Brunehaut (reine) — Wikipédia

Brunehaut ou Brunehilde
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Mort de Brunehaut, Royal 18 D VII folio 203 verso, Londres, British Library, XVe siècle.

Titre

Reine des Francs

Biographie
Dynastie Mérovingiens
Naissance Vers 547
Espagne wisigothique
Décès
Renève
Sépulture Abbaye Saint-Martin d'Autun
Père Athanagild
Mère Goswinthe
Conjoint Sigebert Ier
Mérovée
Enfants Ingonde
Clodoswinthe
Childebert II
Religion arianisme puis christianisme nicéen

Brunehaut ou Brunehilde[n 1] (en latin Brunichildis[3]), née vers 547 en Espagne wisigothique et morte exécutée en 613 à Renève (actuelle Côte-d'Or), est une princesse wisigothe devenue reine des Francs.

Elle règne sur au moins un royaume mérovingien (Austrasie ou Burgondie) pendant trente-trois ans. Elle est aussi célèbre pour sa rivalité meurtrière avec une autre reine franque, Frédégonde, à l'origine de nombreux assassinats intra-familiaux.

Contexte historique : les territoires francs au VIe siècle[modifier | modifier le code]

Le royaume des Francs après le partage de 561.

Le VIe siècle en Gaule franque est marqué par les partages qui ont lieu à la mort de Clovis (511) et à la mort de Clotaire Ier, fils de Clovis (561).

En 511, quatre royaumes sont créés avec pour capitales : Reims, Soissons, Paris et Orléans, et Toulouse.

En 561, Clotaire, le seul survivant, qui a récupéré l'ensemble des royaumes, décède. Ses quatre fils effectuent un partage analogue du royaume franc : Sigebert à Reims, Chilpéric à Soissons, Caribert à Paris, Gontran à Orléans, ce dernier royaume incluant maintenant le territoire burgonde (Burgundia, Burgondie, Bourgogne) conquis entretemps. Ils se répartissent de nouveau l'Aquitaine séparément.

Très vite, Sigebert déplace sa capitale de Reims à Metz ; Gontran déplace la sienne d'Orléans à Chalon.

À la mort de Caribert en 567, sa part est partagée entre les trois survivants : en particulier, Sigebert (Metz) reçoit Paris et Chilpéric (Soissons) Rouen.

Vers la fin du VIe siècle, apparaissent les deux nouvelles dénominations d'Austrasie pour le royaume de Metz et de Neustrie pour le royaume de Soissons et ses dépendances.

Biographie[modifier | modifier le code]

Brunehaut est la fille d’Athanagilde Ier, roi des Wisigoths, et de Goswinthe[4]. Étant princesse wisigothe, elle a été élevée dans la religion arienne.

Sa longévité lui a permis de jouer un rôle important durant les règnes de son époux, de son fils et de ses petits-fils ; c'est sous le règne de son arrière-petit-fils qu'elle est livrée à un roi ennemi et mise à mort.

Mariage avec le roi des Francs Sigebert[modifier | modifier le code]

Mariage de Sigebert Ier et Brunehaut.
Grandes chroniques de France. Manuscrit du XVe siècle, Bibliothèque nationale de France, Paris.

Au printemps 566, ayant abjuré l'arianisme, elle épouse à Metz Sigebert Ier, roi de Metz. Ce mariage est négocié par Gogon[5].

Le mariage de Brunehaut est évoqué dans le livre de Grégoire de Tours et dans un poème de Fortunat. La princesse est alors présentée sous un jour favorable.

De ce mariage, naissent :

Règne de son époux Sigebert[modifier | modifier le code]

Un peu après son mariage[7], sa sœur aînée Galswinthe épouse Chilpéric[8], dont une concubine, Frédégonde, aspire fortement à devenir reine[9].

Le meurtre de Galswinthe vers 570, suivi par le remariage de Chilpéric avec Frédégonde, déclenche une longue guerre entre l’Austrasie et la Neustrie, au nom de la faide germanique. Avec l'appui de Gontran, Brunehaut obtient à titre de compensation (wergeld) la cession à elle-même du douaire[10] de Galswinthe, consistant en plusieurs cités d'Aquitaine.

Mais Chilpéric ne tient pas son engagement et se lance au contraire dans une guerre contre Sigebert.

En 575, celui-ci réplique en lançant à partir de Paris deux attaques, d'une part vers Rouen, d'autre part vers la Picardie. Chilpéric s'enferme dans Tournai, tandis que Sigebert obtient le ralliement d'une partie de son armée à Vitry, près d'Arras : il est alors « hissé sur le pavois » (reconnu comme roi). Mais il est assassiné[11] juste après par deux envoyés de Chilpéric.

Chilpéric s'empare alors de Paris où Brunehaut est faite prisonnière et emmenée à Rouen[11] ; en revanche, leur fils Childebert est emmené à temps par un fidèle, Gondovald ; la noblesse du royaume de Sigebert le proclame ensuite roi à Metz et il reçoit l'appui de Gontran, qui devient son tuteur.

En 576, Brunehaut épouse le fils de Chilpéric, Mérovée. Chilpéric réagit à cet acte de rébellion en faisant tonsurer Mérovée qui est ensuite assassiné (577)[11]. Mais cet épisode permet à Brunehaut d'échapper à Chilpéric.

Règne de son fils Childebert[modifier | modifier le code]

Brunehaut rejoint son fils à Metz. Elle se heurte alors à une forte opposition des grands du royaume, dont les principaux Aegidius, évêque de Reims et le duc Gontran Boson[12]. Grégoire de Tours rapporte un épisode au cours duquel Brunehaut aurait été directement menacée par un proche d'Aegidius, Ursion : « Éloigne-toi de nous, femme… Maintenant, c'est ton fils qui règne… Éloigne-toi, pour que les sabots de nos chevaux ne t'écrasent pas sur leur passage. »[13]

En 584, Chilpéric Ier est assassiné, laissant un fils âgé de seulement quatre mois, Clotaire.

En 585, la majorité de Childebert est proclamée, ce qui permet à Brunehaut de retrouver une meilleure position. Un rapprochement avec Gontran a lieu en 587, avec le traité d'Andelot[14],[15] : au cas où un des deux rois mourrait sans fils, l'autre hériterait de son royaume (les droits éventuels de Clotaire, fils de Chilpéric, étant donc laissés de côté).

À la mort de Gontran en 592, Childebert hérite comme prévu de la couronne de Burgondie et sa mère Brunehaut règne de fait sur l’Austrasie et sur la Burgondie, mais doit faire face aux attaques de Frédégonde, régente de Neustrie pour le compte de son fils Clotaire II âgé de 8 ans.

En 595, Brunehaut réorganise les institutions du royaume des Francs de son mari mort. Elle rédige la décrétion de Childebert qui sera énoncée par son fils Childebert en 595 et apportera au royaume franc une organisation étatique et royale qui modifiera en profondeur les institutions médiévales.

Childebert meurt en 596, très probablement empoisonné, peut-être à l’instigation de Frédégonde, laissant deux fils Thibert (ou Théodebert) en Austrasie et Thierry (ou Théodoric) en Burgondie.

Règnes de ses petits-fils Thibert II et Thierry II[modifier | modifier le code]

Thibert reçoit l'Austrasie et Thierry la Burgondie. Brunehaut est chargée de la régence[11]. Elle reste d'abord auprès de Thibert à Metz.

Frédégonde lance une offensive, mais elle meurt en 597, ce qui suspend provisoirement les hostilités, Clotaire II n'ayant que 13 ans.

En 596, Brunehaut arrête une attaque avare en payant un tribut[16].

Mais elle est en butte à l’opposition de l’aristocratie qui finit par la rejeter, à l'occasion de la mort du duc Wintrio[réf. nécessaire], qui avait conspiré contre elle et qu’elle avait fait mettre à mort.

Régence de Burgondie à partir de 601[modifier | modifier le code]

En 601[17], Brunehaut se réfugie auprès de Thierry II, roi de Burgondie.

En 603, elle nomme maire du palais Protadius (ou Protade), un fidèle, qui seconde sa volonté de renforcement du pouvoir royal, en particulier à travers l'impôt. Protadius est tué par des grands en 605.

Conflit entre Thibert et Thierry (610-612)[modifier | modifier le code]

L'objet du conflit est l'Alsace, attribuée à Thierry à la mort de Childebert. Thibert élève des revendications et passe à l'offensive en 610.

Après plusieurs péripéties, Thibert est fait prisonnier, puis il est assassiné à Chalon-sur-Saône en 612.

Thierry II, devenu roi d'Austrasie, meurt à Metz en 613 à 26 ans, peut-être empoisonné, mais plus probablement de mort naturelle.

Il laisse quatre fils, mais Brunehaut soutient l'avènement sous sa régence d'un seul d'entre eux, Sigebert II, âgé de 12 ans.

Règne et mort de son arrière-petit-fils, Sigebert II[modifier | modifier le code]

Mise à mort de Brunehaut.
Enluminure des Grandes Chroniques de France de Charles V, vers 1375-1380.
Paris, BnF, département des manuscrits, ms. Français 2813, fo 60 vo.

Une partie de la noblesse d’Austrasie, menée par le maire du palais Warnachaire qui déteste Brunehaut, se révolte et décide de soutenir le roi de Neustrie Clotaire II. Abandonnée par ses armées, Brunehaut s’enfuit dans le Jura suisse. Rejointe par le connétable de l’armée de Neustrie, Herpon, elle est arrêtée et livrée à Clotaire.

Celui-ci fait exécuter deux des quatre arrière-petits-fils de Brunehaut (Sigebert II et Chramn). Le troisième, Childebert, s'enfuit et le dernier, Mérovée (probablement filleul du roi Clotaire II, peut-être une des raisons pour lesquelles il a été épargné), est envoyé en exil en Neustrie auprès du duc Ingobad[18]. Jonas de Bobbio, dans sa Vita sancti Columbani, donne cinq frères à Sigebert et les fait tous exécuter sous les ordres de Clotaire II[19].

Mort de Brunehaut[modifier | modifier le code]

Clotaire fait supplicier Brunehaut durant trois jours en la livrant aux exactions de son armée, à Renève. Finalement, elle est attachée par les cheveux, un bras et une jambe à la queue d’un cheval indompté[11]. Son corps brisé est ensuite brûlé. Ses restes sont apportés et enterrés à l’abbaye Saint-Martin d'Autun qu’elle avait fondée (fin de l’année 613)[20]. L'abbaye aujourd'hui détruite, les fragments du sarcophage sont conservés au musée Rolin à Autun.

Il s'agissait autant d'une exécution que d'une mise à l'épreuve de la nature royale de Brunehaut : celle-ci, étant reine, avait commandement au nom de Dieu sur la nature et les animaux ; que le cheval n'en tînt pas compte devait prouver à tous que Dieu avait retiré son soutien à la reine, et que le royaume revenait bien à Clotaire.

Cette mort violente assura, cependant, sa postérité. Comme l'écrivit l'historien Bruno Dumézil :

« Le long massacre de Brunehaut, au lieu d'abolir sa mémoire, préserva son souvenir et laissa place à la constitution d'une légende[21]. »

Historiographie[modifier | modifier le code]

Brunehaut / Brunehilde[modifier | modifier le code]

Une majorité d'historiens francophones utilise la graphie Haut. La totalité des historiens non-francophones et une minorité d'essayistes francophones utilisent la graphie Hild.

Elle est nommée Brunehaut à partir du XIIIe siècle par les historiens francophones[22]. Certains auteurs francophones contemporains comme Roger-Xavier Lantéri et Anne Bernet préfèrent la forme Brunehilde, voire Brunehild pour Barbey d'Aurevilly dans sa nouvelle La vengeance d'une femme. Cependant, les historiens francophones comme Bruno Dumézil conservent la forme traditionnelle pour la distinguer du personnage mythologique, la valkyrie Brunehilde.

Sources[modifier | modifier le code]

Les sources concernant Brunehilde sont les suivantes[23] :

Les trois dernières sources sont nettement hostiles a priori à Brunehaut.

Une personnalité maltraitée par l’historiographie traditionnelle[modifier | modifier le code]

Miniature médiévale (XIVe siècle) représentant l'exécution de Brunehaut.

Dans un monde où s’imposait la coutume des Francs, Brunehaut a constamment cherché à préserver les restes d’une conception romaine de l’État et de la justice. Elle est l'inspiratrice de la décrétion de Childebert, qui réforme la loi salique et organise l'administration du royaume des Francs sur le plan judiciaire et sécuritaire. Abhorrée par certains chroniqueurs, elle est décrite comme très autoritaire, énergique, altière, souvent rusée, belliqueuse, manipulatrice et marquée par la tradition germanique de la faide qui déchira les Mérovingiens sous son « règne ». Brunehaut, comme sa rivale Frédégonde, est restée dans l’Histoire comme une assez « mauvaise » figure.

Elle était pourtant très cultivée, fait plutôt rare pour l’époque même parmi les rois et la noblesse, et avait une très haute conscience de sa qualité de reine, fille de roi. Elle eut des partisans parmi la noblesse franque austrasienne et bourguignonne. Trois fois régente des royaumes d’Austrasie et de Burgondie, d’abord pour son fils Childebert, puis pour ses petits-fils Thibert et Thierry et enfin pour son arrière-petit-fils Sigebert, elle s’est efforcée de conserver l’autorité royale sur une aristocratie souvent rebelle et prompte à la confisquer. Elle s’est vu reprocher par le « pape de Rome », de laisser les juifs et les chrétiens de son royaume fêter les jours de Pâque ensemble dans les mêmes lieux de culte… Elle répondit que les problèmes religieux étaient de la responsabilité des « papes » (les évêques), et non de la sienne.

Ouverture de sa sépulture en 1632[modifier | modifier le code]

Le , son tombeau à l'abbaye Saint-Martin d'Autun est ouvert, le jour de la Saint-Louis à quatre heures de l'après-midi, afin de savoir s'il contenait réellement ses restes.

On y trouve un coffret de plomb, dans lequel reposaient ses restes, consistant en cendres, poudres et ossements, ainsi qu'une molette d'éperon et quelques morceaux de charbon. Le coffret est remis dans le sépulcre[24].

Postérité[modifier | modifier le code]

Supplice de Brunehaut 1865 - Jean-Baptiste Cariven [1].

Chaussées Brunehaut[modifier | modifier le code]

Selon la légende, Brunehaut se serait attachée à entretenir les voies de communication terrestres[11], ainsi les nombreuses voies romaines qu’elle restaura portent encore le nom de chaussée Brunehaut en souvenir de la reine d'Austrasie du VIe siècle ce qui pose question car, la plupart de ces chaussées Brunehaut sont situées sur le territoire de l'ancienne Neustrie (France du nord, Belgique, Luxembourg) sur laquelle Brunehaut n'a jamais régné... Comme Mélusine, elle reste dans le légendaire des « bâtisseuses ».

Romans historiques et bandes dessinées[modifier | modifier le code]

Pièces de théâtre et opéra[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Stéphane Lebecq utilise le nom de Brunehaut, mais signale, sans plus de commentaires : « Il faudrait dire Brunehilde[1] ». Patrick Périn et Gaston Duchet-Suchaux parlent de « Brunehild ou en français, Brunehaut[2]. »

Références[modifier | modifier le code]

  1. Lebecq 1990, p. 110.
  2. Duchet-Suchaux et Périn 2002, p. 104.
  3. Grégoire de Tours, Historiarum, livre IV, 38, 51 (texte latin). ; ce nom d'origine germanique signifie déesse cuirassée, cf. page Brunehilde. Rappelons qu'à l'époque mérovingienne, les noms des gens sont connus à travers leur transcription en latin.
  4. Christian Bouyer, Dictionnaire des Reines de France, Librairie Académique Perrin, 1992 (ISBN 2-262-00789-6), page 60.
  5. Lebecq 1990, p. 108-111.
  6. Lucas Tudensis, Liber II, p. 51.
  7. Le mariage de Galswinthe semble postérieur à celui de Brunehaut. Cf. Lebecq 1990, p. 110.
  8. Bouyer, 1992, pages 60 et 76.
  9. Lebecq 1990, p. 111-112.
  10. Ce que les Germains appellent Morgengabe : don de l'époux à l'épouse au lendemain de la nuit de noces.
  11. a b c d e et f Bouyer, 1992, page 61.
  12. Lebecq 1990, p. 113-114.
  13. Cité par Deflou-Leca et Dubreucq 2003, p. 407.
  14. Texte intégral : [lire en ligne] (Histoire des Francs, livre IX, chapitre 20).
  15. Andelot se trouve dans l'actuelle Haute-Marne.
  16. Deflou-Leca et Dubreucq 2003, p. 486 (chronologie).
  17. Date à vérifier.
  18. « Pseudo-Frédégaire, Chronique », sur remacle.org (consulté le ) : « Clotaire fit tuer Sigebert et Corbus, fils de Théodoric. Touché de compassion pour Mérovée, qu’il avait tenu sur les fonts de baptême, il le fit emmener secrètement en Neustrie, et le recommanda au comte Ingobad. Mérovée vécut plusieurs années dans ce pays. »
  19. Jonas de Bobbio (trad. Adalbert de Vogüé), Vie de saint Colomban et de ses disciples [« Vitae Columbani abbatis discipulorum eius libri II »], Bégrolles-en-Mauge, Éditions Monastiques Abbaye de Bellefontaine, , 281 p. (ISBN 2-85589-069-1), « 29 (58) », p. 165
    texte original : " Quem Chlotharius captum peremit fratresque eius quinque, Theuderici filios, cum proavia Brunichilde coepit. Pueros separatim peremit [...]"
  20. selon C. Bouyer, 1992, page 62, « la tradition veut que l'une des églises qu'elle avait fait construire à Autun ait recueilli ses restes ».
  21. Dumézil 2008, p. ?.
  22. Dumézil 2008, p. 9.
  23. Deflou-Leca et Dubreucq 2003, p. 406.
  24. Cartulaire de l'Abbaye Saint-Martin d'Autun, Charte N° CLXIII.
  25. Résumé et analyse dans François Lasserre, « Contacts de Corneille avec le théâtre anglais », Papers on French Seventeenth Century Literature, vol. 35, no 68,‎ (lire en ligne).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]