Censure en république populaire de Chine — Wikipédia

Cet article recense les différents types de censure en république populaire de Chine.

La censure est aujourd'hui importante dans ce pays.

Histoire de la censure en Chine[modifier | modifier le code]

Les sept sujets qu'on ne discute pas[modifier | modifier le code]

En , une liste d’instructions du comité central en matière de censure à l'intention des cadres du Parti communiste chinois est élaborée. Connue sous le nom de Document numéro 9, la liste est intitulée officiellement « De la situation dans la sphère idéologique » et liste les sept sujets dont on ne discute pas ou « sept périls » (chinois : 七不講), qui menaceraient la suprématie du Parti communiste. Le document fait l'objet d'une diffusion restreinte au sein du parti communiste, puis est partagée par un professeur d'université sur Sina Weibo avant d'être confirmée par d'autres enseignants des établissements chinois d'enseignement supérieur[1]. Sa publication non autorisée en par la journaliste dissidente Gao Yu vaut à cette dernière d'être et jugée pour « divulgation de secrets d'État »[2], puis condamnée en à une peine de sept ans de prison[3].

Le président Xi Jinping aurait approuvé le texte, qui s'oppose à « la démocratie et aux droits de l’homme »[4]. Les points de vue contraires au Parti communiste chinois ou à sa ligne politique sont interdits et ne peuvent pas être publiés[5].

Ces sept sujets « qu'on ne discute pas » sont :

  1. Les valeurs universelles;
  2. La liberté de la presse;
  3. La société civile;
  4. Les droits civiques;
  5. Les erreurs historiques du Parti communiste chinois;
  6. Le capitalisme de connivence au sein du pouvoir;
  7. L'Indépendance judiciaire[6],[7].

Depuis la diffusion du document la répression contre les blogueurs et internautes demandant une libéralisation politique s'est intensifiée. Des militants du mouvement des nouveaux citoyens ont été arrêtés dont Wang Gongquan[8].

Censure des journalistes[modifier | modifier le code]

En 2009, il est prévu d'établir une liste noire des journalistes indésirables. Ceux-ci se verront retirer leurs cartes de presse[9].

Depuis , trois des journaux les plus libres ont connu des purges au sein de leur direction tandis qu’une dizaine de journalistes et cyberdissidents ont été arrêtés par la police politique. Le président Hu Jintao, également chef du parti communiste et de l’armée, a personnellement exigé l’arrestation de Zhao Yan, collaborateur du New York Times, et Ching Cheong, journaliste d’investigation hongkongais. L'association Reporters sans frontières signale qu'en 2004, Hu Jintao avait déclaré publiquement son admiration pour le modèle cubain de contrôle de la presse.

Concernant les immolations de Tibétains en 2011 et 2012, très peu d'informations parviennent à l'extérieur des zones tibétaines car les autorités chinoises imposent un black-out sur les communications et interdisent à la presse étrangère de se rendre sur place[10].

En , un document qui a « fuité » en ligne présente les consignes officielles chinoises à la presse chinoise sur la conduite à tenir en ces temps de tensions économiques avec les États-Unis et qui affectent l'économie et la confiance des investisseurs : « Soulignez les éléments positifs pour l’économie chinoise, qui montrent les possibilités d’un progrès régulier. Rappel : n’utilisez plus « Made in China 2025 »[a] ou il y aura des conséquences » ; « N’attaquez pas la vulgarité de Donald Trump, n’en faites pas une guerre d’insultes » ; le document indique aussi que les médias auront bientôt des éléments de langage à disposition. Ce document s'inscrit dans un contexte où les médias chinois reçoivent quotidiennement des instructions de la part des responsables de la censure, précisant les sujets interdits, ceux à traiter a minima et ceux à mettre en avant. D'après l’agence Reuters, l’agence officielle Chine nouvelle a mentionné plus de 140 fois le plan Made in China 2025 entre janvier et , mais pas une seule entre le et le [11].

Censure des films[modifier | modifier le code]

Comme seulement 20 films importés ont une permission de projection chaque année en Chine, seules les superproductions ou les films largement connus sont énumérés:

  • 1960 : Ben-Hur[12], pour son contenu de « propagande de convictions superstitieuses, à savoir le christianisme » (n'a jamais reçu de permission de projection).
  • 1994 : Vivre ![13], pour sa représentation satirique de diverses politiques et de diverses campagnes du gouvernement communiste (n'a jamais reçu de permission de projection).
  • 1997 : Kundun pour sa position sur un Tibet libre (interdiction absolue, s'applique aussi à vie à tous les films de Martin Scorsese).
  • 1997 : Sept ans au Tibet[12], pour sa position sur un Tibet libre (interdiction absolue, s'applique aussi à vie à tous les films avec Brad Pitt et David Thewlis).
  • 1999 : South Park, le film : Plus long, plus grand et pas coupé, pour sa parodie de Saddam Hussein, l'ancien Président de l'Irak (n'a jamais reçu de permission de projection).
  • 2000 : Les Démons à ma porte[14], pour sa représentation controversée de l'Occupation japonaise de Chine pendant la Guerre sino-japonaise (1937-1945) bien qu'il s'agisse d'un film réalisé par des Chinois (n'a jamais reçu de permission de projection)
  • 2005 : Lara Croft : Tomb Raider, le berceau de la vie[15], pour ses représentations peu flatteuses de société chinoise (n'a jamais reçu de permission de projection).
  • 2006 :
  • 2009 :
    • Avatar, censuré pour l'évocation de l'expropriation en masse de millions de chinois lors des campagnes d'urbanisation lancée par le gouvernement chinois à travers l'exode "Na'vis" . Le film représente également un concurrent sérieux pour les films de propagandes à la gloire du PCC.

La censure des œuvres littéraires[modifier | modifier le code]

Woeser, écrivaine et poétesse tibétaine, épouse de Wang Lixiong, un auteur chinois spécialiste du Tibet a vu, selon le Tibet Information Network (TIN), son livre "Notes sur le Tibet" interdit par le gouvernement chinois en septembre 2003[16]. Selon Radio Free Asia, le , ses deux blogs ont été fermés par ordre du gouvernement, apparemment en réponse aux billets dans lesquelles elle a exprimé ses souhaits lors de l'anniversaire du 14e Dalaï Lama[17]. Selon Reporters sans frontières, les deux blogs de Woeser ont été fermés à la demande des autorités chinoises alors qu’une vague de censure dénoncée par RSF frappait l’Internet chinois[18]. Woeser y publiait des essais sur la culture tibétaine, ainsi que des articles de Wang Lixiong dont le forum a aussi été fermé[réf. souhaitée].

La censure de la religion[modifier | modifier le code]

La censure d'Internet[modifier | modifier le code]

La Chine exerce un filtrage des sites web indésirables à l'aide d'un immense pare-feu surnommé le grand pare-feu de la Chine, auquel Fang Binxing a participé, par lequel toutes les connexions Internet passent. Le gouvernement chinois se sert de ce pare-feu pour bloquer des sites à contenu politique (manifestations pro-démocratie de la place Tiananmen en 1989, l'indépendance des Tibétains et sur le 14e dalaï-lama, l'indépendance des Ouïghours, l'indépendance de Taïwan), des sites associatifs ou des blogues, mais aussi des sites pornographiques ou les sites à caractère subversif.

Le 15 décembre 2009, le gouvernement chinois a bloqué de nombreux forums sans prévenir, sous prétexte d’éradiquer des pollutions pornographiques, et oblige une nouvelle autorisation[19]. Comme annonce d’un forum bloqué : « pour une coopération avec la politique d’éradication des pollutions pornographiques ramenée par le gouvernement, notre forum est actuellement fermé[20] ». Une annonce d’un autre site : « notre site cesse de servir, nous sommes en train de chercher désespérément une nouvelle autorisation pour un nouveau système, notre équipe magnifie toujours le parti communiste chinois, et le respecte toujours[21] ». La stratégie en matière de censure d'Internet semble avoir changé pour prendre en compte dans sa propagande les réseaux sociaux[22] à l'exemple de la censure massive de Weibo lors de l'amendement constitutionnel ou de l'affaire Liang Xiangyi[23].

La censure de la musique[modifier | modifier le code]

L'album Chinese Democracy du groupe Guns N' Roses est interdit en république populaire de Chine, selon certaines sources, en raison de la critique présumée dans sa chanson Chinese Democracy concernant le gouvernement de la république populaire de Chine et d'une référence au Falun Gong[24]. Le gouvernement communiste a déclaré par l'intermédiaire d'un journal contrôlé par l'État que l'album rock « fait partie d'un stratagème de l’Occident pour dominer le monde en utilisant la démocratie comme subterfuge »[25],[26].

Un musicien tibétain a été arrêté fin 2009, et son album intitulé Torture without Trace est interdit[27]. En décembre 2009, cinq moines ont été arrêtés pour avoir distribué une vidéo jugée subversive exprimant une loyauté envers le dalaï-lama et un sentiment d’impuissance après la mort de Tibétains après les manifestations à une large échelle au Tibet[28].

La censure d'œuvres d’art[modifier | modifier le code]

Des œuvres d’artistes ayant notamment traits à Mao Zedong sont parfois censurés par les autorités chinoises, comme en mai 2008, quand une toile du peintre Huang Yan ne reçut pas l'autorisation d'être exportée en France[29], ou en septembre 2008 à la Foire d'art contemporain de Shanghai[30].

Une œuvre de l'artiste chinois Zhang Hongtu résidant à New York et intitulé Bird's Nest, in the Style of Cubist représentant le stade national de Pékin aussi appelé le « Nid d'oiseau » et destiné à une exposition à l'ambassade d'Allemagne en Chine pour les Jeux olympiques de Pékin en 2008 fut saisi par la douane chinoise en juillet 2008. Sur sa toile, le peintre avait figuré en caractères chinois « flamme olympique sacrée », « un monde, un rêve » (le slogan olympique), « famille, joie, bonheur », le chiffre arabe 8 de façon répété, et les mots en anglais de « Tibet » et « Human Right », l'expression a été qualifiée d'« inacceptable », la représentation du stade « pas assez bonne » et la couleur « trop sombre et atténuée » par les agents des douanes[31].

La censure de la radio et de la télévision[modifier | modifier le code]

Selon l'écrivaine chinoise Tsering Woeser la mise en place du projet « Tibet-Xinjiang » a notamment pour objectif de déployer des émetteurs de forte puissance permettant de créer « un rideau de fer infranchissable par les ondes ». Ainsi ce dispositif ne permet pas aux Tibétains de recevoir des « émissions de radio et de télévision » diffusées par des organisations internationales dont Radio Free Asia et Voice of America[32].

Censure diverse[modifier | modifier le code]

Le personnage de fiction Winnie l'ourson est censuré en Chine, notamment sur les réseaux sociaux, car il était utilisé pour moquer le président Xi Jinping[33],[34].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. « Made in China 2025 » est le nom donné au vaste programme, assorti de subventions, qui vise à faire de la Chine un poids lourd des hautes technologies, dans plusieurs secteurs comme la voiture électrique, les robots industriels et l’intelligence artificielle ; ce plan concentrant les critiques américaines.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « 主旋律升级:“五不搞”后迎来“七不讲”? », Deutsche Welle
  2. Le « Document n°9 » ou le pense-bête d’un régime chinois assiégé par l’Occident Le Monde, 12 décembre 2014
  3. Harold Thibault, « Sept années de prison pour la journaliste chinoise Gao Yu » », Le Monde, 17 avril 2015. « Les magistrats l’ont cette fois-ci jugée coupable d’avoir transmis à un groupe de médias dissident installé aux États-Unis, Mingjing, qui gère une maison d’édition et un site web, une directive émise en 2013 par les dirigeants du PCC et mettant en garde ses hauts cadres contre la démocratie constitutionnelle, les valeurs universelles, la société civile, l’historiographie faisant état des erreurs du parti unique ou encore la liberté de la presse. Le fondateur de Mingjing, Ho Pin, a nié auprès de l’agence Reuters avoir reçu de Mme Gao ce texte, baptisé « document 9 ». »
  4. (en-US) Chris Buckley, « China Takes Aim at Western Ideas », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  5. Philippe Grangereau, Gao Yu, la mémoire broyée de Tiananmen Libération, 8 mai 2014, « Nous ne devons jamais permettre la dissémination d’opinions qui s’opposent aux théories du Parti ou à sa ligne politique, ni la publication de points de vue contraires à ceux des dirigeants »
  6. China Warns Officials Against ‘Dangerous’ Western Values New York Times, 13 mai 2013
  7. (en) « Document 9: A ChinaFile Translation How Much Is a Hardline Party Directive Shaping China’s Current Political Climate? », 11 août 2013.
  8. Jean-Michel Quatrepoint, Les sept périls Le choc des empires. États-Unis, Chine, Allemagne : qui dominera l’économie-monde, 2014
  9. « La Chine va créer une liste notre de journalistes », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  10. Matthieu Mégevand, « Graves troubles au Tibet : actes de désespoir ou de résistance? », sur lemondedesreligions.fr, Le Monde des religions, (consulté le ).
  11. « Censure et médias : en Chine, l’art de parler de la guerre commerciale », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  12. a b c et d Alexandre Muhrn, « Batman ne franchira pas la Grande Muraille » sur Les inrockuptibles, le 31 décembre 2008.
  13. « Lan Yu, histoire d’hommes à Pékin », sur Mon choix.net, le 11 mars 2002.
  14. Liu Xiaobo, « CHINE: LES ZONES GRISES DE LA LIBERTE » sur Politique internationale (revue), été 2002.
  15. Sabine Mohler, « Tomb Raider 2 censuré en Chine » sur Cineman.ch le 3 septembre 2003.
  16. TAR Authorities Ban Book by Tibetan Author (TIN)
  17. Banned, Blocked Tibetan Writer Vows to Speak Out in China Radio Free Asia
  18. Disparition des deux blogs [sic d’une poétesse tibétaine]
  19. 论坛专项备案
  20. [1]
  21. 网站无限期关闭中,尝试论坛专项备案。我们小站长紧紧围绕在党的周围,热爱它,赞美它,歌颂它。
  22. François Bougon, « En Chine, le nouvel art de la censure », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  23. « Une journaliste chinoise roule des yeux, la censure panique », FIGARO,‎ (lire en ligne, consulté le )
  24. (zh) « 內地封殺 GN'R 唱片 », Apple Daily,‎ (consulté le )
  25. (en) « 'Venomous' Guns N' Roses album slammed in China », CNN.com,‎ (lire en ligne)
  26. « Chinese Democracy : le régime chinois craint Guns N Roses ! »
  27. http://www.phayul.com/news/article.aspx?id=26130&article=Tibetan+singer+arrested+over+'subversive'+CD%3A+Report Tibetan singer arrested over 'subversive' CD: Report
  28. 5 Tibetan monks arrested over "subversive" music video
  29. Mao dans la toile des censeurs
  30. Shanghai : ouverture en censure
  31. Bird's Nest Painting Banned, Human Rights in China
  32. Tsering Woeser, Le projet Tibet-Xinjiang : « Écrasez la voix de l’ennemi », juin 2012
  33. Marie Ingouf, « Pourquoi la Chine a décidé de censurer Winnie l'ourson ? - Les Inrocks », sur lesinrocks.com, (consulté le )
  34. « Pourquoi Winnie l'Ourson est censuré sur les réseaux sociaux en Chine », sur leparisien.fr, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Lien externe[modifier | modifier le code]