Centre de rétention administrative de Marseille — Wikipédia

Centre de rétention administrative de Marseille
Image de l'établissement
Dessin du Centre de rétention du Canet, à Marseille en 2020.
Localisation
Pays Drapeau de la France France
Région PACA (préfecture)
Localité Marseille
Coordonnées 43° 19′ 19″ nord, 5° 22′ 29″ est
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Centre de rétention administrative de Marseille
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Centre de rétention administrative de Marseille
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Centre de rétention administrative de Marseille
Architecture et patrimoine
Propriétaire Drapeau de la France État français
Installations
Type Centre de rétention administrative
Capacité 136 places
Fonctionnement
Date d'ouverture 2006
Opérateur(s) Drapeau de la France Ministère de l'Intérieur

Le centre de rétention administrative de Marseille, ou centre de rétention du Canet, est un centre de rétention administrative (CRA) ouvert en 2006 et situé dans le quartier du Canet, dans le 14e arrondissement de Marseille.

Il a remplacé un hangar du port de Marseille, dont la découverte par le public dans le milieu des années 1970 avait contribué au moment de « l'affaire d'Arenc » à dévoiler des pratiques de rétention non encadrées par le droit.

Le centre d'Arenc[modifier | modifier le code]

Image externe
Centre de Détention de Marseille Arenc, José Nicolas (gettyimages),

En 1963, après la grande vague des indépendances, un entrepôt d'Arenc dans le port de Marseille est utilisé par la préfecture de police pour y enfermer sans contrôle judiciaire les passagers algériens à qui l'entrée en France est refusée, en attendant leur expulsion[1],[2],[3].

En 1975, un avocat marseillais, Sixte Ugolini, alerte la presse de la disparition d'un de ses clients qui aurait été détenu dans le centre; « l'affaire d'Arenc » éclate et conduit à un débat politique sur les modalités juridiques de la rétention qui durera jusqu'en 1981[4],[5],[1],[6] (voir l'article Centre de rétention administrative en France pour plus de détails).

Les journalistes invités à visiter le centre en 2001, à la suite d'améliorations « dérisoires », témoignent de la vétusté et saleté de ce qui est qualifié de « geôle aride »[7].

Le hangar d'Arenc est abandonné en 2006 et démoli en 2009[1], son emplacement est devenu un parking pour les véhicules poids lourds sur les quais du port[2]. En 43 ans, environ 100 000 personnes y ont été retenues, y compris de très jeunes enfants[2],[8].

Le centre du Canet[modifier | modifier le code]

Ouverture[modifier | modifier le code]

En 2006, le centre de rétention d'Arenc est remplacé par un nouveau centre, au 18 boulevard des Peintures, dans le quartier du Canet à Marseille[1],[9], à 600 m de la station de métro Bougainville[10]. C'est un bâtiment neuf, de 3 262 m² et d'une capacité de 136 places[11], ce qui double la capacité d'accueil par rapport à Arenc[6].

À son ouverture, le bâtiment du Canet, non chauffé et déjà lézardé, est fait de trois blocs sur deux niveaux avec chacun une cour de promenade et 30 lits[6]. À l'ouverture du centre, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté constate[2],[10] :

« Les chambres affectées aux hommes sont dans un état déplorable : graffitis sur les murs, interrupteurs avec fils dénudés, ampoules électriques manquantes dans les blocs sanitaires, douches sans eau chaude, draps ou couvertures tenant lieu de rideaux pour les fenêtres donnant sur les cours de promenade, certains matelas et certaines couvertures sont souillés. Ces conditions d’hébergement sont indignes. »

Incidents[modifier | modifier le code]

Le , un homme turc décède dans le CRA, après s'être pendu dans sa chambre[12]. En décembre 2017, c'est un homme albanais qui avait vu sa demande d'asile rejetée qui met ainsi fin à ses jours[13],[14],[15], sept autres personnes avaient tenté de se suicider dans ce centre fin 2017, selon l'association Forum réfugiés[16].

Le centre est fermé fin 2010 après la détection de la bactérie à l’origine de la légionellose[17], puis à nouveau à la suite d'un incendie qui se déclare le [18].

L'attaque par arme blanche à la gare Saint-Charles de Marseille le par un Tunisien en situation irrégulière, conduit les préfectures à augmenter le nombre de rétentions dans toute la France ; le CRA de Marseille s'engorge[13],[19],[20],[21].

En 2022, une rixe fait 6 blessés : deux retenus et quatre policiers[22]. Deux retenus sont transportés à l'hôpital selon France 3, aucun selon la préfecture[23].

Dans la nuit du 1er juillet 2023, un incendie est déclenché dans le CRA[24]. Les pompiers interviennent, puis les CRS, violemment[25]. Un retenu tunisien meurt. La cause de la mort est une asphyxie selon les élus LFI et le collectif marseillais anti-CRA, une « prise médicamenteuse inadaptée » selon l'administration[26],[25]. L'épouse de la personne décédée porte plainte contre X et une enquête est ouverte[25]. Deux retenus sont condamnés quelques jours après l'incendie[27].

Pendant la pandémie de Covid-19[modifier | modifier le code]

Rassemblement devant le centre de rétention du Canet à Marseille le 5 septembre 2020[28].

En mars 2020, pendant la pandémie de Covid-19, les associations s'appuient sur les risques de contamination élevés et la fermeture des frontières Schengen (qui empêche les expulsions) pour demander la libération des personnes retenues. La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté et le défenseur des droits recommandent la fermeture des CRA[29], qui se vident à travers le pays, mais d'après une avocate, « la préfecture [des Bouches du Rhône] continue de placer en rétention alors qu'elle a connaissance des décisions judiciaires »[30] ; le 16 mars, 5 personnes sont encore retenues[31].

En août 2020, des retenus entament une grève de la faim[32],[33] ; selon La Provence, qui note que des grèves de la faim ont aussi commencé à Nîmes, Toulouse et Rennes, c'est pour protester contre « les conditions administratives de traitement de leurs dossiers et l'irrespect des mesures liées à l'épidémie de Covid »[34]. Le , dans le cadre d’un appel national, une manifestation a lieu devant le centre du Canet, dans lequel 63 personnes sont enfermées[28],[35],[36],[37].

A l'automne 2020, la France continue à expulser des personnes en situation irrégulière vers plusieurs pays dont les frontières sont ouvertes, et, en attendant une date de retour forcé, à les enfermer au CRA. Le 4 novembre, le centre du Canet est mis en quarantaine par la préfecture après la détection d'un cluster de personnes contaminées, le nombre de personnes enfermées descend à 67, mais la situation sanitaire reste préoccupante. Le 5 novembre des cellules sont incendiées. Les audiences publiques qui permettent d’examiner les dossiers des retenus sont maintenus, mais se déroulent en l'absence des personnes concernées, placées en quarantaine dans leurs cellules, et qui n'ont pas pu rencontrer leurs avocats[38].

Conditions de rétention[modifier | modifier le code]

Après sa visite en 2014[39], le contrôleur général des lieux de privation de liberté note que les étrangers retenus au CRA n'ont pas accès à l'accompagnement juridique auquel ils ont droit, qu'ils ne reçoivent pas à leur arrivée les informations sur leurs droits, et que « le recours aux interprètes [parait] inexistant »[40]. En 2023, le problème d'interprétariat n'a pas évolué[40]. Le député La France insoumise Bastien Lachaud dénonce après une visite du CRA en 2017 des conditions de rétention qu'il juge « inhumaines »[41],[42]. En 2018, la députée LREM Alexandra Louis visite le centre et constate que les procédures « ne fonctionnent pas »[43] et que « certaines personnes ont faim »[21]. En 2019, le CRA est visité par la députée Émilie Guerel[44], et en 2023 par deux parlementaires ; trois quarts des retenus sont originaires de Tunisie et d’Algérie[40], alors que leurs expulsions sont impossibles[45].

Mediapart consacre une série d'articles au CRA de Marseille en 2020[46] pour décrire les conditions d'enfermement[47] et les « audiences délocalisées » express du juge des libertés et de la détention, qui se tiennent à l'intérieur du centre[48] pour éviter des escortes quotidiennes au palais de justice[6],[9],[48], et dont la Cimade tient une chronique[49].

Le bâtonnier de Marseille visite l'établissement le et note que « le personnel infirmier constate que la plus grande difficulté sur le plan médical réside dans l’absence de tout soutien psychiatrique ou même d’appui psychologique, alors que la moitié des personnes retenues souffrent de problèmes d’addiction, de problèmes psychiatriques ou de problèmes psychologiques, voire des trois réunis »[25].

« Les conditions actuelles de retenue sont contraires au principe de dignité humaine et les personnes sont en insécurité permanente »[50]

— Mathieu Jacquier, bâtonnier de Marseille

Le rapport évoque aussi un « problème d’insécurité assez généralisé » et un « délabrement important des installations collectives ». Le centre passe sous la menace d’une fermeture temporaire par le tribunal administratif, saisi par un référé-liberté exigeant que cessent les « atteintes graves » portées aux retenus[51], mais celui-ci est rejeté[52],[53], le juge se satisfaisant des réparations d'urgence[54], tout en notant que le préfet n'a pas démontré « le respect actuel par l'administration des modalités de prise en charge médicale des personnes en rétention »[55].

Documents[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Olivier Bertrand, « L’entrepôt clandestin de Marseille où la France enfermait les étrangers », sur Mediapart, (consulté le )
  2. a b c et d Alain Battegay, Samia Chabani, Ed Naylor et Marie-Thérèse Tetu, « Projet « Lieux à mémoires multiples et enjeux d’interculturalité » : le cas de deux lieux en cours de patrimonialisation. La prison Montluc (Lyon) et le centre de rétention d’Arenc (Marseille). », sur www.culture.gouv.fr,
  3. Ed Naylor, « Arenc : le premier centre de rétention était clandestin », Plein droit, vol. 104, no 1,‎ , p. 32 (ISSN 0987-3260 et 2262-5135, DOI 10.3917/pld.104.0032, lire en ligne, consulté le )
  4. Alexis Spire, « Rétention : une indignation oubliée », Plein droit, vol. 50, no 3,‎ , p. 20 (ISSN 0987-3260 et 2262-5135, DOI 10.3917/pld.050.0020, lire en ligne, consulté le )
  5. Le défenseur des droits, « Les droits fondamentaux des étrangers en France » [PDF], sur www.defenseurdesdroits.fr,  : « Aussi, développée à l’origine comme une pratique policière en marge du droit, la rétention administrative n’a pas toujours bénéficié de la solide assise législative dont elle jouit aujourd’hui. Au milieu des années 1970, la découverte du centre d’Arenc, hangar situé dans l’enceinte du port de Marseille, a contribué à dévoiler les pratiques de rétention administrative au grand public. Il s’est ensuivi un important effort pour développer l’encadrement juridique de ces pratiques, au niveau réglementaire d’abord, et législatif ensuite, avec les lois des 10 janvier 1980 et 2 février 1981, puis la loi « Questiaux » du 29 octobre 1981, qui pose les bases du régime actuel de la rétention. », p. 111
  6. a b c et d La Cimade, « CENTRES ET LOCAUX DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE » [PDF], sur www.auber-sans-la-peur.org,
  7. Michel Samson, « Visite à la prison d'Arenc, reconvertie depuis 1964 en "centre de reconduite à la frontière" », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. Charlotte Rotman, « Un clandestin de 4 ans en zone d'attente. - Libération », sur www.liberation.fr, (consulté le )
  9. a et b Michel Henry, « A Marseille, un centre de rétention peut cacher un tribunal », sur Libération.fr, (consulté le )
  10. a et b « Centre de rétention administrative du Canet à Marseille », www.cglpl.fr,‎ (lire en ligne [PDF])
  11. ASSFAM Groupe SOS Solidarités, Forum Réfugiés, France terre d'asile,La Cimade et l'Ordre de Malte, Rapport 2018 sur les centres et locaux de rétention administrative, , 136 p. (lire en ligne), p. 94
  12. « Marseille. Il se suicide au centre de rétention », La Dépêche,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. a et b « Centres de rétention : des associations dénoncent des « abus » de la politique d’enfermement des migrants », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. « Le migrant qui s'était pendu au centre de rétention de Marseille est mort », sur LExpress.fr, (consulté le )
  15. « Au centre de rétention du Canet, pas la prison, mais presque », sur Marsactu, (consulté le )
  16. Reuters, « Marseille: décès d'un migrant après un suicide dans un centre de rétention », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
  17. « Le centre de rétention de Marseille rénové pour rien ? », sur Marsactu, (consulté le )
  18. « Après l'incendie, le centre de rétention du Canet en procès », sur Marsactu, (consulté le )
  19. « Marseille : le centre de rétention affiche complet depuis l'attaque commise gare Saint-Charles », sur Europe 1 (consulté le )
  20. « Le centre de rétention administrative du Canet est plein à Marseille », sur www.20minutes.fr, (consulté le )
  21. a et b Etienne Jacob, « Centres de rétention : «Je ne pensais pas que cela ressemblait autant à une prison» », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
  22. « Marseille : 4 policiers blessés dans une rixe au centre de rétention administrative », sur France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur (consulté le )
  23. « Au centre de rétention de Marseille, une rixe fait plusieurs blessés », sur Marsactu (consulté le )
  24. « Cour d'appel d'Aix-en-Provence - Rétention Administrative 6 juillet 2023 / n° 23/00979 », sur Dalloz
  25. a b c et d StreetPress, « Mort suspecte et tentatives de suicide : série noire au Cra de Marseille », sur StreetPress (consulté le )
  26. « Le Canet: un homme meurt au centre de rétention », sur BFM TV (consulté le )
  27. Nina Cardon, « Émeutes au centre de rétention de Marseille : deux condamnations malgré les zones d'ombre », sur Marsactu, (consulté le )
  28. a et b Myriam Guillaume, « L’appel national à fermer les centres de rétention résonne au Canet », sur www.lamarseillaise.fr, (consulté le )
  29. « Encore cinq personnes au centre de rétention du Canet, malgré les appels à la fermeture », sur Marsactu (consulté le )
  30. Sabrina Testa, « Coronavirus - Marseille : l'appel à la fermeture du centre de rétention du Canet », sur www.laprovence.com, (consulté le )
  31. « Encore cinq personnes au centre de rétention du Canet, malgré les appels à la fermeture », sur Marsactu, (consulté le )
  32. « Grève de la faim au centre de rétention de Marseille », sur Marsactu,
  33. Rania Gabel, « En grève de la faim contre les conditions de rétention », sur www.lamarseillaise.fr, (consulté le )
  34. « Marseille, début de grève de la faim au centre de rétention du Canet », sur La Provence,
  35. Benoît Collet et AFP, « Marseille : des manifestants demandent la fermeture des centres de rétention », sur RTL.fr, (consulté le )
  36. « Manifestation à Marseille pour la fermeture des centres de rétention », sur www.20minutes.fr, (consulté le )
  37. « Société. Marseille : manifestation contre des centres de rétention pour les sans papiers », sur www.estrepublicain.fr, (consulté le )
  38. Clara Martot, « Au centre de rétention du Canet, le virus se propage en silence », sur Marsactu, (consulté le )
  39. Contrôleur général des lieux de privation de liberté 2014.
  40. a b et c Clara Martot Bacry, « Plongée dans le centre de rétention du Canet, sas sans espoir pour étrangers sans papiers », sur Marsactu, (consulté le )
  41. « Centre de rétention de Marseille : des migrants touchés par « la faim et le froid » selon un député », sur leparisien.fr, (consulté le )
  42. « Marseille : au centre de rétention du Canet, les sans-papiers ont "faim et froid" », sur LaProvence.com, (consulté le )
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  44. « Une journée en immersion au centre de rétention administrative de Marseille », sur Var-Matin, (consulté le )
  45. Yasmine Sellami, Rémi Yang, « Algériens sans papiers : la France ne peut plus les expulser mais continue de les enfermer », sur Mediapart (consulté le )
  46. Mathilde Mathieu, « A l'ombre les indésirables », sur Mediapart (consulté le )
  47. Olivier Bertrand, « En rétention: le stress, l’ennui, même pas de quoi se raser ni se couper les ongles », sur Mediapart, (consulté le )
  48. a et b Olivier Bertrand, « En rétention: la «Speedy Gonzales» du tribunal expédie neuf recours en une heure », sur Mediapart, (consulté le )
  49. « Une justice trop loin des regards », sur Zibeline, (consulté le )
  50. « Des conditions de vie "indignes": les images du centre de rétention de Marseille, menacé de fermeture », sur BFMTV (consulté le )
  51. Agence France-Presse, « Le CRA de Marseille sous la menace d’une fermeture administrative pour « dysfonctionnements » », sur Mediapart (consulté le )
  52. AFP, « Marseille : la justice rejette la requête de fermeture du centre de rétention », sur Le Figaro, (consulté le )
  53. « Marseille : la justice rejette la requête de fermeture du centre de rétention du Canet », sur La Provence, (consulté le )
  54. David Coquille, « Retapé, le centre du Canet à Marseille reste ouvert », sur La Marseillaise (consulté le )
  55. « Pourquoi le Centre de Rétention Administrative du Canet à Marseille échappe à une fermeture, après un rapport accablant sur ses conditions de rétention », sur France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]