Communauté internationale — Wikipédia

Entrée vers le palais des Nations, siège de l'ONU à Genève.

Le terme de communauté internationale est une expression politique désignant de façon imprécise un ensemble d'États influents en matière de politique internationale[1]. Il peut désigner :

Usage[modifier | modifier le code]

Outre son utilisation en tant que descripteur général[3], le terme est généralement utilisé pour impliquer l'existence d'un point de vue commun sur des questions telles que les droits de l'homme[4],[5] Il est parfois utilisé pour demander que des mesures soient prises contre un ennemi[6], par exemple, une action contre ce qui est perçu comme une répression politique dans un pays cible. Le terme est également couramment utilisé pour impliquer la légitimité et le consensus d'un point de vue sur une question controversée[5],[7], par exemple, pour renforcer la crédibilité d'une résolution majoritaire décidée par l'Assemblée générale des Nations unies[4],[8].

Critique[modifier | modifier le code]

Cette expression est souvent employée par les médias. En fait, elle n'a de sens que quand les pays du monde s'expriment massivement sur un sujet. Il n'existe pas de ligne précise définissant à partir de quel moment il y a intervention de la communauté internationale dans une affaire locale. De plus, le nombre de pays n'est pas un critère suffisant, l'expression sous-entendant que les pays se mêlant de l'affaire représentent un poids important dans la politique internationale. De même, la question de la reconnaissance par la communauté internationale de l'indépendance d'un État n'est pas très précise, puisque souvent un État cherchant à établir son indépendance est reconnu ou non suivant les intérêts politiques des autres États.

On rencontre souvent l'expression « la communauté internationale est divisée » quand des blocs ou pays importants s'expriment en sens contraire dans une affaire internationale (tel l'avis mitigé sur la guerre en Irak). En fait, on peut parler de division de la communauté internationale quand les pays les plus influents tels que les États-Unis, la Russie ou la Chine s'opposent au reste de l'Organisation des Nations unies.

Pour le linguiste et philosophe américain Noam Chomsky, l'utilisation politique de l'expression communauté internationale est généralement contraire à son sens littéral[2]. Bien que ce terme semble désigner de façon approximative les États membres de l'ONU, il désigne le plus souvent uniquement la position des États-Unis et de ses États clients[2]. Il remarque : « Lorsque le terme communauté internationale est utilisé en Occident, la communauté internationale désigne les États-Unis et quiconque va dans son sens. Si le monde, la majorité du monde, s'oppose, ils ne font juste pas partie de la communauté internationale »[9].

Selon le juriste de la Cour pénale internationale Victor P. Tsilonis (en), il s'agit des « intérêts des États les plus puissants » ou de « sept à dix États »[10].

Le président du Tribunal international du droit de la mer Paik Jin-hyun (en) et les auteurs Lee Seokwoo (en) et Kevin Tan soutiennent qu'il pourrait s'agir d'une « vingtaine d'États riches », en donnant l'exemple de ceux qui ne sont pas membres du Mouvement des non-alignés[4], tandis que le professeur Peter Burnell de l'université de Warwick suggère qu'un certain nombre d'États très importants, tels que la Chine, la Russie et les pays du monde arabe sont souvent éloignés du concept de « communauté internationale » et n'approuvent pas nécessairement toutes les initiatives qui y sont associées, par exemple en s'abstenant de voter sur des résolutions clés du Conseil de sécurité des Nations unies[1].

Valeur juridique[modifier | modifier le code]

La valeur juridique de cette notion politique est discutée :

Approches sociologiques[modifier | modifier le code]

La notion de communauté internationale a été interrogée par la sociologie pragmatique à propos notamment des instances juridiques ou morales invoquées par les mobilisations internationales[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) Peter Burnell, Democracy Assistance: International Co-operation for Democratization, Routledge, , 6 p. (ISBN 978-1-135-30954-1, lire en ligne)
  2. a b et c Site officiel de Noam Chomsky publication intitulée The Crimes of 'Intcom', Foreign Policy, September, 2002
  3. (en) Riccardo Pisillo Mazzeschi, Collective Human Rights and Political Objectives of the International Community, Cham, Springer International Publishing, , 473–501 p. (ISBN 978-3-030-77032-7, DOI 10.1007/978-3-030-77032-7_25, lire en ligne)
  4. a b et c (en) Jin-Hyun Paik, Seok-Woo Lee et Kevin Tan, Asian Approaches to International Law and the Legacy of Colonialism: The Law of the Sea, Territorial Disputes and International Dispute Settlement, Routledge, , 145 p. (ISBN 978-0-415-67978-7, lire en ligne) :

    « Les médias peuvent déclarer, par exemple, que le programme nucléaire de tel ou tel pays en développement ou non aligné est contesté par la "communauté internationale", alors que la majorité, sinon la totalité, des pays non alignés, qui comprennent quelque 122 États, soutiennent le droit de leurs membres à réaliser de tels programmes, l'opposition ne se manifestant que dans une proportion relativement faible du nombre total d'États, qui s'élève aujourd'hui à 193. L'imprécision est une caractéristique omniprésente des reportages des médias et du discours politique. Mais l'utilisation de l'expression "communauté internationale" comme impliquant "tous les États", en sachant parfaitement qu'elle ne pourrait couvrir qu'une vingtaine d'États riches, est plus qu'une simple imprécision. Cela revient à ne pas tenir dûment compte du principe fondamental de la Charte. ... S'il est clair que l'expression "communauté internationale" ne comprend pas tous les États, ni même une majorité d'entre eux, rien n'indique à quels États cette expression, telle qu'elle est utilisée dans le document final du sommet mondial, est censée se référer. »

  5. a et b (en) Alex Veit, Intervention as Indirect Rule: Civil War and Statebuilding in the Democratic Republic of Congo, Campus Verlag, (ISBN 978-3-593-39311-7, lire en ligne) :

    « L'expansion de la consolidation de la paix et des pratiques connexes a entraîné une modification du terme "communauté internationale". Il désigne encore principalement le collectif des États. Plus récemment, il est souvent utilisé pour décrire la société mondiale. Cependant, comme la société mondiale ne peut pas constituer un acteur, cette dernière acception semble servir principalement de terme de légitimation pour la première. ... La communauté internationale est un groupe d'acteurs qui se réclame d'une perspective consensuelle commune. »

  6. (en) Michael Byers et Georg Nolte, United States Hegemony and the Foundations of International Law, Cambridge University Press, , 30 p. (ISBN 9781139436632, lire en ligne)
  7. (en) Katrin Travouillon et Julie Bernath, « Time to break up with the international community? Rhetoric and realities of a political myth in Cambodia », Cambridge University Press, vol. 47, no 2,‎ , p. 231–250 (ISSN 0260-2105, DOI 10.1017/S026021052000042X, S2CID 230578572, lire en ligne)
  8. (en) Gennadiĭ Mikhaĭlovich Danilenko, Law-Making in the International Community, Martinus Nijhoff Publishers, , 204 p. (ISBN 0792320395, lire en ligne) :

    « Ceux qui pensent que les résolutions sont devenues ou sont en train de devenir un outil moderne efficace pour la création de règles dans une société internationale élargie expliquent souvent ce phénomène par le fait qu'elles manifestent "la volonté générale de la communauté internationale [qui] a acquis un certain statut législatif". En général, une attitude plus prudente prévaut dans la pratique des États. »

  9. Thenewstribe, interview de Noam Chomsky du « Where the term (international community) is used in the West, the international community refers to the United States and anyone who happens to be going along with it. If the world happens to be, most of the world is opposed, they’re just not part of the international community. »
  10. (en) Victor Tsilonis, The Jurisdiction of the International Criminal Court, Springer Nature, , 7, 23 ,173 (ISBN 978-3-030-21526-2, lire en ligne) :

    « Comme nous l'analysons plus en détail ci-dessous, le terme "communauté internationale" n'a pas le sens auquel on pourrait s'attendre, c'est-à-dire la représentation de la majorité des États ; au contraire, ce terme implique habilement la représentation des intérêts des États les plus puissants. [p. 7] ... Les concepts nébuleux tels que "intérêt international" ou "communauté internationale" doivent être évités à tout prix [p. 23] ... Un terme par lequel l'auteur tente d'impliquer tous les États reconnus dans le monde, et pas seulement les sept à dix États impliqués dans le terme commun mais "brumeux" de "communauté internationale". [p. 173] »

  11. Par exemple David W. Kennedy (en).
  12. Comme Alfred Verdoss (de), Bruno Simma (en), Christian Tomuschat (en), Mireille Delmas-Marty, Jurgen Habermas.
  13. Francis Chateauraynaud, Une entéléchie d'après la guerre froide. Note sur les modes d'existence de la communauté internationale

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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