Combats de la poche d'Idleb (janvier-février 2017) — Wikipédia

Combats de la poche d'Idleb

Informations générales
Date 19 janvier
(1 mois et 1 jour)
Lieu Gouvernorat d'Idleb, ouest du gouvernorat d'Alep, nord du gouvernorat de Hama
Issue Victoire de Hayat Tahrir al-Cham
Belligérants
Hayat Tahrir al-Cham Parti islamique du Turkestan Ahrar al-Cham
Armée syrienne libre Suqour al-Cham
Kataeb Thuwar al-Cham
Jaych al-Islam
Ajnad al-Cham
Liwa al-Aqsa
Commandants
Abou Jaber
Abou Mohammed al-Joulani
Ali al-Omar Abou Dhar al-Najdi al-Harethi
Forces en présence

20 000 hommes[1]


1 000 hommes[2]

15 000 à 20 000 hommes[3]


15 000 hommes[4]

2 000 hommes[5]
Pertes

Plusieurs centaines de morts[6],[7],[8]

Guerre civile syrienne

Batailles

Coordonnées 35° 55′ 47″ nord, 36° 37′ 54″ est
Géolocalisation sur la carte : Syrie
(Voir situation sur carte : Syrie)
Combats de la poche d'Idleb

Les combats de la poche d'Idleb ont lieu du 19 janvier au lors de la guerre civile syrienne. Ils opposent plusieurs groupes rebelles dans le gouvernorat d'Idleb, l'ouest du gouvernorat d'Alep et le nord du gouvernorat de Hama et provoquent une réorganisation des forces en présence dans cette région.

Prélude[modifier | modifier le code]

Après leur défaite en décembre à la bataille d'Alep, de vives tensions opposent les groupes rebelles du nord de la Syrie[9]. Selon le reporter du Figaro Georges Malbrunot, les djihadistes du Front Fatah al-Cham — l'ex-Front al-Nosra — blâment d'autres factions à cause de leurs échecs dans leurs tentatives pour briser le siège d'Alep : « Grâce à un noyautage, aussi patient qu'efficace, des états-majors de certains groupes rebelles par les services de renseignements syriens, épaulés par le GRU, Damas et ses alliés étaient au courant de la plupart des mouvements tactiques de leurs ennemis. Ce qui, après coup, a rendu furieux les djihadistes du Front Fatah al-Cham, qui coopéraient avec les autres rebelles d'Alep-Est pour survivre aux bombardements intensifs de l'aviation syrienne. Autre conséquence de cette opération d'infiltration, une très vive paranoïa s'est emparée depuis des mouvements rebelles défaits »[9].

Le , un cessez-le-feu est conclu entre le régime et l'opposition par l'intermédiaire de la Russie, de l'Iran et de la Turquie[10] ; et le , une conférence de paix s'ouvre à Astana[11]. Cependant le Front Fatah al-Cham fait part de sa vive opposition et condamne ces pourparlers qui sont selon lui une tentative visant à « détourner le cours de la révolution pour l'orienter vers une réconciliation avec le régime criminel » de Bachar el-Assad[9].

Exclu des pourparlers à cause de ses liens avec al-Qaïda et hostile à toute négociation, le Front Fatah al-Cham subit également à cette période une intensification des frappes aériennes de la coalition[12],[13],[14]. Il crie alors au complot et accuse plusieurs autres groupes d'avoir conclu un accord contre lui et d'être les complices des Américains[12],[13].

Environ 50 000 à 70 000 rebelles[15],[16] et deux millions de civils[17] sont présents dans la poche d'Idleb, au nord-ouest de la Syrie — comprenant le gouvernorat d'Idleb, l'ouest du gouvernorat d'Alep et le nord du gouvernorat de Hama — les deux groupes les plus puissants dans cette région sont le Front Fatah al-Cham et Ahrar al-Cham[17],[9],[18]. En 2015 et 2016, le Front al-Nosra, puis le Front Fatah al-Cham, avait ouvert à plusieurs reprises des discussions avec Ahrar al-Cham, dans le but d'opérer une fusion entre les deux mouvements, mais elles s'étaient achevées sans résultat[12]. Ahrar al-Cham est alors divisé à propos des négociations d'Astana : une tendance « modérée », proche de la Turquie, s'y montre plutôt favorable, mais une tendance plus « radicale » y est hostile[9],[18].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Des affrontements finissent par éclater entre rebelles dans le gouvernorat d'Idleb et l'ouest du gouvernorat d'Alep. Les premiers heurts ont lieu le 19 janvier, lorsque des hommes du Front Fatah al-Cham attaquent Ahrar al-Cham à son quartier-général et au poste-frontière de Bab al-Hawa[9]. Des combats ponctuels avaient déjà opposé à plusieurs reprises le Front al-Nosra, puis le Front Fatah al-Cham, à des groupes de l'Armée syrienne libre et s'étaient à chaque fois achevés à l'avantage des djihadistes[14] ; mais les affrontements de janvier 2017 prennent une ampleur inédite[12].

Dans la nuit du 23 au 24 janvier, le Front Fatah al-Cham passe à l'offensive[19]. L'attaque est menée à l'aube contre une base de l'Armée des Moudjahidines, dans un secteur limitrophe entre le gouvernorat d'Idleb et le gouvernorat d'Alep[20],[21],[22]. D'autres combats éclatent le même jour entre le Front Fatah al-Cham et Ahrar al-Cham dans les régions d'Idleb et Alep[21],[22]. Le 25 janvier, l'Armée des Moudjahidines est mise en déroute et le territoire sous son contrôle passe aux mains des djihadistes[23]. D'autres factions sont assaillies dans le gouvernorat d'Idleb et les djihadistes progressent également vers le poste-frontière de Bab al-Hawa, une porte vers la Turquie vitale pour le ravitaillement des rebelles[14].

Le 25 janvier, plusieurs groupes rebelles attaqués par les djihadistes — Fastaqim Kama Umirt, Suqour al-Cham, Kataeb Thuwar al-Cham, l'Armée des Moudjahidines, et les branches régionales de Jaych al-Islam et du Front du Levant — décident de fusionner au sein d'Ahrar al-Cham pour obtenir sa protection[24],[12],[18]. Le 26 janvier, Ahrar al-Cham prévient qu'une attaque contre une de ces factions équivaudra à une « déclaration de guerre »[24]. Trois jours plus tard, le Front Fatah al-Cham fusionne à son tour avec d'autres groupes — le Harakat Nour al-Din al-Zenki, le Front Ansar Dine, le Liwa al-Haq et Jaych al-Sunna — pour former un nouveau mouvement : Hayat Tahrir al-Cham[12],[18]. Celui-ci bénéficie ensuite des ralliements d'Ansar al-Cham, et de plusieurs combattants de la tendance la plus « radicale » d'Ahrar al-Cham qui font défection[9],[18],[14],[25],[26].

Le 26 janvier, les combats se poursuivent[12] ; ils s'interrompent finalement au bout d'une dizaine de jours, après avoir fait plusieurs dizaines de morts selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH)[8].

Mais la situation se complique encore avec l'implication de Jound al-Aqsa[12]. Ce groupe djihadiste, actif au nord du gouvernorat de Hama et au sud du gouvernorat d'Idleb, avait prêté allégeance au Front Fatah al-Cham en octobre 2016, afin d'obtenir sa protection après des combats contre Ahrar al-Cham qui l'accusait d'être lié à l'État islamique[27]. Mais le , le Front Fatah al-Cham annonce qu'il rejette Jound al-Aqsa et annule son allégeance[12]. Le , Jound al-Aqsa change de nom et devient le Liwa al-Aqsa[28],[29]. Le même jour, il attaque Ajnad al-Cham, le Liwa al-Maghawir et Saraya al-Ghurabaa dans la région de Kafr Zita et s'empare de 17 villages[30]. Le 13 février les affrontements éclatent cette fois contre Hayat Tahrir al-Cham[8]. Un kamikaze attaque notamment un poste du Front Fatah al-Cham et fait neuf morts[8].

Les 9 et 13 février, les hommes du Liwa al-Aqsa massacrent près de Khan Cheikhoun environ 150 à 200 prisonniers rebelles appartenant à des groupes de l'Armée syrienne libre — principalement Jaych al-Nasr, Faylaq al-Cham et Al-Forqat al-Wasti — et à Hayat Tahrir al-Cham[6],[7],[31],[32].

Selon l'OSDH, Hayat Tahrir al-Cham s'empare de six villages le 13 et le 14 février et au moins 69 combattants sont tués en 24 heures[33],[34],[8]. Les hommes de Tahrir al-Cham progressent ensuite dans les environs de Khan Cheikhoun et Morek[35],[5]. Selon l'OSDH, en plus des massacres, au moins 52 hommes du Liwa al-Aqsa et 32 de Hayat Tahrir al-Cham sont tués au combat[36]. Le 20 février, des avions d'une force non identifiée bombardent également un dépôt de munitions du Liwa al-Aqsa à al-Khazzanat, au sud-est de Khan Cheikhoun, faisant au moins neuf morts et 25 blessés parmi les djihadistes[37].

À la mi-février, un accord est conclu pour mettre fin aux combats. Le Liwa al-Aqsa est dissout : le 20 février, une partie de ses combattants évacue le gouvernorat de Hama pour rejoindre l'État islamique à Raqqa, d'autres préfèrent rallier le Parti islamique du Turkestan[38],[5].

Conséquences[modifier | modifier le code]

Les combats se terminent à l'avantage de Hayat Tahrir al-Cham qui consolide son emprise dans la poche d'Idleb[14]. Après leur victoire à la bataille d'Alep, le régime et l'Iran estiment désormais que le temps joue en leur faveur dans cette région et tournent plutôt leurs forces contre l'État islamique, dans l'est de la Syrie[14]. Selon Benjamin Barthe, reporter pour Le Monde : « de fait, depuis le début de l’année, le nord-ouest de la Syrie, en plus d’être régulièrement bombardé par l’aviation russe et syrienne, est prisonnier d’un maelström de conflits entre groupes armés. Des mini-guerres dans la grande guerre, qui tournent régulièrement à l’avantage de Fatah Al-Cham et d’autres factions extrémistes, au détriment des groupes plus modérés, labellisés Armée syrienne libre (ASL). [...] La région d’Idlib sombre insensiblement sous la coupe des djihadistes. [...] Lâchés par les Américains, les groupes de l’ASL font désormais face à un choix cornélien : soit rester dans la région d’Idlib, où ils constituent une proie facile ; soit l’abandonner, pour rejoindre plus à l’est le « Bouclier de l’Euphrate », l’opération anti-EI patronnée par la Turquie. Dans les deux cas, les djihadistes sont gagnants. Une aubaine pour le régime, qui a toujours cherché à se présenter comme un rempart contre les extrémistes »[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Fabrice Balanche, « Preventing a Jihadist Factory in Idlib », The Washington Institute, 31 août 2017.
  2. Brice Pedroletti et Madjid Zerrouky, « L’EI appelle les Ouïgours à frapper la Chine », Le Monde,
  3. Georges Malbrunot, « Entre djihad et Turquie, le dilemme des salafistes syriens », Le Figaro,
  4. Ryan O'Farrell, « Mapping Syria’s Armed Opposition: Rebel Groups by Theater », sur Medium.com,
  5. a b et c (en) Izat Charkatli, « Over 2,000 radical rebels defect to ISIS following intra-rebel deal », Al-Masdars News,
  6. a et b Le Monde avec AFP, « Syrie : de nombreux corps de rebelles découverts dans des fosses communes »,
  7. a et b Reuters, « Un massacre signalé dans l'ouest de la Syrie », L’Orient-Le Jour,
  8. a b c d et e AFP, « Syrie: près de 70 morts dans des affrontements entre jihadistes », L’Orient-Le Jour,
  9. a b c d e f et g Georges Malbrunot, « À Idlib, en Syrie, la guerre est déclarée entre djihadistes et rebelles », Le Figaro,
  10. Célian Macé, « En Syrie, une trêve sous le signe du duo Poutine-Erdogan », Libération,
  11. Benjamin Barthe, « Syrie : quelles sont les forces en présence à Astana ? », Le Monde,
  12. a b c d e f g h et i Caroline Hayek, « En Syrie, une trêve aux accents de guerre intestine rebelle », OLJ,
  13. a et b Olivier Tallès, La Croix avec AFP, « En Syrie, la guerre dans la guerre des rebelles d’Idlib »,
  14. a b c d e f et g Benjamin Barthe, « Les groupes djihadistes accentuent leur emprise sur le nord-ouest de la Syrie », Le Monde,
  15. Fabrice Balanche, « Status of the Syrian Rebellion: Numbers, Ideologies, and Prospects », The Washington Institute,
  16. Armin Arefi, « Frappes américaines en Syrie : avertissement sans frais pour Bachar el-Assad », Le Point,
  17. a et b Laure Stephan, « Idlib, terminus des naufragés de la révolution syrienne », Le Monde,
  18. a b c d et e Romain Caillet, « Jihadistes proches d’al-Qaïda et rebelles radicaux s’unissent pour former l’Organisation de Libération du Sham », Jihadologie,
  19. Reuters, « Combats entre l'ASL et Fateh el-Cham dans le nord-ouest de la Syrie », L’Orient-Le Jour,
  20. (en) « In conjunction with the Astana meetings… war is wide opened against Fateh al-Sham Front after three years of similar war against the “Islamic State” organization », OSDH,
  21. a et b AFP, « Syrie: des combats dans le nord entre un groupe djihadiste et des rebelles », La Presse,
  22. a et b AFP, « Syrie : combats entre Fateh el-Cham et des rebelles dans la province d'Idleb », L’Orient-Le Jour,
  23. Reuters, « Syrie : une faction de l'ASL écrasée par les jihadistes », L’Orient-Le Jour,
  24. a et b Lisa Barrington et Tom Perry, Reuters, « Regroupement de factions rebelles syriennes face au Front Fateh al Cham »,
  25. Hassan Ridha, « Ansar al-Sham Battalion joins Tahrir al-Sham. Al-Qaeda still swallowing up other groups + occasional defection from Ahrar al-Sham », twitter, , , .
  26. InfosWars MENA, « La Katiba Ansar al-Sham rejoint l'organisation Hayat Tahir Sham #HTS #Syria #Syrie », twitter,
  27. AFP, « Syrie: deux groupes jihadistes annoncent leur rapprochement »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?),
  28. (en) « Jund al-Aqsa have re-branded to Liwa Aqsa and are allegedly in the process of assaulting several opposition held towns in Hama. », sur scoopnest.com, (consulté le )
  29. Romain Caillet, « Al-Maqdisi dénonce le « laxisme » de l’ex-Nusra et sa rupture avec al-Qaïda », Jihadologie,
  30. (en) « Jund al-Aqsa organization controls 17 villages, towns and cities in the countryside of Idlib and Hama », OSDH,
  31. Le Parisien avec AFP, « Syrie : plus de 40 djihadistes exécutés dans des affrontements entre bandes rivales »,
  32. (en) « The bodies of 172 of the factions’ fighters were recovered and found, they were executed by Jund al-Aqsa organization in the countryside of Idlib and Hama », OSDH,
  33. (en) « Finnaly after 3 months of waiting. New group, "Liwa Aqsa" now storming the north Hama region & expeling FSA from all major towns », sur twitter.com, (consulté le )
  34. Le Figaro avec Reuters, « Syrie: des combats entre islamistes font 69 morts »,
  35. Chris Tomson, « Jund al-Aqsa completely besieged by rival rebel factions around two towns in Idlib », Al-Masdars News,
  36. (en) « Death toll of the fighting between Hayyaat Tahrir al-Sham and Jund al-Aqsa rises to more than 125 fighters including 40 executed by the last mentioned, and the Turkestan Party spreads in the countryside of Idlib and Hama », OSDH,
  37. (en) « Warplanes bomb ammunition dump of Jund al-Aqsa kill and injure about 25 members », OSDH,
  38. Wassim Nasr, « #Syrie les jihadistes de Liwa alAqsa vont quitter #Hama vers #Raqqa pr rejoindre l'#EI avec armes & bagages sauf chars = », twitter, 17 février 2017.