Dème (Athènes antique) — Wikipédia

Le dème ou demos (similaire à divisions[1], grec ancien : δῆμος) est une circonscription administrative de base instaurée lors de la révolution isonomique de Clisthène (personnage politique grec) qui eut lieu de 508 à 507 av J.-C. à Athènes. Le dème est directement lié à la marche d'Athènes vers la démocratie. Ses habitants sont appelés les démotes.

Les modes de partition[modifier | modifier le code]

Organisation de l'Attique avec les dix "tribus", les trois "pays", les trente "trittyes" et les dèmes.

Les 139 dèmes sont répartis sur les 30 « trittyes » des 3 « pays » de l’Attique (χώρες - chôres) :

  • dix trittyes sur la ville d’Athènes et ses environs (ἄστυ - asty) ,
  • dix trittyes sur le territoire littoral (παράλια - paralia),
  • et dix trittyes dans les zones rurales de l’intérieur (μεσόγεια - mésogée).

Chacune des 10 tribus attiques possède et gère 3 « trittyes », une dans chaque « pays », de manière à avoir des ressources complémentaires, artisanales-commerciales, côtières-maritimes et agricoles.

Le dème est la plus petite unité territoriale, la base de tout le système politique d’Athènes, et un citoyen athénien libre de sexe masculin est un « démote » attaché à un dème selon le droit du sol. Le chef du dème est un « démarque » (δημάρχος, mot qui en grec moderne désigne un maire). Les Athéniens sont appelés par leur « démotique » c’est-à-dire par le nom de leur dème qui leur sert de patronyme (par exemple, Ἀρίσταρχος Θορικός - Aristarque Thorikos).

Le territoire de la cité proprement dite d’Athènes fut divisé en cinq quartiers : Céramique, Collytos, Cydathénéon, Mélite et Scambonide (avec le temps leur nombre augmenta). Le découpage urbain correspond aux arrondissements ou quartiers formant aujourd’hui les villes : il est rationnel et ne s’appuie pas sur le droit du sang ancestral qui favorisait de manière inégalitaire les familles nobles (ἒθνοι - ethnoi) mais sur le droit du sol où tous les citoyens de tous les dèmes (δήμοι) sont égaux en droits y compris lorsqu’ils s’assemblent (λάος - laos). À la campagne (μεσόγεια - mésogée), la répartition suivit les principes de la confirmation des dèmes homogènes antérieurs à la réforme, rassemblant plusieurs petits hameaux en un seul dème et séparant en plusieurs entités les dèmes de grande taille. Parmi les dèmes ruraux, les mieux connus sont Acharnes, Décélie ou Marathon.

Caractéristiques du dème[modifier | modifier le code]

Effectifs des dèmes[modifier | modifier le code]

Nombre moyen d'habitants par dème d'après deux sources[réf. nécessaire].
Évaluations basses Évaluations hautes
citoyens et leurs familles en ajoutant esclaves et métèques citoyens et leurs familles en ajoutant esclaves et métèques
Source 1 800 1200 1000 1500
Source 2 / / 1300 5000

Source 1 : sur la base de 25 000 à 30 000 citoyens mâles adultes pour l'ensemble de l'Attique, avec leurs familles 80 000 à 100 000 personnes, auxquelles se greffent environ 10 000 métèques et 30 000 à 40 000 esclaves.
Source 2 : sur la base de 40 000 citoyens et 20 000 métèques (200 000 avec leurs familles) et 300 000 esclaves (très difficile à évaluer).

Fonctions locales et formatrice[modifier | modifier le code]

Décret honorifique du dème d'Aixone concernant deux chorèges, Autéas et Philoxénidès. (Musée épigraphique d'Athènes, EM 13262).

Le dème peut être comparé aux communes françaises du XXe siècle : un démarque (en grec ancien : δήμαρχος, chef ou président d'un dème), correspondant au maire moderne, est localement élu.

D'autre part, les membres d'un dème peuvent être tirés au sort de façon régulière afin de constituer la boulè : les bouleutes, représentants du peuple, sont en quelque sorte le pendant des députés modernes, mais au lieu de former une élite sociale ils sont réellement des représentants du peuple car tirés au sort.

Ainsi le dème est-il l'unité administrative, mais aussi démocratique de base, sa population formant une assemblée, l'agora, exerçant des pouvoirs de police, de gestion des finances publiques, du cadastre et des cultes, tenant des registres d'état civil.

En participant à l'organisation locale du dème, les citoyens vivent un stage civique qui les prépare aux assemblées démocratiques centrales [réf. souhaitée].

Nouvelles reconnaissances sociales[modifier | modifier le code]

L’homme politique Clisthène voulut mettre fin à la forte organisation de la noblesse en phratries et empêcher les classes sociales de se grouper par régions. Avec sa réforme, les cadres gentilices sont donc abandonnés au profit de circonscriptions créées d'après le domicile de chaque citoyen ; le dème prend alors une nouvelle importance : les noms de famille, de lignées, disparaissent au profit du nom du dème d'origine, apposé à vie aux noms des individus[2]. Le citoyen à l'époque de Périclès était ainsi désigné officiellement par son propre nom, celui de son père (patronyme) et celui de son dème (démotique) : par exemple Périclès, fils de Xanthippe, du dème de Cholarges[3]. Cette mesure est une marque forte du glissement de pouvoir de l'aristocratie vers le peuple (démos, anciennement Laos), l'appellation du citoyen mettant alors plus en évidence les liens géographiques que les liens du sang.

De nombreux métèques résidents réguliers de l'Attique, des affranchis ou personnages au statut civique ambigu ont également pu accéder grâce à cette mesure à la qualité de citoyen, l’isonomie menant à la démocratie s'en trouvant renforcée.

Le dème, unité d'un ensemble plus vaste[modifier | modifier le code]

Pinakia, tablettes d'identification des citoyens (nom, nom du père, dème) pour le tirage au sort des jurys. Musée de l'Agora antique d'Athènes.

Selon un ordre croissant, l'organisation sociale d'Athènes vers 500 av. J.-C. se trouva ainsi fixée :

individu dème trittye dix tribus Cité

La trittye est l'unité administrative intermédiaire entre le dème et la tribu ; 3 ou 4 dèmes contigus forment une trittye, cette dernière ne disposant pas de pouvoir politique réel mais ayant plutôt pour rôle de constituer un liant entre dèmes et tribus. Par exemple, la garde du feu sacré qui brûle dans la Tholos (grec ancien : ἡ Θόλος) est confiée aux prytanes d'une même trittye.
Robert Flacelière désigne un sous-ensemble du dème, la phratrie, équivalent à la famille[4].

Les dèmes nouvellement mis en place en cette fin de VIe siècle av. J.-C. font partie du train de mesures réformatrices mené par Clisthène : création des trittyes, de 10 tribus[Note 1], agrandissement de la Boulè (de 400 à 500 membres), adoption d'un nouveau calendrier, démocratisation du fonctionnement de l'Ecclésia, création de l'ostracisme afin d'éviter la tyrannie, établissement des postes de 10 fonctionnaires chargés de l'entretien et de la police de la ville (les astynomes), et de 10 sytophylaques, magistrats élus chargés de l'approvisionnement en grains, d'un nouvel archonte (secrétaire) et d'un collège de 10 stratèges.

Les tribus de Clisthène[modifier | modifier le code]

  1. Érechthéis [5],[6] (Ἐρεχθηΐς) nommé en référence à Érechthée
  2. Aigeis (Αἰγηΐς) nommé en référence à Égée
  3. Pandionis (Πανδιονίς) nommé en référence à Pandion, fils d'Érichthonios ou Pandion, fils de Cécrops
  4. Leontis (Λεοντίς) nommé en référence à Leos, fils de Orpheus
  5. Acamantis (Ἀκαμαντίς) nommé en référence à Acamas, fils de Thésée
  6. Oineis (Οἰνηΐς) nommé en référence à Œnée
  7. Kekropis (Κεκροπίς) nommé en référence à Cécrops
  8. Hippothontis (Ἱπποθοντίς) nommé en référence à Hippothoon
  9. Aiantis (Αἰαντίς) nommé en référence à Ajax
  10. Antiochis (Ἀντιοχίς) nommé en référence à Antiochus, fils d'Héraclès.

Liste des dèmes par tribus[modifier | modifier le code]

Liste des dèmes attiques, classés par tribu, d'après la liste établie par D. Whitehead[7]
Tribu Érechthéis Aigeis Pandionis Leontis Acamantis Oineis Kekropis
Dème Agrylè d'en-haut

Agrylè d'en-bas

Anagyrous

Euonymon

Kedoi

Kephisia

Lamptrai d'en-haut

Lamptrai d'en-bas

Pambotadai

Pergasè d'en-haut

Pergasè d'en-bas

Phegous

Sybridai

Themakos

Ankylè d'en-haut

Ankylè d'en-bas

Araphen

Batè

Diomeia

Gargettos

Halai Araphenides

Hestiaia

Erikeia

Erchia

Ikarion

Ionidai

Kollytos

Kolonos Hippios

Kydantidai

Myrrhinountta

Otrynè

Plotheia

Phegaia

Philaidai

Teithras

Angelè

Konthylè

Kydathenaion

Kytheros

Myrrhinous

Oa

Prasiai

Probalinthos

Paiania d'en-haut

Paiania d'en-bas

Steiria

Aithalidai

Cholleidai

Deiradès

Halimous

Hecalè

Hybadai

Eupyridai

Kettos

Kolonai

Kropidai

Leukonion

Oion Kerameikon

Paionidai

Pelekes

Phrearrhioi

Potamos d'en-haut

Potamos d'en-bas

Potamioi-Deiradiotai

Skambonidai

Sounion

Cholargos

Eiresidai

Eitea

Hagnous

Hermos

Iphistiadai

Kerameis

Kephalè

Kikynna

Poros

Prospalta

Sphettos

Thorikos

Acharnès

Boutadai

Epikephisia

Hippotomadai

Kothokidai

Lakiadai

Lousia

Perithoidai

Phylè

Ptelea

Thria

Tyrmeidai

Aixonè

Athmonon

Daidalidai

Epieikidai

Halai Aixonidès

Melitè

Phlya

Pithos

Sypalettos

Trinemeia

Xypetè

Tribu Hippothontis Aiantis Antiochis
Dème Acherdous

Anakaia

Auridai

Azenia

Décelie

Elaious

Eleusis

Eroiadai

Hamaxantia

Keiriadai

Koilè

Kopros

Korydallos

Oinoe

Oion Dekeleikon

Pirée

Thymaitadai

Aphidna

Marathon

Oinoe

Rhamnonte

Phalère

Trikorynthos

Aigilia

Alopekè

Amphitropè

Anaphlystos

Atenè

Besa

Eitea

Eroidai

Kolonai

Krioa

Pallenè

Semachidai

Phyrnè

Thorai

Notes :

- Le nom grec des dèmes a été conservé, sauf lorsque l'usage a proposé une translittération majoritairement utilisée (par exemple : Pirée pour Peiraia).

- Oinoe apparait deux fois, dans la tribu Hippothontis et Aiantis car deux dèmes portaient le même nom, correspondant à un territoire séparé en deux selon une logique est-ouest.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. L'association de trois trittyes donna naissance à une tribu. On donna aux dix tribus les noms tirés de dix héros éponymes, dans l'ordre officiel (voir paragraphe suivant).

Références[modifier | modifier le code]

  1. David Sansone - Ancient Greek Civilization p. 35 publié John Wiley & Sons, 12 septembre 2016 (ISBN 1119098149) accédé juillet 27, 2018
  2. Gustave Glotz, La Cité grecque, Albin Michel, 1970, p. 134.
  3. Robert Flacelière 1971, p. 50.
  4. Robert Flacelière 1971, p. 49.
  5. J.S. Traill, The Political Organization of Attica: A Study of the Demes, Trittyes, and Phylai, and Their Representation in the Athenian Council, Volumes 14-16 (p.37 - ) Volume 14 of Hesperia (Princeton, N.J.), ASCSA, 1975 (ISBN 0876615140) (lire en ligne)
  6. (en) D. Whitehead, The Demes of Attica, 508/7 -ca. 250 B.C.: A Political and Social Study, Princeton, Princeton University Press, (ISBN 978-0-691-61110-5, lire en ligne), p. 21
  7. (en) D. Whitehead, The Demes of Attica, 508/7 -ca. 250 B.C.: A Political and Social Study, Princeton, Princeton University Press, (ISBN 978-0-691-61110-5, lire en ligne), p. 369-373

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Robert Flacelière, La vie quotidienne en Grèce au siècle de Périclès, Paris, Hachette, , 381 p. (ISBN 2012352367)
  • Michel Humbert, Institutions politiques et sociales de l'antiquité, Paris, éd. Dalloz, coll. « Précis Dalloz Droit Public », 2e éd., 1986, 507 pages (ISBN 2247051138)
  • John S. Traill, The Political Organization of Attica: A Study of the Demes, Trittyes, and Phylai, and Their Representation in the Athenian Council, Volumes 14-16 (p.37 - ) Volume 14 of Hesperia (Princeton, N.J.), ASCSA, 1975 (ISBN 0876615140) [lire en ligne]
  • David Whitehead, The Demes of Attica, 508/7-ca. 250 B.C.: A Political and Social Study, Princeton, Princeton University Press, 2014 (ISBN 9780691611105) - [lire en ligne]