Burjites — Wikipédia

Mausolée du sultan An-Nâsir Faraj ben Barquq (1411) au Caire

Les sultans mamelouks burjites, burdjites ou bourjites[1] forment la deuxième dynastie de Mamelouks ayant régné en Égypte de 1382 à 1517. On les désigne parfois sous le nom de Mamelouks de la tour[2] parce qu’ils avaient choisi comme résidence une citadelle à l’est du Caire. On les appelle aussi Mamelouks circassiens[3] ou Mamelouks tcherkesses[4] à cause de leurs origines : ce sont des esclaves pris en Circassie, une région du Caucase où vivaient les Tcherkesses. Ils succèdent aux mamelouks bahrites, également connus comme Mamelouks du fleuve parce que leur campement était sur une île du Nil.

Cette dynastie fut très instable, comme en témoignent les règnes extrêmement courts. Les rivalités de pouvoir étaient très importantes dans la désignation du sultan. Ils eurent à se battre contre Tamerlan et ont conquis l’île de Chypre. Leurs querelles continuelles ont certainement facilité leur renversement par les Ottomans.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le Caire. Dans la mosquée du sultan Al-Achraf Sayf ad-Dîn Qaitbay (1474)

Naissance de la dynastie[modifier | modifier le code]

Depuis 1250, l’Égypte est gouvernée par des mamelouks d’origine turque de la dynastie dite bahrite. En 1377, une révolte se déclenche en Syrie et atteint l’Égypte. Le pouvoir est pris par le circassien (Tcherkesse) Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barquq qui est proclamé sultan en 1382. Le dernier membre de la dynastie bahrite As-Sâlih Zayn ad-Dîn Hajji reprend le pouvoir en 1389, mais Barquq le reprend de manière permanente en 1390, créant ainsi la nouvelle dynastie burdjite.

Le règne des Burjites a connu de graves crises, notamment sur le plan monétaire. En effet, le début du XVe siècle connaît une crise de la monnaie sans précédent, en partie due à la raréfaction des métaux précieux et à la circulation massive des monnaies de cuivre. Ahmad al-Maqrîzî et Muhammad ibn Muhammad ibn Khalil al-Asadi proposeront, chacun à leur manière, des solutions pour répondre à cette problématique[5].

Les corsaires chypriotes n'hésitent pas à exercer leur activité notamment en Syrie. En 1425, le sultan mamelouk Al-Achraf Sayf ad-Dîn Barsbay envoie en représailles une escadre pour piller Limassol. L'année suivante, c'est une armée qui débarque et écrase l'armée chypriote à Chirokitia (Χοιροκοιτία) le . Le roi Janus de Chypre est capturé et emmené au Caire mais il est libéré après avoir reconnu la suzeraineté du sultan. Le royaume de Chypre devait verser un tribut aux Mamelouks. Barsbay a aussi fait de fréquents raids en Asie mineure. Il est mort en 1438.

Les relations avec les Ottomans[modifier | modifier le code]

Inal prend le pouvoir en 1453. Il a de bonnes relations avec les Ottomans qui ont pris peu après possession de Constantinople (). Cette conquête provoqua même une grande joie en Égypte.

Cependant c’est sous le règne de Khuchqadam (1460-1467) que débute la lutte entre l’Égypte mamelouke et les ottomans. En 1464, Khuchqadam et le sultan ottoman Mehmed II sont en désaccord sur le choix du bey de la principauté de Karaman. Deux frères s'opposent : l'un, Ishak, avait obtenu le soutien d'Ouzoun Hassan sultan des Ak Koyunlu (clan des « Moutons Blancs »), l'autre, Pir Ahmed reçoit le soutien de Mehmed II. Mais Pir Ahmed commet l'erreur de chercher un arrangement avec les Vénitiens ; Mehmed considère que c'était une trahison et part en campagne et conquiert Konya et Karaman.

En 1467, Qait Bay provoque la colère de Bayézid II, car son frère est empoisonné pendant une entrevue avec Qait Bay. Bayézid II s’empare d’Adana, de Tarse et d’autres places fortes du sultanat mamelouk. Qait Bay en sort néanmoins vainqueur.

Qait Bay menaçait de maltraiter les chrétiens en Orient afin de soutenir les musulmans exécutés en Andalousie.

Fin de la dynastie[modifier | modifier le code]

La guerre contre le sultan ottoman Sélim Ier Yavuz a commencé en 1515 et se termine par l’incorporation de l’Égypte et de ses dépendances dans l’empire ottoman.

Al-Achraf Qânsûh Al-Ghûrî est attaqué par Sélim Ier pour avoir laissé le passage à travers la Syrie aux ambassadeurs du Safavide d'Ismaïl Ier en route vers Venise pour organiser une coalition anti-ottomane. La bataille de Marj Dabiq () entre Selim et Qansûh al-Ghûrî accompagné du calife abbasside Al-Mutawakkil III, se solde par une défaite pour les Mamelouks et par la mort de Qansûh al-Ghûrî. Les charges de la cavalerie mameloukes étaient impuissantes devant l’artillerie turque et les janissaires. Le calife abbasside Al-Mutawakkil III est fait prisonnier. Sélim entre dans Alep le . Le jour suivant les prières sont dites en son nom. Sélim s’empare de la Syrie et du Liban. Cette conquête est saluée comme une délivrance du joug mamelouk. Sélim traverse le désert du Sinaï en treize jours. Il bat les Mamelouks une nouvelle fois aux environs du Caire le . Le dernier sultan mamelouk Al-Achraf Tuman Bay est exécuté le .

Liste des sultans burjites[modifier | modifier le code]

Dates   Lien Arabe[6] Turc  
1382 1389 Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barquq   الظاهر سيف الدين برقوق Barkuk  
1389 As-Sâlih Zayn ad-Dîn Hajji fils d'Al-Achraf Zayn ad-Dîn Chabân الصالح زين الدين حاجى Hacci Second règne, dernier sultan de la dynastie Bahrite
1389 1399 Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Barquq       Second règne
1399 1405 An-Nâsir Faraj fils de Barquq الناصر فرج بن برقوق Farac  
1405 Al-Mansûr Abd al-Azîz fils de Barquq المنصور عبد العزيز بن برقوق Abdülaziz  
1405 1412 An-Nâsir Faraj       Second règne
1412 Al-Musta`in fils du calife Al-Mutawakkil Ier المستعين باللّه أبو الفضل العباسي Müsteyn Calife abbasside mis brièvement sur le trône
1412 1421 Al-Muayyad Chaykh al-Muhammudi mamelouk de Barquq المؤيد أبو النصر شيخ المحمودي Muavyed Şeyh  
1421 Al-Muzaffar Ahmad fils de Chaykh al-Muhammudi المظفر أحمد بن الشيخ Ahmed  
1421 Az-Zâhir Sayf ad-Dîn Tatar mamelouk de Barquq الظاهر سيف الدين ططر Tatar  
1421 1422 Al-Sâlih Nâsir ad-Dîn Muhammad fils de Tatar الصالح ناصر الدين محمد بن ططر Muhammed renversé par son précepteur Barsbay
1422 1438 Barsbay mamelouk de Barquq الأشرف سيف الدين برسبا Barsbay  
1438 Al-Azîz Jamal ad-Dîn Yusuf fils de Barsbay العزيز جمال الدين يوسف Yusuf  
1438 1453 Jaqmaq mamelouk de Barquq, atabeg de Barsbay الظاهر سيف الدين حقمق Çakmak  
1453 Al-Mansûr Fakhr ad-Dîn `Uthman fils de Jaqmaq المنصور فخر الدين عثمان بن جقمق Osman  
1453 1460 Inal mamelouk de Barquq الأشرف سيف الدين إينال العلائي İnal  
1460 Al-Muyyad Chihab ad-Dîn Ahmad fils d'Inal المؤيد شهاب الدين أحمد بن إينال Ahmed  
1460 1467 Khuchqadam mamelouk de Chaykh al-Muhammudi الظاهر سيف الدين خشقدم Kuşkadam/Hoşkadem  
1467 1468 Bilbay   الظاهر سيف الدين بلباي المؤيدي Bilbay/Yalbay  
1468 Timurbugha   الظاهر تمر بغا الرومي Timurbuga  
1468 1496 Qait Bay mamelouk de Jaqmaq الأشرف سيف الدين قايت باي Kayıtbay  
1496 1498 An-Nâsir Muhammad fils de Qait Bay الناصر محمد بن قايت باي Muhammed[7]  
1498 1500 Az-Zâhir Qânsûh mamelouk de Qait Bay الظاهر قانصوه Zahir Kansu  
1500 1501 Al-Achraf Janbalat   الأشرف جنبلاط Eşref Canbulat  
1501 Al-Adil Tuman Bay   العادل طومان باي Adil Tumanbay  
1501 1516 Qânsûh Al-Ghûrî mamelouk de Qait Bay الأشرف قانصوه الغوري Kansu Gavri Mort à la bataille de Marj Dabiq contre le sultan ottoman Sélim Ier
1516 1517 Al-Achraf Tuman Bay   الأشرف طومان باي Eşref Tumanbay Exécuté par le sultan ottoman Sélim Ier Yavuz

Quelques clés pour comprendre ces noms :

  • az-Ẓāhir (الظاهر) l'évident(e), on trouve aussi les translittérations al-Zâhir, adh-Dhâhir, al-Dhâhir.
  • Sayf (سيف ) épée, glaive.
  • ad-Dīn (الدين) la religion.
  • al-Manṣūr (المنصور) le victorieux.
  • an-Nāṣir (الناصر) le défenseur.
  • al-ʾAšraf (الأشرف) le noble, on trouve aussi al-Ashraf / al-Achraf.
  • as-Ṣāliḥ (الصالح) l’arbitre, le conciliateur.
  • al-Muẓaffar (المظفر) le vainqueur, on trouve aussi al-Mudhaffar.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Mamelouks burjites, en arabe : mamālīk al-burjīūn, المماليك البرجيون, les mamelouks de la tour/de la citadelle.
  2. En arabe : burj, برج, citadelle, tour, bastion
  3. Circassien en arabe : al-jākasa, الجراكسة
  4. Tcherkesses en arabe : aš-šarkas, الشركس, tcherkesse, circassien
  5. (en) Islahi, Abdul Azim, « Economic and Financial Crises in Fifteenth-Century Egypt: Lessons from the History », MRPA,‎ (lire en ligne)
  6. D'après (ar) « المماليك البرجيون/الجراكسة/الشركس »
  7. La chronologie donnée par (ar) المماليك البرجيون/الجراكسة/الشركس laisse supposer une interruption du règne en 1497 avec prise de pouvoir temporaire d'Az-Zâhir Qânsûh

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Janine & Dominique Sourdel, Dictionnaire historique de l'islam, PUF, coll. « Quadrige », , 1028 p. (ISBN 978-2-13-054536-1), « Mamelouks Syro-Égyptiens & « Mamlûk pl. mamâlîk », p. 529 », p. 526-529.
  • André Clot, L'Égypte des Mamelouks 1250-1517. L'empire des esclaves, Paris, Perrin, , 474 p. (ISBN 978-2-262-03045-2).
  • (en) Clifford Edmund Bosworth, The new Islamic dynasties: a chronological and genealogical manual, Edinburgh University Press, 389 p. (ISBN 978-0-7486-2137-8, lire en ligne), « The Burjī line 784-922/1382-1517 », p. 77.
  • Clément Onimus, Les maîtres du jeu. Pouvoir et violence politique à l’aube du sultanat mamlouk circassien (784-815/1382-1412), Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. « Bibliothèque historique des pays d’Islam », .