Christianisme oriental — Wikipédia

Le christianisme oriental regroupe plusieurs branches du christianisme et différentes confessions : les Églises antéchalcédoniennes (telles que les églises des trois conciles et les églises de l'Orient), l'Église orthodoxe et les Églises catholiques orientales.

L'« Orient chrétien » (en rose et violet pâle) aux XIIe – XIIIe siècles.

Les historiens emploient cette expression pour désigner la chrétienté de l'Europe orientale après le schisme de 1054, par opposition au « christianisme occidental ». Cette rupture, qui a vu se définir un Occident « latin » et un Orient « byzantin », a eu des répercussions à la fois politiques et théologiques.

L'Église orthodoxe, avec ses quelque 280 millions de fidèles au début du XXIe siècle, forme une communauté largement majoritaire parmi les communautés issues de ce christianisme oriental.

Les « chrétiens d'Orient », quant à eux, sont des chrétiens de diverses confessions (antéchalcédoniens, orthodoxes, catholiques, protestants) qui vivent au Proche et au Moyen-Orient. Ils représentent une petite minorité de 10 à 11 millions de personnes.

Origines[modifier | modifier le code]

Les Églises chrétiennes d'Orient, ou, Églises orientales, sont les communautés chrétiennes qui se sont formées et organisées au cours des siècles dans la partie orientale de l'Empire romain[1]. Les villes de Jérusalem, d'Antioche et d'Alexandrie jouent le rôle de capitales ecclésiastiques.

Chapelle copte du Saint-Sépulcre, à Jérusalem.

En 330, l'empereur Constantin Ier transfère la capitale de l'empire de Rome à Constantinople (rebaptisée Nea Roma, « Nouvelle Rome »), qui devient un grand foyer intellectuel. À Rome, première capitale impériale, l'évêque de la capitale impériale (qui fait remonter la fondation de son Église à l'apôtre Pierre) a rang de patriarche, avec les titres (initialement purement honorifiques) de « pontife » et de « premier parmi ses pairs » (en latin Primum inter pares). Le premier concile de Constantinople en 381 place le siège de Constantinople au second rang, juste après celui de Rome.

On aboutit alors à la Pentarchie : les cinq centres historiques de Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem (dans leur ordre de préséance et de primauté). En dehors de l'Empire romain, les chrétiens sont libres de s'organiser en Églises indépendantes.

Le monde chrétien connaît ensuite plusieurs controverses christologiques, ainsi que des bouleversements idéologiques et politiques.

Présentation[modifier | modifier le code]

Basilique Sainte-Sophie de Constantinople.
Débat entre catholiques latins et chrétiens orientaux, 1290.

Les différends théologiques apparus lors des conciles d'Éphèse en 431 (proclamation de Marie en tant que Théotokos, « mère de Dieu ») et de Chalcédoine en 451 (proclamation de la double nature du Christ, vrai Dieu et vrai Homme) ont conduit à la naissance de plusieurs traditions au sein du christianisme[2].

À partir du Ve siècle, les Églises orientales se subdivisent en deux groupes : les Églises antéchalcédoniennes (ou non chalcédoniennes, ou encore orientales anciennes) et les Églises chalcédoniennes[1],[3].

Églises antéchalcédoniennes (ou orthodoxes orientales)[modifier | modifier le code]

Les Églises antéchalcédoniennes, ou « non chalcédoniennes », ou encore « orthodoxes orientales »[3] se répartissent en deux communautés : les Églises dites « nestoriennes » et les Églises dites « monophysites »[1],[4]. La dénomination la plus courante de ces deux ensembles est devenue, respectivement, celle d'Églises des deux conciles et d'Églises des trois conciles.

Églises des deux conciles[modifier | modifier le code]

La communauté des Églises des deux conciles n'a accepté que les deux premiers conciles œcuméniques de la « Grande Église », d'où son appellation « des deux conciles ». Parfois nommée « nestorienne » (ou Église apostolique d'Orient), elle se développe à partir du Ve siècle au sein de l'Empire perse puis du califat de Bagdad. Elle a adopté le symbole de Nicée-Constantinople et récuse les décisions ultérieures, dont le titre de Théotokos pour désigner la Vierge Marie[1].

Les Églises des deux conciles comprennent :

Elles comptent en tout environ 250 000 baptisés.

Certains de ces fidèles forment aujourd'hui une partie des chrétiens d'Orient, qui sont environ 11 millions en totalité.

Églises des trois conciles[modifier | modifier le code]

Les Églises des trois conciles (anciennement « orthodoxes orientales », Oriental Orthodox en anglais) ont accepté le troisième concile œcuménique (celui d'Éphèse, en 431), d'où leur appellation « des trois conciles », et refusé le quatrième (celui de Chalcédoine, en 451, qui condamne le monophysisme). Parfois nommées « monophysites »[5], elles comprennent :

Elles comptent en tout environ 60 millions de baptisés.

Certains de ces fidèles forment aujourd'hui une partie des chrétiens d'Orient, qui sont environ 11 millions en totalité.

L'ensemble antéchalcédonien[modifier | modifier le code]

Les Églises des deux et des trois conciles récusent la christologie du concile de Chalcédoine (451)[1],[6] (qui condamne le monophysisme et affirme l'existence de deux natures, divine et humaine, en la personne unique de Jésus-Christ), ce qui leur vaut l'appellation d'« antéchalcédoniennes ».

Elles ne font pas partie de l'Église orthodoxe proprement dite[6] mais sont en dialogue avec elle[7]. Odon Vallet souligne qu'elles « ont affirmé de nettes différences dogmatiques et ne sont donc pas orthodoxes »[8].

L'ensemble des Églises antéchalcédoniennes compte un peu plus de 60 millions de fidèles[9].

Église orthodoxe (ou orthodoxe chalcédonienne)[modifier | modifier le code]

Cathédrale du Christ-Sauveur (Moscou), reconstruite dans les années 1990.

L'Église orthodoxe, ou « orthodoxe chalcédonienne[10] » (Eastern Orthodox en anglais)[3], c'est-à-dire la communion des Églises des sept conciles, se qualifie elle-même d'« Église orthodoxe »[1]. Elle représente l'une des trois confessions majeures du christianisme, avec le catholicisme et le protestantisme[11], et réunit 12% des 2,4 milliards de chrétiens. Selon l'Atlas du christianisme mondial, la population orthodoxe compte près de 275 millions de fidèles en 2010[9]. La majorité d'entre eux (177 millions) vit en Europe de l'Est, dont plus de 110 millions en Russie[9]. Ces chiffres augmentent ensuite jusqu'à un total de 283,1 millions[12].

L'Église orthodoxe (ou ensemble des Églises « byzantino-slaves »), se divise en :

Églises catholiques orientales[modifier | modifier le code]

Laure melkite de Netofa (Israël).

Les Églises catholiques orientales (improprement nommées « uniates ») font pleinement partie de l'Église catholique (Église des 21 conciles). Elles sont « romaines » mais de rite non latin.

Selon l'Annuaire pontifical, les Églises catholiques orientales comptent 18 millions de fidèles, soit 1,5% des catholiques, qui sont plus de 1,2 milliard en tout.

Certains de ces fidèles forment aujourd'hui une partie des chrétiens d'Orient, qui sont environ 11 millions en totalité.

Chronologie[modifier | modifier le code]

Évolution au XXIe siècle[modifier | modifier le code]

Europe orientale[modifier | modifier le code]

Cathédrale Sainte-Sophie de Kiev.

La fin de l'Union soviétique et de la domination russo-soviétique en Europe centrale et orientale a permis une nouvelle liberté religieuse et un renouveau des Églises orthodoxes et catholiques orientales dans cette région. Cela ne va pas sans situations conflictuelles.

La situation est particulièrement complexe en Ukraine et en Roumanie avec la restauration des églises grecque-catholique ukrainienne et grecque-catholique roumaine (qui avaient été liquidées en 1946 au bénéfice respectivement des églises orthodoxe russe et orthodoxe roumaine) et avec la création de plusieurs Églises orthodoxes nouvelles, ne voulant plus être inféodées aux hiérarchies en place à l'époque communiste. La tension tient aussi aux conflits à propos de la restitution de lieux de culte anciennement « Uniates », que les églises orthodoxes ont reçu du pouvoir communiste et qu'elles entendent conserver. L'Église orthodoxe russe, pour qui l'Ukraine fait partie de son territoire canonique traditionnel et qui se considère comme étant la seule héritière légitime de l'ancienne Rus' kievienne, suit cette évolution avec intérêt et préoccupation. Des évolutions similaires peuvent être observées en Biélorussie (où la liberté religieuse est très relative), en Moldavie et chez les Russes des pays baltes.

La Russie elle-même connaît de nombreux débats et situations conflictuelles (rôle et positionnement de l'Église orthodoxe officielle et de ses dirigeants pendant la période soviétique, rapports avec l'Église orthodoxe russe hors frontières, développement de l'Église grecque-catholique russe, la sortie de la clandestinité de l'« Église des catacombes », l'encadrement de la diaspora russe en Occident…).

Proche et Moyen-Orient[modifier | modifier le code]

La tendance des dernières décennies est celle d'une émigration des chrétiens des pays du Proche- et du Moyen-Orient vers l'Europe occidentale, l'Amérique du Nord et l'Australie. Aujourd'hui, certaines Églises orientales peuvent pratiquement être considérées comme des « Églises en diaspora », à l'exemple de l'Église apostolique assyrienne de l'Orient dont le primat et la majorité des fidèles sont aujourd'hui installés en Occident. Ces départs de zones traditionnellement chrétiennes peuvent avoir différentes causes, économiques, politiques ou religieuses.

Les communautés une fois installées en Occident peuvent connaître des évolutions diverses : de l'assimilation et la perte de l'identité culturelle et religieuse, à la réaffirmation et au renouveau de cette identité.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e et f Henri-Irénée Dalmais et Hervé Legrand, « Églises chrétiennes d'Orient », Encyclopædia Universalis.
  2. Jérémie Lanche, in La Vie, Paris, 6 septembre 2012.
  3. a b et c Antoine Arjakovsky, Qu'est-ce que l'orthodoxie ?, coll. « Folio essais », 2013, p. 69-81.
  4. Irénée-Henri Dalmais et Hervé Legrand, Encyclopædia Universalis, article « Églises chrétiennes d'Orient », § Le clivage chalcédonien.
  5. « Églises non chalcédoniennes », Encyclopædia Universalis.
  6. a et b Antoine Arjakovsky, Qu'est-ce que l'orthodoxie ?, Gallimard, coll. « Folio essais », 2013, p. 69-76.
  7. Syrian Orthodox Resources – Middle Eastern Oriental Orthodox Common Declaration
  8. Odon Vallet, Petit lexique des idées fausses sur les religions, Le Livre de poche, p. 141-142.
  9. a b et c Antoine Arjakovsky, Qu'est-ce que l'orthodoxie ?, coll. « Folio essais », 2013, p. 63 sq.
  10. Ou parfois « orthodoxe d'Orient », ce qui introduit une confusion avec « orthodoxe orientale ».
  11. Olivier Clément, Jean Gouillard et Bernard Dupuy,« Église orthodoxe », Encyclopædia Universalis.
  12. (en) Pew Research Center, « Global Christianity : A Report on the Size and Distribution of the World’s Christian Population », sur pewforum.org, (consulté en ), p. 28.
  13. Jacques-Paul Migne, Troisième et dernière Encyclopédie théologique, vol. 53, 1837 - [1]
  14. Œuvre d'Orient, site officiel
  15. La Croix, article de 2007
  16. Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, « L'Œuvre d'Orient ».

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Antoine Arjakovsky, Qu'est-ce que l'orthodoxie ?, coll. « Folio essais », 2013 (ISBN 978-2-07-043772-6)
  • Julius Assfalg et Paul Krüger, Petit dictionnaire de l'Orient chrétien, Brepols, Turnhout, 1991 (ISBN 2503500625)
  • Ghislain Brunel (dir.), La présence latine en Orient au Moyen Âge, Centre historique des Archives nationales / Champion (col. Documents inédits des Archives nationales), Paris, 2000 (ISBN 2745304097)
  • Henri-Irénée Dalmais et Hervé Legrand, « Églises chrétiennes d'Orient », Encyclopædia Universalis
  • Alain Ducellier, Byzance et le monde orthodoxe, Armand Colin (col. U), Paris, 1997 (3e éd.) (ISBN 2200015216)
  • Alain Ducellier, Chrétiens d'Orient et Islam au Moyen Âge VIIe – XVe siècle, Armand Colin (col. U), Paris, 1999 (ISBN 2200014481)
  • Anne-Marie Eddé, Françoise Micheau et Christophe Picard, Communautés chrétiennes en pays d'Islam du début du VIIe siècle au milieu du XIe siècle, SEDES, Paris, 1997 (ISBN 2718190353)
  • Raymond Janin, Les Églises et les rites orientaux, Letouzey & Ané, Paris, 1997 (ISBN 2706302062) (5e éd. avec compléments bibliographiques, 1re éd. 1922)
  • Pierre Maraval, Lieux saints et pèlerinages d'Orient : histoire et géographie, des origines à la conquête arabe, Cerf, Paris, 1985 (ISBN 2204022144)
  • Jean Meyendorff, Unité de l'Empire et divisions des chrétiens : l'Église de 450 à 680, Cerf, Paris, 1993 (ISBN 2204046469)
  • Jean Meyendorff et Aristeides Papadakis, L'Orient chrétien et l'essor de la papauté : l'Église de 1071 à 1453, Cerf, Paris, 2001 (ISBN 2204066710)
  • Jean Richard, La papauté et les missions d'Orient au Moyen Âge (XIIIe – XVe siècles), École française de Rome, Rome, 1998 (ISBN 2728305196)
  • Kallistos Ware, L'Orthodoxie, l'Église des sept conciles, Cerf, 2002 (ISBN 2204071021)
  • François Thual, Géopolitique de l'orthodoxie, Dunod, 1993 (ISBN 2100020722)
  • Raphaëlle Ziadé, L'art des chrétiens d'Orient. De l'Euphrate au Nil, Citadelles & Mazenod, 2022 (ISBN 2850888842)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]