Chrysóstomos Dimitríou — Wikipédia

Chrysóstomos Dimitríou
Χρυσόστομος Δημητρίου
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Voir et modifier les données sur Wikidata (à 68 ans)
AthènesVoir et modifier les données sur Wikidata
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Chrysóstomos Dimitríou (en grec moderne : Χρυσόστομος Δημητρίου ; - ), également connu sous ses noms épiscopaux de Chrysostomos de Zante ou Chrysostomos de Trifylias et Olympias, est l'évêque orthodoxe de l'île de Zante pendant la Seconde Guerre mondiale et l'évêque orthodoxe de Triphylie et Olympie par la suite jusqu'à sa mort.

Il est connu pour avoir, avec le maire Lucas Carrer, sauvé de la Shoah les Juifs de l'île et pour cela a reçu le titre de Juste parmi les Nations.

Biographie[modifier | modifier le code]

Avant la Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Chrysóstomos Dimitríou naît en 1889 dans la ville du Pirée, le principal port d'Athènes[1]. Il étudie la théologie à l'École théologique d'Athènes et est ordonné diacre en puis prêtre le par Théoclet Ier d'Athènes[1]. Il sert ensuite comme prêcheur dans le diocèse de Démétrias et de Thèbes avant d'être envoyé étudier la théologie à Munich, en Allemagne, où il apprend l'allemand[1],[2]. Pendant son séjour à Munich, il rencontre Adolf Hitler et les deux échangent sur la question du Nazisme[3].

Après son retour en Grèce, il est nommé secrétaire du Saint-Synode de l'Église de Grèce avant d'être ordonné métropolite de Zante[1]. Dès le début de son travail en tant que métropolite à Zante, il montre de la sympathie envers les Juifs de l'île et pour cela, est critiqué par les fanatiques orthodoxes[2],[4]. En 1935, il rejoint la secte du vieux-calendarisme, mais après avoir été condamné par le Saint-Synode, il publie une repentance publique et est réadmis comme métropolite légitime de Zante[1]. Pendant son épiscopat, Chrysóstomos s'implique aussi dans les questions religieuses de son époque ; ainsi, il est influent pour l'un des deux mouvements de chants religieux en Grèce à son époque, notamment en soutenant Ioannis Sakellaridis[5].

Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Pendant la première partie de la guerre, l'île tombe sous l'occupation italienne. Il s'engage en faveur des prisonniers de guerre pour obtenir leur libération. Il est arrêté par les autorités et exilé à Athènes pendant un an avant de retourner dans son évêché[2],[4]. Le , six jours après la reddition de l'Italie, les Allemands prennent possession de l'île[6]. Les nazis commencent à faire des plans pour déporter les Juifs de l'île, qui ont jusqu'alors survécu à l'Holocauste[3]. L'administration de l'île passe sous les autorités d'occupation nazies, en l'occurrence le chef de la police allemande, Baerens et le colonel de la Wehrmacht, Alfred Lüth[3].

Ils demandent au métropolite et au maire Lucas Carrer de leur remettre une liste des Juifs résidant sur l'île afin de procéder à la déportation dans les camps de la mort[2],[6],[3]. Le métropolite demande alors à Lucas Carrer de brûler la liste et se rend chez le gouverneur allemand, Lüth[7],[8]. Il lui dit que les Juifs de l'île font « partie de son troupeau » et qu'il ne peut pas lui donner la liste, puis, face à son insistance, écrit son nom sur un bout de papier et déclare « Voici la liste. »[2],[6],[3]. Dans d'autres échanges avec le gouverneur, il aurait déclaré que les Juifs « n'ont jamais dérangé personne », qu'ils « sont comme les autres Grecs » et que cela « offenserait grandement la population de Zante s'ils venaient à partir »[9]. Par ailleurs, Chrysostomos Dimitriou aurait soudoyé le gouverneur avec un diamant[3]. Selon Chrysostomos, les Juifs sont des « frères au sens spirituel », bien qu'ils ne soient pas orthodoxes[10].

Après avoir averti la communauté juive, il leur promet que les insulaires grecs les protégeraient, et malgré les tentatives des Allemands de procéder quand même à la déportation, la communauté juive de Zante parvient à échapper à la déportation[6],[11],[12]. Ceci est rendu possible par l'aide apportée par les villages de montagne, qui peuvent alors cacher les Juifs[11]. Selon les historiens, la totalité des 275 Juifs de l'île est sauvée par ce procédé[13]. De plus, sa famille s'implique aussi dans la résistance, comme sa soeur, Vassiliki Stravolemos, qui parle aussi allemand et peut ainsi faire soigner les Juifs malades directement dans l'hopital allemand grâce à des médecins allemands complices[3].

Il aurait ensuite écrit un télégramme à Adolf Hitler en lui déclarant que les Juifs de l'île sont sous son autorité[3],[9]. Ce télégramme a pu être consulté par des proches mais il a été perdu à la suite d'un tremblement de terre, ce qui rend son authenticité difficile à confirmer ou infirmer[3]. Il soutient avoir suivi les ordres de l'archevêque d'Athènes, Damaskinos, qui avait alors déclaré[6] : « J'ai pris ma croix. J'ai parlé au Seigneur et j'ai décidé de sauver autant d'âmes juives que possible. »

Selon une légende répandue au sein de la communauté juive et orthodoxe de Zante, il aurait de lui-même empêché le départ d'un convoi d'une soixantaine de déportés en se rendant devant le bateau censé les emmener[14]. Cependant, il s'agit d'une légende, les Juifs n'ayant en réalité jamais été capturés et arrêtés sur l'île, étant cachés dans les montagnes[14].

Après la Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Après la guerre, la communauté juive finance les vitraux de l'église Saint Dimitri à Zante en son honneur[15]. Il est ensuite transféré, peu avant sa mort, dans l'archevêché de Triphylie et d'Olympie, avant de mourir à Athènes le [1].

Postérité[modifier | modifier le code]

Historique[modifier | modifier le code]

Le , il reçoit le titre de Juste parmi les Nations, avec Lucas Carrer, pour ses actions visant à protéger les Juifs du génocide[6]. Il est considéré comme l'un des exemples centraux de la Résistance grecque et de la lutte grecque contre la Shoah[16].

Artistique[modifier | modifier le code]

Il est un personnage dans Fugitive Pieces d'Anne Michaels, où il intervient pour sauver la communauté juive de l'île[17],[18],[19],[20]. Dans un passage de Fig Tree de Arnold Zable, l'auteur met en relation Chrysostomos Dimitriou et la notion grecque de xénophilie[21].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e et f « Μητροπολίτης Τριφυλίας Χρυσόστομος Δημητρίου (+ 22-10-1958) », users.sch.gr (consulté le )
  2. a b c d et e (el) « ΜΗΤΡΟΠΟΛΙΤΗΣ ΖΑΚΥΝΘΟΥ - Εβραϊκό Μουσείο Ελλάδος », www.jewishmuseum.gr,‎ (consulté le )
  3. a b c d e f g h et i KEREM et כרם, « הישרדותם של יהודי זקינתוס בתקופת השואה / THE SURVIVAL OF THE JEWS OF ZAKYNTHOS IN THE HOLOCAUST », Proceedings of the World Congress of Jewish Studies / דברי הקונגרס העולמי למדעי היהדות, vol. י,‎ , p. 387–394 (ISSN 0333-9068, lire en ligne)
  4. a et b « Επιφανείς Ζακυνθινοί στο σύγχρονο Ελληνικό Κράτος~ 27/1 Ημέρα Μνήμης Θυμάτων Ολοκαυτώματος: Μητρ. Χρυσόστομος Δημητρίου και Δημ. Λουκάς Καρρέρ / Μουσείο Σολωμού & Επιφανών Ζακυνθίων », zakynthos-museumsolomos.gr (consulté le )
  5. Nikos Ordulidēs, Musical nationalism, despotism and scholarly interventions in Greek popular music, Bloomsbury Academic, (ISBN 978-1-5013-6944-5)
  6. a b c d e et f (en) « Metropolitan Chrysostomos, Mayor Lucas Carrer », www.yadvashem.org (consulté le )
  7. Fleischer, H. The Question of Waldheim’s Wartime Guilt in the Balkans. The Journal of Modern Hellenism, 8, 131-141. https://journals.sfu.ca/jmh/index.php/jmh/article/view/120/121
  8. Christoph U. Schminck-Gustavus, « Salvati dai Giusti tra le Nazioni : per la storia della comunità ebraica di Zante », dans Dopo i testimoni : memorie, storiografie e narrazioni della deportazione razziale / a cura di Marta Baiardi e Alberto Cavaglion., Viella (DOI 10.1400/223914, lire en ligne)
  9. a et b Holocaust Memorial Day, 2011, Dublin https://www.tandis.odihr.pl/bitstream/20.500.12389/21429/1/07358.pdf
  10. Valentina Pisanty, « Banalizzare e sacralizzare », Dopo i testimoni. Memorie, storiografie e narrazioni della deportazione razziale (a cura di Marta Baiardi e Alberto Cavaglion),‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. a et b (en) Adele Baruch, « Chapter 4: Stories of Networks of Help During the Holocaust », Narrative Works: Issues, Investigations, & Interventions, vol. 9, no 1,‎ , p. 65–92 (ISSN 1925-0622, DOI 10.7202/1068124ar, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Mary Bell, Conversations with Hitler or – Quid Est Veritas?: Apostles & Victims, AuthorHouse, (ISBN 978-1-5462-9485-6, lire en ligne)
  13. Lessons From the Shoah in Greece: Judenrat and Resistance, Steven Bowman, THE JOURNAL OF MODERN HELLENISM https://journals.sfu.ca/jmh/index.php/jmh/article/view/238
  14. a et b Yolanda Avram Willis, A hidden child in Greece: rescue in the Holocaust, AuthorHouse, (ISBN 978-1-5246-0179-9, 978-1-5246-0180-5 et 978-1-5246-0178-2)
  15. « Dimitrios Chrysostomos, métropolite grec | Juste parmi les Nations », www.yadvashem.org (consulté le )
  16. (en) Panteleymon Anastasakis, The Church of Greece under Axis Occupation, Fordham Univ Press, (ISBN 978-0-8232-6201-4, lire en ligne)
  17. Dalia Kandiyoti, « "Our Foothold in Buried Worlds": Place in Holocaust Consciousness and Anne Michaels's "Fugitive Pieces" », Contemporary Literature, vol. 45, no 2,‎ 22/2004, p. 300 (DOI 10.2307/3593568, lire en ligne, consulté le )
  18. (en) Anne Michaels, Fugitive Pieces, McClelland & Stewart, (ISBN 978-1-55199-391-1, lire en ligne)
  19. Michael Richardson, « “Every Moment Is Two Moments”: Witnessing and the Poetics of Trauma in Fugitive Pieces, by Anne Michaels », Journal of Literature and Trauma Studies, vol. 3, no 1,‎ , p. 81–99 (ISSN 2045-4740, lire en ligne, consulté le )
  20. (en) Ian Rae, From Cohen to Carson: The Poet's Novel in Canada, McGill-Queen's Press - MQUP, (ISBN 978-0-7735-7492-2, lire en ligne)
  21. Richard Freadman, « The Bonds of Civility Cut Asunder: Arnold Zable as Post-Holocaust Life Writer », Biography, vol. 28, no 1,‎ , p. 117–129 (ISSN 0162-4962, lire en ligne, consulté le )