Homme de douleurs — Wikipédia

Avec la croix, par Lorenzo Monaco.
Avec les anges et la croix par Benedetto Rusconi.
Avec anges et tunique, musée de Brou, Bourg-en-Bresse.
Figure seule par Pietro Lorenzetti.

L'Homme de douleurs est une représentation de l'iconographie chrétienne du Christ entre sa mort et sa Résurrection. L'expression vient d'un verset des Cantiques du Serviteur dans le Livre d'Isaïe : « Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance[1]... ». Le mot « douleurs » est toujours au pluriel : אִישׁ מַכְאֹבוֹת (ish makh'ovot) dans la Bible hébraïque et vir dolorum dans la Vulgate.

Origine du thème[modifier | modifier le code]

La représentation qui est à l'origine de ce thème est développée à partir de l'image de l'épitaphios byzantin (VIIIe siècle), une icône byzantine en mosaïque réputée miraculeuse sous le nom de Imago pietatis, une image de dévotion qui parvient en Occident vers le XIIIe siècle où elle est reprise en sculpture[2], en peinture et en enluminure dans les manuscrits.

En Italie elle renouvelle la représentation ancienne[3] du Christ « triomphant » « en gloire[4]  » ou « en majesté », en le transformant (puis pour la supplanter[5]), en le montrant, en « homme de douleurs », dans l'intention manifeste de la pré-Renaissance d'humaniser le propos religieux, comme la « Vierge de l'humilité » et la « Vierge de maternité » versus la « Vierge en majesté »[6].

Les Primitifs flamands et allemands (qui le nomme du nom précis de Schmerzensmann ) reprendront également cette iconographie nouvelle[7].

Cette forme particulière laissera, au XVIe siècle, la place aux représentations plus plastiques du Christ[8].

Représentation[modifier | modifier le code]

Attributs[modifier | modifier le code]

Le Christ, entre mort et Résurrection[1], est représenté debout, ressuscité, sortant de la cuve du sarcophage de son tombeau, et seul le haut de son corps est visible[9], blessures bien en évidence (ostentatio vulnerum, « ostentation des blessures ») sur le flanc et les mains, couronne d'épines sur la tête, le plus souvent les bras croisés sur l'abdomen, portant le périzonium.

Auréolé, il peut être entouré de figures saintes (assistant anachroniquement à la Résurrection, comme Jean le Baptiste, déjà mort avant la Crucifixion de Jésus) ou célestes (anges, le soutenant ou non), la croix de la Crucifixion peut apparaître en fond centrée sur sa tête, avec ou non en présence des Arma Christi.

Il peut porter une tunique rouge reposant sur ses épaules.

Cette représentation existe en peinture et enluminure, en sculpture. Certaines représentations picturales sont des éléments de polyptyque surmontant les autres panneaux (ex : Jacopo Bellini, Triptyque de la Vierge).

Précisions iconographiques[modifier | modifier le code]

On ne le confondra pas avec :

  • Le Christ aux plaies ou Christ mort soutenu par deux anges, très similaire mais apparu plus récemment (XVe siècle, la représentation accentuée sur les cinq plaies du Christ n'est pas seulement en buste et un paysage est souvent présent (Andrea del Castagno).
  • Le Christ de pitié ou Christ aux liens, une des figures du Christ souffrant attendant la mort pendant sa Passion.
  • Le Christ aux outrages, portant des attributs de roi avec des soldats se moquant de lui, pendant sa condamnation (Fra Angelico, fresque de la cellule 7 du dortoir des moines au couvent San Marco).
  • Le Christ à la colonne, attaché et flagellé (Fra Angelico, armoire des ex-voto d'argent)
  • Le Christ au sarcophage, mort mais ressuscité triomphant, entouré des soldats endormis et de détails nombreux rappelant le sommet du Golgotha ou d'un paysage symbolique entre vie et mort (Piero della Francesca).

Peintres usant de cette iconographie[modifier | modifier le code]

Sculpteurs du thème[modifier | modifier le code]

Bas-relief de Donatello.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Is 53:3.
  2. Sculptures allemandes de la fin du Moyen Âge : dans les collections publiques françaises : 1400-1530, Musée du Louvre, Réunion des musées nationaux (France), RMN, 1991
  3. Louis Réau, Iconographie de l'art chrétien : Iconographie des saints, Presses universitaires de France, 1959
  4. Christ pantocrator
  5. Mélanges : Moyen âge; temps modernes, Volume 96, no 2, éditions E. de Boccard, 1985, p. 683.
  6. Jacques Le Goff, Saint François d'Assise, Gallimard, coll. « Folio histoire », p. 18.
  7. De Sikkel, Les Primitifs flamands : Corpus de la peinture des anciens Pays-Bas méridionaux au quinzième siècle, 1986.
  8. Iconographie et histoire des mentalités, Centre méridional d'histoire sociale des mentalités et des cultures, Centre national de la recherche scientifique, 1979.
  9. Simona Boscani Leoni, Essor et fonctions des images religieuses dans les Alpes : l'exemple de l'ancien diocèse de Coire (1150-1530 env.), Peter Lang, 2008.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Audrey Rieber, Art, histoire et signification : un essai d'épistémologie d'histoire de l'art autour de l'iconologie d'Erwin Panofsky, Harmattan, 2012, p. 29 et 39.
  • Iconographie et histoire des mentalités, Centre méridional d'histoire sociale des mentalités et des cultures, Centre national de la recherche scientifique, 1979.
  • (en) G. Schiller, Iconography of Christian Art, Vol. II, 1972 (traduction de l'allemand), Lund Humphries, Londres, figures 471 à 475 (ISBN 0-85331-324-5)
  • Pierre Gibert, Quand les peintres lisaient la Bible, Bayard culture, 2015 (ISBN 2227488476) p. 232

Articles liés[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]