[4]. Ce texte utilise le procédé littéraire d'une conversation intellectuelle entre Justin et Tryphon le Juif. Il a été émis l'hypothèse que le rabbin avec qui il aurait eu cette controverse était Rabbi Tarfon. L'ouvrage conclut que les chrétiens sont le véritable peuple de Dieu.

L’entretien, à la fois courtois et incisif, rapporté par ce texte est censé s’être déroulé peu de temps après la révolte juive de Bar Kokhba (132-135) [5].

Justin y reproche à ses interlocuteurs juifs, qu’il appelle ses amis [6], d’écouter ceux qui ne reconnaissent pas en Jésus « le Christ du Dieu tout-puissant [7]. »

Il reproche aux Juifs la mort du Christ [8].

Il a le regret de constater que les Juifs, après avoir « excommunié » les disciples de Jésus [9], prient « […] en maudissant dans [leurs] synagogues ceux qui croient au Christ » [10] ; « […] vous nous haïssez », dit-il à ses interlocuteurs « et nous mettez à mort nous aussi […] chaque fois que vous en avez la faculté, et vous le maudissez [vous maudissez le Christ] sans cesse, lui et ses disciples […] [11] (traduction de Bernard Pouderon). »

Il ne fait cependant pas des Juifs une race à part, une race maudite, puisqu’il affirme que les judéo-chrétiens, qui, tout en observant les prescriptions de la Loi juive, reconnaissent en Jésus le Christ tant attendu, seront sauvés. Il va même jusqu’à dire que si des circoncis, respectant la Loi juive et ses obligations (sans toutefois vouloir les imposer aux autres chrétiens), reconnaissent Jésus comme le Christ, « καὶ προσλαμβάνεσθαι καὶ κοινωνεῖν ἁπάντων, ὡς ὁμοσπλάγχνοις καὶ ἀδελφοῖς, δεῖν ἀποφαίνομαι », « il faut les accueillir et entrer en communion avec eux comme avec des frères nés des mêmes entrailles [12] (traduction Bernard Pouderon ; texte grec de Remacle). »

À la fin du dialogue, Tryphon regrette que ce genre de débats entre juifs et chrétiens ne soit pas plus fréquent [13] ; Justin souhaite voir ses interlocuteurs cesser de s’aligner sur les positions pharisiennes [14].

En attendant, chacun reste sur ses positions

Notes et Références[modifier | modifier le code]

  1. Max Lejbowicz, « Justin Martyr, Dialogue avec Tryphon », Cahiers de recherches médiévales et humanistes. Journal of medieval and humanistic studies,‎ (ISSN 2115-6360, DOI 10.4000/crm.240, lire en ligne, consulté le )
  2. Au chapitre CXX, § 6 du Dialogue avec Tryphon, Justin rappelle s’être « adressé par écrit à César », (Pléiade, Premiers écrits chrétiens, p. 548, traduction de Bernard Pouderon). L’allusion, dans la même phrase, à « Simon, le mage » prouve qu’il s’agit du plaidoyer adressé (cf. Apologie pour les chrétiens, XXVI, 2-3, Pléiade, p. 345) à Antonin le Pieux, décédé en 161.
  3. Bernard Pouderon, « 36. Bobichon (Philippe), Justin martyr. Dialogue avec Tryphon (édition critique, traduction, commentaire), », Revue des Études Grecques, vol. 117, no 2,‎ , p. 810–812 (lire en ligne, consulté le )
  4. David Nirenberg : Antijudaïsme : Un pilier de la pensée occidentale, chap. 3, 2023, Éd. Labor et Fides, (ISBN 978-2830917994)
  5. Cf. I, 3, Pléiade, p. 400 : « Je m’appelle Tryphon, je suis un hébreu de la circoncision, j’ai fui la présente guerre (φυγὼν τὸν νῦν γενόμενον πόλεμον) […] » ; XVI, 2, Pléiade, p. 419 : « […] pour […] que vos campagnes deviennent désertes, que vos villes soient la proie du feu, […] et qu’aucun de vous ne pénètre dans Jérusalem » ; LII, 4, Pléiade, p. 462 : « votre terre a été ravagée » (traduction de Bernard Pouderon ; texte grec de Remacle).
  6. Justin les appelle « amis » en CXXXVII, § 3 (ὦ φίλοι ; Pléiade, p. 568), et même « frères » en CXXXVII, § 1 (ὦ ἀδελφοί ; Pléiade, p. 568) ; Tryphon, en conclusion, reprend le terme d’« amis » en CXLII, 1 (φίλων ἡμῶν ; Pléiade, p.573 ; texte grec de Remacle).
  7. Cf. chapitre CXLII, § 2, Pléiade, p. 573.
  8. Cf. chapitre CXXXIII, § 6, Pléiade, p. 564 : « vous avez même tué le Christ ».
  9. Cf. Évangile selon Jean, IX, 22 ; XII, 42 ; XVI, 2 (ἀποσυνάγωγοι).
  10. Chapitre XVI, § 4, Pléiade, p. 420.
  11. Chapitre CXXXIII, § 6, Pléiade pp. 564-565. Justin évoque également dans un autre de ses textes, l’Apologie pour les chrétiens (au chapitre XXXI, § 6, Pléiade, p. 349), cette persécution des chrétiens par les Juifs, lors de la deuxième insurrection : « De fait, dans la récente guerre juive, le chef de la révolte des juifs, Bar Kokhba, faisait livrer les chrétiens, et eux seuls, aux plus cruels supplices, s’ils refusaient de renier et de blasphémer Jésus-Christ » ; (traduction de Philippe Bobichon).
  12. Chapitre XLVII, §§ 1-2, Pléiade, pp. 455-456.
  13. Cf. chapitre CXLII, § 1, Pléiade, p. 573 : « j’avoue avoir pris un rare plaisir à cet échange, et […] si nous pouvions nous y livrer plus fréquemment, nous tirerions plus de profit de notre étude des textes mêmes » ; traduction de Bernard Pouderon
  14. Cf. chapitre CXXXVII, § 2, Pléiade, p. 568 : « […] ne faites pas insulte au Fils de Dieu, ne raillez pas le roi d’Israël pour obéir à vos didascales pharisiens […] » ; traduction de Bernard Pouderon.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Éditions en français[modifier | modifier le code]

  • Justin martyr (trad. du grec), Œuvres complètes, Paris, Jacques-paul Migne, , 432 p. (ISBN 2-908587-17-3), « Dialogue avec le juif Tryphon (Dialogus cum Tryphone Iudaeo) », p. 99-315.
  • Justin de Naplouse, Premiers écrits chrétiens, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », , 1648 p. (ISBN 9782070134861), « Dialogue avec le juif Tryphon », p. 400-573.

Études[modifier | modifier le code]

  • Max Lejbowicz, « Justin Martyr, Dialogue avec Tryphon », Cahiers de recherches médiévales et humanistes. Journal of medieval and humanistic studies,‎ (ISSN 2115-6360, DOI 10.4000/crm.240, lire en ligne, consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]