Chara (algue) — Wikipédia

Chara est un genre d'algues vertes évoluées de la famille des Characeae. Ces végétaux sont majoritairement des algues d'eau douce, seules quelques espèces vivent en eaux saumâtres, trouvées dans des habitats littoraux ou dans des zones humides exposées à l'influence du sel.

Elles appartiennent au groupe non encore bien formalisé des Charophyta (et sont de l'ordre des Charales). Linné a créé le genre Chara en 1753.

Présentes depuis au moins le Silurien (430 à 410 millions d'années)[1], elles semblent être les algues les plus proches des plantes vertes terrestres (Embryophyta). Les botanistes sont en train d'étudier leurs relations génétiques avec d'autres groupes végétaux pour confirmer ou infirmer cette hypothèse.

Ces plantes sont en régression ou ont déjà disparu d'une grande partie de leur aire naturelle et potentielle de répartition, en raison de la destruction de leur habitat, mais surtout en raison de l'eutrophisation croissante et générale de l'environnement.

En Europe, dont en France, elles sont encore mal connues, malgré l’importance de ce groupe pour la qualification et désignation de communautés végétales d’habitat d’intérêt communautaire ou en tant qu'espèces bioindicatrices[2]. Mais des groupes s'organisent, autour des conservatoires botaniques, du Muséum et de l'Agence nationale de la biodiversité pour compléter les inventaires et mieux les connaître.

Par exemple une première liste[3] de Characées a été validée pour la Picardie, en complément de la publication du « Guide des végétations des zones humides en Picardie » [4] et à cette occasion la Picardie s'est avérée abriter des populations comprenant près de 80 % des espèces de Charophytes connues en France[5] !

L'étude des Characées est la charologie.

Description[modifier | modifier le code]

Tapis de Charas
Chara sp.
photographie au microscope optique, montrant de profil la totalité d'un oogonium et d'un anthéridium de Chara

Charas et Characées sont des algues multicellulaires et branchues, caractérisées par des cellules géantes (macroscopiques, d'une longueur de 1 à 2 cm pour chaque cellule de la tige principale). Ces cellules sont généralement cortiquées ; chacune est constituée d'une grande vacuole centrale, d'un endoplasme, et du cytoplasme qui contient un ou plusieurs noyau(x) et qui est animé d'un constant mouvement, dit de « cyclose ». Cette cyclose est caractérisée par une vitesse de flux au moins huit fois plus rapide (jusqu'à 70 µm/s) que celle observée chez d'autres plantes telle que l'élodée. Ceci fait des Characées un intéressant modèle de laboratoire pour l'étude du phénomène de cyclose.

Sous la membrane plasmique, l'ectoplasme (film cytosolique sans cyclose) tapissé de chloroplastes est responsable de la photosynthèse.

Aux entrenœuds, des verticilles de « rameaux » courts (appelés phylloïdes) prennent naissance, qui donneront éventuellement lieu à une future subdivision de la plante.

Leur thalle peut atteindre 120 cm de long.

Elles n'ont pas de racines, mais se fixent dans le substrat (sable, sédiment vaseux, gravier..) par des rhizoïdes.

Après un certain temps, leur cuticule se rigidifie fortement en accumulant du carbonate de calcium. Elles prennent alors une texture dure et "griffante" au toucher (comme quand on manipule des prêles).

Certaines espèces émettent une odeur alliacée quand on les écrase.

Leur "tige" est en fait un thalle dont la partie centrale est creuse et composée de nœuds, chaque entre-nœud étant une cellule géante multinucléée. À chaque nœud, un éventail de petites ramilles la fait ressembler superficiellement aux plantes du genre Equisetum.

Chez la plante en bonne santé, on observe facilement et nettement au microscope - à l'intérieur des cellules géantes - le phénomène de cyclose (ou « streaming cytoplasmique »). On n'a jamais observé de cyclose plus rapide chez d'autres plantes. Ce mouvement, normalement entretenu par des microfilaments présents à l'intérieur de la cellule, est ralenti lorsqu'un toxique (ex : cyanure, cytochalasin B) y pénètre.

Espèces du genre Chara[modifier | modifier le code]

On en connaît environ 400 espèces dans le monde (33 en Grande-Bretagne et Irlande selon Groves et Bullock-Webster [6],[7]) cependant Stewart and Church ont réduit ce nombre à 21[8].

Habitat[modifier | modifier le code]

Mare printanière, riche en Characées qui profitent de la trouée de lumière

Hormis pour quelques espèces qui survivent en eau saumâtre ou dans des habitats maritimes périodiquement exposés aux embruns, les Characées sont des plantes aquatiques d'eau douce et claire, stagnante ou à très faible courant. Elles apprécient les eaux peu profondes (dures, éventuellement légèrement saumâtres et/ou parfois très calcaires) et ensoleillées. On les trouve parfois dans des bassins artificiels où par évaporation l'eau devient plus dure. On les trouve dans les mares, fonds de carrière inondés, lacs, en herbiers parfois denses, ou en situation de plante pionnière, éventuellement éphémère[9].

Ces plantes étant caractéristiques de milieux faiblement à moyennement riches en éléments nutritifs, on les considère comme un bon bioindicateur de qualité de l'eau du point de vue de l'oligotrophie et d'une faible turbidité. L'eutrophisation est un des facteurs responsables de leur forte régression.

Traits de vie et reproduction[modifier | modifier le code]

Les organes reproducteurs sont disposés à l'aisselle des verticilles. Les anthéridies et oogonies sont protégées par une couche de cellules (stériles à maturité). L'oogonium est de forme oblongue et se compose d'un seul "œuf", tandis que l'antheridium, sphérique, est composé de cellules produisant les spermatozoïdes. Ce qui fait des Characées les plus complexes de toutes les algues vertes et peut-être des descendantes directes d'un ancêtre qui pourrait aussi être celui de toutes les plantes terrestres.

De nombreux botanistes ont proposé que les Characées soient placées dans un embranchement particulier, souvent nommé Charophyta.

Leur classement cladistique (phylogénétique) est actuellement en cours de révision par les taxonomistes et les systématiciens.

L'étude de l'ADN et de l'ARN de ces plantes pourrait confirmer ou infirmer l'hypothèse que ces plantes aient été le chaînon entre la vie aquatique et terrestre, moment crucial dans l'évolution de l'arbre phylogénétique de la vie, passage entre les algues et les mousses, il y a plus de 400 millions d'années selon Karol et al. (2001, Science).

Biominéralisation[modifier | modifier le code]

L'activité photosynthétique des Charophytes conduit à la précipitation plus ou moins cristallisée de carbonates de calcium autochtones[10],[11] produisant une calcification intracellulaire de leur thalle et des « cellules en spirales » entourant l'oospore, appelées gyrogonites[12]. Cette incrustation est une biominéralisation[13] étudiée en paléohydrologie par des investigations isotopiques[10].

Espèces[modifier | modifier le code]

Îles britanniques[modifier | modifier le code]

Selon Stewart & Church (1992)[8]:

Picardie (liste mise à jour 2019)[modifier | modifier le code]

Autres régions[modifier | modifier le code]

Distribution[modifier | modifier le code]

Irlande[modifier | modifier le code]

Co. Antrim[16]
  • C.aspera Deth. ex Willd. var. aspera
  • C. globularis Thuill. var. globularis
  • C. vulgaris var. papillata Wallr. ex A. Braun
  • C. globularis var. virgata (Kützing) R.D.Wood
  • C. vulgaris L. var. vulgaris
  • C. vulgaris L. var. contraria (A.Braun ex Kützing) J.A. Moore
  • C. vulgaris var. longibracteata (Kützing) J. Groves & Bullock-Webster
  • C. vulgaris var. papillata Wallr. ex A. Braun
  • Nitella flexilis (L.) var. flexilis
  • Nitella translucens (Pers.) C.A. Ag.
  • Tolypella nidifica (O. Mill.) Leonh. var. glomerata (Desv.) R.D.Wood
Co. Down[16]
  • C. aspera Deth. ex Willd. var. aspera
  • C. aspera var. curta (Nolte ex Kützing) Braun ex Leonh.
  • C. globularis Thuill. var. globularis
  • C. vulgaris var. papillata Wallr. ex A. Braun
  • C. globularis var. virgata (Kützing) R.D.Wood
  • C. globularis var. annulata (Lilleblad) J.A.Moore
  • C. hispida L.
  • C. hispida var. hispida
  • C. hispida var. major (Hartm.) R.D. Wood
  • C. hispida var. rudis A. Braun
  • C. pedunculata Kützing
  • C. vulgaris L. var. vulgaris
  • C. vulgaris L. var. contraria (A.Braun ex Kützing) J.A. Moore
  • C. vulgaris var. longibracteata (Kützing) J. Groves & Bullock-Webster
  • C. vulgaris var. papillata Wallr. ex A. Braun
  • Nitella flexilis (L.) var. flexilis
  • Nitella translucens (Pers) C.A. Ag.
  • Tolypella nidifica (O. Mill.) Leonh. var. glomerata (Desv.) R.D.Wood
Co. Londonderry[16]
  • C.aspera Deth. ex Willd. var. aspera
  • C. vulgaris var. papillata Wallr. ex A. Braun
  • C. globularis Thuill. var. globularis
  • C. globularis var. virgata (Kützing) R.D.Wood
  • C. hispida L.
  • C. hispida var. hispida
  • C. vulgaris L. var. vulgaris
  • C. vulgaris L. var. contraria (A.Braun ex Kützing) J.A. Moore
  • C. vulgaris var. papillata Wallr. ex A. Braun
  • Nitella flexilis (L.) var. flexilis
  • Nitella translucens (Pers) C.A. Ag.
  • Tolypella nidifica (O. Mill.) Leonh. var. glomerata (Desv.) R.D.Wood
Co. Mayo. Publications récentes à partir de Clare Island[17].
  • C. virgata Kützing
  • N. flexilis (Linnaeus) C.Agardh
  • N. translucens (Persoon) C.Agardh

Liste d’espèces[modifier | modifier le code]

Selon World Register of Marine Species (12 avril 2018)[18] :

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Guides taxonomiques[modifier | modifier le code]

  • Conservatoire botanique national de Franche-Comté, DREAL et Région Franche-Comté () Guide illustré des Characées du nord-est de la France ; avec présentation de 35 taxons via des fiches illustrées pour la détermination (difficile) des espèces de ce groupe, avec renseignements sur son habitat (écologie, phytosociologie, répartition) ; gratuit à certaines conditions
  • Cozette P (1904) Catalogue des algues terrestres et d'eau douce du Nord de la France. Congrès des Sociétés Savantes, Section des Sciences, 1903(1904) : 254-328.
  • Tela botanica : Guide des Characées de France méditerranéenne – Tela Botanica tela-botanica.org/2015/12/article7177

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Bryant J (2007) The stoneworts (Chlorophyta, Charales). In Guiry, M.D., John, D.M., Rindi, F. and McCarthy, T.K.. New Survey of Clare Island. Royal Irish Academy (ISBN 978-1-904890-31-7)
  • Guerlesquin M & mériaux J-L (1981) Characées et végétations associées des milieux aquatiques du Nord de la France. In « Les végétations aquatiques et amphibies », Lille 1981, Coll. phytosoc., X : 415-444. Lille.
  • Morton O (1992) Charophyta. p. 91 - 94 in Hackney, P. (Ed) 1992 Stewart and Corry's Flora of the North-east of Ireland. Third edition. Institute of Irish Studies. The Queen's University of Belfast.
  • le Bail J, Lambert E & Magnanon S (2012) Pour un inventaire actualisé des Characées de l’ouest de la France. Revue du Conservatoire botanique national de Brest, E.R.I.C.A., 25 : 75-90.
  • Lloyd James (2007) "Cytoskeletal Structures Responsible for Cytoplasmic Streaming in Chara." St. Vincent-St. Mary High School in Accordance with Dr. Donald Ott of The University of Akron. (Science Inquiry)
  • Krause W (1997) Charales (Charophyceae). In ETTL, H., GÄRTNER, G., HEYNIG, H., MOLLENHAUER, D. (Eds.) : Süsswasserflora von Mitteleuropa, Bd. 18. Jena, Stuttgart, Lübeck, Ulm

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. [Sellier & Lambert 2012] Yann Sellier et Élisabeth Lambert, « Initiation à l'étude des Characées Exemple appliqué à la réserve naturelle du Pinail », Bulletin de la Société botanique du Centre-Ouest ?,‎ (lire en ligne [sur researchgate.net], consulté le ), p. 2.
    • Voir aussi [Sellier & Lambert 2013] Yann Sellier et Élisabeth Lambert, « Initiation à l'étude des characées Exemple appliqué à la réserve naturelle du Pinail - complément 2013 » (Macro/microphoto, distribution et écologie de 4 espèces (Vienne 86, France)), Bulletin de la Société botanique du Centre-Ouest, t. 47,‎ (lire en ligne [sur researchgate.net]) ; et
    [Sellier & Lambert 2015] Yann Sellier, Élisabeth Lambert, Christophe Bodin et Aurélia Lachaud, « Initiation à l'étude des Characées - Critères d'identification » (Glossaire micro- et macrophoto pour les genres Chara et Nitella - Compte-rendu de la mini-session Characées du jeudi 18 et vendredi 19 juin 2015), Bulletin de la Société botanique du Centre-Ouest ?,‎ (lire en ligne [sur researchgate.net]).
  2. « Annonce de publication du Guide illustré des Characées du nord-est de la France », sur tela-botanica.org, (consulté le ).
  3. « Liste des Characées de Picardie » [xls], sur cbnbl.org, Conservatoire botanique national de Bailleul, (consulté le ).
  4. [François, Prey et al. 2012] Rémi François, Timothée Prey, Jean-Christophe Hauguel, Emmanuel Catteau, Caroline Farvacques, Françoise Duhamel, Claire Nicolazo, Frédéric Mora, Thierry Cornier et Jean-Marc Valet, Guide des végétations des zones humides en Picardie, Co-édition du Centre régional de Phytosociologie agréé et du Conservatoire Botanique National de Bailleul, , 656 p., sur cbnbl.org (présentation en ligne, lire en ligne)
  5. « Première liste des Characées de Picardie », Flore et végétation > Algues > Characées (consulté le ).
  6. [Groves & Bullock-Webster 1920] (en) J. Groves et G.R. Bullock-Webster, The British Charophyta [« Les Charophyta britanniques »], vol. 1 : Nitelleae, Londres, éd. The Ray Society, , sur us.archive.org (présentation en ligne, lire en ligne).
  7. [Groves & Bullock-Webster 1924] (en) James Groves et George Russell Bullock-Webster, The British Charophyta [« Les Charophyta britanniques »], vol. 2 : Chareae, Londres, éd. The Ray Society, , sur us.archive.org (présentation en ligne, lire en ligne).
  8. a et b [Stewart & Church 1992] (en) N.F. Stewart et J.M. Church, Stoneworts, Peterborough, The Joint Nature Conservation Committee, coll. « Red Data Books of Britain and Ireland », , 144 p. (ISBN 1-873701-24-1, présentation en ligne).
  9. [John, Whitton & Brook 2011] (en) David Michael John, Brian Alan Whitton et A.J. Brook, The Freshwater Algal Flora of the British Isles : an identification guide to freshwater and terrestrial algae, Londres, Cambridge University Press, 2002 ? 2011 ?, 702 p., sur researchgate.net (ISBN 0-521-77051-3, présentation en ligne, lire en ligne).
  10. a et b [Apolinarska et al. 2011] (en) Karina Apolinarska, Mariusz Pełechaty et Andrzej Pukacz, « CaCO3 sedimentation by modern charophytes (Characeae): can calcified remains and carbonate δ13C and δ18O record the ecological state of lakes? - a review », Studia Limnologica et Telmatologica, vol. 5, no 2,‎ , p. 55-66 (lire en ligne [sur academia.edu], consulté le ).
  11. [Kawahata et al. 2013] (en) Chika Kawahata, Masumi Yamamuro et Yoshihiro Shiraiwa, « Changes in alkaline band formation and calcification of corticated charophyte Chara globularis », Springer Plus, vol. 2, no 85,‎ (lire en ligne [sur ncbi.nlm.nih.gov], consulté le ).
  12. [Soulié-Märrsche & García 2015] (en) Ingeborg Soulié-Märrsche et Adriana García, « Gyrogonites and oospores, complementary viewpoints to improve the study of the charophytes (Charales) », Aquatic Botany, no 120,‎ , p. 7-17 (lire en ligne [sur researchgate.net], consulté le ).
  13. [Bordenave et al. 2013] Stéphanie Bordenave, Aïcha Badou, Nadia Améziane et Sophie Berland, « Les biominéralisations, témoins de l'évolution du vivant », Le Courrier de la Nature, no 275,‎ , p. 29-37 (lire en ligne [sur researchgate.net], consulté le ).
  14. (en) « Chaetosphaeridiaceae », Integrated Taxonomic Information System (ITIS) Standard Report, sur itis.gov (consulté le ).
  15. « Conochaete comosa Klebahn », sur algaebase.org (consulté le ).
  16. a b et c [Morton 1992] (en) Osborne Morton, « Charophyta », dans P. Hackney, Stewart & Corry's Flora of the North-east of Ireland, Institute of Irish Studies et la Queen's University of Belfast, (ISBN 0-85389-446-9).
  17. [Guiry et al. 2007] (en) M.D. Guiry, D.M. John, F. Rindi et T.K McCarthy, New Survey of Clare Island [« Nouvelle étude de l'île de Clare »], vol. 6 : The Freshwater and Terrestial Algae, Royal Irish Academy, , 254 p. (ISBN 978-1-904890-31-7).
  18. World Register of Marine Species, consulté le 12 avril 2018