Horizon optique — Wikipédia

Éoliennes à grande distance partiellement cachées derrière la ligne d'horizon.

L'horizon optique est la ligne circulaire où la terre et le ciel semblent se rejoindre et qui limite le champ visuel d'une personne en un lieu ne présentant pas d'obstacle à la vue[1]. C'est aussi la limite divisant la sphère terrestre en deux parties, l'une visible de l'observateur, l'autre invisible[1]. La Terre étant presque sphérique, elle a une courbure — dite « courbure terrestre », aussi appelée « abaissement » ou « dépression de l'horizon »[2] — qui provoque un phénomène observable à l'horizon optique : au delà de cette limite, la partie haute de certains objets peut encore être visible, alors que leur partie basse est cachée à l'observateur.

La courbure terrestre limite la possibilité d'observer des objets à une distance lointaine.

Il existe plusieurs méthodes permettant de calculer la distance de l'horizon optique en fonction de l'altitude du point d'observation, ainsi que la hauteur minimale des points partiellement visibles situés au-delà de cette distance[3].

Première approche : distance de l'horizon en ligne droite[modifier | modifier le code]

La notion de puissance d'un point par rapport à un cercle, décrite par Euclide dans le livre III des Eléments, proposition 36[4], permet de démontrer que, quel que soit le segment sécant mené d'un point P extérieur à un cercle de centre O, de rayon R et le coupant en des points A et B, on a[5] :

.

Le point limite de vision d'un observateur situé en P est le point T situé sur la droite qui passe par le point P et qui est tangente en T à la Terre[6], d étant la distance entre le point d'observation P et l'horizon visuel en T, et h étant l'altitude du point d'observation, on a :

Puissance d'un point par rapport à un cercle.
.

Donc :

.

En considérant que la Terre est quasiment sphérique[7] et que le rayon de la Terre est de 6 378 km[8], cette formule devient, avec h et d mesurés en km[9] :

.

Le tableau ci-dessous indique plusieurs exemples de distance de l'horizon optique d, en fonction de l'altitude h du point d'observation.

Distance d de l'horizon optique en fonction de l'altitude h du point d'observation
h (m) d (km)
1,7 4,7
3,0 6,2
10 11,3
30 19,6
50 25,3
100 35,7
500 79,9
1 000 112,9
2 000 159,7
4 000 225,9
8 000 319,5

Ainsi, depuis le sommet du mont Blanc (h = 4 806 m), la distance de l'horizon optique approche les 250 km, alors que, depuis le sommet de la tour Eiffel (h = 320 m environ), cette distance est proche de 64 km. Quant à la distance de l'horizon depuis l'Everest, plus haute montagne sur Terre culminant à 8 849 m, elle dépasse les 330 km.

Deuxième approche : distance de l'horizon mesurée à la surface de la Terre[modifier | modifier le code]

Détermination de la hauteur h du bord du cercle B à la droite tangente au cercle au point A.

Cette technique est proche de celle utilisée par Ératosthène pour déterminer le rayon de la Terre[10],[11].

En considérant que la Terre est une sphère de rayon R, on peut calculer comment varie la courbure au fur et à mesure que l'on s'éloigne d'un point A, c'est-à-dire à quelle hauteur h se trouverait un rayon de lumière lancé à l'horizontale de A, vu depuis un point B distant sur Terre de d = AB (d = distance courbe sur la sphère).

d est la longueur d'un arc de cercle, correspondant à un angle au centre qui, exprimé en radians (rad), vaut : α = d/R.

Dans ce cas, on calcule :

.

Cette distance d est la distance mesurée à la surface de la Terre entre le « pied » du point d'observation (B) et l'horizon (A)[12].

On a également :

.

Cette hauteur h est la hauteur maximale en B d'un objet qui sera invisible depuis A, et c'est aussi la hauteur minimale en B d'un objet dont la partie haute est visible de A.

Le graphique ci-dessous donne les valeurs de h en fonction de d pour un rayon terrestre de 6 378 km.

Calcul de la hauteur h d'une ligne horizontale tracée de A, depuis B sur la Terre.

Une variante de cette deuxième approche, utilisant le même cercle ci-dessus, consiste à appliquer le théorème de Pythagore.

On a alors (R+h)² = R² + d²

Puis d² = (R+h)² - R²

Et enfin

Troisième approche : points mutuellement visibles[modifier | modifier le code]

Détermination de la hauteur h2 du bord du cercle B à la droite tangente au cercle partant d'une hauteur h1 en A.

On calcule ici quelle sera la hauteur h2 cachée en B à un observateur placé en A à l'altitude h1 à une distance (sur la sphère) de d = AB sur la sphère de rayon R.

On calcule la distance :

et on obtient :

h2 est la hauteur maximale en B d'un objet qui sera invisible à un observateur situé en A à l'altitude h1, et c'est aussi la hauteur minimale en B d'un objet dont la partie haute est visible de cet observateur.

Avec R = 6 378 km et d = 50 km entre les deux points d'observation, le graphique ci-dessous illustre comment la hauteur cachée h2 décroît à mesure que h1 augmente :

Hauteur cachée h2 en mètres selon la hauteur en mètres h1 d'un observateur placé à une distance d = 50 km sur une sphère de rayon R = 6 378 km.
Hauteur cachée h2 en mètres selon la hauteur en mètres h1 d'un observateur placé à une distance d = 50 km sur une sphère de rayon R = 6 378 km.

Conséquences et applications pratiques[modifier | modifier le code]

Altitude du point d'observation[modifier | modifier le code]

Plus l'altitude du point d'observation -ou plus généralement d'émission/réception dans le cas de toutes les ondes électromagnétiques - est élevée, plus l'horizon optique est lointain. Ainsi, chaque fois qu'on quadruple la hauteur d'un point d'observation, on double la distance de vision[9].

C'est pour cette raison que les systèmes conçus pour observer ou être visibles à grande distance sont placés en hauteur :

Distance de vision inférieure à la distance théorique[modifier | modifier le code]

La zone rouge est cachée à l'observateur par l'obstacle.

Les valeurs réelles de distance de vision peuvent être sensiblement inférieures à celles indiquées par la théorie. Plusieurs facteurs peuvent en effet diminuer cette distance, notamment :

  • obstacle : un obstacle situé entre le point d'observation et l'horizon théorique (par exemple : arbre, immeuble, montagne) empêche de voir certains objets, pourtant théoriquement visibles, situés au delà de cet obstacle ;
  • brouillard, faible luminosité : si l'atmosphère est obscurcie par du brouillard, ou si la luminosité est très faible (exemple : nuit sans Lune), la distance de vision optique d'un observateur humain sera fortement diminuée ;
  • atténuation par l'atmosphère : la traversée de l'atmosphère affaiblit la puissance des ondes électromagnétiques. Cet affaiblissement dépend de paramètres caractérisant l'atmosphère, de la distance parcourue par ces ondes, ainsi que de leur fréquence. Il peut diminuer fortement la zone de couverture théorique d'un émetteur radioélectrique.

Limites liées à l'acuité de la vision humaine[modifier | modifier le code]

L'œil humain a un pouvoir de résolution limité : pour pouvoir distinguer deux points, l'œil doit les voir sous un angle apparent de plus d'une minute d'arc. Ceci implique qu'un observateur humain ne verra un objet lointain, même situé avant l'horizon optique, que s'il a une taille suffisante. Cette taille vaut, avec h et d en mètres, et α en radians :

.

Pour des angles apparents faibles, on a, avec en radians :

.

Et pour = 1' d'arc, cette formule devient :

.

Avec h en m et d en km, cette formule devient :

.

Ainsi un observateur situé à 1,7 m d'altitude ne verra à l'horizon (distant de 4,7 km) que les objets ayant une taille d'au moins 1,36 m. Ce même observateur d'une altitude de 30 m aura un horizon à environ 20 km, et ne verra d'objets à cette distance que s'ils ont un taille d'au moins 5,7 m.

L'utilisation de dispositifs optiques tels que jumelles, lunette d'observation ou longue-vue ne permet pas à cet observateur de voir plus loin : sa ligne d'horizon optique dépend en effet uniquement de son altitude. En revanche, grâce au pouvoir grossissant de ces équipements, il pourra voir des objets bien plus petits que ceux visibles à l'œil nu. Ainsi, avec un facteur de grossissement de 10, l'observateur situé à une altitude de 1,7 m verra à l'horizon des objets de 0,14 m, et celui situé à 30 m d'altitude des objets de 0,57 m.

Réfraction atmosphérique et augmentation de la distance de vision[modifier | modifier le code]

Les calculs théoriques de distance de l'horizon optique prennent pour hypothèse que les ondes se propagent en ligne droite. En réalité, les ondes électromagnétiques traversant de façon oblique l'atmosphère terrestre sont déviées durant cette traversée. Ce phénomène est dû à la réfraction atmosphérique. L'importance de cette déviation dépend notamment de l'angle de cette traversée par rapport à la verticale, des caractéristiques de l'atmosphère (composition gazeuse, pollution, gradients de température, pression ou encore taux d'humidité) et de la fréquence de ces ondes. Lorsqu'elles sont l'objet de ce phénomène, les ondes, au lieu de se propager en ligne droite, le font en selon des trajectoires courbes. En conséquence, la réfraction, lorsqu'elle se produit, permet, d'un point d'observation donné, de voir plus loin que ne le prédit le calcul théorique, ainsi que l'illustrent les exemples suivants :

  • de Marseille on ne peut normalement pas voir le sommet du Canigou distant de 250 km : pour le voir, il faudrait être à une altitude d'environ 300 m, alors que le point le plus élevé de Marseille n'est qu'à 242 m. Cependant, grâce à la réfraction, les Marseillais peuvent parfois voir cette montagne des Pyrénées en ombre chinoise sur un soleil couchant au-dessus de la Méditerranée[13] ;
  • les habitants de la Côte d'Azur et les Monégasques peuvent certains jours, même depuis le niveau de la mer, apercevoir la côte montagneuse nord de la Corse pourtant distante de 170 km[14].
S (en jaune) est la position réelle du Soleil. S' (en rouge) est la position apparente vue par un observateur dont la ligne d'horizon est la droite bleue.

La réfraction atmosphérique est également très importante en astronomie : ainsi, le soir, alors que le calcul théorique indique que le Soleil ne devrait plus être visible, on peut encore le voir. En effet la réfraction relève la trajectoire des rayons lumineux provenant du Soleil de 36 minutes d'arc ce qui rend le Soleil visible encore plusieurs minutes[15].

Réfutation du mythe de la Terre plate[modifier | modifier le code]

La théorie de la Terre plate affirme que la Terre n'est pas ronde, mais plate. Il y a de nombreuses preuves scientifiques démontrant que cette théorie est un mythe, et que la Terre est bien ronde.

La courbure de la Terre explique la disparition progressive du bateau à l'horizon.

L'une de ces preuves est fournie par la vision qu'un observateur a des objets qui s'éloignent vers l'horizon. Ainsi une personne postée au bord de la mer qui observe un bateau à voile s'éloignant vers l'horizon le voit progressivement disparaitre : la coque passe la première sous l'horizon, puis le bas des mâts et des voiles, et enfin la totalité du navire disparait. C'est une conséquence de la courbure terrestre, bien connue des marins et très facile à observer[16].

Au contraire, si la Terre était plate, le navire se réduirait en taille apparente en s'éloignant, mais, à tout moment, l'observateur verrait la totalité du navire, de la coque au sommet des mâts.

Courbure et distance de l'horizon sur d'autres objets célestes[modifier | modifier le code]

Tous les objets célestes qui ont une forme sphérique, ou sphéroïde, ont une courbure. C'est le cas de la Terre mais aussi, par exemple, de la Lune et du Soleil. On peut donc calculer avec les mêmes méthodes la distance de l'horizon optique sur de tels astres.

Ainsi, pour un observateur de 1,7 m, l'horizon est à 4,7 km sur Terre, mais seulement à 2,4 km sur la Lune, qui a un rayon quatre fois plus petit que celui de la Terre. Sur le Soleil, ce même observateur verrait l'horizon à près de 50 km, car le Soleil a un rayon de l'ordre de 700 000 km.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Portail lexical », sur CNRTL (consulté le ).
  2. « Dictionnaire de l'Académie française ».
  3. Ces différentes méthodes s'appliquent à toutes les ondes électromagnétiques, qu'elles appartiennent au domaine de l'optique, ou soient à d'autres longueurs d'onde comme celles utilisées pour la télévision, la radio ou les communications mobiles. Dans ces derniers cas, le « point d'observation » est un émetteur ou un récepteur de ces ondes.
  4. Euclide, Éléments de géométrie Livre 3, Paris, Louis, (lire en ligne), Proposition 36.
  5. Pour la démonstration, voir l'article Puissance d'un point par rapport à un cercle.
  6. C'est le cas particulier de la puissance d'un point par rapport à un cercle lorsque les points A et B sont confondus.
  7. Voir l'article Figure de la Terre.
  8. La Terre n'étant pas absolument sphérique, son rayon peut être estimé en plusieurs points du globe d'altitude nulle comme compris entre 6 357 et 6 378 km.
  9. a et b En pratique, l'altitude du point d'observation h est le plus souvent très petite par rapport au rayon de la Terre. On peut donc estimer la distance d comme (d et h mesurés en km) :
    .
    Si on mesure d en kilomètres et h en mètres, cette formule devient : .
  10. (en) George Gamow, A star called the Sun, New York, Viking Press, , 208 p. (lire en ligne), p. 3-5.
  11. Aujac Germaine, Astronomie et géographie scientifique dans la Grèce ancienne, In: Bulletin de l'Association Guillaume Budé : Lettres d'humanité, no 32, Paris, (lire en ligne), p. 441-461.
  12. Pour tout point d'observation situé sur Terre, la différence entre la distance courbe ainsi calculée et celle calculée en ligne droite est très faible (inférieure à 0,1 %). Ceci est dû au fait que la hauteur du point d'observation (moins de 9 km) est très faible comparée au rayon de la Terre (plus de 6 300 km).
  13. Michel Aperio, « Le Massif du Canigou vu de Marseille n'est pas une galéjade », sur univ-mrs.fr (consulté le ).
  14. Corse-Matin, « Pourquoi voit-on si bien la Corse depuis la Côte d'Azur ? », sur La Provence, (consulté le ).
  15. Jean-Baptiste Joseph Delambre, Abrégé d'astronomie, Paris, Courcier, , 652 p. (lire en ligne), « Leçon 5 », p. 129, 143-145.
  16. Eugène Fromentin, Voyage en Égypte (1869), Paris, J-M Carré, , 206 p. (lire en ligne), p. 45.